« Il est difficile de savoir pourquoi les petites choses se retiennent mieux que les grandes. Je serais incapable de décrire de manière précise un seul des nombreux combats auxquels j'ai participé et qui étaient fort dangereux. En revanche, j'ai gardé en mémoire une multitude d'incidents drôles ou absurdes. Ainsi, deux camions qui évacuaient les fonds d'une banque s'arrêtèrent à l'endroit où nous étions stationnés. On nous demanda de les garder. Je revois encore un capitaine de l'intendance rédiger sur un bout de papier un reçu selon lequel il prenait en garde tant de sacs d'argent. Son expression ne laissait planer aucun doute sur ses intentions. Nous en parlâmes à notre chef de section. Il eut un petit sourire qui signifiait : « Si cet idiot en a assez de la vie, qu'il parte avec l'argent. Seulement, où pourrait-il aller ? » Cela nous amusa et me donna l'occasion d'avancer une nouvelle interprétation du communisme intégral : on donnerait à chacun de l'argent selon ses besoins, sauf qu'il n'y aurait rien à acheter. Cela fit beaucoup rire mes camarades. Tout le monde avait décidément oublié que nous vivions dans un monde de dénonciation.
« Aussi décidai-je d'enfreindre mes règles de prudence et, dans une lettre à ma mère, j'écrivis : « L'ennemi, saisi de panique, fuit à nos trousses. » La censure militaire examinait le courrier selon un choix arbitraire. Le hasard tomba sur moi. L'instructeur politique me convoqua et me demanda de lui expliquer la phrase. Je lui dis que l'ennemi était effectivement saisi de panique, mais que des considérations stratégiques guidaient notre retraite. Il me rétorqua que c'était justement ce qu'il fallait écrire sans chercher midi à quatorze heures et me reprocha d'avoir un bien mauvais style pour un étudiant ! Je ne me donnai même pas la peine de refaire ma lettre. Elle ne fut pas examinée une seconde fois et arriva à destination. Ma mère la garda longtemps. »
Alexandre Zinoviev, Confessions d'un homme en trop, Folio, p. 234-235.
Mes quelques lecteurs vont peut-être commencer à trouver mauvais que je me contente de recopier ici des extraits de mes lectures plutôt que de faire l'effort de billets originaux. À cela je répondrai que lorsqu'on a rien à dire, le mieux est encore de céder la parole à ceux qui ont.
D'autre part, dans une note de bas de page de ce même livre – qui est une sorte d'autobiographie –, Alexandre Zinoviev précise très clairement que, pour lui, le mot stalinisme ne désigne nullement une certaine période de l'histoire de la Russie, et encore moins une perversion du communisme, mais exprime au contraire l'essence de ce même communisme.
Mais on viendra probablement me dire que Zinoviev était aveuglé par sa haine soviétophobe...
« Aussi décidai-je d'enfreindre mes règles de prudence et, dans une lettre à ma mère, j'écrivis : « L'ennemi, saisi de panique, fuit à nos trousses. » La censure militaire examinait le courrier selon un choix arbitraire. Le hasard tomba sur moi. L'instructeur politique me convoqua et me demanda de lui expliquer la phrase. Je lui dis que l'ennemi était effectivement saisi de panique, mais que des considérations stratégiques guidaient notre retraite. Il me rétorqua que c'était justement ce qu'il fallait écrire sans chercher midi à quatorze heures et me reprocha d'avoir un bien mauvais style pour un étudiant ! Je ne me donnai même pas la peine de refaire ma lettre. Elle ne fut pas examinée une seconde fois et arriva à destination. Ma mère la garda longtemps. »
Alexandre Zinoviev, Confessions d'un homme en trop, Folio, p. 234-235.
Mes quelques lecteurs vont peut-être commencer à trouver mauvais que je me contente de recopier ici des extraits de mes lectures plutôt que de faire l'effort de billets originaux. À cela je répondrai que lorsqu'on a rien à dire, le mieux est encore de céder la parole à ceux qui ont.
D'autre part, dans une note de bas de page de ce même livre – qui est une sorte d'autobiographie –, Alexandre Zinoviev précise très clairement que, pour lui, le mot stalinisme ne désigne nullement une certaine période de l'histoire de la Russie, et encore moins une perversion du communisme, mais exprime au contraire l'essence de ce même communisme.
