C'est toujours curieux, inattendu, presque une première. On a bu deux ou trois bières, avant de dîner. Puis, parce qu'on a, ce soir-là, précisément, des choses à se raconter, on reprend une bière... ou deux... Délier les langues et empâter les esprits...
Un moment, on se lève du fauteuil, pour aller chercher la troisième dans le frigo, si jamais elle y traîne encore. Dans un premier temps, étonné, on se dit qu'on est salement bourré, malgré le peu bu. Au bout de deux pas, on comprend. On n'est pas saoul du tout.
La fièvre. Arrivée sans prévenir, mais avec tous ses petits symptômes habituels, connus depuis l'enfance : les frissons, les yeux devenus trop volumineux pour leurs orbites, les gestes plus ou moins saccadés, la sensation d'avoir une peau, des cheveux, etc., et qu'ils s'apprêtent, tous, à se retourner contre vous ; l'envie d'un lit et l'image de sa mère.
Il y a quelque chose de vaguement voluptueux, dans la fièvre, à son stade naissant. La redescente dans les premiers âges, la douceur que l'on va avoir pour vous, les sourires inquiets penchés sur un lit transformé en berceau, la résurrection temporaire des grands-mères et le goût du lait chaud.
Comme on ne dépasse pas encore 39°5, et que l'on se croit adulte, on reprend une gorgée de bière ; mais elle ne tient plus la route face au lait sucré, ni au bouillon de poireaux du lendemain. On se surprend à attendre le docteur Rulier, on guette le bruit de sa DS toute neuve (parce qu'il commence à avoir une clientèle, n'est-ce pas). On l'a connu très jeune, le docteur Rulier, alors que les années soixante n'étaient encore qu'un projet, un avenir. On lui a même prévu le manche de la cuiller à soupe, avec lequel il va vous provoquer des haut-le-coeur afin d'examiner votre gorge. Vous détestez ça, vous êtes tout petit et tout fiévreux, il est grand, les cheveux en brosse et porte une veste de cuir. Il est plus de huit heures du soir, peut-être neuf, vous avez l'impression - parce que la fièvre vous a déjà fait somnoler de nombreuses fois, depuis que vos parents attendent dans la cuisine, sans même oser manger - que le docteur Rulier est capable de surgir au milieu de la nuit, tel un cauchemar, ou un rédempteur.
A-t-on peur de son surgissement ? Non, je ne crois pas. Il y a Mémé Denise, bien plus forte que le docteur Rulier ; capable, avec ses quarante kilos, de le dissoudre dans la nuit silencieuse et ancienne de la rue Saint-Éloi. Les parents, eux, pactisent plus ou moins avec le docteur Rulier. Mais Denise, non. Jamais. Même morte depuis longtemps, même face à des maladies qu'elle n'a pas connues, même au chevet d'un petit fiévreux qu'elle aura peine à identifier, tellement la vie l'aura rapproché de son âge, elle ne cèdera pas.
La preuve : le docteur Rulier a disparu de l'histoire, et Mémé Denise non. C'est ce qui rend presque aimable la fièvre surgissante.
Un moment, on se lève du fauteuil, pour aller chercher la troisième dans le frigo, si jamais elle y traîne encore. Dans un premier temps, étonné, on se dit qu'on est salement bourré, malgré le peu bu. Au bout de deux pas, on comprend. On n'est pas saoul du tout.
La fièvre. Arrivée sans prévenir, mais avec tous ses petits symptômes habituels, connus depuis l'enfance : les frissons, les yeux devenus trop volumineux pour leurs orbites, les gestes plus ou moins saccadés, la sensation d'avoir une peau, des cheveux, etc., et qu'ils s'apprêtent, tous, à se retourner contre vous ; l'envie d'un lit et l'image de sa mère.
Il y a quelque chose de vaguement voluptueux, dans la fièvre, à son stade naissant. La redescente dans les premiers âges, la douceur que l'on va avoir pour vous, les sourires inquiets penchés sur un lit transformé en berceau, la résurrection temporaire des grands-mères et le goût du lait chaud.
