lundi 30 juin 2008

J'ai craqué, comme un con...

J'avais juré (seulement à moi-même heureusement) que je ne me moquerais plus jamais des blogueurs idiots, prétentieux, bref : des ravis de la blogocrèche. Seulement, je viens de tomber là-dessus :

Il m’arrive de donner des conseils à des auteurs débutants, de m’interroger sur le pourquoi philosophique des trilogies et de donner dans la défense et de pester contre la classification par genres.

Reconnaissez qu'il aurait été dommage de s'en priver...

L'Helvétie à la lanterne

Franchement, c'est à ne plus oser écrire. Imaginez la chose, pauvres humains obscurs que vous demeurez : vous vous installez benoîtement devant le clavier, avec l'intention de rédiger quelques courts paragraphes, de laisser tomber trois lieux communs et quatre calembours approximatifs, lorsque soudain la nouvelle réalité vous saute au visage.

Depuis l'aurore de ce jour, ce ne sont plus quinze ou vingt âmes pâles qui vont venir vous lire, mais d'entiers bataillons de Confédérés en rangs compacts. Encore ivres d'une défaite programmée au football - pour eux comme pour nous -, ils vont reporter leur énergie inemployée sur votre malheureux blog, mal conçu pour accueillir des foules semblables. Et ne comptez pas trop qu'ils se cantonnent dans leur prétendue neutralité : le Suisse sait être moqueur et incisif, quand il le veut ! Et s'il lui prend fantaisie de vous invectiver, soyez assuré qu'il ne manquera pas de coffres.

Que faire, alors ? Se taire ? Attendre que les trompettes de la renommée se soient tues pour tourner discrètement l'alpage ? Se comporter comme si on ne s'était pas avisé de leur massive présence, ainsi que nous avons accoutumé de le faire avec les peuplades étrangères, principalement lorsqu'elles sont germaniques, casquées et montées sur chenilles ? Prendre au pied de la lettre le nom de ce blog et transporter ailleurs ses pénates, le temps que s'apaise le vent des cimes (dont l'accent circonflexe est tombé dans l'abîme, je le rappelle au passage) ? Abandonner le clavier pour un discret retour au Montblanc ?

Oui, que ferais-tu à ma place, ô toi que je puis bien nommer mon vieux lecteur, comme il existait à d'autres époques des vieux chrétiens, entre Manche et Castille ? La marge de manoeuvre est étroite, ne nous le dissimulons pas. S'abandonner de nouveau à l'esprit munichois face aux Zurichois ? Ou bien ranimer dès à présent celui de la Résistance, défendre ce blog pied à pied, URL après URL, face au rouleau compresseur de ce moderne Commentator bien décidé à nous niquer les plates-bandes ?

Sachez que, quelle que soit votre décision, je ne vous trahirai pas, ni ne faillirai à mon devoir. Repousser l'invasion helvète : voilà enfin que se profile une mission à la mesure de la France moderne ! Enfin, j'espère.

Les Suisses, quel roman !

Ouvrant ma boîte mail, il y a une dizaine de minutes, j'ai d'abord cru à une plaisanterie de l'un d'entre vous. Une dame inconnue me signalait aimablement que, durant toute la semaine, ce blog serait à l'honneur sur RTN, radio suisse romande dont j'avoue, à ma grande et courte honte, que j'ignorais son existence jusqu'à ce jour. J'ai cliqué sur le lien qui m'était proposé : ce n'était pas un gag. Ou alors, drôlement élaboré.

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Seul un talent littéraire médiocre est rentable à court terme.


Celui-là, s'il n'a pas été écrit tout exprès pour moi...

dimanche 29 juin 2008

Pétrole ! pétrole !

Il est à combien, le baril, déjà ? Notez bien que je pourrais aller voir chez Goux gueule, qui me le dirait aussi sec. Mais en fait je m'en fous un peu. La seule chose dont je suis certain, c'est qu'il est encore scandaleusement bon marché. J'attends avec une certaine jubilation impatiente qu'il double, triple ou quadruple. J'encourage mes frères arabo-vénézueliens à se montrer moins timides, à y aller bien franchement dans la hausse. Et on continue tant que je n'ai pas dit d'arrêter, d'accord ?

Le but est simple : il faut hâter le moment où les tour operators seront contraints, eux aussi, de multiplier par trois ou quatre, par dix, le prix de leurs voyages, circuits touristiques et autres « pack-vacances » à la con. J'attends ce jour où les juilletistes, les aoûtiens - voire les avrilesques et les septembroïdes, les marsomanes et les octobrolatres - seront de nouveau contraints d'aller passer leurs congés payés chez papy normand ou auprès de belle-maman creusoise, plutôt que d'aller souiller de leurs déjections ricanantes des pays merveilleux dont ils n'ont au fond rien à foutre, et qui ne sont merveilleux que parce qu'on n'y met jamais les pieds, se contentant de les humer dans les livres, de les rêver sur des cartes.

Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux ailes des charters que le monde est petit !

Jour béni que celui qui verra la faillite générale des vendeurs de planches à voile ou de kayaks, la débandade des éditeurs de guides, la déconfiture des marchands de tourisme équitable, la mise au chômage technique des gardiens de troupeaux à bermudas, la banqueroute honteuse des hôteliers du bout du monde, la fermeture des aéroports internationaux, la mise en jachère des marinas-pieds-dans-l'eau.

Qu'attendez-vous, mes frères du désert ? Faites-moi grimper ces cours, et plus gaillardement que cela ! Organisez la pénurie ! Rivez solidement à la glaise natale l'Européen somnambulique, l'Américain braillard, le Japonais décérébré ! Installez des chicanes dans les couloirs aériens ! Clouez au sol ces grands oiseaux stupides qui épandent le touriste comme un guano stérile !

Pour finir, montez-moi d'un coup d'un seul le baril à huit cents dollars, qu'on en finisse avec la race itinérante et ludique, cette humanité de derviches aux yeux vides ; que le monde, enfin, et s'il se peut à jamais, nous redevienne doucement étranger.

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On inaugure une nouvelle rubrique. Chaque matin, désormais, vous sera délivré un aphorisme de Nicolàs Gòmez Dàvila. Le numéro du titre correspond à celui de l'aphorisme choisi dans le recueil qui, en français (éditions du Rocher), s'intitule Le Réactionnaire authentique. Si on veut en savoir davantage, braquer un éclairage plus cru sur cet écrivain, on peut se rendre chez mon ami Juan Asensio. On peut aussi aller se faire foutre, si on préfère.

Je ne sais combien de temps cette nouvelle lubie durera. Il n'est pas impossible que je me permette de commenter l'aphorisme du jour, au risque (quasiment certain) de retomber à trois ou quatre étages sous l'auteur que je cite. Il n'es pas davantage impossible que je choisisse une pensée semblant être directement dirigée contre moi. Il n'est enfin pas impossible que, même dirigée contre moi, cette pensée ne me comble. En tout cas, voici la première, sorte d'ouverture opératique :

Gens de gauche et gens de droite ne font que se disputer la possession de la société industrielle.
Le réactionnaire souhaite sa disparition.

samedi 28 juin 2008

Délation sans complexe

À quoi reconnaît-on un blogueur qui se livre à ses dérisoires activités depuis son lieu de travail ? Avant de répondre à cette question, il convient de bien mettre en lumière la noirceur du personnage, si je puis risquer l'oxymore. Voilà un garçon - ou une fille : la blogosphère est très mal famée - en qui un patron a bien voulu placer toute sa confiance ; l'un de ces patrons méritants, écrasés de labeur et de charges, taraudés nuit et jour par le spectre du dépôt de bilan, qui n'ont souvent pour seul réconfort que l'enthousiasme désintéressé de la troupe des smicards marchant comme un seul homme derrière eux, et pour seul bonheur les regards mouillés de reconnaissance que ces humbles gagne-petit leur accordent chaque mois, à l'instant magique de la feuille de paie.

Or, voilà qu'il s'en trouve un, cynique derrière son anodin masque de viande, pour enrayer la machine, créer sans vergogne une sorte de dérivation ludique dans cet impeccable réseau de circuits laborieux ; pour pratiquer dans le long fleuve managérial une brutale solution de continuité, laquelle solution mène droit à l'impasse, si j'ose. Car pendant que ses camarades de sudation travaillent, lui il blogue. Il distrait des heures que le patron, ce saint Sébastien des temps actuels, lui paie de son argent, souvent même de son sang. Parfois, ce renégat pousse la duplicité jusqu'à mettre à profit ce temps volé pour traîner dans la boue des revendications sectorielles l'homme exemplaire qu'il devrait avoir à coeur de servir pour rien, si demain la situation de l'entreprise l'exige.

Au lieu de cela, il manque à sa mission, il vitriole la main qui le nourrit, il renie l'humanité qui lui échut en partage, il blogue.

Heureusement, il est un moyen de confondre ce répugnant asocial, ainsi que je le disais en commençant. Il y a, au front de cette crapule invulnérable, une marque purulescente dont il ne parvient jamais à se défaire, qui désigne sa bassesse aux yeux du monde et donne aux membres sains de notre France le devoir sacré d'aller au plus vite le dénoncer aux officines répressives.

Cet infâme ne blogue jamais le week-end.

Le bâton de Pellerin

L'article que publie aujourd'hui Élise Pellerin, concernant la mort (programmée ?) de l'Église catholique, me semble mériter mieux qu'un simple "lien" en commentaire de ma petite pochade précédente...

Les bouffeurs de curé risquent l'empoisonnement

Une excellente nouvelle pour tous les athées militants, les anticléricaux bas du front, les compisseurs d'hosties consacrées : l'Église catholique, apostolique et romaine vient de se suicider. Terminée ! Existe plus. En avait assez d'elle-même. On va pouvoir refourguer toutes les vieilles bicoques à clocher pointu à ceux qui lorgnent dessus ; en faire des mosquées, des temples bouddhistes, des greniers à blé pour sectes de toutes obédiences : pas la peine de vous bousculer, il y en aura pour tout le monde, le territoire est abondamment pourvu.

