vendredi 27 septembre 2024

Surtout, ne dites rien à GdV !

Allant faire quelques emplettes tout à l'heure, nous avons croisé, au bas de la côte de la déchèterie, un camion qui arborait sur ses flancs l'inscription suivante : SAS Trans — mais moins impressionnant que celui de la photo ci-dessus.

Je me suis dit in petto (je m'adresse régulièrement à moi-même de cette manière) que ce pauvre Gérard de Villiers était mort à temps pour ne pas connaître une pareille horreur : voir son fier et viril prince Malko Linge muter brusquement en une vulgaire Malka Lingette, probablement maquillée comme un char de gay pride, lui aurait à coup sûr causé un choc irrémédiable.

mercredi 25 septembre 2024

Mémoires d'outre-futur

 

Au printemps 1792, retour d'Amérique, Chateaubriand redécouvre Paris après un an d'absence. Voici le souvenir qu'il en gardait encore trente ans plus tard, écrivant ses Mémoires d'outre-tombe :

« Tandis que la tragédie rougissait les rues, la bergerie florissait au théâtre ; il n'était question que d'innocents pasteurs et de virginales pastourelles : champs, ruisseaux, prairies, moutons, colombes, âge d'or sous le chaume, revivaient aux soupirs du pipeau devant les roucoulants Tircis et les naïves tricoteuses qui sortaient du spectacle de la guillotine. [...] Les Conventionnels se piquaient d'être les plus bénins des hommes : bons pères, bons fils, bons maris, ils menaient promener les petits enfants ; ils leur servaient de nourrices ; ils pleuraient de tendresse à leurs simples jeux ; ils prenaient doucement dans leurs bras ces petits agneaux, afin de leur montrer le dada des charrettes qui conduisaient  les victimes au supplice. Ils chantaient la nature, la paix, la pitié, la bienfaisance, la candeur, les vertus domestiques ; ces béats de philanthropie faisaient couper le cou à leurs voisins avec une extrême sensibilité, pour le plus grand bonheur de l'espèce humaine. »

Comment un homme mort depuis près de deux cents ans a-t-il fait pour voir et comprendre aussi bien notre merveilleux début de XXIe siècle ? Quel est ce prodige ?
 
Car enfin, je ne rêve pas : on les rencontre un peu partout, ces tricoteuses qui, dames de charité durant le jour, réclament à grands cris le couperet virilicide dès qu'elles retrouvent leur clavier vespéral.
 
Ils sont à chaque carrefour, ces “plus bénins des hommes”, déconstruits à s'en pisser parmi, heureux d'être transformés en nourrice, s'attendrissant à toute niaiserie, mais qui, à la moindre moquerie, au plus petit sourire en coin, exigent envers l'insolent “le bâillon pour la bouche et pour la main le clou”.
 
Et ce sont bien ceux-là, non ?, que le bonheur futur de l'espèce humaine, dont ils sont certains d'être les bâtisseurs, fait éructer de menaces et baver d'anathèmes.
 
Enfin, quelle peut être cette diable d'époque où le sang coule dans les rues, tandis que s'étale sur les scènes subventionnées et les écrans désertés le doucereux catéchisme d'une fraternité d'autant plus contrainte qu'elle est plus bêlante ?
 
 

vendredi 20 septembre 2024

Le Nazi et le Barbier

Edgar Hilsenrath, 1926 — 2018.

 Malgré ce que le béret pourrait incliner à croire, Edgar Hilsenrath n'était nullement français mais allemand ; juif de surcroît et, durant un temps, pensionnaire obligé de divers ghettos. Ce fut aussi un écrivain, ce qui explique qu'il resurgisse ici.

Très curieux roman que Le Nazi et le Barbier, où le macabre et le burlesque sont intimement liés, où la farce et l'horrible forment un mélange parfait, mais où l'insupportable est tempéré par l'exagération volontaire. C'est ainsi que le narrateur se fait enculer par l'amant de sa mère — lequel est doté d'une bite énorme — alors qu'il est âgé d'à peine une semaine. Plus loin, on rencontre une quinquagénaire allemande, affligée d'une jambe de bois, que les Russes, au moment de la prise de Berlin en 1945, ont violée 59 fois.

Ce narrateur, Max Schultz, n'est pas qu'une victime, loin s'en faut. Fils d'une putain aryenne “de souche”, on le voit s'engager dans la SS et devenir exterminateur dans un camp de la mort, où il massacre sans hésiter plus que cela Itzig Finkelstein, son ami d'enfance, juif indiscutable mais au physique de parfait aryen, tandis que son bourreau, lui, ressemble par une incompréhensible ironie génétique à une caricature de youpin publiée dans le Völkischer Beobachter.

