mercredi 5 janvier 2011

Ulysse dans la vallée

Du Lys dans la vallée, je gardais le souvenir d'un roman ennuyeux et un peu mièvre, ce qui est loin d'être la norme chez Balzac. Mais, dans la mesure où Alain en parle à plusieurs reprises de façon très élogieuse, dans ce livre, je me suis dit qu'il serait peut-être bon que j'y revienne moi aussi. J'ai fort bien fait.

Je m'attendais à un paysage assez morne et enclosant tout le roman, à une mer étale où le lecteur serait plus ou moins destiné à périr de neurasthénie, privé des sirènes, Calypso ou Circé qui auraient pu venir égayer sa traversée. Et je me suis retrouvé dans un roman autant et plus balzacien que beaucoup d'autres. Car le vent de l'histoire y souffle aussi fort qu'ailleurs, dans cette vallée, et c'est même elle, avec ses inévitables conséquences économiques et sociales, qui prend rapidement la gouverne du récit.

Si, dans le premier tiers, on peut croire à une banale histoire d'amour détachée de tout contexte réel, suspendue au-dessus du sol (encore qu'il faudrait sans doute relire plus attentivement ces cent premières pages), bientôt les événements extérieurs – Cent Jours, Seconde Restauration – prennent la barre et, quelle que soit la force des liens qui les tiennent ensemble, Félix de Vandenesse et Henriette de Mortsauf ne sont plus les maîtres de leur platonique amour : la barre a été saisie par Louis XVIII mais aussi par Napoléon, le premier en appelant le jeune Félix auprès de lui pour l'expédier en mission au profond de la Vendée, le second en lâchant ses policiers à ses trousses. Du reste, dès les premières pages, et contrairement à ce que je disais plus haut, l'histoire est bel et bien là, et elle pèse son poids dans la mesure où l'émigration forcée a profondément altéré le caractère et les humeurs du comte de Mortsauf, lequel a tout pouvoir pour influer sur les rapports que nouent sous ses yeux les amants virtuels. Mais alors, elle est présente en creux, comme quelque chose de déjà survenu et d'achevé.

En même temps que l'histoire, c'est la société tout entière qui fait irruption dans le récit, d'une manière fracassante et superbe, par la longue lettre de recommandation que la comtesse de Mortsauf remet à Vandenesse avant son départ pour Paris et la cour – véritable et pénétrant vade mecum qui fera cruellement défaut, plus tard, au pitoyable Lucien de Rubempré.

Il faudrait aussi, je suppose, parler de Lady Dudley, de la greffe érotique qu'elle représente en cette histoire. Mais, à quatre-vingts pages de la fin, où je suis arrêté, elle n'a toujours pas daigné paraître…

9 commentaires:

  1. Si mes souvenirs sont bons elle n'arrive que dans les dernières pages, les 5 dernières pages je dirais..,et à chevel encore!!! Geargies.

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  2. Et la description des enfants, quand on les présente à Félix... C'est beau !
    Non, Geargies, elle prend corps plus tôt (si mes souvenirs à moi sont bons)...mais la fin ! C'est un des plus beaux exemples de râteau que je connaisse. Ce Félix était bien bête.

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  3. C'est ça, Suzanne et Geargies, racontez nous la fin !

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  4. Pas compris le titre du billet.
    Je vois bien qu'il doit y avoir un jeu de mot quelque part, mais, non, pas moyen.
    ça doit être pour les gens cultivés qui hantent ces lieux ou bien pour les vrais français...

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  5. Pas du tout... D'ailleurs la vraie fin est dans un autre livre...

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  6. Lady Dudley arrive au troisième tiers du roman…

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  7. Tzatza, pas besoin d'être cultivé ou vrai français (et même les deux)
    La seule explication du jeu (?) de mot du titre c'est que Didier est fatigué.

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  8. Vous reste plus qu'à vous replonger dans La Nouvelle Héloïse. Car le Balzac "du Lys" a beaucoup emprunté à Rousseau (suivre le fil de la Julie)

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  9. Ah? Il va falloir que je le relise, alors si mes souvenirs sont aussi lointains. ..

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.