vendredi 9 octobre 2009

L'enfant se présente par le siège, Monsieur... Sauvez la (carte)mère, Docteur !

Depuis environ une heure, j'ai l'impression d'être un futur père faisant les cent pas dans les couloirs de la maternité en fumant clope sur clope (je sais que l'image est largement obsolète, je sais...), pendant que Madame est occupée à pousser, derrière la porte à double battant.

En ce moment même, deux étages sous mes pieds, mon iMac doit avoir le ventre ouvert et se faire fouiller les entrailles par Vincent, notre tout-puissant iSorcier. D'après lui, l'accouchement s'annonce périlleux voire aléatoire. Diagnostic : « soit c'est un problème d'alimentation, soit c'est la carte mère. » Et, vu la tête qu'il a faite en prononçant les mots “carte mère”, j'ai bien compris qu'il vaudrait mieux que ce soit une histoire d'alimentation. Dans le cas contraire, on peut déjà réserver une concession au iCimetière.

Changer d'ordinateur est, pour moi, toujours une épreuve. D'abord, ça prend du temps. Et, durant les jours séparant la mort de l'ancien de l'adoption du nouveau, l'Irremplaçable va me mettre en coupe réglée, partant du principe qu'elle se trouve du côté du manche. Déjà, les deux heures que j'ai passées sur son iPortable, hier, m'ont coûté un appareil photographique – je n'ose imaginer ce que ça va donner dans les jours qui viennent...

Ensuite, il faut tout reparamétrer comme j'ai l'habitude. Or, bien entendu, d'un ordinateur l'autre, j'oublie tout des procédures, qu'il me faut péniblement redécouvrir pas à pas. Et puis, il y a la musique.

J'ai, dans un disque dur externe environ 1 500 heures de musique “en vrac”. Que j'ai passé des semaines à ranger dans des dossiers, des dossiers de dossiers, des dossiers de dossiers de dossiers. Si la bête est mort, il va me falloir tout recommencer dans le nouvel ordinateur, à partir du vrac : exaltante perspective. Sans parler de tout ce qui sera perdu puisque, en bon crétin irresponsable, je n'ai rigoureusement rien sauvegardé.

Ah ! ça fait du bien, de pleurnicher un peu, tiens !

jeudi 8 octobre 2009

Explosion en vol d'Oh ! 91

Je le savais. Je l'attendais, tout tranquillement. J'étais certain qu'il ne pourrait pas s'empêcher de moraliser à la petite semaine, qu'il allait marteler la réalité de ses petits poings rageurs, qu'il ne saurait plus où il en est, ce petit bichon.

Eh bien voilà : C'est ce soir. Allez le lire, ce grand garçon toujours entre deux eaux : il est tellement perturbé, la réalité lui donne, depuis quelques jours, de telles claques dans le sourire qu'il en arrive à n'être plus capable d'écrire la moindre phrase en français de tous les jours (ce qu'il sait faire, d'habitude, même s'il y a toujours un peu trop de sucre dans son sirop). Il panique, ce délicieux bonbon fluo, il tente de se raccrocher à des parois de plus en plus lisses – on en viendrait pour un peu à le plaindre, et sincèrement. Du coup, il pohétise, il balance de la métaphore à pleins baquets. Entre les footballeurs barbus, les cinéastes amateurs d'adolescentes et les ministres qui paient pour se taper des Thaïs à taille fine, il est paumé. Où est le Bien ? Le Mal ? Sait plus ! Il en perdrait sa gauche et sa droite, le petit quadragénial, et c'est terrible : c'est à peu près la seule chose qui lui restait, pensez ! Les monstres d'un côté, lui et ses petits amis de l'autre : ça perturbe un peu, forcément.

La métaphore abstruse, mes bons amis : c'est la seule chose qui vous reste, lorsque le monde, autour de vous, se mêle de ne plus tout à fait ressembler au bébéland de chez Ikéa dans lequel vous étiez accoutumé de vous ébattre, au milieu des ballons multicolores. C'est bien triste, allez. On en arrive à se demander s'il va tomber du côté de l'islam ou de celui du football. On est à deux doigts de convoquer la cellule de soutien psychologique. Car, de toute façon, il tombera.


[10h05, rajout d'avant dodo : ne manquez pas les commentaires, si vous cliquez sur le lien : deux ou trois (à l'heure où nous mettons sous presse, comme on dit) renvoient le petit bonhomme dans les cordes, c'est réjouissant. Et puis, il y a l'inénarrable Céleste, qui nous rameute les sans-papiers (clandestins, en français courant), les intermittents du spectacle (parasites, en français courant, sauf ceux qui vivent à Sauve) – et on se demande pourquoi elle s'arrête en si bon chemin : ça manque de trans, de lesbiennes, de citoyens du monde, de mères porteuses, de pédés en voie d'adoption, etc. Petits bras, Céleste, petits bras... ]

Avis de naufrage informatique

Mon ciel informatique a commencé de s'assombrir hier matin ; lorsque j'ai dû m'y reprendre à cinq fois avec que l'iMac daigne enfin s'allumer. Même chose hier soir. Puis, au beau milieu d'un quelconque trollage, paf ! tout s'est bloqué : clavier, souris, etc.

Depuis, ce gros connard refuse obstinément de redémarrer. Ce qui fait qu'à compter de demain soir, je vais me retrouver suspendu de blogage pour un temps indéterminé. À moins que je n'emprunte l'iPortable (j'ai oublié son nom) de l'Irremplaçable (et non pas iRemplaçable, hein !) lorsqu'elle daignera le lâcher cinq minutes.