Pour sa disparition volontaire, l'ex-Église catholique, apostolique et romaine a choisi la méthode la moins douloureuse et la plus fun : l'auto-dissolution dans la modernité festive.

jeudi 26 juin 2008

Repli sur les minima barrésiens

« Aucune époque, semble-t-il, ne fut plus propice, que la nôtre, à se croiser les bras et à attendre. Nous sommes du monde qui s'en va et il est séant de s'en aller avec lui... La seule chose convenable est donc plus que jamais de remonter dans les tours d'ivoire, pendant qu'elles sont encore debout, ce n'est pas pour longtemps, et d'y rêver soit aux choses éternelles, soit aux difficultés de la grammaire. »

Maurice Barrès, 1892.

mercredi 25 juin 2008

Rétro-prospective

Il y a bien une question en suspens : comment me vois-tu, ou me verrais-tu aujourd'hui ? Car je ne suis plus tout à fait le même (ni tout à fait un autre...), mais comment savoir ? L'homme (disons : l'individu) que je suis aujourd'hui, je sais très bien qu'il aurait vaguement déplu à celui que je fus, que tu es le seul à avoir connu, et peut-être le seul à connaître. Il me semble, moi, que j'ai ouvert les yeux. Le jeune homme qui porte encore mon nom aurait sans doute tendance à croire qu'au contraire je les ai fermés. Et comme c'est le seul qui te reste, tu penserais peut-être pareil que lui. Vous seriez donc deux contre moi.

Être tourné contre moi-même est un dérapage de vieillesse dont je peux m'arranger - dont je m'arrange en effet. Mais ce n'est jamais qu'un arrangement, c'est-à-dire un signe de décrépitude, peut-être. Penser que tu puisses te tourner contre moi m'est davantage désagréable, malaisé à manoeuvrer. Bien entendu, je suis, lorsque j'y pense éveillé, bien persuadé du contraire. Assuré du fait que ta pensée et ton vieillissement auraient suivi le cours parfait des miens, et que, comme il y a longtemps, nous serions encore en plein accord. Mais rien n'est moins certain.

Je n'oublie pas non plus que c'est toi qui, le premier, m'as fait lire René Girard, j'ai donc appris de toi ce besoin du bouc émissaire qui nous secoue, nous anime. Je crois très bien voir celui des autres, mais le mien est naturellement vivant, grimé en réel coupable - et peut-être le repèrerais-tu, avec ce regard d'indulgence et de droiture qui m'a assez souvent mis en dehors de mon rôle, du costume que je voulais endosser.

D'un autre côté, il y a ce retournement paradoxal du monde, dont tu n'as pas été informé. Tu l'aurais probablement perçu, mais quelle leçon en aurais-tu tirée ? Je sais que je ne dois pas déifier ton absence ; que, vivant, tu serais resté soumis à l'erreur, au doute, au ressentiment, à la peur, au regret, à tout ce qui nous différencie de toi depuis lors.

Il n'est pas du tout impossible que nous eussions fini par nous taire l'un à l'autre. Comme nous le faisons en effet, mais sans excuse commode, avec des non-dits de fiel ou, au moins, des regrets qui nous ont été épargnés.

P. A.

Cet après-midi, de cinq à six heures, Renaud Camus sera l'invité de Brice Couturier et Julie Clarini, dans leur émission de France-Culture, afin de débattre avec David Kessler, directeur de la station, Maryvonne de Saint-Pulgent, conseiller d'État, et Christophe Girard, adjoint au maire de Paris pour les Affaires culturelles. Il semble que cette invitation fasse suite à la polémique ayant opposée Frédéric Martel à Alain Finkielkraut, lors du dernier passage de Renaud Camus sur France-Culture, venu parler de son livre La Grande Déculturation.

mardi 24 juin 2008

Qu'aurais-tu pensé ?

Pourquoi ne sommes-nous jamais allés à Chartres ensemble ? Sans doute pour la raison que nous avions une éternité devant nous, je suppose. On devrait davantage se méfier. Te souviens-tu de ce temps plus ou moins gaspillé ? Oh, non, pas vraiment, du reste ! Nous n'avons rien jeté au vent, si l'on y réfléchit. Nous attendions que quelque chose se passe, moi surtout. Tu étais plus volontaire, comme si...

La Belle Verrière nous attendait, sans dire rien, patiente, peut-être ironique. Nous avions le temps, elle aussi. Nous ne voyions pas le bleu, comme nos aïeux communs, nous nous en passions fort bien, et les rires remplaçaient souvent la gravité essentielle, celle qui nous guettait, tapie, (pas trop d'adjectifs, pas trop...), elle avait le temps et la loi pour elle, elle nous guettait de haut. Et encore : pas tellement que cela, au fond.

Nous jouions sur le parvis, souviens-toi, sans voir l'ombre portée de la flèche - irréprochablement là, comme l'a dit Péguy que tu n'as jamais lu : pas le temps, sans doute. Les osselets, les billes (la marelle, même, avec les petites filles sitôt oubliées), le souvenir d'une enfance toute proche, non partagée, certes, mais rejointe, face au porche ; une enfance qui, d'une certaine manière, nous écartait l'un de l'autre - peut-être pour nous habituer à ce qui allait se produire, mais rien n'est certain.

Or, tout s'est produit, en temps et heure. Sans le moindre bruit extérieur. La flèche est demeurée dressée vers un ciel qui nous séparait plus ou moins, dans lequel je prends le pari que nous ne nous rejoindrons pas. Néanmoins, j'ai ramené la flèche, je suis seul de nous deux à pouvoir encore le faire. Que Péguy me pardonne, mais il n'est pas d'alexandrin plus régulier et inexorable que celui que j'entrevois, là, maintenant, sans être capable de l'écrire, encore moins de le prononcer. Ton oreille est de pierre, ma langue de plomb (ou d'alliage méprisable), aucune parole ne circule plus.

Il reste le vacarme que je crée parfois, comme hier ou il y a quelques jours, pour te distraire de l'ennui et te forcer à vieillir avec moi ; te pousser à prendre mon parti, te contraindre à l'éveil. Ça ne marche jamais vraiment. Tu restes allongé, moi dressé sur des ergots que je ne me savais guère, le coq pousse à contretemps son cri, et la flèche reste fendant l'air, ondoyant comme l'herbe qui te recouvre et te masque. Elle peut attendre, elle survivra à tout - on l'espère.

Revenons à l'essentiel

Un homme de chez nous, de la glèbe féconde
A fait jaillir ici d’un seul enlèvement,
Et d’une seule source et d’un seul portement,
Vers votre assomption la flèche unique au monde.

Tour de David, voici votre tour beauceronne.
C’est l’épi le plus dur qui soit jamais monté
Vers un ciel de clémence et de sérénité,
Et le plus beau fleuron dedans votre couronne.

Un homme de chez nous a fait ici jaillir,
Depuis le ras du sol jusqu’au pied de la croix,
Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois,
La flèche irréprochable et qui ne peut faillir.

Charles Péguy

Photos : Philippe[s]

lundi 23 juin 2008

Faudrait savoir, mes chéris !

Il y a quelques semaines de cela, je m'étais, ici même, plus ou moins frité avec un camarade blogueur, dont j'avais alors mis le blog en lien dans le corps du billet. Deux ou trois jours après, mon "adversaire" m'avait amèrement reproché - par mail privé - d'avoir lancé sur lui la "meute" haineuse de mes commentateurs (c'est-à-dire vous...).

Il y a deux jours, j'ai quelque peu souffleté un jeune adorateur du caudillo cubain. Me souvenant de la remarque précédente, j'ai donc évité de mettre son blog en lien (ce que je viens de faire finalement). Chose qu'il me reproche vertement aujourd'hui.

Moralité : tu mets en lien, tu mets pas en lien, de toute façon t'as tort et t'es un con. Je pense que je ne vais pas tarder à m'exiler à Cuba, afin de profiter des bienfaits du socialisme réel...

L'héritier et le boursier

Comme en écho au texte de Camus situé juste sous celui-ci, je suis tombé, ce matin, sur un passage de Europe, la voie romaine, de Rémi Brague, que je vous livre séance tenante :

« On connaît la distinction chère à Charles Maurras entre l'héritier et le boursier, comparaison qui, dans son esprit, était à l'avantage du premier. Le second, tâcheron mal dégrossi, dont les succès ne sont que scolaires, ne pourra jamais rivaliser avec l'héritier. Celui-ci n'a-t-il pas trouvé dès son berceau, voire reçu de la lignée de ses ancêtres, un savoir inné ? Il lui donne d'accomplir avec élégance ce qui coûte mille efforts au boursier, souvent grossier, toujours malgracieux. Si le boursier "arrive", il trahira par mille détails, gestes, tournures de phrases, goûts ses origines modestes, et restera à tout jamais un parvenu. Peut-on se permettre ici d'appliquer au niveau de la civilisation ce qui avait été conçu pour celui des individus ? L'Europe est tout entière un continent de boursiers, de parvenus, de forts en thème (latin !). Ce qui est sa grandeur. »

Les lundis de Renaud Camus

« L'hyperdémocratie et son corrélat l'antiracisme dogmatique, qui est à l'antiracisme ce qu'elle est elle-même à la démocratie, ont une même façon de traiter les idées déplaisantes - idéologiquement déplaisantes, car ils s'accommodent très bien des mauvaises nouvelles de l'écologie, par exemple, quand elles n'ont pas de connotations idéologiques - : c'est de poser en principe préalable qu'elles sont fausses, de ne les examiner même pas, de ne vouloir pas les entendre et de déclarer abjects, voire criminels, ceux qui oseraient malgré tout, sinon les soutenir, du moins les avancer pour discussion. Que de façon générale, et avec toutes les exceptions individuelles qu'on voudra, au premier rang desquelles celles du génie, il faille deux ou trois générations pour faire un individu tout à fait accompli culturellement, voilà bien, quoique ç'ait été la conviction tranquille de presque tous les siècles avant les nôtres et de la plupart des civilisation, le genre d'opinions qui ne saurait en aucune façon être reçu parmi nous. S'il était avéré qu'hérédité et culture fussent étroitement liées, on préférerait encore sacrifier la culture, par horreur de l'hérédité, antidémocratique par excellence dès lors qu'elle revêt la forme d'un privilège. Or c'est à peu près ce qui est arrivé, car le lien est bel et bien attesté, comme en atteste à l'envi tout le vocabulaire métaphorique gravitant autour du mot culture : héritage, patrimoine, transmission, etc. La culture est la culture des morts, des parents, des grands-parents, des aïeux, des ancêtres, du peuple, de la nation ; et, même, de cela qu'on ne peut même plus nommer, d'autant qu'il est convenu qu'elle n'existe pas, la race. Celle-là, il est significatif qu'elle soit interdite de séjour. Mais à travers elle, entraîné dans sa chute et dans sa proscription, c'est tout ce qui relève de la lignée, de l'héritage, du patrimoine, qui est visé ; et la culture, par voie de conséquence, qui est atteinte. »

Renaud Camus, La Grande Déculturation, p. 64-65, Fayard.

dimanche 22 juin 2008

Les Dimanches de Jean Dézert

Ce matin, sur son blog, Pierre D. (je crois qu'il n'est pas fou de publicité et encore moins de "liens"...) donne à lire quatre poèmes de Jean de la Ville de Mirmont. La lecture commence par ceci :

Je me suis embarqué sur un vaisseau qui danse
Et roule bord sur bord et tangue et se balance,
Mes pieds ont oublié la terre et ses chemins
Les vagues souples m'ont appris d'autres cadences
Plus belles que le rythme las des chants humains.