Ce faciès outrancièrement typé va être sa chance ; ou, disons, sa planche de salut : en 45, à l'écroulement de ce Reich qu'il a servi avec zèle et conscience, Max Schulz endosse l'identité de son ami tué par ses soins, après s'être fait déprépucer par un médecin complaisant, un ex-nazi compréhensif. Devenu juif par ce tour de passe-passe, il choisit fort logiquement d'émigrer en Palestine, où il  reprend son premier métier, coiffeur, et devient un intransigeant sioniste. La suite ? La fin ? Je ne sais pas : il m'en reste à lire.

Si j'ai écrit plus haut les mots “bite”, “enculer” et “youpin”, ce n'est pas par puéril désir de choquer les prudes ni les antiracistes de profession, mais parce que Hilsenrath lui-même manie une langue sans périphrase ni litote, une langue souvent verte et roide, qui tressaute et rebondit, un peu à l'image de son effrayant et pitoyable “héros”. Il y a, dans ces quatre cents et quelques pages, un peu de Rabelais et pas mal de Père Ubu : on s'y amuse beaucoup.

Mais enfin, il faut admettre que c'est plutôt une boisson d'homme.

jeudi 19 septembre 2024

Recette de la pintade au chat


Prenez deux bestioles de plusieurs livres.

Une fois que vous avez les ingrédients de base, 

le plus dur est fait.

Pour les proportions et les temps de cuisson… 

débrouillez-vous.

 

mercredi 18 septembre 2024

Loin d'où ?

 Claudio Magris a 85 ans, ce qui prouve bien que le temps passe, contrairement à ce que voudraient nous faire croire certains rêveurs pernicieux. De plus, il est italien, ce qui constitue un second motif de se réjouir. De lui, je ne connais qu'un livre, lu deux fois avec le même plaisir : Danube. Il s'agit d'une promenade ; ou d'un voyage ; ou d'une expédition, si l'on ne craint pas les mots qui ronflent un peu. L'important, est que nul autre que Magris, ce grand amoureux et connaisseur de la Mitteleuropa, ne nous sert de guide.

On tourne la première page pas très loin de Fribourg-en-Brisgau, à Donauschingen précisément, là que sort de terre la source du fleuve éponyme (et où je me souviens d'être allé avec mes parents, quelque part dans les années soixante), et quand on referme la dernière, on est au bord de la Mer Noire. Entre les deux, on a contemplé des paysages, on est entré dans des maisons, masures ou palais, on a découvert des peuplades, leur histoire et leurs histoires, on a goûté des cuisines locales. On a aussi, chemin faisant, fait la révérence devant Goethe, salué prudemment Kafka, adressé un petit signe fraternel à Joseph Roth puis à Élias Canetti, pris un verre ou deux avec le trio des roumains francisés : Mircéa Éliade, Panaït Istrati et Cioran. On n'a pas perdu son temps, à avaler ainsi les kilomètres ; ou, plutôt, on l'a perdu de la meilleure et plus agréable façon qui puisse être.

Revenu sur terre, je pensais en être quitte avec Claudio Magris.

Et voilà que, ce matin, m'étant plus ou moins perdu dans un lacis de chemins qui bifurquent, je me suis retrouvé à lire sa fiche ouiqui. Et que découvris-je ? Que mon Triestin — terroir qu'il possède en commun avec le merveilleux Italo Svevo que j'évoquais ici même il y a six ans — avait, à l'aube des années soixante-dix, consacré tout un livre à ce même Joseph Roth que l'on vient de laisser sur les bords du Danube, et à qui j'ai consacré plusieurs billets, que l'on retrouvera en tapant son nom dans la petite fenêtre idoine (juste à votre gauche, en levant un peu les yeux…).

Le titre de cet essai de jeunesse est celui que j'ai choisi à mon tour pour ce billet. Le sous-titre est : Joseph Roth et la tradition juive-orientale. Sortant de deux semaines passées dans la compagnie d'Isaac Bashevis Singer (lui aussi “chroniqué” dans ce blog), commander ce livre était évidemment un excellent moyen de ne pas quitter encore la dite tradition, qui exerce tant d'attraits sur ma goyesque personne.

Commande qui fut aussitôt passée.

mardi 17 septembre 2024

Y a-t-il un surineur zen dans la salle ?