Mais alors, là, pour obtenir son accord, je sens que je vais devoir me livrer à une longue série de bassesses morales, lesquelles m'accablent par avance. Les femmes peuvent être si cruelles, lorsqu'elles sont sûres de nous tenir à merci...

mercredi 7 octobre 2009

Corona quoi ? Coronarien ! (Dialogue téléphonique, cette fois)

Elle (au téléphone) : – Alors, il a dit quoi, le cardiologue ?
Moi : – Il a dit que j'allais mourir (plaisanterie récurrente).
Elle : – Oui, ah ! très amusant ! Mais sinon, il a dit quoi ?
Moi : – Ben... rien... On a parlé que de Renaud Camus et du château de Plieux.
Elle : – Putain ! c'est pas vrai ! Mais ton électrocardiogramme, il a donné quoi ?
Moi : – Ben... j'en sais rien, il ne m'a rien dit... Donc, ça doit être bon, quoi...
Elle : – ....

Moi : – ....

Rien à dire, ni à ajouter. Et pourtant, tout s'est passé comme je le dis. Je vous raconte. Moi, allongé sur ce machin qui n'a pas de nom. Le cardiologue qui me place les ventouses (Pluton ! au secours ! ça s'appelle comment, ce divan de toubib ?) sur la poitrine, les chevilles, etc. Pendant ce temps, on parle.

Lui (le cardiologue) : – Vous avez fait de l'exercice ?
Moi (le patient) : – Oui : j'ai passé mon mois d'août à monter et descendre des escaliers.
Lui : – ... (l'air étonné.)

Je lui explique que l'Irremplaçable et moi avons passé ce mois à Plieux. Lui raconte ce qu'est Plieux ; évoque Marcheschi. Lui montre le dernier roman de Renaud Camus, Loin, que je suis en train de lire depuis hier, et qui est posé sur le coin de son bureau. Nous sommes du reste revenus à son bureau ; il pianote sur son clavier d'ordinateur ; je pense qu'il (comme d'habitude) tape mon ordonnance. Pas du tout : il cherche le château de Plieux et le trouve. Il me demande s'il s'agit bien de mon "gîte rural". "Oui !", réponds-je. Il a l'air impressionné, me raccompagne à la porte, me rappelle qu'on doit se revoir dans six mois.

On se reverra dans six mois, c'est certain. Sortant dans l'avenue du Roule – Neuilly-sur-Seine –, l'envie me reprend de retourner à Plieux. Sans aucune nouvelle, cependant, de l'état de mon cœur. Mais, quoi ? Mon cœur, hein...

mardi 6 octobre 2009

Tout à l'heure, dans la cuisine...

Moi : – Tiens, je viens de faire un nouveau billet...
Elle : – Ça parle de quoi ?
Moi : – Ben... tu verras...
Elle : – Ça m'énerve, quand tu me réponds ça ! Dis-moi au moins le titre...
Moi : – Ça s'appelle Le vivre-ensemble s'en prend une dans la tronche.
Elle : – Je savais bien que tu voulais me quitter !

Le vivre-ensemble s'en prend une dans la tronche

Ah ! mes bien chers frères : quelle intense jubilation ! Quelle bouillonnante sensation d'allégresse nous saisit tout soudain ! Il y a vraiment des jours où l'actualité est un baume à nos cœurs attristés – que dis-je : un saint chrême ! –, une ambroisie pour nos estomacs retournés.

Qu'apprend-on en effet, ce jour ? Qu'un club de football, le Créteil Bebel, refusait finalement de disputer le match censé l'opposer à un club parisien. Pourquoi ? Vous le devinerez aisément, lorsque je vous aurai dit que le club en question s'appelle le Paris foot gay. Il nous faut également préciser que le Créteil Bebel est un club 100 % musulman, et que c'est au nom de leur religion que ces braves gens refusent de se rencontrer sur le terrain avec les autres porteurs de crampons contre-nature – on a eu beau leur rappeler que la mêlée n'existait pas au football, n'ont rien voulu savoir, les sectateurs du Prophète : pas question de dribbler une tarlouze !

J'en connais des (et, non, je ne mettrai pas de lien !) qui vont risquer l'implosion, lorsqu'il va s'agir de concilier leurs penchants érotiques particuliers avec leur islamophilie sanglotante... Si le vivre-ensemble et la diversité citoyenne se mettent à nous faire des nœuds pareils, ça va devenir intenable, la vie de bisounours ! (Pardon, Monsieur Balmeyer, mais, ne pouvant me désintoxiquer d'un coup, j'ai décidé que, dans une phase transitoire, j'avais encore droit à un “bisounours” par semaine...)

Comme je le disais en commentaire chez mon fournisseur attitré de pâtes molles et de croûtes fleuries, la réacosphère ricanante – dont nous faisons partie, lui et moi – va bientôt pouvoir s'auto-dissoudre, puisque la réalité se met à ricaner d'elle-même.

lundi 5 octobre 2009

Monsieur Biche fait la connaissance de son futur papa – et il n'en sait encore rien

Le valétudinaire con vérolé à l'arrière-plan n'a rigoureusement aucun intérêt. En revanche, le futur gros mâle de 50 kg qui somnole dans ses bras, oui. Son nom officiel – je l'ai dit – est Elstir. Pour moi, il sera Monsieur Biche – jusqu'à sa mort ou la mienne.

Il arrivera à la maison le 7 novembre prochain, aux alentours de six heures du soir – le temps de faire le trajet. On en reparlera, forcément.

Aujourd'hui, l'allant voir, nous avions décidé de pousser jusqu'à Étretat (pour y déjeuner), de redescendre par Cuverville afin de s'incliner sur la tombe d'André Gide. Or, la Normandie étant sèche et jaune depuis deux mois comme n'importe quelle contrée du sud, il s'est trouvé qu'aujourd'hui, il a plu toute la journée : rattrapés par la Normandie, en quelque sorte. Si j'en sais quelque chose, le ciel était bleu et la température clémente, dans le sud : sales cons !