Les deux premiers vers sonnent évidemment comme un écho, ou un hommage, ou les deux, au Serpent qui danse de Baudelaire :

Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau,
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l'eau.
[Ponctuation probablement fautive...]

Mais le nom même du poète bordelais renvoie aussi à François Mauriac, les deux jeunes gens s'étant fréquentés et aimés, d'abord à Bordeaux, puis à Paris ; Mauriac qui, durant les 56 ans séparant la mort de la Ville de Mirmont de la sienne propre, ne cessa d'entretenir la mémoire de l'ami disparu, tant dans son Bloc-Notes que dans les Mémoires intérieurs, ou par les préfaces qu'il écrivit à l'occasion de rééditions de la mince oeuvre mirmontelle, si l'on m'autorise l'adjectif.

Jean de la Ville de Mirmont, outre des poèmes, écrivit aussi quelques récits en prose, dont Les Dimanches de Jean Dézert, court roman empreint d'une belle mélancolie teintée d'ironie discrète.


[Rajout de quatre heures : Ayant obtenu une façon de nihil obstat de la part d'iPidiblue, je vous signale que les poèmes de Jean de la Ville de Mirmont sont à lire chez Pierre Driout (il faut descendre tout en bas de la page sur laquelle vous allez aboutir...).]

samedi 21 juin 2008

Vous y croyez, vous, au hasard ?

Si, dans Goux gueule, vous tapez Laisse tomber abruti ! vous vous retrouvez sur un aiguillage à cinq branches. Dont l'une vous amènera directement ici. Simple hasard ? Avertissement sans frais du Très-Haut ? Sournois complot ourdi par un mien ennemi, dont le nom est plusieurs car ils sont légion ? Par chance, la paranoïa est une distraction que je pratique peu, et seulement en amateur. Mais bon.

La flèche inimitable (irréprochable ?)

Donc, hier, nous passâmes la journée à Chartres, pour une visite commentée de la cathédrale. Grâce à notre guide, dont nous avions fait connaissance il y a un peu plus d'un an, lors d'une rencontre de blogueurs camusiens dont j'ai parlé à l'époque (mais sur l'ancien blog, donc pas de lien...), cette journée fut un pur enchantement des yeux et de l'esprit, mais une petite torture pour les vertèbres cervicales, je n'hésite pas à le dire.
Photos : Irrempe

Il nous est vite apparu que notre cicerone lisait Notre-Dame de Chartres à livre ouvert et que, partant, il nous faudrait rajouter d'autres visites à celle-ci, si nous voulions faire un tour complet (c'est une image) de l'édifice, même de façon sommaire. Pour hier, nous nous sommes donc concentrés sur les vitraux (rien que pour eux, il y faudrait la semaine) ainsi que, plus rapidement, sur les porches nord et sud et leur fabuleuse forêt de symboles. Le discours de notre liseur de pierre et de verre parvenait sans trop de peine à nous faire oublier, ou au moins négliger, les denses grappes de touristes que la belle saison, ainsi que leurs autocars, avaient attirées en ces lieux sacrés. À quelques reprises, l'Irremplaçable et moi parvînmes même à poser deux ou trois questions point trop sottes, ce qui, ce matin encore, me remplit d'un étonnement ravi.

Photos : Philippe[s]

Finalement, la seule note grise de cette journée fut le déjeuner, ou plus exactement le restaurant où il eut lieu. Si vous passez par Chartres, vous pouvez vous dispenser d'aller vous nourrir au Saint-Hilaire, dont la réputation nous a paru assez surfaite. Seule la Montée de Tonnerre (Chablis premier cru) était digne de nos palais profanes, ce pourquoi nous doublâmes la première bouteille d'une seconde. Avant de quitter l'établissement, notre hôte nota scrupuleusement le millésime ainsi que le nom du propriétaire-récoltant.

Là, on a senti le garçon vraiment sérieux.

vendredi 20 juin 2008

Le monde comme il va...

Tout le monde pense que j'ai épousé une femme normale, un modèle courant. Je l'ai moi-même longtemps cru. Faux : je partage ma vie avec une créature capable de synthétiser le monde, de le ramasser en une phrase, un cri, ou une image. La preuve :


Demain, retour à Chartres...

Aujourd'hui, on est ici...

Quand on nous aura mis dans une étroite fosse,
Quand on aura sur nous dit l'absoute et la messe,
Veuillez vous rappeler, reine de la promesse,
Les longs cheminements que nous faisons en Beauce.

jeudi 19 juin 2008

Anatomie d'un blogo-niais

Les blogueurs sont parfois bien étranges, risibles ou effrayants, selon l'humeur où l'on se trouve. Dans une gargote où je ne mets quasiment jamais les pieds, je tombe sur un billet à la gloire du pitre sectaire qui préside aux destinées de la Bolivie, pays dont on sait de quel genre de commerce s'enrichissent ses potentats et où ni vous ni moi n'aurions l'idée de mettre les pieds, bien évidemment. Le clown en question vient de se fendre d'une pompeuse et gesticulante missive à l'adresse des dirigeants européens pour leur enjoindre d'être plus gentils avec leurs immigrés, sinon la riposte serait terrible pour nous autres, ignobles colonialistes. Le matamore nous menaçait même - tenez-vous bien - de rétablir les visas pour les touristes du vieux continent ! Bref, une franche rigolade, que nos jeunes gens tournés vers le futur ont comme il se doit applaudie des deux mains. Ceux-là, en bons chrétiens qui s'ignorent, dès qu'ils sentent la cravache, ils tendent la fesse droite et se plaignent si le second coup ne tombe pas assez vite.

Donc, je me trouvais sur le blog de ce jeune homme moderne. Après avoir lu son billet, un peu con mais pas plus qu'une poignée d'autres sur le sujet, je m'attaque aux commentaires (mon courage est sans limite, quand c'est pour vous...) et tombe sur cette phrase, due elle aussi à la plume guerilleresque du taulier :

«J'ai l'impression que ça fait longtemps, peut-être depuis le Castro de la grande époque, que l'on n'avait pas vu de dirigeant aussi humble et juste parvenir à toiser les Grands de la terre.»

Y a-t-il quelque chose à ajouter ? J'ai relu la phrase deux fois, pensant être le jouet d'une hallucination passagère... Point. J'ajoute que ce chaud partisan de l'humble et juste geôlier de tout opposant à sa personne n'est nullement un vieillard bavochant devant le portrait dédicacé de Waldeck Rochet, mais un jeune homme très propre sur lui. Jeune homme de surcroît homosexuel, ce qui prouve chez lui une absence totale de rancune envers ce brave Fidel qui s'est employé à nettoyer son île de tous les déviants sexuels qu'il pouvait repérer.

Ai-je bondi sur mon clavier pour injurier comme il le mérite ce glorieux imbécile ? Non, même pas. À ce stade, même le troll le plus performant, plusieurs fois médaillé dans des concours internationaux, même le Wagner de l'incendie de blogo-paillottes baisse les bras. Et se retire en silence, humble et juste...

Nostradamus s'est planté

« Ce matin, Boris Vian est mort d'une crise cardiaque, en assistant à la projection d'un film tiré de J'irai cracher sur vos tombes. De ce brio rayonnant, subtil, timide, poétique, je me demande ce qu'il restera. Combien a-t-on vendu d'Automne à Pékin ? Célèbre pour de fausses raisons (Saint-Germain, le jazz, la trompette et son bouquin à scandale), ses petits livres tendres et fous couleront à pic, oubliés. Dommage. »

Matthieu Galey, Journal, 23 juin 1959.


C'est le risque, quand on se lance dans les prédictions de ce genre : la postérité parfois vous ramasse - au moins la postérité immédiate. Car si Boris Vian est en effet un écrivain de troisième rayon, on ne peut pas dire que ses livres ont coulé à pic, loin de là : les lycéens moyennement intelligents de ma génération (et moi tout le premier) ne juraient que par eux. Je ne sais pas si leur cote a faibli aujourd'hui, mais elle était au plus haut, alors.

Boris Vian m'a enthousiasmé à 16 ans - ce dont je suis loin d'être fier -. Relu 15 ans plus tard, il s'est méchamment pris les pieds dans les barreaux de mon échelle de valeurs. Qu'en serait-il aujourd'hui ? Remonterait-il ? J'en doute, mais pourquoi pas ? Le petit paragraphe de Galey (avec sa malencontreuse anacoluthe finale) me donne une certaine envie de relire L'Automne à Pékin ou encore L'Herbe rouge, les deux romans dont je conserve les souvenirs les plus flous. Aurais-je l'un ou l'autre dans ma bibliothèque, je crois que je m'y plongerais immédiatement : tout est bon à qui ne veut pas travailler. Mais je sais bien que, ce soir, demain au plus tard, ce vague désir se sera déjà évaporé.

mercredi 18 juin 2008

Avant-programme

Le ciel se dégage à mesure que le soir tombe avec la même lenteur légère, le vent s'est tu, les fleurs se drapent y compris les plus modestes, l'herbe coupée fourbit ses larmes, quelque chose dans l'air tend vers la douceur : il fera beau cette nuit.

C'est cité

Un magnifique article de Jean-Gérard Lapacherie (dont le blog est en lien permanent dans la colonne verte, à droite), à propos des divers glissements de sens de l'un des plus vieux et beaux mots de la langue française, celui de cité. Allez-y de ma part.

À propos de l'Europe : deux regards

« Partout où les noms de César, de Gaius, de Trajan et de Virgile, partout où les noms de Moïse et de saint Paul, partout où les noms d'Aristote, de Platon et d'Euclide ont eu une signification et une autorité simultanées, là est l'Europe. Toute race et toute terre qui a été successivement romanisée, christianisée et soumise, quant à l'esprit, à la discipline des Grecs, est absolument européenne. »

Paul Valéry, La Crise de l'esprit, 1924.