Comme on ne dépasse pas encore 39°5, et que l'on se croit adulte, on reprend une gorgée de bière ; mais elle ne tient plus la route face au lait sucré, ni au bouillon de poireaux du lendemain. On se surprend à attendre le docteur Rulier, on guette le bruit de sa DS toute neuve (parce qu'il commence à avoir une clientèle, n'est-ce pas). On l'a connu très jeune, le docteur Rulier, alors que les années soixante n'étaient encore qu'un projet, un avenir. On lui a même prévu le manche de la cuiller à soupe, avec lequel il va vous provoquer des haut-le-coeur afin d'examiner votre gorge. Vous détestez ça, vous êtes tout petit et tout fiévreux, il est grand, les cheveux en brosse et porte une veste de cuir. Il est plus de huit heures du soir, peut-être neuf, vous avez l'impression - parce que la fièvre vous a déjà fait somnoler de nombreuses fois, depuis que vos parents attendent dans la cuisine, sans même oser manger - que le docteur Rulier est capable de surgir au milieu de la nuit, tel un cauchemar, ou un rédempteur.
A-t-on peur de son surgissement ? Non, je ne crois pas. Il y a Mémé Denise, bien plus forte que le docteur Rulier ; capable, avec ses quarante kilos, de le dissoudre dans la nuit silencieuse et ancienne de la rue Saint-Éloi. Les parents, eux, pactisent plus ou moins avec le docteur Rulier. Mais Denise, non. Jamais. Même morte depuis longtemps, même face à des maladies qu'elle n'a pas connues, même au chevet d'un petit fiévreux qu'elle aura peine à identifier, tellement la vie l'aura rapproché de son âge, elle ne cèdera pas.
La preuve : le docteur Rulier a disparu de l'histoire, et Mémé Denise non. C'est ce qui rend presque aimable la fièvre surgissante.
Moi c'était le docteur Godbille, avec un nom comme cela on ne tremble pas ... le docteur qui a accouché ma mère et qui m'a déclaré s'appelait quant à lui le docteur Velu !
RépondreSupprimeriPidiblue petit poilu
Le brave docteur Mengele, un Allemand, avait le truc pour vous débarrasser d'une fièvre en trois coups de cuiller à pot.
RépondreSupprimerMais qui a de la fièvre ?
RépondreSupprimerDidier,
RépondreSupprimerUn peu de sérieux, que diable ! Voilà un billet à se tremper la bite dans l'eau de Javel sur lequel je ne trouve aucun commentaire idiot à faire.
Si vous êtes vraiment malade, je vous souhaite une agonie joviale.
Nicolas,
RépondreSupprimerAh bon ? Mais qu'as-tu commis, là ?
(Smiley, etc !)
Un bisou tendre sur votre frod brulant Didier! ;-)
RépondreSupprimer« Les malades atteints de fièvres sont plongés dans l'eau froide, puis contraints de courir pendant deux heures autour d'un feu (à droite) avant d'être couchés dans un hamac (à gauche). On pratique des saignées (au centre en haut). »
RépondreSupprimerCommentaire de la gravure n° 38 (« Le traitement des maladies dans le nord de l'Amérique du Sud ») du Livre des Antipodes, de Johann Ludwig Gottfried, 1630.
(Pas trouvé la gravure en question sur le ouèbe, sinon je vous l'aurais mise en lien, et vous auriez vu comme ça fait peur... ; z'avez donc intérêt à vous rétablir au plus vite)
c ptêtre psykosomatik ?
RépondreSupprimerChouette, je vais pouvoir faire de la soupe ! J'adore la soupe. Et des bisous sur le front de la part de Mademoiselle Ciguë ! Ça devrait le remettre en vitesse.
RépondreSupprimerDidier, je vous rassure, cette virose ne dure pas mais on la chope aussi bien à Levallois que dans le sud. Et rien de mieux que les soupes Irremplaçables pour vous remettre ! :))
RépondreSupprimerZoridae : moi ! Nuit à chier, au propre comme au figuré...
RépondreSupprimerNicolas : l'agonie a fort bien commencé. On va voir si on peut faire mieux aujourd'hui.
Mademoiselle Ciguë : vous devriez attendre que j'aille mieux, sinon je risque de vous refiler un truc...
Chieuvrou : ah ! je me sens tout de suite mieux !
Bénédicte : si c'est psychosomatique, c'est drôlement bien imité...
Et je crois que je ne couperai pas au bouillon de poulet...
Attention! la ciguë, c'est toujours bon pour ce qu'on a mais c'est un remède radical... à moins de le prendre à toute petite , petite dose.. bon rétablissement!!
RépondreSupprimerEt du riz cuit dans le bouillon de poulet...