Or, donc. Nous avons d'autres choses à faire, coup ce de bol. Ainsi, l'Irremplaçable voulait s'arrêter (alentour de Rouen) chez... chez... IKÉA ! Pour acheter des tapis-pour-chiens. Elle y est allée. Toute seule. Je ne fous jamais un orteil dans ce magasin de merde – jamais. Je crois que je préférerais crever (sur le parking) que de risquer un pied dans cet enfer.

Donc, tandis que Catherine allait faire emplette, je suis resté au volant, sur cette pure horreur qu'est un parking de ce type. Coup de chance, j'avais un livre : Maîtres et Complices, de Gabriel Matzneff. Et, franchement, entendre parler de Schopenhauer, ou de Tibulle, ou de Flaubert, ou de Lucrèce, ou de Byron, ou de...

Je vous jure que, tout cela, sur un parking IKÉA, tout cela... Quelle merveille que Gabriel Matzneff ! Et quelles connasses que toutes ces femmes qui ne savent rien de lui !

Gabriel, tout va bien...

dimanche 4 octobre 2009

Les Irlandais sont des couilles molles (grotesquement vêtues, en plus) !

« Ils ont voté, et puis après ? » chantait déjà Léo Ferré en 1967, avec une assez jolie prescience des clowneries à venir. C'est ce que viennent de faire les Irlandais. Pour ne pas risquer d'y aller une troisième fois, pour ne pas non plus être sifflés depuis la tribune officielle, ils ont choisi d'ôter respectueusement leurs grotesques chapeaux verts et de s'incliner bien bas devant nos maîtres bruxellois.

Finalement, les Français peuvent adresser un grand merci à Nicolas Sarkozy : grâce à son entourloupe parlementaire, à son petit traité empaqueté "cadeau Bonux" (je trahis mon âge, je sais...), il nous aura au moins épargné cet agenouillement, dont la conséquence ne fait aucun doute : quand on se retrouve le cul exposé, il ne faut pas venir s'étonner des suites douloureuses.

Du coup, je me retrouve d'accord avec mes petits amis de gauche... pour quelques secondes. Le temps du premier paragraphe, celui où ils s'égosillent au déni de démocratie. À l'alinéa suivant, je me mets à goguenardiser derechef, les entendant invoquer le peuple. Vous savez ? Ce fameux souverain aux mille bouches à qui les vertueux sociaux-démocrates qu'ils sont tous plus ou moins, à droite comme à gauche, ne doivent pas manquer de demander son avis pour ensuite le suivre scrupuleusement. C'est ça, la démocratie, mon petit pote ! Si on veut bâtir une Europe sociale, la vraie, celle du demain-matin-qui-chante, il faut écouter ce que le peuple a à dire et respecter sa volonté !

Fort bien, mes maîtres, fort bien. Demandons-lui donc son avis, au souverain d'en bas. Sur les 35 heures, sur la peine de mort, sur l'immigration, sur le mariage homosexuel, sur l'extension de la chasse, sur les éoliennes et le nucléaire, sur... sur... et encore sur... Et, là, quand vous aurez sa réponse, au monarque multi-tronches, vous verrez : fini, le peuple ! Disparu, évaporé ! Atomisé façon puzzle, pour n'être plus qu'un ramassis de beaufs rancis, frileux, trouillards et omniphobes ! Ce ne sera plus un souverain mais un caudillo, un duce, que dis-je ? Un führer ! Va en faire une tête, le peuple, quand il va se regarder dans le miroir qu'on lui tendra alors – qu'on lui tend déjà à la moindre occasion.

Heureusement, on ne lui demande rien.

Bernard-Henri Lévy, analphabète malfaisant

« Julien Freund : – En attribuant le racisme aux seuls Européens, l'antiracisme donne de plus en plus l'impression de protéger unilatéralement une partie de la population contre l'autre. Or, en abdiquant le révolutionnarisme lyrique au profit du capitalisme libéral, Mitterrand sacrifie cette clientèle de petites gens bercée jusqu'ici par le discours égalitariste. Vous comprenez, ils ont été habitués à une vision irénique de l'avenir. Et justement, ce sont eux les plus concernés dans leur vie quotidienne, les plus exposés à la présence étrangère. On sait, depuis Aristote, que l'étranger a toujours été un élément conflictuel dans toutes les sociétés. L'harmonie dans une société... disons " multiraciale " est, plus que dans toute autre, une vue de l'esprit. Or, ces gens dont nous parlons, ceux du bistrot, ici, ceux que je rencontre tous les jours à Villé, ils ne participent pas de la civilité bourgeoise. Ils ne subliment pas leurs affects. Leurs réactions sont plus spontanées, leur jactance moins étudiée. Affranchis des règles de la bienséance hypocrite, ils seront les premières victimes des censeurs de cet antiracisme frelaté qui rêve de placer la société sous surveillance. Traquenards, chausse-trapes, procédés de basse police, délations... ce sont ces malheureux qui seront bientôt les victimes de ce climat d'intolérance. L'empire du Bien est un empire policier ou l'on traque le faux-pas, le lapsus, le non-dit et même l'humour...

Pierre Bérard : – Ils apprendront à se taire, à dissimuler...

J.F. : – Ah, mon cher, je suis fils d'ouvrier et je vis dans un village... Ils ne se tairont pas. Il se peut qu'à force on fasse de ces braves gens des bêtes fauves... C'est ma crainte, je l'avoue... D'autant que les soi-disant autorités morales cherchent à expier notre passé colonial en accoutrant l'immigré africain de probité candide et de lin blanc...

P.B. : – C'est la version post-moderne du bon sauvage... que la méchanceté de notre passé doterait d'une créance inépuisable.