« Est européen celui qui a conscience d'appartenir à un tout. Si l'on n'a pas cette conscience, et si donc on n'est pas européen, cela ne veut pas dire pour autant que l'on est un barbare. Mais on n'est pas européen sans le vouloir. Pour transposer ce que Renan disait de la nation, l'Europe est un plébiscite constant. Même ce qui repose dans la conscience historique, tout ce qui est source, racine, est revu à partir d'une conscience ; et, dans une certaine mesure, l'histoire elle aussi est fabriquée à partir de celle-ci. »

Rémi Brague, Europe, la voie romaine, 1992.

mardi 17 juin 2008

Doucement quand même, les mimiles...

Bon, c'est vrai que je vous aime bien, que je vous soutiens à fond dans les luttes, que je suis prêt à vous apporter des sandwichs au pain si le mouvement s'éternise : je ne renie rien de ce que j'ai écrit hier. Mais, vendredi matin, approximativement entre huit heures et demie et onze heures, vous seriez bien aimables d'aller bloquer ailleurs que sur l'axe transversal Pacy - Dreux - Chartres.

Par ailleurs, si l'un d'entre vous, camarades routiers, avait été chargé de livrer le sancerre blanc au restaurant chartrain le Saint-Hilaire, je le prierai instamment de bien vouloir surseoir, ce même vendredi, à ses velléités de débrayage, hormis dans l'exercice de son art.

Merci d'avance.

lundi 16 juin 2008

Et vivent les mimiles !

J'aime beaucoup les chauffeurs routiers. Autant que les pêcheurs bretons ; peut-être même davantage. Oui, davantage, simplement parce qu'on les remarque beaucoup plus. À les voir sillonner gaiement nos routes et autoroutes, on finit par penser qu'ils ont été inventés en même temps. Et puis, ils mettent de l'animation sur les aires de repos, ils font vivre les putes campagnardes, ils ont une vraie utilité sociale, ils contribuent à la richesse du pays. Ils se crèvent plus ou moins la paillasse douze à quinze heures par jour, afin que les petits cols blanc sale à trente-cinq heures par semaine puissent payer le moins cher possible leurs pizzas surgelées chez Leader Price. Ça dénote une certaine conscience, un goût du travail bien fait et de l'abnégation agro-alimentaire.

Lorsqu'ils jugent que leur métier devient impossible à exercer, les chauffeurs routiers bloquent les routes. C'est tellement festif qu'on se demande pourquoi ça ne séduit pas davantage les petits bobos parisiens, par exemple. Ces jeunes gens qui veulent du lien social, de la solidarité citoyenne, du mieux-vivre-ensemble, ils devraient pourtant bien se rendre compte qu'il n'y a rien de mieux qu'un barrage de gros culs pour prendre le temps de la créer, leur sainte solidarité. Et puis, dites : en voilà du peuple en lutte, non ? Des petits gars de la France d'en bas qui n'hésitent pas à s'en prendre aux compagnies pétrolières et au gouvernement, ils devraient s'en pâmer d'aise, nos petits encartés et sympathisants.

Eh bien, non, étrangement, les mutants progressistes détestent les routiers. Également les marins pêcheurs. Mais surtout les routiers. Peut-être parce qu'avec leurs murs de camions à l'arrêt, ils empêchent de bien voir les défilés à banderolles et ballons multicolores des professeurs des écoles et des conducteurs de locomotives-qui-marchent-toutes-seules. Et, ça, camarade, c'est pas bon pour les luttes !

Ou alors, c'est parce qu'ils puent. Il faut bien avouer qu'un manieur de filets qui débarque de son thonier, ça ne sent pas toujours la rose. Et que le mimile qui saute au bas de son quinze-tonnes a des relents de raffinerie qui peuvent heurter certaines fosses nasales suavement réformistes.

Ou bien encore, et c'est le plus probable car le moins avoué, on leur en veut d'exister. Non seulement d'exister, mais de prétendre continuer à être, et de le gueuler à tort et à travers. Ils s'entêtent, ces méchants cons-là ! Faut-il être borné, tout de même, pour vouloir s'obstiner dans un métier qui va à contre-courant de l'histoire merveilleuse du genre humain ! Alors que ce serait si simple de se reconvertir en masse (je ne l'invente pas : c'est une "proposition" que j'ai lue aujourd'hui sur un blog). Les marins pêcheurs deviendraient chefs du rayon "poissons panés" dans leur hangar à bouffe local, cependant que les routiers seraient chargés de vérifier si les Vélibs ont bien été raccrochés à l'emplacement prévu, par leurs usagers citoyens.

Ils seraient très heureux, ils se fondraient dans le paysage, on ne les verraient plus, on ne les sentirait plus ; les plus malins d'entre eux pourraient même se mettre au roller ou à la trottinette, afin de devenir enfin totalement invisibles, à l'égal de leurs concitoyens. Et c'est sans le moindre effort qu'ils voteraient "oui" à tous les référendums européens qui passeraient à leur portée.

Au lieu de cela, les mimiles font leur mauvaises têtes, avec des arguments confondants de stupidité bornée. Du genre : mon père, mon grand-père et son père avant lui pêchaient la morue au large de Terre-Neuve, je veux pouvoir continuer à prendre la mer à mon tour. Grotesque, non ? Alors qu'il leur serait si simple de se faire gardien dans le joli écomusée voisin consacré à la pêche en mer à travers les âges !

Si encore ces inconscients votaient massivement à gauche, on pourrait leur faire une petite place dans nos manèges associatifs, leur bidouiller un strapontin dans nos meetings participatifs, un bout de trottoir dans nos cortèges solidaires. Mais je t'en fous ! Non contents de sentir mauvais, ils se paient le luxe de penser mal.

Déjà, cette méfiance avouée - que dis-je ? re-ven-di-quée ! - envers l'Europe : louche, non ? Il n'y aurait pas là comme une tentation diabolique de replis identitaire, hmm ? Un malsain désir de demeurer ce que l'on a été ? Pas bon, ça, pas bon. C'est se prendre le vent du progrès en pleine poire, au lieu de se laisser par lui gentiment pousser dans le dos, les yeux mi-clos, les narines palpitantes.

Et c'est qu'ils polluent, en plus ! Pour pouvoir livrer leurs dérisoires marchandises, les routiers n'hésitent pas à asphyxier les coquelicots et les violettes de leurs gaz d'échappement avec un cynisme rare. Quand aux pêcheurs, c'est presque pire : ils seraient prêts à voir disparaître maquereaux gentils et frétillantes sardines, dans le seul but de survivre et d'assurer leur descendance. On n'est pas plus égoïste.

Le comble est que ces misérables semblaient s'attendre à ce qu'on les défendît, à ce qu'on prît fait et cause pour eux ! Ils n'ont pas encore exigé la présence d'Emmanuelle Béart sur le pont du chalutier, ni un concert de soutien de Cali au péage de Dourdan, mais c'est tout juste. Une prétention complètement irréaliste : tout le monde sait très bien qu'ils ont des papiers en règle. Faut pas nous prendre pour des pigeons, les mimiles !

dimanche 15 juin 2008

Double erreur diluvienne

Tout à l'heure, l'Irremplaçable a commis deux imprudences majeures : non seulement elle a mis à sécher dehors une brassée de lavage (québéquisme garanti), mais elle a également arrosé tomates, salades et basilic de son jardin. Résultat, depuis plus d'une heure, il tombe des cordes (et pas à linge).

Jessica Alba posera-t-elle enfin nue ?

Il y a des blogueurs qui se prétendent vigilants et ne savent même pas qui est Jessica Alba, figurez-vous. Alors, pour leur éviter de boire idiot...


samedi 14 juin 2008

Le jour où l'on n'a pas dîné avec Léo Ferré (fin)

J'avais pourtant tout prévu, avant de quitter Paris, sans en rien dire ni à Jean-Michel ni à toi. Je m'étais arrangé pour trouver le nom du village où créchait l'artiste, j'avais même pu faire main basse sur son numéro de téléphone : c'est la grande presse, coco !

Puis, finalement, je me suis déballonné, j'ai fermé mon clapet et on n'est pas allé faire visite à Léo Ferré.

Alors on boit un verre, en regardant loin derrière la glace du comptoir
Et l'on se dit qu'il est bien tard...



vendredi 13 juin 2008

Répliques

Pluton me rappelle, en commentaire du billet précédant celui-ci, que demain, samedi, à neuf heures et une poignée de poussières, dans le cadre de son émission Répliques, sur France-Culture, Alain Finkielkraut recevra Renaud Camus, ainsi que le directeur du musée du quai Branly (Stéphane Martin, si ma mémoire est bonne).

Qu'un juif puisse inviter un antisémite aussi notoire (il n'y a pas de fumée sans feu, n'est-ce pas...) que Camus, voilà qui risque de sidérer certaine blogueuse de ma non-connaissance...

jeudi 12 juin 2008

Le jour où l'on n'a pas dîné avec Léo Ferré (IV)

Il a pourtant bien fallu quitter Rome. Quand j'y repense, je me dis que c'est à ce moment-là que j'aurais dû vous parler de mon idée, concernant Ferré, à Jean-Michel et à toi. Sottement, j'ai pensé qu'il serait toujours temps, une fois arrivés à Florence. Qu'on serait plus près, que ce serait mieux. Peut-être était-il déjà décidé que je garderais le silence.

Florence, j'y étais déjà venu, avec toi seul, quatre ans auparavant. Je me souviens qu'on avait envoyé une carte postale à François Mitterrand, fraîchement élu à l'Élysée, en se marrant comme deux crétins. Je devais y revenir huit ans plus tard, avec l'Irremplaçable. Au retour, mon dermatologue (mort depuis : comme quoi...) m'apprendrait par téléphone que le grain de beauté enlevé avant notre départ était "malin". Il était bien le seul, moi je ne l'ai pas fait. On aurait dû davantage se méfier de l'Italie, toi et moi.

Lors de ce deuxième passage, très bref, j'ai tenu à retourner dans la salle longue et lumineuse, au bout de laquelle, au centre d'une rotonde, est exposé le David de Michel-Ange (dont je me demande encore pourquoi on prononce son nom "Mikel" et non Michel ; de même que "Saint-Mar" au lieu de "Saint-Marque" ; enfin bon). Il s'est trouvé un moment où je t'ai vu, immobile, à mi-chemin de l'entrée et du David, entre les deux rangées d'esclaves pour le tombeau de Jules II, commencés puis abandonnés par le sculpteur.