 Quelque part en France, donc, un homme de 41 ans a, le week-end dernier, je ne sais déjà plus où, poignardé sa femme et ses deux filles. Le Parisien parle d'un “coup de folie”, ce que c'est à l'évidence. Mais une certaine Marianne Maximi, députée LFI, ne l'entend pas de cette oreille, et s'indigne sous X :

« Ce n'est pas un “coup de folie” mais un féminicide et de multiples infanticides. Mal nommer ces violences, c'est les réduire à des faits divers. Et en invisibiliser l'origine [...]. »

Sa première phrase est idiote, en ceci qu'elle ne dit absolument rien : des mots alignés machinalement, comme on est agité d'un tic nerveux irrépressible. Le fait que les victimes soient une femme et des enfants (les siens en plus !) n'exclue nullement que cet homme ait été pris d'un coup de folie : ce n'est pas l'un ou l'autre. Au contraire : on ne voit pas très bien comment notre manieur de lame aurait pu se livrer à une telle boucherie “familiale” en restant maître de lui-même et parfaitement serein : un genre de surineur zen, en quelque sorte.

Quant à la seconde phrase de notre insoumise en surchauffe, elle appellerait plutôt le rire sarcastique, si on avait l'esprit au sarcasme, ce qu'à Dieu ne plaise. Car “mal nommer les violences”, les “réduire à des faits divers” et en “invisibiliser l'origine”, c'est précisément ce que les gens de sa sorte, les chevaliers de la Justice et les grandes prêtresses du Bien, s'empressent de faire chaque fois qu'un allogène d'outre-Méditerranée égorge un passant ou en écrase quatre ou cinq d'un coup au volant d'une camionnette d'emprunt, en braillant Allah Akhbar ! Là, pour Mme Maximi et ses pareils, il s'agit bel et bien d'invisibiliser l'origine le plus vite et le plus complètement possible. Ils sont alors les premiers à brandir le “coup de folie” multifonctions et à pratiquer une réduction expresse au fait divers.

Mais le coup-de-folie est un outil qu'ils ont préempté depuis déjà jolie lurette, et il ferait beau voir que d'autres qu'eux s'avisassent de s'en servir !

jeudi 12 septembre 2024

Revenons à l'essentiel…

Petit Loup sur son pouf : un mois et demi d'existence…

 Non, parce que ça va un moment, les billets consacrés aux malfaisants laïques ou aux monstres cathos !

Le chat lui-même, malgré son âge tendre, semble se demander quel petit démon pervers a bien pu me pousser, ces jours derniers, à parler des deux bipèdes en question.

Je n'ai aucune réponse convaincante à lui fournir.

mardi 10 septembre 2024

Entre les dents, la soutane, Monsieur l'abbé !


 Je trouve tout à fait réjouissante la récente et brusque mutation de l'abbé Pierre, passant du statut de saint auréolé, ou quasi, à celui de pustuleux monstre ; d'un coup, sans passer par la case purgatoire. De ce fait, par ce “saut qualitatif”, il se retrouve tout à fait digne d'occuper une place d'honneur dans un roman de Sade — et donc d'entrer dans la Pléiade, ce qui n'est pas donné à tout le monde. 

J'imagine par ailleurs la frustration rageuse des Justine modernes, nos metooffettes à l'infortunée vertu, leur victime ayant eu la diabolique habileté de mourir avant qu'elles ne puissent sortir les griffes. Évidemment, il y aurait toujours la ressource de déterrer le cadavre délictueux et de lui arracher publiquement ce qu'il peut lui rester de gonades, lors d'une grande cérémonie expiatoire, éco-responsable et inclusive, avant de le faire passer par les onze mille verges. 

Malheureusement, ce pourrait être mal perçu par quelques dizaines de millions d'attardés moraux, ces réfractaires de la pureté, ces handicapés de l'avenir radieux, pas encore tout à fait prêts pour applaudir aux ravages du Bien absolu.

jeudi 5 septembre 2024

Sous la bannière de Barnier


 Nouveau Premier commis : Michel Barnier ! Homme de la droite ripolinée, du genre incolore, inodore et sans saveur. 

La gauche dans son ensemble est verte de rage et rouge d'indignation frustrée. Le bien-en-chaire professeur Saint-Graal vire même, sous X, au violacé flamboyant. 

Telles qu'on les connaît et les aime, les mettooffettes doivent déjà s'agiter pour dénicher au matignonné de fraîche date une affaire bien saignante d'attouchement sexuel ou d'emprise masculiniste sur une documentaliste stagiaire des années 80 ou 90. 

Bref : un grand merci, M. Macron, pour cet excellent choix, qui nous promet des lendemains fort réjouissants. 

dimanche 1 septembre 2024

Le spectre et le vivant


 

Notre mois d'août fut essentiellement félin.