J.F. : – Ah oui, cette histoire de la dette... c'est un thème sartrien. Mais c'est d'abord une victime qui doit pouvoir bénéficier de certaines immunités. En effet. De pareils privilèges, même symboliques - mais dans une société matérialiste les privilèges ne se contentent pas de demeurer symboliques - ne peuvent que renforcer les antagonismes et puis, surtout, comprenez bien ça, cela heurte l'évangile égalitaire dont les Français ont la tête farcie. En jouant simultanément l'antiracisme et Le Pen contre la droite, Mitterrand va provoquer la sécession de la plèbe. Cela paraît habile... Mitterrand le Florentin et que sais-je encore... mais c'est impolitique. Car, le politique doit toujours envisager le pire pour tenter de le prévenir. J'insiste : si l'étranger est reconnu comme un élément de désorganisation du consensus, il éveille un sentiment d'hostilité et de rejet. Un brassage de population qui juxtapose des origines aussi hétérogènes ne peut que susciter des turbulences qu'il sera difficile de maîtriser.

P.B. : – Les rédempteurs de l'humanité sont indécrottables ?

J.F. : – Les sentinelles de l'antifascisme sont la maladie de l'Europe décadente. Ils me font penser à cette phrase de Rousseau persiflant les cosmopolites, ces amoureux du genre humain qui ignorent ou détestent leurs voisins de palier. La passion trépidante de l'humanité et le mépris des gens sont le terreau des persécutions à venir. Votre ami Alain de Benoist a commencé d'écrire de bonnes choses là-dessus. Dites-le-lui, il faut aller dans ce sens : la contrition pathologique de nos élites brouille ce qui fut la clé du génie européen ; cette capacité à se mettre toujours en question, à décentrer le jugement. Ceux qui nous fabriquent une mémoire d'oppresseurs sont en fait des narcissiques. Ils n'ont qu'un souci : fortifier leur image de pénitents sublimes et de justiciers infaillibles en badigeonnant l'histoire de l'Europe aux couleurs de l'abjection. Regardez ce qu'écrit Bernard-Henri Lévy sur Emmanuel Mounier... C'est un analphabète malfaisant. En 1942, j'étais avec Mounier à Lyon... en prison ! En épousant l'universel, ils s'exhaussent du lot commun ; ils se constituent en aristocratie du Bien... L'universel devient la nouvelle légitimité de l'oligarchie ! »

Pierre Bérard, Conversation avec Julien Freund.

samedi 3 octobre 2009

Copie rendue ! (Avec 37 ans de retard...)

Donc, voilà : la dissertation que vous avez lue (et abondamment commentée...) hier, a été rédigée par moi-même, dans la première quinzaine du mois de novembre, en l'an de grâce 1972. Première remarque : Suzanne a subodoré qu'il devait s'agir d'un devoir assez ancien, et il me semble bien que Dominique a deviné que j'en étais l'auteur (mais sans me trahir : merci !).

Cette copie a une histoire. J'ai raconté ici même, il y a quelques jours, comment, par le biais d'internet, j'avais repris contact avec le professeur de français qui fut le mien durant l'année scolaire 1971 – 1972, et aussi pendant les deux premiers mois de l'année suivante. En novembre 1972, mon père – militaire – ayant été muté, nous avons rapidement quitté Châteaudun pour Orléans.

Dans l'un des mails que nous avons échangés ces derniers jours, ce professeur (dont j'ai toujours gardé le meilleur souvenir) me disait en substance ceci : « Vous avez quitté Châteaudun si précipitamment, que je n'ai même pas eu le temps de vous rendre votre dernière dissertation : je la tiens à votre disposition...»

Car il l'avait gardée ! (Je suppose qu'il conserve tout, et non qu'il ait fait une exception pour ma petite personne.) C'est ainsi que, jeudi matin, après une attente de 37 ans moins un mois, j'ai reçu par la poste ma copie corrigée. Comme le correcteur me disais se trouver bien sévère, avec le recul, j'ai eu l'idée de la soumettre à votre tribunal populaire. Et j'ai eu la surprise de récolter des notes allant de 7/20 à 19/20. – Je pense d'ailleurs, me relisant, ne mériter ni cet excès d'honneur ni cette indignité, comme on dit. En fait, je suis plutôt d'accord avec la note qui m'a été alors accordée, et qui se trouve être au centre exact de ce grand écart :

13/20

Je dois donc récompenser deux gagnants. La première à avoir trouvé la bonne note est Mifa. J'ai oublié qui était le second (Pluton ?) et ai la flemme d'aller voir maintenant. Mais je le retrouverai et il aura lui aussi son lot...

La note était assortie d'un commentaire, parfaitement lisible si on clique sur la photo pour l'agrandir. Maintenant, deux ou trois petites précisions. L'écrivain cité dans l'introduction était bien sûr Montherlant, dont le suicide était alors “tout frais” (21 septembre) et sur lequel notre professeur avait décidé de “rebondir”, comme je pense qu'on ne disait pas encore. Certains d'entre vous – Dorham notamment – ont voulu savoir s'il s'agissait d'un devoir “sur table” ou fait à la maison. Je suis navré, mais je n'en ai aucun souvenir. De toute façon, pour ce qui me concerne, cela ne change rien, car j'ai toujours été un élève très négligent, un peu trop confiant dans ce qu'il pensait être ses “moyens”. Ce qui fait qu'un devoir fait en classe durant deux heures était bâclé en une heure et quart, à la rigueur et demie, et qu'une dissertation faite à la maison l'était exactement dans les mêmes conditions : aucune recherche, et temps minimum.

Ce qui me frappe le plus, en relisant ce très hâtif pensum, et que vous avez été plusieurs à noter, c'est l'espèce de religiosité qui en émane. Or, on se souvient qu'à cet âge j'étais censé être anarchiste, ni dieu ni maître et tout le tremblement : jeunesse souvent s'abuse...