Tu te tenais à exacte distance de celui qui tente désespérément d'extraire sa tête du cube de marbre où Michel-ange l'a laissée emprisonnée, et de la Pietà qui lui fait face, elle aussi inachevée. Le corps mort du Christ, déformé, musculeux, tailladé de coups de ciseau ; la douleur de la mère, d'autant plus intense que son visage reste indécis, brouillé, comme en jachère ; de l'autre côté, les efforts inhumains de l'athlète figé aspirant à l'air libre, sans doute hurlant dans son bloc aux arêtes inégales ; et toi entre eux tous, vivant encore mais déjà appelé par la pierre.

Il m'a paru, à ce moment-là, qui fut très bref, et peut-être même rêvé par la suite, que nous aurions mieux fait de ne pas tenter le sort, d'oublier encore un peu le marbre tant qu'il était possible, de contourner largement Florence et, traçant une diagonale toscane, de filer directement chez Léo Ferré.

mercredi 11 juin 2008

Prière bohémienne

Comment ai-je pu l'oublier celui-là, à ton avis ? Peut-être parce qu'il n'y avait pas de disques de lui, chez André, rue du Sommerard... Possible, oui. Il n'empêche que, dans mon petit Panthéon de chanteurs morts, il y a encore ce Québécois à la voix étrange et chaude : Félix Leclerc. Ce qui me ramène, là encore, à ma mère.

Nous vivions à Châteaudun, alors. Donc, en 1971 ou 1972, plus probablement en 71. Elle m'a envoyé au "Leclerc" du coin (oui, oui, oisive jeunesse : il y avait déjà des "Leclerc" (on parle des magasins, n'est-ce pas...) à cette époque reculée, sauf qu'ils étaient en pierre, et les garnisseurs de rayons vêtus de peaux d'auroch), pour y acheter un disque de Leclerc (Félix, donc : faites un effort, bordel !). Elle voulait qu'il y ait dessus Moi, mes souliers ou alors Le Petit Bonheur. Coup de bol : il y avait des disques de Félix dans les bacs, et les deux chansons étaient sur le même.

Christiane a eu du mal à me faire aimer ce chanteur-là (j'avais 15 ans, tout de même...). Ç'a même pris plusieurs années. Ma petite fierté à moi est que, quand j'ai opéré ma jonction avec l'Irremplaçable, je connaissais dix fois mieux le répertoire de Félix Leclerc que ses trois enfants et elle. Évidemment, elle a tenté de me snober en me racontant qu'elle était sur les plaines d'Abraham, lors du concert historique réunissant Leclerc, Vignault et Charlebois, en 1974 si je me souviens bien, mais j'ai fait le mec dédaigneux et ça n'a pas du tout marché.

Félix Leclerc, c'était mon chanteur à moi. Je m'excuse.


PRIÈRE BOHÉMIENNE (1951)

À tous les bohémiens, les bohémiens de ma rue
Qui sont pas musiciens, ni comédiens, ni clowns
Ni danseurs, ni chanteurs, ni voyageurs, ni rien
Qui vont chaque matin, bravement, proprement
Dans leur petit manteau sous leur petit chapeau
Gagner en employés le pain quotidien

Qui sourient aux voisins sans en avoir envie
Qui ont pris le parti d'espérer
Sans jamais voir de l'or dans l'aube ou dans leur poche
Les braves bohémiens, sans roulotte, ni chien
Silencieux fonctionnaires aux yeux fatigués

J'apporte les hommages émus
Les espoirs des villes inconnues
L'entrée au paradis perdu
Par des continents jamais vus
Ce sont eux qui sont les plus forts
Qui emportent tout dans la mort

Devant ces bohémiens, ces bohémiens de ma rue
Qui n'ont plus que la nuit pour partir
Sur les navires bleus de leur jeunesse enfuie
Glorieux oubliés, talents abandonnés
Comme des sacs tombés au bord des grands chemins

Qui se lèvent le main cruellement heureux
D'avoir à traverser des journées
Ensoleillées, usées, où rien n'arrivera que d'autres embarras
Que d'autres déceptions tout au long des saisons

J'ai le chapeau bas à la main
Devant mes frères bohémiens

Qu'importe le flacon

« Je dis des tas de bêtises un tantinet réactionnaires sur le futur régime socialiste, qui sera l'idéologie dominante d'une autre classe sur la précédente, et voilà tout. (...) M'entends (sans m'écouter) parler comme mon père, quand il parade aussi devant des jeunes gens bouche bée. L'âge ! Bouche bée de surprise sans doute, plutôt que d'admiration. Peut-être même sont-ils saisis de consternation. Mais c'est presque une ivresse, agréable. »

Matthieu Galey, Journal, 9 mars 1976.

Le jour où l'on n'a pas dîné avec Léo Ferré (III)

L'idée était la suivante : puisque, pour nous rendre de Rome à Venise, nous allions traverser la Toscane de part en part, nous passerions forcément à proximité du village où Léo Ferré vivait avec sa petite famille, depuis le tout début des années soixante-dix.

Léo, vers 15 ou 16 ans, je l'ai d'abord aimé pour emmerder mon père, qui ne le supportait pas : on a connu des révoltes adolescentes moins bénignes. Ma mère l'aimait bien, elle. En 1955, année de leur mariage, mon père et elle avaient même failli aller l'entendre chanter à L'Olympia. Mais l'aversion de Daniel pour le Monégasque avait finalement été plus fort que son amour flambant neuf pour la jeune Ardennaise, et il avait refusé tout net. Voir mon père refuser quelque chose à ma mère, et celle-ci se soumettre, est une scène dont il convient de bien profiter, et longuement : elle ne se reproduira que très peu souvent, durant les 53 années à venir.

Christiane aimait bien Léo, donc. Mais essentiellement celui des années cinquante, de ce rendez-vous raté à L'Olympia, tandis que j'en tenais, moi, pour l'imprécateur chevelu des années 1970 - 1973, des expériences rock hasardeuses, Amour Anarchie, toute la lyre. En somme, on avait chacun son Léo - avant que je n'annexe le sien, un ou deux ans plus tard. Mon père se confinait dans un mutisme dédaigneux, se contentant, de loin en loin, d'arracher les grossières provocations antimilitaristes que j'affichais exprès sur les murs de ma chambre : c'était un père très coopératif, de ce point de vue.

Je n'ai vu Léo Ferré sur scène qu'une seule fois, en 1973, accompagné par Paul Castanier au piano, dans un cinéma orléanais qui n'existe plus depuis longtemps, boulevard Rocheplatte. Aux murs latéraux y subsistaient encore des fresques ternies et poussiéreuses, sortes de décors permanents qui témoignaient d'un passé d'opérette remontant loin aux années d'avant moi.

J'ai dans la tête
Un vieux banjo
De 1925...


Je n'écoute plus beaucoup Léo, aujourd'hui. Savoir qu'il est rangé là, au bas de la discothèque, me suffit. De toute façon, je n'écoute plus les chanteurs de mon adolescence, hormis Trenet et lui, de fort loin en fort loin. Quant aux pousseurs de couplets actuels, je n'en veux rien savoir. Par principe. Par indifférence. Parce que le temps des chansons a passé, comme l'eau sous les ponts Mirabeau.

Voyant tes remous tes ressacs
Tout au long du quai rectiligne
Un moment je t'avais cru digne
De m'écouter vider mon sac...

Parfois, lorsque l'Irremplaçable est absente, que les chiens ont mangé et réintégré leurs paniers, que la nuit va venir, je glisse un de ses disques dans la machine à sons, juste pour vérifier que je connais encore tout cela par coeur.

Nous avons eu nos nuits comme ça moi et moi
Accoudés à ce bar devant la bière allemande
Quand je nous y revois des fois je me demande
Si les copains de ces temps-là vivaient parfois...

Généralement, cette visite à Monsieur mon passé s'accompagne d'une plongée plus ou moins douce et raisonnée dans l'alcool, que je paie le lendemain sans sourciller ni me plaindre ; de toute façon, il n'y a personne à qui se plaindre.

Eh ! Monsieur Richard !
Le dernier...
Pour la route !

Ce Monsieur Richard qui me fait chaque fois penser à toi, pour qui Léo Ferré n'était qu'un vieux phraseur boursouflé et un peu ridicule. Il n'empêche que j'ai bien failli vous mettre en présence, vers la fin du mois de mai 1985, et je me demande encore ce qu'il serait advenu de cette rencontre, sur le flanc doux d'une colline de Chianti.

mardi 10 juin 2008

Le jour où l'on n'a pas dîné avec Léo Ferré (interlude)

Je n'ai trouvé que ça. Je veux dire : cette version tardive et "symphonique" de cette chanson (si on peut dire...) de Léo, datant de 1970. Je vous la mets néanmoins en lien, simplement parce que j'ai passé mon "prime time" à écouter Ferré (on comprendra mieux pourquoi demain matin). Et surtout pour que mes jeunes lecteurs sachent à quoi ont vibré les vieux machins - ou au moins certains d'entre eux.


