vendredi 25 septembre 2015

On va essayer d'éviter François H.


Demain matin, pas trop tôt, on n'est pas des esclaves, nous mettrons Bergotte dans le coffre de Liselotte et prendrons la route pour rallier, quelques heures plus tard, le village de Saint-Augustin, sis au cœur de la Corrèze, et qui sera probablement débaptisé bientôt afin de ne pas froisser la susceptibilité religieuse de nos frères mahométans. Nous comptons y passer une semaine, durant laquelle, bien entendu, nous rencontrerons Messire Étienne du Lonzac en sa nouvelle seigneurie ; semaine durant laquelle nous serons bienheureusement privés de toute connexion fâcheuse avec le monde virtuel. C'est la raison pour laquelle le journal d'août ne paraîtra pas avant le 6 octobre. 

Si je fournis toutes ces précisions, c'est afin que MM. les monte-en-l'air sachent qu'ils pourront opérer chez nous en toute tranquillité durant ce temps. Qu'ils se méfient tout de même : notre voisin le plus immédiat est un homme perspicace et armé.

mardi 22 septembre 2015

Renault mirage


Comme je descendais des fleuves impassibles la côte de la déchetterie pour aller chercher deux baguettes “tradition” à la boulangerie de Pacy – celle de la mairie –, j'éprouvai soudain une stupeur proche de l'hallucination : face à moi, grimpant cette même côte avec un vrombissement caractéristique, qui me remontait d'un demi-siècle, venait de surgir une R8 Gordini ; une belle bleue, avec ses deux lignes blanches, exactement comme sur la photo. Pendant une très longue fraction de seconde, j'eus l'impression, culottes courtes aux miches et cartable à la main, que je revenais de l'école vers la Glockengumpen, la cité militaire où ma mère devait m'attendre pour le goûter. Le mirage se dissipa dès que j'eus vérifié que j'avais toujours une moustache.

dimanche 13 septembre 2015

Le gros livre de Michel Houellebecq


Il y a deux semaines, Laurent Ruquier faisait de Michel Houellebecq son invité d'honneur : long entretien d'une quarantaine de minutes, durant lequel l'écrivain parvint à dire des choses sensibles, justes, intelligentes, malgré les tirs de barrage de Mme Salamé qui, faute sans doute d'être capable d'autre chose, cherchait constamment à le ramener dans les petites ornières idéologiques familières et convenues. J'ai regardé ça cet après-midi, sur internet. Vers la fin, le romancier dit qu'il a toujours ce fantasme de parvenir à écrire un grand livre. En réalité, assez curieusement, il parle d'un gros livre ; en précisant : “avec des passages un peu ennuyeux”. Il conclue en reconnaissant que la chose ne s'est pas encore faite. En somme, Michel Houellebecq attend et espère le chef-d'œuvre de Michel Houellebecq. Il n'est pas le seul.

lundi 7 septembre 2015

À quoi ressemblait un journaliste “people” dans les années quatre-vingt ?




Photographies accablantes, retrouvées hier par ma mère, traîtreusement, alors qu'elles dormaient sagement depuis près de trente ans dans un tiroir de buffet.

Rien à dire : on avait le sens de la fête, en ce temps-là, ma bonne dame. Et en plus, pour ça, on était très bien payé.

vendredi 4 septembre 2015

Vertige, écroulements, déroutes et pitié


Donc, nous en sommes là. Il n'y a désormais plus qu'un seul moyen de tirer les Européens en phase terminale de leur stupeur aphasique, c'est de leur titiller la glande émotionnelle ; pour se frayer un chemin jusqu'à ce qui leur reste d'esprit, il faut se résoudre à ramper dans leur conduit lacrymal. Pleurnicher ensemble nous tiendra lieu d'action commune : le petit garçon en bleu et rouge sera efficace jusqu'au départ en week-end ; la semaine prochaine, il faudra dénicher autre chose ; on trouvera, ne vous inquiétez pas, vous aurez votre quota de gros sanglots. Comme pour un malade au long cours, dont on change la molécule apaisante parce qu'il s'est trop habitué à l'ancien traitement, on essaiera de varier un peu : une petite fille africaine en pleurs, par exemple, offrira une diversion bienvenue, tout en présentant toutes les garanties. Car vous avez le mouchoir délicat et regardant : pas question de s'arracher les cheveux, de pousser de grands braiments de pleureuse méditerranéenne, pour une victime insuffisamment estampillée, à la souffrance douteuse, au curriculum incertain. On n'oubliera pas non plus que la communion lacrymale exige le lointain ; une quantité assez précise d'exotisme est nécessaire, pour pouvoir se sentir frères éplorés : on vous trouvera ça aussi, n'ayez nul tourment. Et ce sera délicieux puisque, cette fois encore, comme avant et comme après, on n'exigera rien de vous : ni intelligence, ni lucidité, ni compréhension ; juste une forte dose de compassion bruyante qui, rassurez-vous, a ce mérite précieux, à l'issue de son passage, de ne laisser aucune trace dans l'organisme.

mercredi 2 septembre 2015

L'abbé et le furet


Hier soir, nous nous sommes laissés aller à regarder les deux numéros de Secrets d'histoire que Stéphane Bern consacrait à Louis XIV, à l'occasion du trois-centième anniversaire de sa mort. Le second volet, de loin le plus intéressant, englobait la régence de Philippe d'Orléans. C'est dans cette partie que j'ai appris une chose amusante, de la bouche de Michel de Decker, estampillé écrivain normand, ce qui le rend d'emblée sympathique. À propos de l'abbé Dubois et de ses participations aux parties fines du Régent, il a affirmé que la fameuse et innocente comptine que nous avons tous fredonnée à l'âge des genoux écorchés et des Choco BN, composée à l'époque : Il court, il court, le furet, le furet du bois, Mesdames…, que cette ritournelle, donc, était en fait une malicieuse contrepèterie, et qu'il fallait y entendre :

Il fourre, il fourre, le curé,
Le curé Dubois, Mesdames.

Encore un lambeau d'enfance qui fout le camp.