Bref, recevoir cette copie, ce bout de passé, m'a été un vrai bonheur, et lire vos commentaires, parfois vachards (Dorham ! Ruines circulaires ! le peuple aura votre peau, salauds !), un authentique plaisir.

Dès que mon professeur de mathématique d'alors, ou celui d'histoire, se manifeste, je vous fais signe et on remet ça, d'accord ?

vendredi 2 octobre 2009

Appel à tous les professeurs de français ( et aux autres aussi) !

Aujourd'hui, m'est arrivée entre les mains ce que, de mon temps (vieux con, va !), on appelait une dissertation de français. Elle a été écrite par un élève de première "non littéraire" – en tout début de premier trimestre, donc. La personne qui me l'a transmise trouve que la note obtenue ne correspond pas vraiment à la copie rendue. Lui ayant avoué mon incompétence en ce domaine, je lui ai proposé de soumettre la dissertation en question à mes lecteurs professeurs. La voici donc (je la reproduis telle qu'elle est écrite, fautes comprises, avec en rouge et entre crochets, les quelques appréciations du professeur notées en marge, et les passages soulignés par lui qui correspondent à ses remarques) :

« Sujet : Le suicide, preuve de lâcheté ? Commentez.

Le suicide de XXX [je préfère masquer le nom, ndlr] a provoqué bien des commentaires : certains ont vu dans son acte une preuve de lâcheté, d'autres une preuve de courage. Entre ces deux avis opposés quelle est la part de la vérité ? [Mal dit]

Il est bien évident que le suicide est à première vue une preuve de lacheté puisque celui qui se supprime renonce du même coup à toutes ses responsabilités. S'il est père de famille, il laisse les siens dans l'embarras [faible] le plus complet. Dans ce cas le suicide est un acte égoïste parce qu'il vise à supprimer ["retrancher"] l'individu du monde qui l'entoure, donc à rompre l'équilibre de ce monde – ( J'entends monde dans le sens de famille, travail ou relations bien sûr) [On n'est pas complètement sourd] – S'il s'agit d'un suicide "extérieur", c'est à dire provoqué par des ennuis venus des autres, la lacheté est, dira-t-on, flagrante puisque l'individu se dzérobe devant l'adversité, il courbe honteusement la tête. Il ne peut supporter les contradictions. c'est donc un orgueilleux doublé d'un faible et il ne mérite que notre mépris. S'il se tue il est en faute, car tout homme venu sur terre se doit d'y accomplir sa tâche, si petite soit-elle.
S'il s'agit d'un suicide "intérieur", c'est à dire motivé par un cas de conscience, la lacheté, bien que moins évidente,n'en existe pas moins ( aux yeux de certains.) Si un homme se tue pour n'avoir pu résoudre un problème avec lui-même c'est très grave : il est en recul devant sa conscience, il n'ose se regarder en face et il fuit devant lui-même. Les esprits bien pensants vont dire que s'il n'arrive pas à lutter intérieurement, à plus forte raison il ne sera d'aucune utilité
à la société. Cet homme n'est qu'un névrosé, incapable de faire taire sa conscience [?], il est donc inutile de s'intéresser à lui.

Cependant la vie, si malheureuse soit-elle, ne reserve-t-elle pas toujours quelques joies à ceux qui la vivent ? Ne faut-il pas un certain courage, une certaine force d'âme pour renoncer à la chaleur du soleil ou à la beauté de la nuit ? Un père qui se tue n'a-t-il pas, ne serait-ce qu'un instant, la douleur de laisser seuls ses enfants ?
On peut croire que pour abandonner tout cela il est nécessaire de posséder la volonté de renoncer aux plaisirs de la vie. Si cela est vrai, le "patient" [≠] est alors considéré comme un homme au dessus du commun et il est aussitôt victime des envies les plus basses et des calomnies les plus monstrueuses. D'autre part, il est nécessaire pour se tuer d'aimer la vie. En effet, le suicide est souvent motivé par le désir de ne pas gâcher sa vie, de la finir en beauté. L'homme qui se donne la mort veut contrôler sa vie et entend qu'elle se termine comme il le désire. C'est le cas par exemple de Montherland. Donc le suicide peut avoir comme motivation profonde la volonté de "connaître sa fin".

Du point de vue religieux le suicide n'est ni un acte de lâcheté, ni un acte de courage mais la destruction de la vie qui ne nous appartient pas. En effet si un homme vit c'est parce que Dieu l'a voulu, et cela pour une bonne raison : chaque homme vient au monde pour aimer Dieu et le servir. Or si un homme se tue, il se révolte contre son maître spirituel, il refuse sa condition d'esclave, de ce fait il devient un paria de la communauté chretienne. Jusque là rien que de parfaitement normal, si toutefois on accepte l'existence de Dieu ; mais le problème n'est pas là. Tout devient moins clair si l'on se penche sur ce que fut la vie du suicidé. Elle est bien souvent misérable, sans amour ni amitié, peuplée uniquement de solitude morale ou physique. Au moyen âge les serfs devaient travailler pour le seigneur. Celui-ci en retour s'engageait à les protéger contre leurs ennemis. Cet état de chose était scandaleux. Mais n'est-il pas encore plus scandaleux qu'un homme serve son Dieu sans que celui-ci ne le protège contre les embûches de la vie ? Dieu qui condamne cet homme n'est-il pas responsable de sa mort ? Et de plus ce malheureux meurt certain de ne pas gagner le paradis parce que Dieu ne lui a pas permis de vivre !
Force est de reconnaître que la position de l'Eglise à propos du suicide est de beaucoup la plus terrible de celles que nous venons de voir.