Le Chien (Léo Ferré - 1970)


À mes oiseaux piaillant debout
Chinés sous les becs de la nuit
Avec leur crêpe de coutil
Et leur fourreau fleuri de trous
À mes compaings du pain rassis
À mes frangins de l'entre bise
À ceux qui gerçaient leur chemise
Au givre des pernods-minuit

A l'Araignée la toile au vent
A Biftec baron du homard
Et sa technique du caviar
Qui ressemblait à du hareng
A Bec d'Azur du pif comptant
Qui créchait côté de Sancerre
Sur les MIDNIGHT à moitié verre
Chez un bistre de ses clients

Aux spécialistes d'la scoumoune
Qui se sapaient de courants d'air
Et qui prenaient pour un steamer
La compagnie Blondit and Clowns
Aux pannes qui la langue au pas
En plein hiver mangeaient des nèfles
A ceux pour qui deux sous de trèfle
Ça valait une Craven A

A ceux-là je laisse la fleur
De mon désespoir en allé
Maintenant que je suis paré
Et que je vais chez le coiffeur
Pauvre mec mon pauvre Pierrot
Vois la lune qui te cafarde
Cette Américaine moucharde
Qu'ils ont vidée de ton pipeau

Ils t'ont pelé comme un mouton
Avec un ciseau à surtaxe
Progressivement contumax
Tu bêle à tout va la chanson
Et tu n'achètes plus que du vent
Encore que la nuit venue
Y a ta cavale dans la rue
Qui hennnit en te klaxonnant

Le Droit la Loi la Foi et Toi
Et une éponge de vin sur
Ton Beaujolais qui fait le mur
Et ta Pépée qui fait le toit
Et si vraiment Dieu existait
Comme le disait Bakounine
Ce Camarade Vitamine
Il faudrait s'en débarrasser

Tu traînes ton croco ridé
Cinquante berges dans les flancs
Et tes chiens qui mordent dedans
Le pot-au-rif de l'amitié
Un poète ça sent des pieds
On lave pas la poésie
Ça se défenestre et ça crie
Aux gens perdus des mots FERIES

Des mots oui des mots comme le Nouveau Monde
Des mots venus de l'autre côté clé la rive
Des mots tranquilles comme mon chien qui dort
Des mots chargés des lèvres constellées dans le dictionnaire des
constellations de mots
Et c'est le Bonnet Noir que nous mettrons sur le vocabulaire
Nous ferons un séminaire, particulier avec des grammairiens
particuliers aussi
Et chargés de mettre des perruques aux vieilles pouffiasses
Littéromanes

IL IMPORTE QUE LE MOT AMOUR soit rempli de mystère et non
de tabou, de péché, de vertu, de carnaval romain des draps cousus
dans le salace
Et dans l'objet de la policière voyance ou voyeurie
Nous mettrons de longs cheveux aux prêtres de la rue pour leur
apprendre à s'appeler dès lors monsieur l'abbé Rita Hayworth
monsieur l'abbé BB fricoti fricota et nous ferons des prières inversées
Et nous lancerons à la tête des gens des mots
SANS CULOTTE
SANS BANDE A CUL
Sans rien qui puisse jamais remettre en question
La vieille la très vieille et très ancienne et démodée querelle du
qu'en diront-ils
Et du je fais quand même mes cochoncetés en toute quiétude sous
prétexte qu'on m'a béni
Que j'ai signé chez monsieur le maire de mes deux mairies
ALORS QUE CES ENFANTS SONT TOUT SEULS DANS LES
RUES
ET S'INVENTENT LA VRAIE GALAXIE DE L'AMOUR
INSTANTANE
Alors que ces enfants dans la rue s'aiment et s'aimeront
Alors que cela est indéniable
Alors que cela est de toute évidence et de toute éternité
JE PARLE POUR DANS DIX SIECLES et je prends date
On peut me mettre en cabane
On peut me rire au nez ça dépend de quel rire
JE PROVOQUE-À L'AMOUR ET À L'INSURRECTION
YES! I AM UN IMMENSE PROVOCATEUR
Je vous l'ai dit

Des armes et des mots c'est pareil
Ça tue pareil
II faut tuer l'intelligence des mots anciens
Avec des mots tout relatifs, courbes, comme tu voudras

IL FAUT METTRE EUCLIDE DANS UNE POUBELLE

Mettez-vous le bien dans la courbure
C'est râpé vos trucs et manigances
Vos démocraties où il n'est pas question de monter à l'hôtel avec
une fille
Si elle ne vous est pas collée par la jurisprudence
C'est râpé Messieurs de la Romance
Nous, nous sommes pour un langage auquel vous n'entravez que
couic
NOUS SOMMES DES CHIENS et les chiens, quand ils sentent la
compagnie,
Ils se dérangent et on leur fout la paix
Nous voulons la Paix des Chiens
Nous sommes des chiens de " bonne volonté "
El nous ne sommes pas contre le fait qu'on laisse venir à nous
certaines chiennes
Puisqu'elles sont faites pour ça et pour nous

Nous aboyons avec des armes dans la gueule
Des armes blanches et noires comme des mots noirs et blancs
NOIRS COMME LA TERREUR QUE VOUS ASSUMEREZ
BLANCS COMME LA VIRGINITÉ QUE NOUS ASSUMONS
NOUS SOMMES DES CHIENS et les chiens, quand ils sentent la
compagnie,
II se dérangent, ils se décolliérisent
Et posent leur os comme on pose sa cigarette quand on a quelque
chose d'urgent à faire

Même et de préférence si l'urgence contient l'idée de vous foutre
sur la margoulette
Je n'écris pas comme de Gaulle ou comme Perse l
JE CAUSE et je GUEULE comme un chien

JE SUIS UN CHIEN

Tout est au duc

« Feu Lévis-Mirepoix devient un attachant vieillard perdu, solitaire dans son antre lugubre, où la concierge monte voir de temps en temps s'il n'est pas mort. Avant d'habiter la rue Daru, il résidait dans un hôtel de famille, rue de Berri, vendu comme tant d'autres aux promoteurs. Un matin, muni d'une pelle et d'un sac de plastique, il se rend là-bas pour chercher un peu de terre, souvenir de son jardin, des jours anciens. Mais les ouvriers - portugais - le découvrent et le détrompent. C'est du remblai déversé à la tonne sur le chantier. Et, pour ce vieux monsieur si convenable, on s'est tué à creuser deux mètres plus bas pour lui rapporter un seau de la "vraie" terre. Exemple, pour Boulanger, de la fraternité humaine, au-delà des classes... »

Matthieu Galey, Journal, février 1983.

¡ El teléfono !

« Moi : Allô ?
Lui : Pardon ! c'est une erreur.
Moi : Comment, c'est une erreur ? À qui voulez-vous parler ?
Lui : À une femme, connard ! »

Matthieu Galey, Journal, 4 septembre 1984.

Le jour où l'on n'a pas dîné avec Léo Ferré (II)

Comme la mémoire est oublieuse ! Et toi qui ne rectifies rien de mes erreurs, naturellement... Hier, rappelle-toi, nous parlions de notre périple italien, que je situais en septembre ou octobre 1985, et j'y faisais une rapide allusion à la «tragédie du Heysel», ainsi que nos amis folliculaires ont immédiatement baptisé cet accident de stade. (Trente-quatre morts tout de même ; et parmi eux pas un seul joueur, ce qui est une manière de double peine.)

Or, tout à l'heure, dans le Journal de Matthieu Galey (qui t'a suivi de très près dans le néant, mais lui était né en 1934 : sacrée différence...), j'ai lu que ce fait-divers avait eu lieu en réalité dans les derniers jours du mois de mai. Par conséquent, c'est au printemps que Jean-Michel et moi t'avons accompagné dans ton dernier voyage terrestre, et non à l'automne ainsi que je l'ai écrit.

Me frappe pour la première fois depuis vingt-trois ans le fait que ta maladie aura donc été exactement encadrée par deux voyages, également effectués en compagnie de Jean-Michel et de moi : le premier en avril 1984 (dans une Espagne où régnait un froid de gueux), juste après ta première chimiothérapie, le second un an plus tard, juste avant la dernière. On peut aussi noter en passant que dans ce mot barbare et hérissé de chimiothérapie, si le côté "chimio" se laisse voir assez rapidement, l'aspect "thérapie" connaît de très fâcheux et trop fréquents ratés, ainsi que tu le sais.

Lors de notre mini-tour d'Espagne (Guadalajara, Madrid, Tolède, Ségovie et Salamanque), Jean-Michel et moi avions vécu une longue matinée d'angoisse, ce jour où tu t'étais éveillé avec de fortes douleurs au ventre. Le cancer était encore une nouveauté, pour nous comme pour toi, et nous imaginions déjà une brusque prolifération de métastases uniquement destinées à nous pourrir ces deux semaines de vacances. En réalité, les douleurs s'étant estompées dans le courant de la journée, pour disparaître totalement le lendemain matin, nous étions tous les trois tombés d'accord pour dire que tu devrais désormais éviter de te bourrer de glaces à longueur de journée, tel un sale gosse soustrait au regard maternel.

Je me souviens aussi que beaucoup de gens jetaient des regards furtifs et vaguement inquiets à ton crâne poli. La mode n'était pas encore venu, chez les jeunes hommes, de la chauvitude militante et volontaire ; en ces temps, la boule à zéro désignait quasi immanquablement le cancéreux sous perfusion - et tu n'avais pas tellement l'âge du rôle.

Avec tout cela, ce détour castillan, je m'aperçois que je n'ai encore rien dit de Léo Ferré, tout morfondu dans sa campagne toscane.

lundi 9 juin 2008

Sublimissime modestie

À propos de la chaîne dont je parlais plus bas, on a eu à coeur de me donner raison, quant aux boursouflures de l'ego et aux regards merveilleusement bienveillants que chacun porte sur soi-même. Lisez plutôt (allez-y : c'est très con, mais c'est pas long...).

Exercice de sublime modestie

Depuis ce matin, circule une nouvelle chaîne sur certains blogs. Il s'agit, en principe, d'un exercice de modestie et de distance critique consistant à exposer cinq de ses contradictions personnelles. J'ai gentiment ironisé, dans un commentaire, sur le fait que chacun ne révélait que de petites contradictions secondaires, uniquement destinées à passer les véritables par pertes et profits ; et aussi sur la modestie supposée de l'opération, qui aboutit en fait à son exact contraire. On m'a répondu que non. Je réponds que si, et le prouve. Voici donc mes cinq contradictions :

1) Je prétends n'être pas écrivain, mais j'ai pourtant un style magnifique et une grande profondeur de pensée.

2) Je suis un immonde réactionnaire de droite, mais je suis également capable d'un geste d'une sublime générosité envers un salaud de pauvre, à condition qu'il se montre suffisamment humble.

3) Je suis scrupuleusement fidèle à mon Irremplaçable Épouse, et pourtant, si je voulais...

4) J'affirme être d'une merveilleuse modestie, et pourtant je déteste me vanter.

5) Je ne supporte pas les fautes de français ni la bêtise en roue libre, mais je lis une bonne vingtaine de blogs chaque jour.

À propos d'écrivain en bâtiment

« Ces gens qui me demandent si "j'écris pour moi" ! Tous des Marie-Chantal interrogeant un galérien : "Et le dimanche, vous ramez ?" »

Matthieu Galey, Journal, 18 décembre 1981.

Le jour où l'on n'a pas dîné avec Léo Ferré (I)

L'automne 1985. Automne éternel pour toi, et sans poésie de mauvais aloi, puisque tu n'as pas atteint l'hiver. Disons qu'on y est entré ensemble, Jean-Michel, toi et moi, et que tu as jeté l'éponge avant la sortie - peut-être faute de la trouver. Bref.

