Treme – à prononcer Trémé – est un quartier de la Nouvelle-Orléans ; c'est même l'un des plus anciens. Il est aussi le centre de la culture noire et créole de la ville. La série qui porte ce nom, Treme, a été imaginée, créée, et en grande partie écrite, par David Simon, auquel on devait déjà la meilleure série policière jamais proposée à la télévision : Sur Écoute, en anglais : The Wire.
Treme est une réussite au moins égale à Sur Écoute.
Ses quatre saisons, originellement diffusées de 2010 à 2013, se déroulent donc à la Nouvelle-Orléans, durant les trois années qui ont suivi le passage de l'ouragan Katrina, en 2005. S'agit-il d'une série politique ? Policière ? Musicale ? Sociale ? Intimiste ? C'est tout cela à la fois, et encore davantage, les différents plans s'entrelaçant et s'équilibrant d'une manière absolument parfaite, servis par un rythme jamais défaillant, totalement exempt de ces “trous d'air” qui plombent trop de séries télévisées.
Évidemment, la dimension musicale est prépondérante. Si le jazz se taille la part du lion, il est loin d'être le seul genre représenté, et représenté “en action”. Car de très nombreux musiciens, locaux ou internationaux, viennent faire preuve de leurs divers talents au fil des épisodes, mais jamais de façon gratuite, plaquée : toujours en étroite relation avec l'un ou l'autre des événements et des personnages. Ils sont présents dans les bars, les clubs, sur scène, au coin des rues ou lors de ces nombreuses fêtes et processions qui ponctuent la vie néo-orléanaise, le point culminant étant le Mardi-Gras et ses étonnants “Indiens” qui, de fait, sont tous des noirs plus ou moins métissés.
Les personnages, disais-je. Ils sont divers, subtils, changeants, jamais manichéens ni tout d'une pièce : ils vivent, là, sous nos yeux. Ils vivent si bien que, lorsqu'il parvient au dernier épisode de la quatrième saison, le spectateur se surprend à ressentir cette forme particulière de mélancolie nostalgique que l'on éprouve lorsque, déménageant d'une ville pour une autre, on sait bien que l'on ne retrouvera plus jamais les gens que l'on a fréquentés, parfois aimés, et qu'on laisse derrière soi.
On laisse aussi derrière soi les questions en suspens et les problèmes non résolus. La plupart sont liés aux ravages exercés par l'ouragan, aggravés ou au moins prolongés par l'incurie des pouvoirs publics, la bêtise tatillonne des administrations, la mauvaise foi des compagnie d'assurance, la rapacité d'un certain nombre de “reconstructeurs” ; tout cela sur fond d'inefficacité d'une police trop souvent brutale et encline à cacher “la merde au chat” sous les tapis, ou plutôt, ici, dans les décombres des maisons dévastées. Pour tous ces aspects “sociaux”, on retrouve le très grand savoir-faire de David Simon, celui qui avait permis à Sur Écoute d'être la série qu'elle est.
Mais quelles que soient la maîtrise et l'intelligence avec lesquelles sont traités ces “arrière-fonds”, c'est aux personnages qu'il faut revenir. Car tout commence par eux, tout vit et palpite à travers eux, servis qu'ils sont par des acteurs presque tous remarquables (certains d'entre eux arrivent directement de Sur Écoute, ils ont juste eu à changer de costume…). Parfois découragés mais jamais abattus, optimistes mais non béats, idéalistes sans être niais, ils sont les ornements les plus précieux de la série, les perles du collier dont la Nouvelle-Orléans est le fil.
Pour conclure, je signalerai à l'attention des messieurs de l'assistance – mais aussi à celle de nos sœurs de Lesbos – qu'on croise et recroise au fil des saisons trois ou quatre jeunes femmes non tout à fait désagréables à regarder.
C'est anecdotique mais ça ne gâte rien.