Finalement si l'on considère le suicide d'un point de vue dénué de passion on s'aperçoit que le principal interessé, le suicidé, est en fait celui qui a le moins pris part au drame. Il n'est que la victime de l'inégalité et de l'incompréhension. Il est beaucoup moins lâche que celui qui accepte sa condition d'esclave. Mais il n'est pas courageux pour autant puisqu'il refuse de lutter pour changer le monde qui l'a réduit à néant. Il a résolu son problème d'une manière, qui a peut-être le tort d'être irreversible mais qu'il est interdit de blâmer ou même d'approuver. Car s'il en est arrivé à un tel degré de desespoir c'est de la faute du monde qui l'entoure, celui-ci n'ayant rien fait pour lui redonner goût à la vie.
Si nous le blâmons nous blâmons du même coup notre conduite que nous devons alors nous efforcer de changer.
Si nous l'approuvons, nous approuvons notre attitude envers lui et nous considerons alors comme normal qu'il y ait des hommes malheureux.
Ce qu'il faut chercher c'est ce qui l'a poussé à se donner la mort, pour éviter que des milliers d'autres hommes n'en arrivent comme lui à souhaiter la mort. »


Voilà l'affaire. Camarades professeurs, c'est à vous de jouer. Tiens, d'ailleurs, à propos de jouer : on va dire que celui dont la note s'approchera au plus près de celle qui a effectivement été attribuée à cette copie, recevra un livre en cadeau. À condition que sa note soit justifiée par quelques lignes de commentaire ! Faut pas déconner non plus...

Allez, vous avez jusqu'à demain, va-t-on dire.

(J'y pense, les non-professeurs peuvent jouer aussi : l'expérience de "parent d'élève" peut être utile...)

jeudi 1 octobre 2009

De la vie et de la mort de l'Europe

« (...) nous prétendons régir la marche du monde vers l'équité, mais nous refusons d'armer le bras de cette prétendue justice. La culpabilité névrotique inhibe l'action. Le problème, c'est que l'Europe est construite par des libéraux et par des socio-démocrates, c'est-à-dire par des gens qui croient dans l'économie comme instance déterminante. C'est pourquoi la neutralisation du politique est pour ainsi dire inscrite dans son code génétique.
P.B. - L'Europe n'est qu'un tigre de papier.
J.F. - Elle ne fait même pas semblant d'être un tigre ! Depuis plus de quarante ans, elle s'en remet aux Américains pour ce qui est de sa protection. Elle a pris le pli de la vassalité, l'habitude d'une servitude confortable. C'est ce que dévoilent d'ailleurs les choix budgétaires de tous ses gouvernements quelle qu'en soit la couleur : la portion congrue pour la défense, une part grandissante pour les dépenses sociales. En réalité, l'Europe ne peut se construire que sur un enjeu ultime... la question de la vie et de la mort. Seul le militaire est fédérateur, car dans l'extrême danger il est la seule réponse possible. Or ce danger viendra, car l'Europe vieillissante, riche et apathique, ne manquera pas d'attiser des convoitises. Alors viendra le moment de la décision, celui de la reconnaissance de l'ennemi... Ce sera le sursaut ou la mort. Voilà ce que je pense. M'exprimer de cette manière ne me vaut pas que des amis... »

Pierre Bérard, conversation avec Julien Freund.

Depuis quelques jours, je suis plongé dans le livre majeur de Julien Freund, qui me sert ici d'illustration. Livre dense, ardu (pour moi en tout cas...), mais d'une très grande richesse, me semble-t-il. Je n'en ai lu que 220 pages, sur environ 700 : je tâcherai d'y revenir, à la fin, si toutefois je m'en sens capable – ce qui n'est pas joué.

En attendant, je vous conseille vivement le dialogue de Pierre Bérard que j'ai mis en lien.

mercredi 30 septembre 2009

Apocal'hips ! (Buvons en attendant nos chaînes)

J'ai laissé ce commentaire chez le précieux Pélicastre (pas de raison que nous n'en profitiez point) :

Voilà. Avant même de vous lire, ce soir, j’étais (par une voie parallèle) arrivé à cette conclusion : il faut dire, il faut répéter, il faut rabâcher, il faut montrer. Sans relâche. Et, peut-être, SANS DISCUTER : juste montrer.

Depuis un bout de temps, je me disais que j’avais de la chance d’être “vieux”, parce que j’aurai la chance de mourir avant l’irrémédiable. Avant ce qui va vous arriver. (En plus, la chance inouïe de n’avoir pas d’enfant, et surtout de fille.)

Depuis quelque temps, j’entends d’autres sons. Des jeunes gens qui pourraient presque être mes fils (si je m’étais mis à baiser un tantinet plus tôt…), un peu cyniques quand je suis un peu découragé, et qui, eux, attendent le quasi inévitable avec une sorte d’impatience nihiliste qui me fait tout de même un peu peur, mais que je crois comprendre : à force de se faire envoyer dans le mur, par tous les sourires mère-thérésiens dans lesquels ils sont englués, ils en viennent à espérer le moment où les “armées Céleste” vont se prendre la réalité en pleine gueule. Et qu'ils vont, eux, jouir de leur déconfiture.

Le problème est que la déconfiture de ces connes aveugles et sourdes sera aussi leur propre souffrance – incompréhensible, indéchiffrable, inadmissible même –, et la souffrance de leur descendance, déjà vivante aujourd’hui, et adulte. Et les enfants de cette descendance, les vraies victimes, qui ne comprendront rien et, dans le vide, maudiront leurs “papys” et leurs “mamies” jusqu’à la huitième génération. Sauf que, ces huit générations, ce sera leur descendance à eux : pendant ce temps, les papys et les mamies actuellement gesticulants pourriront bien tranquillement dans leurs certitudes braillardes d’aujourd’hui, à des pieds sous humus.

Il ne se trouvera personne, jamais, pour leur faire payer ce qu’ils préparent à leurs enfants. Ils crèveront oints des saintes huiles de la modernité, éternuant sous les aspersions de tous les goupillons mortifères qu’ils auront consciencieusement emplis.

