mercredi 31 janvier 2018

Traduttore, etc.


On se demande parfois, lorsqu'on lit des écrivains s'exprimant dans une autre langue, quel démon a pu pousser certaines personnes, un jour, à décider qu'elles seraient traducteurs ou rien ; un peu comme si votre serviteur avait choisi d'exercer un métier réclamant une haute habileté manuelle. C'est un certain M. Ledoux qui m'a amené à faire cette réflexion, mais hélas il est loin d'être seul de son engeance. M. Ledoux a traduit de l'anglais au français, croit-il, le roman de Mme Oates qui s'intitule Eux (en V.O., Them : jusque-là rien à redire) et que je lis en ce moment – avec assez peu d'enthousiasme, mais c'est une autre question. Je ne sais pas si M. Ledoux connaît bien l'anglais, mais, concernant la langue d'arrivée, on ne peut pas dire qu'il pèche par excès d'élégance ni de vocabulaire.

Ainsi tombai-je tout à l'heure, à la page 183 (édition Points Seuil) sur cette courte phrase : « C'était avec le souvenir de son père qu'il devait se coltiner. » Outre que le verbe n'est pas d'un niveau de langue bien relevé (mais, évidemment, j'ignore quel verbe anglais a employé l'auteur), il signifie quelque chose comme : porter avec difficulté, assumer une tâche pénible, etc. Il est donc tout à fait impossible de se coltiner avec. La vérité des choses est que M. Ledoux est tombé dans le piège grossier que je croyais réservé aux blogueurs de modèle courant, à savoir confondre se coltiner avec se colleter. Le drame n'est pas cette bévue en elle-même, puisqu'elle est facilement repérable ; c'est qu'elle jette brusquement la lumière sombre du discrédit, ou au moins du doute le plus suspicieux, sur l'ensemble du roman que l'on est en train de lire.

D'autant que, si M. Ledoux présente de nettes faiblesses de vocabulaire, il ne se rachète guère par l'élégance du style. Dans le même paragraphe d'où j'ai extrait la phrase précédente, en voici une autre (c'est moi qui souligne) : « Comme Jules passait devant un banc du parc, un vieil homme l'observa attentivement, comme sur le point de le reconnaître. » Encore une fois, je ne connais pas personnellement Mme Oates, mais je doute qu'elle ait pu écrire et laisser imprimer sous son nom quelque chose d'aussi pataud.

S'ils continuent à m'énerver comme ça, je vais finir par ne plus lire que des auteurs français. À la rigueur belges ou roumains.

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