Mais on viendra probablement me dire que Zinoviev était aveuglé par sa haine soviétophobe...
À propos de haine soviétophobe : c'est suspect cette focalisation sur feu l'URSS qui contraste avec l'absence de billet sur la RévoCul en Chine pop' ou le maoïsme en général.
RépondreSupprimerPourtant Dieu sait que les intellectuels maos ont été largement aussi cons que les stals (De la Chine de Maria-Antonietta Macciocchi atteignait,paraît-il, des sommets)et ceux-là devraient logiquement vous irriter autant ceux-ci.
Deux hypothèses : soit vous n'avez pas lu l'équivalent chinois de Chalamov ou Zinoviev, soit il y avait dans les années 70 à Orléans une petite brune avec une ombre de duvet sur la lèvre supérieure qui vendait La cause du Peuple à la sortie de votre lycée...
Vous n'y êtes pas du tout, Malavita : la petite brune en question était pro-albanaise et vendait La Forge à la sortie du lycée Émile-Zola de Châteaudun.
RépondreSupprimerBon sang, Chieuvrou, mais c'est bien sûr!
RépondreSupprimerJe crois savoir néanmoins qu'elle appartient maintenant au Parti communiste marxiste-léniniste-maoïste [PC (mlm)pour les intimes] et qu'elle est devenue webmistress du site contre-informations.
Par contre elle se fait teindre en blonde...
On vient, on vient...
RépondreSupprimerSacré Didier ! Vous n'auriez pas une biographie de Trotsky éditée sous Staline ? Je cherche à me faire une opinion du bonhomme en toute objectivité... :)))
Ces billets où vous donnez de longues citations de ce que vous venez de lire, me plaisent le plus.
RépondreSupprimerJe viens de finir les souvenirs d'Evguenia Ginsburg. (Merci aussi pour m'avoir fait connaître cet écrivain...). C'est l'exemple dont parle A.Z. : pour elle Staline est le seul salaud, et tous les autres (grosso modo) ont été bernés par lui, mais le communisme est la seule patrie... Ah, misère.
Pour connaitre un peu Trotsky, mieux vaut le lire par lui-même: "Ma vie" doit faire l'affaire.
RépondreSupprimerSinon, sur le site donné par Malavita, j'aime beaucoup la conclusion du billet présentement à l'honneur:
"Pour comprendre cela, il faut profiter de la science MLM, de sa juste compréhension de la contradiction entre les villes et les campagnes… et de l’avant-garde qui fait vivre cette science : le PCMLM !"
En attendant, le monsieur qui a défendu sa vie et son bien en tirant sur deux cambrioleuses est toujours en prison et y restera. Scandale... Et les tireurs de Villiers le Bel sont sortis et vont très bien. Merci pour eux.
Conclusion tirée à la va-vite:
RépondreSupprimermieux vaut tirer sur des représentants de l'ordre et de l'état que sur deux voleuses qui entrent chez vous par effraction.
Mais faut avoir la bonne couleur aussi. Ne nous amusons pas à faire des cartons n'importe où.
En attendant, le monsieur qui a défendu sa vie et son bien en tirant sur deux cambrioleuses est toujours en prison et y restera.
RépondreSupprimerSacrée Carine....
Elle ne perd jamais le Nord!
Et ce n'est pas moi qui lui donnerai tort.
@Carine : bien d'accord avec vous mais quelle légèreté dans l'organisation... Quand on tire sur deux cambrioleuses, il faut aussi dissoudre les corps dans l'acide sulfurique ( c'est mieux ). Je vous l'accorde , faut aussi avoir des notions d'anatomie ( pour une fragmentation efficace... ). ;))
RépondreSupprimer@ Didier, admirez le beau résultat d'une Goudale sifflée en attendant Albertine... Emma a raison !
Et tout ça n'arrange pas l'archet...
RépondreSupprimerMalavita & Chieuvrou : foutez-moi la paix avec ma petite brune de Châteaudun ! J'en ai eu une (et quand je dis que je l'ai eue, j'exagère considérablement...), elle s'appelait Brigitte Bichoux, je la revois encore, et je crois qu'elle m'aimait bien, et moi aussi je l'aimais bien, mais j'étais trop con pour le lui faire comprendre.
