Le Dr Adrien Proust à Venise. |
Dans son livre intitulé Proust et son père, Christian Péchenard parle de Proust et de son père, ce qui ne devrait surprendre personne. Avec le même souci de cohérence, dans son livre précédent, Proust à Cabourg, il parlait de Proust et de Cabourg, station balnéaire normande plus connue sous le nom de Balbec. Enfin, dans l'ultime volet de sa trilogie marcelline, Proust et Céleste, il évoquait tout ensemble Proust et Céleste Albaret, née Augustine Célestine Gineste, à Auxillac en Lozère.
Christian Péchenard était avocat – ce qui n'a jamais empêché d'être proustophile, la preuve – et c'est à ce titre qu'il fonda le cabinet Péchenard & Associés, qui existe encore aujourd'hui, à ce qu'il semble, et dont on nous dit qu'il opère “en conseil comme en contentieux”, ce qui est tout à son honneur je suppose.
Pour revenir à Proust et son père, Christian Péchenard écrit à un moment ceci, concernant Marcel :
« N'ayant pas eu un rôle bien défini dans la structure familiale, il ne pouvait être qu'un mauvais fils, et il était dévolu, par conséquent, à Adrien le rôle de mauvais père : “Mon père – dira le narrateur, dans une confidence qui dépasse l'anecdote – parce qu'il n'avait pas de principes, n'avait pas à proprement parler d'intransigeance…” »
Il n'est pas indifférent de savoir que le livre fut d'abord publié au éditions du Quai Voltaire en 1993 (1). Il n'aurait d'ailleurs pu l'être beaucoup plus tard, ou alors posthumement, Péchenard étant mort en 1996. Eût-il été de beaucoup postérieur à ces dates, on lui aurait vivement conseillé d'en ôter le paragraphe ci-après, particulièrement méphitique, sous peine d'excommunication citoyenne et paritaire ; paragraphe qui n'est que la suite et la fin de celui que j'ai cité plus haut. Voici :
« Cela se passait dans un temps où les hommes avaient d'ailleurs pour premier devoir d'être de mauvais pères. Ils n'appartenaient pas encore à la race androgyne des nourrices sèches que sont devenus les pères à la fin du siècle, ces mères à barbe participant à la notion stupidement égalitaire de l'amour et de l'éducation, aussi pernicieuse que la fin du monde annoncée par Sodome et Gomorrhe. Marcel Proust n'a peut-être pas eu un bon père, mais il a eu, ce qui compte beaucoup plus, un vrai père. »
La condamnation morale – bien méritée ! – de ce monstre antédiluvien aurait même été double, puisqu'on sait aujourd'hui que Sodome et Gomorrhe, au rebours de la fin du monde, annoncent en fait un avenir étale de radieuse tolérance, tout jonché de galipettes multicolores et dégenrées.
Bref, un auteur et des livres à autodafer d'urgence, si ce n'est déjà fait.
1) On trouvera les trois livres de Péchenard réunis (La Petite Vermillon) en un seul volume sous le titre de Proust et les autres.