RépondreSupprimerDr Pluton
Allez, il faut vous remettre, on dîne bientôt !
RépondreSupprimerVous avez oublié un lien à "poireaux" !
RépondreSupprimer:-)))
Ah les maladies de l'enfance et leur atmosphère si particulière. On en garde la douceur d'être pris en charge...
Ca me remet en mémoire une nouvelle extraordianire de Russel Banks dans je ne sais plus lequel de ses recueils. Faut que je regarde dans ma bibliothèque. Bref, il raconte l'enfant malade, les sentiments inquiets de la mere, la confusion qu'elle en ressent et surtout la drague abjecte que lui fait l'homme de science...
Terrible texte !
:-))
Monsieur Poireau,
RépondreSupprimerCe que tu évoques (et qui ne me dit rien) me rappelle une autre nouvelle de Russel Banks où, une femme, dont l'enfant est dans le coma, est harcelée par le pâtissier à qui elle avait commandé un gâteau d'anniversaire qu'elle n'est pas venue chercher...
Geargies : merci !
RépondreSupprimerPluton : le bouillon de poulet est déjà en route...
Zoridae : en général, je me remets très vite de ce genre de petites saloperies.
Grâce à la soupe aux poireaux...
Alors buvez, buvez !
RépondreSupprimer(La soupe de poireaux !)
Et mercredi je vous offrirai un grog !
A part une crise d'urticaire qui a explosé l'échelle de Richter quand le prêtre qui nous faisait le catéchisme m'a dit qu'il allait me faire sauter mon prix d'excellence au CM2, parce que j'avais séché ses cours, je ne me souviens pas d'avoir été malade dans l'enfance. Il est vrai que je n'ai plus jamais eu de prix d'excellence.
RépondreSupprimerBon bouillon, donc ! (Il vaudra mieux éviter certaines heures pour la dégustation - j'ai trop lu de polars, moi. Scusez, Catherine !)
Zoridae, j'ai vu le film de Robert Altman de cette histoire de pâtissier. Zut, je ne me rappelle plus du nom de l'acteur. L'ex mari de Julia Roberts. C'était très bien. Assez effrayant.
RépondreSupprimerOui, Catherine c'était un épisode de Short cuts !
RépondreSupprimerZut mais d'ailleurs Short cuts ce sont des nouvelles de Carver... Je crois que je me suis emmêlée les pinceaux.
(Je ne me rappelle plus non plus du nom de l'acteur mais de son visage et de son attitude, très bien !)
C'était pas Zac Efron ?
RépondreSupprimerZoridae : Dans la presente histoire de Russel Banks (peut-être dans "hitoire de réussir"), le médecin vient à domicile pour soigner l'enfant qui est gravement malade...
RépondreSupprimerLes nouvelles de Russel Banks sont vraiment presque aussi bien que celles de Carver, ta confusion est légitime !
:-)))
Ah yéh ! J'ai trouvé : Lyle Lovett.
RépondreSupprimerIMDb nous apprend d'ailleurs qu'il suffers seriously de bovophobie (peur du bétail).
RépondreSupprimerChacun sa pathologie, autrement dit.
Ma recette de la soupe est sur le blog cuisine.
RépondreSupprimerAlors ? ça marche ?
RépondreSupprimerZoridae, voir le billet au dessus ! Soit c'est la soupe qui marche, soit c'est la bière ! Mais, Monsieur Pluton, la bière c'est plein de bonnes levures, non ?
RépondreSupprimerPour sûr chère Catherine ! Je viens d'encourager Didier à l'instant à l'étage au dessus...
RépondreSupprimerJe viens de voir ça. Me voilà rassurée. Remettez-vous bien, c'est pas bien gai ce que vous racontez !
RépondreSupprimerAu fait, Catherine ! Le vieux ne commente plus : il est déjà mourant ?
RépondreSupprimerNicolas,
RépondreSupprimerNon, il trouve nos billets nuls !
Il me l'a bien en parlant des tiens, pas des miens.
RépondreSupprimerSmiley.
Nicolas,
RépondreSupprimerRhho moi j'ai résisté je n'ai pas mis de smiley !
Ça commence à faire très blog-de-vieux, ici : on ne parle plus que de maladies...
RépondreSupprimerNicolas : le mourant ne commentait plus car il s'est mis au lit à neuf heures moins le quart. Et il a dormi ses onze heures : c'est l'avantage d'être patraque...
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