RépondreSupprimerQuelle misère que la jeunesse, j'ai envie d'en pleurer, tiens.
Emma : il vous faut absolument lire Zinoviev. Commencez par Les Hauteurs béantes (éditions L'Âge d'Homme).
Carine : on s'en branle, de Trotsky ! On peut même penser qu'il ne l'a pas volé, son coup de hache dans la tronche...
Pluton : saluez Albertine pour moi : vous ne l'avez pas ratée, celle-là, vraiment !
P'tain....
RépondreSupprimerAprès 40 jours d'absence pas même un salut amical...
C'est à vous dégouter de blogger.
Faut que je vous raconte une histoire Mr Goux. Vous la trapperez si vous le souhaitez.
RépondreSupprimerTraversant un village de carte postale non loin du lieu ou je vacançais, j'avise un de ces incontournables "vide-grenier". Je me dis qu'il y a là, peut-être, quelques vieux San-A. d'occase à réviser. Vous savez, le genre de bouquins qui ne vous arrachent pas trop la tronche, ceux qu'on lisait en loucedé quand nous étions ados boutonneux.
Justement un type a un étal de vieilles ruines bouffées aux termites. C'est fou ce que le Grand Meaulnes c'est bien vendu!! François Mauriac aussi tout comme les recettes miraculeuses de la Rika: on en trouve partout, toujours. Je fais part au bonhomme de mon souhait et il me répond:
-Ah!!!Mais mon pov monsieur...des San A. tout le monde en cherche! Je n'en ai plus hélas. Par contre j'ai l'intégrale des Brigades Mondaines!
Didier:
RépondreSupprimer"on s'en branle, de Trotsky !"
Bien sûr,vous vous foutez de tout, vous ^^
De hache? Non, de piolet! c'est pire!
D'ailleurs,Gorbatchev en portait les stigmates. Sans rire, on dirait la tache du sang de Trotsky.
@ Didier : merci pour le conseil de lecture, c'est noté.
RépondreSupprimerOh Fredi, vous vous êtes cassé, et sans rien dire à personne, ici, donc il ne faut pas s'attendre à ce que la cour des miracles vous fasse la danse du ventre, à votre retour.
Carine : faites gaffe quand même car si vous insistez trop avec le Vieux (mais non, qu'allez-vous penser là ? Je parle naturellement ici de Trotsky), Didier Goux risque, au nom de l'anarchisme militant de ses jeunes années, d'invoquer les mains souillées du sang des marins de Kronstadt du commissaire à la guerre de Lénine, par ailleurs, ne manquera-t-il pas d'ajouter, fusilleur en chef des combattants libres de la Makhnovchtchina.
RépondreSupprimerMonsieur Goux : de toute manière, « pro-albanais », ça ne collait pas, crois-je me rappeler, avec les dates de votre séjour dans la paisible cité des confins de la Beauce et du Perche. Quoi qu'il en soit, concernant votre chère BB, je tiendrai désormais ma langue, et pas qu'à demi.
Comment ça on s'en branle de Trotsky ? En tout cas, pas Zinoviev (l'autre con, pas Alexandre).
RépondreSupprimerAu fait vous prenez vos aises ou vous habitez ici ? Je suis pas dans le coup moi...
RépondreSupprimerChieuvrou, langue perfide! On sait à quoi vous faites allusion.
RépondreSupprimerMalavita, bon sang, on l'impression de tomber dans un rêve étrange quand on suit votre lien. Les stalinistes d'aujourdhui sont merveilleux. "si des jeunes de quinze ans en viennent à voler des voitures pour se distraire, c'est pour échapper à l'angoisse inhérente aux cités ghettos construites par les impérialistes pour les marginaliser deux fois, en tant que prolétaires et en tant que basanés".
Oui, mais au moins avec le PC(mlm), on sait discerner les vrais problèmes malgré les écrans de fumée déployés par la presse bourgeoise à la solde du grand capital :
RépondreSupprimer"Plus spécifiquement, sur le plan du football, la nomination de Laurent Blanc et la non sélection de tous les joueurs présents lors de la coupe du monde illustre bien la force de l’idéologie patriarcale reposant, entre autres, sur la figure paternaliste du « meneur d’hommes sachant se faire respecter », comme à l’armée.