Leurs enfants, du reste, n’iront probablement pas maudire leurs tombes, car il n’est pas entièrement certain qu’ils auront encore un carré réservé au cimetière communal.

Avec ou sans sucre unijambiste ?

Jusqu'à dix minutes dans le passé, je n'avais aucune idée de ce que je ferai le 15 octobre prochain, entre 14h et 15h30 (deux heures et trois heures et demie de l'après-midi, pour les gens civilisés).

Désormais, je le sais : je ne manquerai pour rien au monde le rendez-vous qui m'a été courtoisement donné à l'auditorium du grand groupe de presse m'employant. Il s'agit d'un... (C'est bon, vous êtes calé dans votre fauteuil à roulettes ? Bien accroché à vos béquilles ?)... d'un...

Café gourmand de sensibilisation au handicap

Cette manifestation, dont j'attends de grandes jouissances intellectuelles et morales, est organisée (je suppose que, dans ce contexte échevelé, je devrais plutôt écrire initiée...) par la “mission handicap” dudit groupe. Laquelle a pris finement pour nom : “handi cap”, avec, rajouté comme à la main et en rouge, au-dessus de la partie barrée, les mots “je suis” : prometteur, n'est-il pas ?

Il serait intéressant, en fait, au lieu d'aller subir le baratin lénifiant et moralisateur de la “consultante spécialisée dans le handicap” à l'intérieur de l'auditorium, de se poster à l'extérieur et, aux personnes entrant, demander si elles viennent plutôt pour le café gourmand ou plutôt pour le handicap ; et, dans les cas de réponse N°1, affiner le sondage en leur faisant préciser si elles ont été davantage attirées par le breuvage lui-même ou par les petites pâtisseries déposées autour.

Par une dernière ligne, au bas de l'affichette, la même mission handicap & mastroquet nous remercie pour notre visite. Outre que je trouve curieux d'être remercié par anticipation, j'aurais tout de même préféré l'être de ma visite.

Avec tout ça, on ne précise nulle part s'il y aura de l'aspartam à disposition pour les personnes en situation de handicap pondéral : ne pas oublier d'en parler à la consultante spécialisée. Va m'entendre, celle-là...

Polanski dans le grand bain

C'est donc la polémique du jour, ou de la semaine à la rigueur. C'est bien : ça va permettre à Sarkozy et à Hortefeux de souffler un peu. Roman Polanski au trou ! Chacun y va de son petit couplet, les tauliers de blogs ouvrent leurs portes en grand et sortent les seaux à champagne, la clientèle afflue.

Le fond de l'affaire m'intéresse peu – et même, je m'en fous complètement. Coupable, pas coupable ? Condamné, pas condamné ? Droguée, pas droguée ? Consentante à demi, aux trois quarts, pas du tout ? M'en bats l'œil. En revanche, les commentaires sont amusants.

Il y a évidemment l'escouade des vertueux qui trouve là une merveilleuse occasion de repasser son refrain anti-pédophilie, qui fait toujours bien dans un CV citoyen. Que l'on émette l'idée – oh ! timidement : on n'est pas des fondus non plus... – que coucher avec une fille de 13 ans ayant déjà franchi le Rubicon de la puberté n'est pas précisément de la pédophilie, et l'on se retrouve voué aux gémonies, viré comme un malpropre, au plus bénin accusé de “provocation” : c'est classique.

Plus étrange est le déferlement de sarcasmes à l'encontre de ces malheureux cinéastes français qui ont cru bon de signer une pétition de soutien à Roman Polanski. On brocarde, on flétrit, on daube, on anathémise, au motif que tout cela sent un peu trop le serrage de coudes, la petite chapelle, les copains-z'et-les-coquins. Or, qu'ont fait les pétitionnaires, sinon exprimer leur solidarité avec un des leurs ? Moi, j'avais cru comprendre, à la longue j'avais réussi à me fourrer dans le crâne, qu'être solidaire c'était ce qu'il y avait de mieux. Qu'il fallait fait preuve de solidarité active, toujours, immédiatement, y compris quand on ne savait rigoureusement rien à propos des tenants et des aboutissants. C'est particulièrement vrai dans le cas des expulsions : l'expulsé a toujours raison.

Eh bien, tous nos petits pétitionnaires n'ont rien fait de plus que d'exprimer leur solidarité de principe avec un homme menacé d'expulsion – on devrait donc tous se réjouir hautement de leur initiative. Car, enfin, arrêter et extrader un juif, ça rappelle quand même les heures-les-plus-sombres et le nauséabond-ventre-encore-fécond, non ?

Mais je suppose qu'on va encore venir me dire que je mélange tout. C'est que c'est pas simple, la bonne pensée. Pas facile de s'y retrouver quand on est nouveau dans le quartier. Personnellement, j'aimerais pas y habiter.

mardi 29 septembre 2009

L'idéologie multiculturelle selon Mathieu Bock-Côté

Le philosophe québécois parle d'identité nationale, de la France, de l'Europe, du peuple... et même de la Belgique ! Cela dure un quart d'heure, et il vaut la peine, je crois, d'être sinon entendu – je ne suis pas si optimiste... – du moins écouté.


L'Âge des ténèbres (et l'art du titre)

Ce soir, ce sera télévision. Ce sera même une soirée “tout-Arcand”. En ouverture de programme, son dernier film, intitulé L'Âge des ténèbres : pour les culs-serrés du Nouvel Observateur, Denys Arcand est en train de virer vieux con réactionnaire et aigri (forcément aigri, hein !) : je m'attends donc à une manière de chef-d'œuvre, par simple contre-analyse.