Je n'arrive pas très bien à me souvenir si c'était à la fin de septembre ou au début du mois suivant. Ta dernière sortie de vivant, quoi qu'il en soit, si l'on excepte cette virée de Toussaint à Strasbourg, deux semaines exactement avant ta mort. Un ultime voyage, donc,, tous les trois, dans ma Simca 1100 bleu ciel métallisé, un vrai poème. Elle resservira bientôt, dans des circonstances plus froides, infiniment.

Pour l'instant, il fait chaud. Le programme est le suivant : une semaine à Rome, quarante-huit heures à Florence et quatre jours à Venise. Tu t'es occupé de tout, c'est-à-dire des réservations d'hôtel ; à Rome, au bord de cette place sans grand charme, dont le nom m'échappe, tout près du Tibre et du château Saint-Ange ; et à Venise, dans un couvent de San Marco où nous assisterons à la retransmission de ce match de football (Juventus - je ne sais qui), qui fera un certain nombre de morts avant même son coup d'envoi - ce qui n'empêchera nullement les bonnes soeurs italiennes de le suivre avec enthousiasme. Re-bref.

Comme la mort est une esthète, ou une cinéphile, c'est ici même, à Venise, qu'elle viendra te rappeler tes devoirs envers elle et ne te lâchera plus. Mais, pour l'instant, nous nous apprêtons à quitter Rome, que Jean-Michel et moi avons parcouru dans tous les sens, à pied, nous épuisant à te suivre, et feignant de croire à ton éternité.

Moi, j'ai un autre problème, dont je n'ai encore parlé à aucun de vous deux. Et c'est Léo Ferré.

dimanche 8 juin 2008

On nous cause depuis Joliette...

Sur le blog de Juan Asensio, un long et bon texte d'Ygor Yanka.

Sans détour ni précaution oratoire

Wafa Sultan, psychiatre arabo-américaine, donne sa vision de l'Islam.

Une vie épuisante

« Comme toujours, quand la famille est réunie, mon père évoque Saint-Girons, ses vacances d'enfant, Baldouy, etc. Baldouy, nabot, barbu, coureur, et qui fut pourtant le second mari parfait de mon arrière-grand-mère, attentif à tout, réglant la table, la maison, les placements. Elle n'avait strictement rien à faire, et s'en réjouissait. Elle aurait même dit, en mourant à quatre-vingt-neuf ans : "Je suis contente. Je ne voulais rien faire. Je n'ai rien fait." C'est pourquoi elle gardait une dent à son premier époux Galey, dont je descends. Au cours de leur brève existence conjugale - il est mort tuberculeux, tué à la tâche, à trente-trois ans - il prétendait qu'elle s'occupât de sa maison.
" Tu comprends, disait-elle à mon père, j'avais mes parents à côté, qui nous apportaient les repas, mais M. Galey - il n'y a jamais eu beaucoup d'intimité entre eux - voulait que je m'en occupe moi-même !
- Il voulait que tu fasses la cuisine ?
- Oh, tout de même pas. Mais les menus !" »

Matthieu Galey, Journal, 19 août 1976.

samedi 7 juin 2008

On se paie une banque

C'était hier. L'Irremplaçable et moi étions, une fois de plus, dans cette charmante petite cité alto-séquanienne de Levallois-Perret. Le but de la promenade était toujours désespérément le même : tenter de nous désengluer de cette saloperie d'affaire de crédit immobilier, fort mal emmanchée depuis le début. L'objectif était, cette fois, de larguer notre banque habituelle en plein vol et de sauter à pieds joints (si possible) dans une autre.

L'affaire du crédit s'est fort bien arrangée en effet. Mais, en plus, nous nous sommes découverts, deux heures plus tard, en heureux possesseurs de :

- un nouveau compte bancaire,
- deux jolies cartes dorées-pour-prendre-de-l'argent-dans-le-mur,
- une joufflue réserve de bon argent, pour le cas bien improbable où nous serions à découvert (ce qui ne manquera pas de se produire dès le mois prochain, on peut nous faire confiance),
- des tas d'avantages auxquels je n'ai rien compris, vu que j'avais cessé d'écouter au bout de vingt minutes.

Le tout sans avoir abandonné l'établissement précédent, bien entendu. Lorsque l'agence consentit à nous recracher enfin sur le trottoir, nous nous sentîmes tout gonflés d'importance : avoir deux banques pour moi tout seul, même dans mes songeries d'adolescent enfiévré, je n'avais jamais osé y croire.

Puis, juste après, une certaine inquiétude : vu la manière pitoyable dont étaient jusqu'à présent maîtrisées les finances familiales, il est à craindre que, sautillant d'une banque à l'autre désormais, l'affaire devienne rapidement une véritable bérézina gestionnaire.

Peut-être qu'une troisième banque... dans quelque temps...

vendredi 6 juin 2008

Encore Mompou

Grâce à M. Sniper, on peut désormais, ici même, écouter des extraits de la musique de Mompou - Dieu ait son âme.

jeudi 5 juin 2008

Connaissez-vous Mompou ?

Mompou est un musicien espagnol, que je suppose catalan d'après son nom (je vais vous mettre un quelconque lien Wikipédia, flippez pas...) et dont j'ignorais l'existence il y a encore quatre ou cinq mois.

ON me l'a offert. J'en suis reconnaissant. Je dispose d'exactement 1,2 heure de piano de ce compositeur. Je l'écoute au moins une fois par semaine depuis ces quelques mois qui séparent ma découverte de mon ignorance. J'ai cette impression très étrange d'avoir exhumé un mort. Ne me demandez pas de vous parler de sa musique : j'en suis incapable. Comme, finalement, je ne sais pas parler des livres qui m'occupent ; au point que je me demande si je ne ferais pas mieux d'arrêter de lire, de passer à la pétanque, le sudoku, la baise, l'alcoolisme véritable et sérieux, des choses de ce genre.

Mompou est cristallin, évident, mais il me reste opaque. Il m'est, comme tout artiste, assez désespérant. Tout en ne me désespérant pas le moins du monde. J'ai souvent l'impression qu'il se moque de moi. Mais gentiment - je vois bien son sourire.

(Pardon : le lien.)

Célibataire et cloîtré

De dimanche à vendredi prochain, j'aurais dû rajeunir de 18 ans, me retrouvant célibataire à l'occasion du séjour de l'Irremplaçable chez Adeline, à Barcelone (enfin, pas loin). On imagine déjà les habituelles tournées des grands-ducs...

Sauf que, des tournées de ce genre, à pied, entre le Plessis-Hébert et Pacy-sur-Eure, ça manque un peu d'allure forcément : le grand-duc a du plomb dans l'aile, si je puis me permettre. Bloqué au nid par manque de voiture, ou plutôt d'autorisation de s'en servir, il a fait sa dernière sortie aujourd'hui. Pour aller au Super U, puis à Pacy, faire provision de cigarettes et de junk food pour ces cinq jours d'embastillement.

Condamné à bosser, je suis : même Ingrid et Ulla ont refusé de se bouger. À bosser et à parler tout seul, donc à vous.

mercredi 4 juin 2008

La France... vous vous souvenez ?

Ce qui suit aurait dû être une courte réponse au commentaire de Geneviève, dans le billet qui précède immédiatement celui-ci. Comme ma prose a pris des proportions, il me semble mieux avisé de la mettre ici.

La doxa actuelle ne peut que faire renaître un racisme qui, quoi qu'il soit de bon ton d'en dire, ne me paraît pas très virulent en France (ni d'ailleurs nulle part en Europe). Je vais sans doute en choquer un certain nombre, mais il me semble qu'il a toujours existé, en France (et probablement ailleurs), ce que j'appellerais un racisme "bon enfant". Celui qui pousse l'ouvrier, au comptoir, à dire à son éternel compagnon de pastis : "oh toi, le bougnoule, ta gueule, va rejoindre ta fatma et fais-nous pas chier !" (C'est un exemple.) Et le "bougnoule" en question est là, de nouveau, au même comptoir, le lendemain ; et si "Marcel" est absent, il s'inquiète ; il monte même chez lui, éventuellement, prendre de ses nouvelles ; et on l'accueille par un : "Ben, le bougnoule, qu'est-ce que tu fous là ?" ; et on lui paie un pastis à la maison.

S'il ne lit pas trop bien le français, comme il arrive, ou s'il n'ose pas trop (du fait de son "étrangèreté") la ramener face au chef de chantier, Marcel ira gueuler à la place de "son" bougnoule, pour les trois heures supplémentaires que l'on a "oublié" de lui compter sur sa feuille de paie. Et il en profitera, le soir même, pour se faire payer un pastis. (Je pense qu'un Nicolas est à même de comprendre ce que j'essaie de dire. Mais je ne lui demande nullement de m'approuver.) Il va à peu près de soi que l'inverse se produira également, si l'occasion se présente : ce ne sont pas les exemples réels qui me manquent.

Geneviève parle de ces Français de souche (les "souchiens", comme "on" les appelle désormais, avec la connotation que chacun entend ou devrait entendre), qui, pauvres, ne peuvent aller vivre ailleurs, ou même ne le souhaitent pas parce que, simplement, leur vie est ici, dans ces cités où ils habitent depuis parfois vingt ou trente ans, où leurs enfants ont grandi, dont ils sont partis, ou leurs souvenirs sont ancrés, leur jeunesse également, etc. Que pensez-vous donc qu'il va se passer, dans leur esprit, à force de s'entendre dire que les bandes de "jeunes" noirs ou arabes qui leur pourrissent la vie chaque jour NE SONT PAS arabes ou noirs ? Que c'est "dans leur tête" qu'ils se trouvent être noirs ou arabes ? Que ce sont eux les coupables, justement parce qu'ils les VOIENT (à tort naturellement) noirs ou arabes ?

Que vont-ils se dire, ces gens ? Qui, rappelons-le tout de même, sont, au départ (oh ! seulement au départ, bien entendu...), dans LEUR pays ? Dans quels bras extrêmistes vont-ils se jeter, d'après vous tous, bonnes âmes que le Bien ravage jusqu'aux moelles ?

C'est ce lit que vous êtes en train de creuser, pourris d'innocence liliale que vous êtes. Votre angélisme aveugle prépare les bains de sang de demain, desquels ne sortira aucun vainqueur, soyez-en bien certains. Que des vaincus, à commencer par vous-mêmes, ou plus exactement vos enfants. Qui seront alors habilités à vous demander des comptes, et qui, je suppose, ne manqueront pas de le faire.