Dans la crise capitaliste, l’institution bourgeoise de l’équipe de France de football sert d’exemple de rétablissement de l’ordre par la fermeté, un ordre correspondant aux intérêts de la classe dirigeante et garantissant bien entendu le maintien des vieux concepts de l’idéologie dominante."
Là, on a carrément l'impression d'avoir fait un mauvais trip.
« Mes quelques lecteurs vont peut-être commencer à trouver mauvais que je me contente de recopier ici des extraits de mes lectures plutôt que de faire l'effort de billets originaux. »
RépondreSupprimerFaire l'effort de billets originaux, c'est précisément ce que font à tour de bras cassés les blogueurs du Globe, et on n'en peut plus, de leur putain d'originalité de mes deux. L'Urbloge est devenue un cadran salaire sans soleil : vivement Minuit et la Grande Panne des bits.
Non, non Monsieur Goux. Votre action est une de bienfaisance pour les incultes faitnéants comme votre obligé qui découvre ainsi ce qu'il n'a pas su lire en temps et heure.
RépondreSupprimerIl me semble percevoir dans le choix de vos extraits comme une progression sourde mais ineluctable vers le néant, entre drame et comédie, même si elle est funeste.
Merci.
Indice de satisfaction à la lecture de cet article proche de 99%. L'extrait de Confessions d'un homme en trop d'Alexandre Zinoviev aura joué dans ce résultat pour 75%.
RépondreSupprimerInformation - non vérifiée - permettant d'aller plus loin que l'hypothèse d'un stalinisme inséparable du communisme : la bureaucratie étouffante du communisme soviétique était un héritage du tsarisme. Hypothèse : le totalitarisme est consubstantiel à la Russie.
Pour le fait divers des voleuses blessées par un propriétaire : une tentative de cambriolage est considéré par le code pénal comme un délit, et la tentative d'homicide comme un crime.
Un criminel sera plus sévèrement puni que deux délinquantes.
Skynet:
RépondreSupprimer"Un criminel sera plus sévèrement puni que deux délinquantes."
Ah oui? où ça? en France?
Il y en a à la pelle, des criminels qui ont tenté de tuer ou qui ont tué.
Vous les savez punis, vous?
Ceux de Grenoble, qui ont pourtant tenté de tuer des policiers, sont dehors.
Des policiers en fonction (ou non), ça vaut moins que deux cambrioleuses.
Sans parler des égorgeurs au tesson de bouteille (Paris) qui courent encore. Enfin, pas trop vite, c'est même pas la peine.
RépondreSupprimerCode Pénal français. Le reste est rhétorique.
RépondreSupprimerCarine, avez-vous vu le jeune homme que la police encourage à déménager parce qu'on lui a volé sa voiture ? Ça aussi, c'est diablement instructif.
RépondreSupprimerLes-Keufs-Réunis, "Nous déménageons les Souchiens". Maison honnête
"Le reste est rhétorique".
RépondreSupprimerLa rhétorique, c'est comme la dialectique qui casse des briques, ça coupe les carotides.
Georges, René Galinier reste en prison "pour être protégé de représailles", disent-ils...
RépondreSupprimerVoir sur lui l'excellent billet du Pélicastre.
Je viens d'écouter le témoignage de ce jeune homme. Le présentateur donne lecture de réactions consternées. Ce n'est pas nous qui serons étonnés.
RépondreSupprimerLe chaos est en vue. Les policiers ont peur des truands.
Remarquons que le jeune homme ne fait aucune allusion à la personnalité de son voleur (qui vient lui rendre visite chez lui, accompagné de ses sbires, jamais tout seul d'homme à homme...), il tomberait en plus sous le coup de la halde et de sos racisme.
La prison va bientôt être le seul endroit où on sera tranquille, puisque toute la racaille est dehors.
RépondreSupprimerPour le déménagement, je suis légèrement moins enthousiaste. Déménager de Nîmes pour atterrir à Petzouille-Les-Cépéhef, je ne vois pas trop où se trouve le bénéfice.
Ah oui, merci Carine, le billet du Pélicastre est très bien en effet.
RépondreSupprimerGeorges, you're welcome.
RépondreSupprimerVoilà l'instructeur au tiers instruit. Savoureux passage, spaciba.
RépondreSupprimer