Si j'ai compris droit, et bien que ne reprenant pas, cette fois, les mêmes personnages, Arcand achève là le triptyque commencé il y a presque 25 ans avec Le Déclin de l'empire américain (que nous comptons revoir en deuxième partie de soirée) et poursuivi avec Les Invasions barbares, dont je vous parlais ici même il y a quelques semaines. Si l'on se livre à une rapide extrapolation, on se dit qu'en effet L'Âge des Ténèbres doit être un film délicieusement pessimiste et désenchanté, dans la mesure où le climat général était déjà au net assombrissement, entre Le Déclin et Les Invasions. Je vous dirai ça demain, si j'ai le temps et si j'y pense.

En attendant, on peut toujours noter à quel point le cinéaste québécois a ce qu'il convient d'appeler “le sens du titre” : ceux de sa trilogie sont parfaits ; et, déjà, Jésus de Montréal n'était pas mal non plus. Et puis, si par malheur cet Âge des ténèbres est aussi raté que le Nouvel Observateur le voudrait, on se consolera, l'Irremplaçable et moi, en allant voir le spectacle des otaries vivantes.

lundi 28 septembre 2009

Mère Teresa-Scigala se soucie (apparemment) de ma santé

Elle n'a pas forcément tort. Il est très possible que je boive trop. Néanmoins, il est également envisageable de se demander la chose suivante : qu'en a-t-elle réellement à faire ?

Non, parce que, c'est forcément très bien, même quand on picole soi-même, d'avertir les autres qu'il serait mieux de ralentir... d'arrêter... de n'y même plus penser.

Et donc, de se travestir en une sorte de mère Teresa, discrète, bien entendu, et de vous balancer ce genre de lien.

Là, vous êtes foutu. Qu'est-ce que vous pouvez faire ? Reprendre une gorgée de bière ? Mouais... Recommander une bouteille de sancerre ? Aussi, pourquoi pas... Le verre de Mère Teresa est vide, donc...

Mère Teresa, dans la vraie vie, aime bien enchaîner une bouteille sur une autre. Il lui arrive d'être capable de se laisser aller (moi itou). Mais il lui arrive aussi d'être furieuse, parce qu'on a dit des choses qui lui déplaisaient – elle a parfaitement le droit.

Elle relance. Elle n'est pas si raisonnable que ce qu'elle croit être. Elle a un petit côté (que j'aime bien) petit soldat, David-contre-Goliath, etc.

Elle pense que tout ce que je dis et écris à un rapport étroit et obligatoire avec l'alcool que j'ingurgite. Elle n'a pas forcément tort. Elle n'a pas forcément raison non plus.

Histoire d'otarie (puis d'eau tarie)

Tout à l'heure, aventure typique de l'homme moderne, je roulais vers Pacy-sur-Eure pour aller y chercher deux baguettes “tradition” (pain réactionnaire, donc) et une boîte de Vache qui rit chez l'épicier divers – le fromage idiot étant destiné à la préparation de nan, ces pains indiens fourrés, que Catherine destine à accompagner le riz que nous avons oublié de servir hier midi à Zoridae, Balmeyer et Nicolas.

Ce début de billet pourrait nous orienter vers la comtesse de Ségur et ses Mémoires d'un nan, ou encore du côté de chez Paul-Jean Toulet et de son Amie nan – mais il n'en sera rien.

Il s'est trouvé qu'entrant dans Pacy j'ai croisé une affiche publicitaire immobile, vantant un prochain spectacle d'otaries vivantes. J'ai aussitôt cherché à imaginer à quoi pourrait bien ressembler un spectacle d'otaries mortes – j'ai rapidement renoncé. De même, je suppose qu'il doit être bien difficile, pour un amateur de numéros de puces savantes, de se figurer une représentation ne comportant que des puces stupides. Et jamais, je pense, vous ne pourrez traîner un amoureux de haute voltige à un spectacle de basse voltige.

Coming back home, mon petit panier sous mon bras, et voulant me laver les mains, comme il nous est désormais enjoint de le faire par voie d'affiches toutes plus comminatoires les unes que les autres, j'ai constaté que l'eau avait été coupée dans tout le Plessis-Hébert, pour un temps indéterminé : les ouvriers qui travaillent à changer la physionomie de la place de l'Église venaient, dans leur enthousiasme de travailleurs du lundi matin, d'exploser une canalisation.

On s'est donc brossé les dents à la Contrex, en espérant ne pas trop mincir des gencives.

samedi 26 septembre 2009

Papa, fourmi, tracteur !

Depuis quelque temps, l'Irremplaçable cherchait par quel moyen elle pourrait un peu pourrir la vie de cette malheureuse Bergotte, qui ne demande pourtant rien à personne. Elle a trouvé : l'agility.

Les deux – la maîtresse et le chien – sont allées prendre leur premier cours hier. Et, aujourd'hui, Catherine m'a traîné au terrain d'entraînement (façon de parler, puisque c'est moi qui conduisais) pour que je voie comme ça se passe. J'ai vu.

Il y a des humains, qui courent en regardant derrière eux (très dangereux, donc), et en aboyant des ordres passablement saugrenus à leur chien : saute ! monte ! au pied ! tunnel ! chaussette ! (Je vous jure que je n'invente rien : ils crient réellement "chaussette"...) Le plus surprenant est encore que ces pauvres bêtes ont l'air d'adorer ça. Personnellement, je pense que quand l'Irremplaçable se sera vautrée deux ou trois fois dans la gadoue (on court en regardant derrière soi, je me permets de vous le rappeler...), son enthousiasme devrait se modérer de lui-même...


[Mon titre mérite une petite explication. Papa, fourmi et tracteur sont les trois premiers mots qu'est censé avoir appris à prononcer le prince William d'Angleterre (en anglais, suppose-t-on...). À l'époque, France Dimanche en avait fait son gros titre de "une", sur huit colonnes, ce qui nous avait – quelques mal-pensants et moi-même – divertis pendant plusieurs mois : il ne nous fallait pas grand-chose, on était jeune (et souvent bourré...).]