Qui gagnera ? Personne. Même pas vos élites actuelles (oubliées alors), qui prennent bien soin de faire pousser leurs rejetons dans les serres chaudes des institutions privées, françaises ou suisses, et des universités américaines, plutôt que dans nos garderies "multiculturelles" (c'est-à-dire interdites de quelque culture que ce soit - ni la nôtre, ni la leur) dont ils chantent les louanges à longueur de colonnes-papier ou de quarts d'heure audiovisuel, et que, par défaut de mots nouveaux, on persiste à appeler "écoles", "collèges", lycées".

Qui perdra ? Tout le monde. Vous, d'abord, qui vous retrouverez dépossédés d'un pays que vous avez reçu en héritage et qu'un minimum de fierté aurait dû pousser à transmettre, sinon amélioré du moins intact, à vos descendants ; perdront aussi ces immigrés que vous parez de toutes les vertus dont vous vous êtes vous-mêmes dépouillé, et qui s'apercevront - trop tard - qu'on leur a fait miroiter un eldorado qui n'a même plus la volonté d'être un pays.

Au jour de votre ("notre", devrais-je dire, car je ne vois aucun moyen de me désolidariser de vous, malgré que j'en aie) disparition, librement acceptée, vous ne leur laisserez qu'une dépouille, une peau morte. Il n'est pas du tout impossible, et même probable, qu'ils en fassent finalement quelque chose de bien, de beau, peut-être de grand. Mais nous n'y serons pour rien, et ce ne sera pas la France, et ce ne sera pas l'Europe.

Ce sera Bruxelles. Je persiste à penser que l'islam, cet ennemi héréditaire de tout ce que nous fûmes, n'est pas soluble dans l'Europe. Mais il l'est très probablement dans Bruxelles. Vous voulez barboter dans Bruxelles ?

Moi, non.

mardi 3 juin 2008

Un beau grand printemps

Mon très cher vieux mort, vient de s'écouler une journée de printemps normand comme je les aime, au fond. Il a fait grand soleil et température douce durant une douzaine de jours, les faces se sont arrondies de plaisir, les plus nichonnées des villageoises ont sorti leurs appâts, même les matous remontent plus nonchalamment la rue de l'Église, et soudain...

Paf ! Brumes et pluie au programme, 11° au thermomètre à affichage digital, chemins trempés de boue, retour à l'automne. Ou, pis encore, saut à pieds joints dans l'automne prochain, d'un bond par-dessus l'été, cette saison préférée des cons. Ils ont froid, les cons. Les cons ont toujours froid, même en shorts et auréoles aux aisselles. Moi-même j'ai froid aujourd'hui. Mais c'est l'âge, c'est tout de même plus noble, ça se porte mieux, non ? Toi aussi, tu as froid, en tout cas c'est ce qu'on prétend des gens dans ta situation.

Vieux squelettes gelés, travaillés par le ver,
Ils sentent s'égoutter les neiges de l'hiver...

Un froid perpétuel : dans quel pays faut-il se résoudre à l'exil pour connaître ce bonheur-là ? Une grande étendue de lande, privée de cet éternel été qui rubiconne les sourires. Une neige épaisse, dédaigneuse et tranquille.

Survivance

Le roman d'Alain Monnier (éditions Climats) est sous-titré Les Fargier (1895 - 2060). S'agit-il de science-fiction pour autant ? Hélas, non. Je dis "hélas" pour nous, les encore vivants. Survivance raconte l'histoire de quatre générations, de quatre hommes dont chacun est le fils aîné du précédent. Tous portent le même étrange prénom : Ordivicien. Et chacun représente, résume l'un des âges de l'Humanité.

Ordivicien 1er s'est autoproclamé roi d'Auricanie, une petite île située au large du Chili. Il vit dans une sorte d'éternité pré-historique, entouré de sa cour (des Français tous plus ou moins en rupture de ban à qui il a su persuader de tenter l'aventure avec lui), et des "sauvages" avec lesquels ces expatriés édéniques vivent en bonne harmonie. Rien n'est tout à fait réel en ce royaume, hormis le meurtre fratricide qui a présidé à sa fondation : girardien de stricte observance, Ordivicien 1er tient à la fois de Caïn et de Romulus.

Le roman commence lorsque ce roi irréel décide qu'il est temps de quitter l'imaginaire pour entrer dans l'Histoire : nous sommes alors en 1915 et Ordivicien 1er, d'un même élan, déclare la guerre à la Prusse et envoie une armée d'une vingtaine d'hommes combattre en Europe. Chute adamique.

Ses descendants, Ordivicien II, son fils, et Ordivicien III, son petit-fils vont payer lourdement cette sortie du paradis. Le premier en pataugeant dans les bourbiers de l'Histoire : préfet de Vichy, il aide également la Résistance, avant d'y entrer lui-même, puis de voir sa statue déboulonnée par les chercheuses de poux idéologiques. Quant à son fils, descendu encore d'un cran pour devenir un des rois de l'économie capitaliste, il lui revient de préparer la sortie hors de l'Histoire de l'Humanité, notamment en finançant les recherches scientifiques débouchant sur l'immortalité, c'est-à-dire un cauchemar étale.

Dernier de la lignée, Ordivicien IV ne vit plus, comme de plus en plus d'humains, que par écran interposé, les yeux agrippés à son compteur de visites, pardon : à son nombre de connectés. Toute vie est devenue virtuelle, ou semble l'être. Le passé est aboli, l'avenir tout autant, la violence véritable également.

Les quatre récits se déroulent simultanément, en courts chapitres, les uns et les autres se répondant sans cesse et s'interpénétrant. Chacun est écrit dans un genre propre : les "faicts et dicts" d'Ordivicien 1er sont racontés par le chroniqueur officiel de son royaume, sorte de Froissart extatique ; son fils est connu par la biographie qu'a édité son frère après sa mort ainsi que par deux ou trois articles de presse ; le troisième Fargier du nom rédige une sorte de testament spirituel. Le dernier de la lignée est le seul à avoir droit à un récit en style direct ; mais c'est aussi le seul qui ne vit rien de réel...

Survivance est bien le roman d'une double désappropriation : celle de l'Histoire et celle de la mort. Lesquelles sont sacrifiées au profit de la recherche toujours plus impérieuse d'un bonheur total, global, sans plus d'avenir que de mémoire. C'est pourquoi, à son propos, il est déjà trop tard, il me semble, pour parler de "science-fiction".

Question existentialo-culinaire

Pourquoi se coiffe-t-on d'un béret basque, pour aller jouer à la pelote basque, avant que de déjeuner d'un poulet basquaise ? Pas de quoi se siphonner l'appétit, mais tout de même...

lundi 2 juin 2008

Coffee game !

Allez, pour détendre l'atmospère... un jeu. Certains de mes anciens amis, bien qu'égalitairement de gauche, sont très attachés aux classements (quels qu'ils soient), qui les propulsent en dessous ou au-dessus de leurs petits "camarades". Notamment à ce blogotableau d'honneur nommé wikio. Ils sont tant et tant égalitaires, ces chéris, qu'ils publient, chaque premier jour du mois, leur petit palmarès. Et non seulement leur classement (le long d'une échelle dont nul ne voit les barreaux, en dehors des petits malins qui les ont inventés), mais également la liste des blogs qui leur ont permis de grimper à la poursuite d'eux-mêmes.

Mon jeu est le suivant. Nous allons prendre "au hasard" l'un de ces grimpeurs et nous rendre indisensables à son irrésistible ascension : on verra ce que cela donne au premier juillet, chez saint Wikio.

Pour ce faire, à partir de maintenant, je mettrai le même blog en lien DANS CHACUN DE MES BILLETS. Et je vous demanderai de cliquer dessus. Vous n'êtes nullement obligé de lire ce sur quoi vous aboutirez : cliquer une fois suffit. Si vous utilisez deux (ou plus) ordinateurs dans votre journée, pensez à cliquer deux fois : c'est très important.

Si on s'y met tous (et vos amis éventuellement), on pourrait bien être les premiers fournisseurs de (faux) lecteurs du blog que l'ai élu pour mon expérience.

Ce qui serait assez rigolo.

Allez, on respire !

Si par extraordinaire il se trouvait des gens de droite pour passer sur ce blog, je tiens à les rassurer, quant à l'avenir : certains, et même d'autres, à gauche, en sont à envisager le retour de Martine Aubry ! Heureusement pour l'avenir du futur, les ségoléno-bisounours crispent leurs petits poings.

On attend avec impatience les partisans de Louis Mermaz, les thuriféraires de Pierre Joxe, les énamourés de Guy Mollet...

Grand appel d'air

Finalement, on se sent mieux, il me semble. On se "replie sur ses minima", comme disait Maurice Barrès, on va pouvoir recommencer à divaguer gentiment, en se foutant de l'avenir du monde et des gens qui l'encombrent. On aurait dû commencer par là. On a même commencé par là, si on se souvient. On va se réélever vers le murmure confidentiel (celle-là, elle est juste pour Georges, qui tempête derrière son écran : je le vois comme si j'y étais).

On continuera d'aller renifler les aisselles des jeunes sent-bon, tout à fait ravis et fiers d'avoir échappé à nos odeurs de transpiration ; pour le plaisir de flairer l'avenir. On pourra même se remettre à ricaner tranquillement. Sans se prendre des coups de blogoboomerang, subir des injections de moraline concentrée, s'avaler des règles de saint Benoît ripolinées de laïque.

On dira du mal de leurs totems, à voix moyenne, et on pissera en loucedé le long de leurs loundge-bars. On va rire tant qu'on va pouvoir. Donc, pas très longtemps.

À double tranchant

J'ai trouvé ici cette citation de Robert Musil :

« Si la bêtise, en effet, vue du dedans, ne ressemblait pas à s’y méprendre au talent, si, vue du dehors, elle n’avait pas toutes les apparences du progrès, du génie, de l’espoir et de l’amélioration, personne ne voudrait être bête et il n’y aurait pas de bêtise. Tout au moins serait-il aisé de la combattre. Le malheur est qu’elle ait quelque chose d’extraordinairement naturel et convaincant. »

Que chacun en prenne donc sa part, moi tout le premier. Et celui à qui la fève ruinera une molaire gagnera la couronne...