mardi 2 novembre 2010

Nos z'amis les zombis


Avant toute chose, faisons taire les langues vipérines : la photo ci-dessus n'a pas été prise à la sortie de l'église de Pacy-sur-Eure le 23 octobre dernier.

Depuis vingt ans que nous vivons ensemble, j'ai fait découvrir plusieurs choses à l'Irremplaçable, et la réciproque est vraie aussi. Mais ce dont je suis et resterai le plus fier est peut-être de l'avoir fait entrer dans la grande famille des morts-vivants, à laquelle, jusqu'à une date assez récente, elle répugnait quelque peu à se frotter. Pour ce qui me regarde, j'ai toujours eu une grande tendresse pour les zombis, les trouvant attendrissants, propres à susciter ce type de compassion qui résulte d'un grand élan de pitié. Car la vie de nos frères zombis est tout sauf une partie de plaisir, sans même parler des calomnies et de l'ostracisme dont ils sont l'objet, des regards chargés de rejet et de haine qu'ils doivent subir chaque jour de leur pauvre vie de morts.

Mais avant de poursuivre, une précision qui a son importance : je n'accorde qu'un intérêt vague et tout juste poli à ces zombis modernes, anglais le plus souvent, qui courent comme des lapins et vous prennent d'impeccables virages de coins de rues sur les chapeaux de semelle. Non, je reste de l'école Romero, celle de ces gros balourds un peu risibles avec leurs déhanchements de marionnettes maniées par un parkinsonien sous acide – et qui ne pressent le pas sous aucun prétexte : on sent bien que le temps travaille pour eux.

Néanmoins, leur non-existence n'est que fort peu enviable, ainsi que je l'énonçais plus haut. Oh, certes, les débuts sont plutôt festifs, lorsque les premiers exemplaires sortent tout juste de leurs sépulcres ou de leurs tiroirs de morgue : il y a des vivants bien replets à tous les étages, c'est carousse, liesse et bombance, on se croirait à une rupture de ramadan. Mais rapidement, avec la multiplication des convives et la raréfaction des denrées, la disette s'installe. Vous savez ce que sont les tortures de la faim ? Les zombis le savent, eux. Et croyez-moi, devoir courir après son dîner quand on marche sur les chevilles, ce n'est pas un parcours de santé.

Quand enfin ils parviennent à mettre le moignon sur une proie, rien n'est encore gagné. Je ne sais pas si vous avez déjà essayé d'entamer à dents nues un mollet de cadre commercial ou de désosser une épaule de ménagère de moins de cinquante ans, avec bien souvent les molaires qui branlent dans la gencive, mais c'est autre chose que d'engloutir un sandwich Quick, même hallal.

Avec cela que, dans notre monde qui ne supporte pas la diversité, les zombis souffrent d'une très mauvaise image, probablement du fait de leur culture gastronomique différente ; et leur seul avenir, bien souvent, s'ils s'approchent trop de la caméra, est de se prendre une balle dum-dum dans leur absence de cerveau. Vous avouerez que, pour un trépassé ayant réussi à revenir à un semblant de vie, se retrouver mort une deuxième fois doit avoir quelque chose d'un peu déprimant : le sentiment d'un sort contraire qui s'acharne, quelque chose de cet ordre. Tout cela parce que ces salauds de vivants profitent cyniquement de ce que le zombi est un grand garçon tout simple. Pas un chichiteux, un peine-à-mourir comme le vampire, à qui il faut des crucifix, des caveaux, des gousses d'ail et des pieux dans le cœur ; ou encore ce snob prétentieux de loup-garou qui ne consent pas à mourir à moins d'une balle d'argent.

Et puis alors, pour ce qui est de la vie sexuelle, bernique. Ce ne serait d'ailleurs pas prudent. C'est que les zombis ont tendance à voir leurs différents appendices se décrocher à la moindre secousse, telle une abeille son dard. Vous imaginez ces pauvres filles, qui ont déjà toutes les peines du monde à se déplacer d'ordinaire, obligées de le faire avec la moniche encore encombrée des attributs de leur dernier partenaire ? Non, mieux vaut n'y pas songer.

C'est pour toutes ces raisons que je suis heureux d'avoir pu apprendre à Catherine à les aimer, ces zombis qui ont tant à nous apporter et qui ne demandent qu'à se nourrir en paix au milieu de nous. On ne peut même pas prétendre qu'ils nous volent notre pain : ils n'en mangent pas. Alors ? Il y a quand même bien du préjugé de notre part ! Il serait tellement plus beau, tellement plus sain, tellement plus humain, au lieu de tourner le dos à l'Autre et de se mettre à courir en poussant des cris stupides, d'aller au devant de lui, à sa rencontre.

D'autant que, à l'heure des repas, ça leur ferait gagner un temps fou.

14 commentaires:

  1. "Pour ce qui me regarde, j'ai toujours eux une grande tendresse"

    C'est plutôt : "toujours EU", non ? :-)
    Je suppose que vous avez voulu écrire : "j'ai toujours eu pour eux".
    Bonne journée !

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  2. Surprenant et très drôle, même au réveil ! Merci pour ce sourire d'outre tombe.

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  3. "d'aller au devant de lui, à sa rencontre."
    ouais, se déplacer jusque chez l'Autre, comme les mariés de chez Georges.

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  4. "C'est pour toutes ces raisons que je suis heureux d'avoir pu apprendre à Catherine à les aimer"

    D'ailleurs, elle vient d'en épouser un.

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  5. Geneviève : merci, c'est corrigé !

    Bertrao : Oui, c'est un billet qui a de la chair...

    Carine : de quoi parlez-vous donc ?

    Nicolas : ah, c'est fin, tiens !

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  6. Vous parlez de ces zombis qui dorment dans des petits cercueils parallélépipédiques, et qui ne se réveillent que quand on leur chatouille la feuille ?

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  7. Sympathique, tiens ça me donne envie de revoir les premiers Romero (le dernier était vraiment nul et indigne de la période 1960-1970).

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  8. Didier
    sans prétention aucune, je crois avoir écrit en bon François.
    Allez donc voir la vidéo postée "chez" votre ami Georges et vous comprendrez..

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  9. Sweeny Todd : duquel parlez-vous, précisément ?

    Carine : c'est l'allusion à cette excellent vidéo qui m'avait échappé...

    La Crevette : on devrait d'ailleurs inventer les morts de lol-vivants, pour changer.

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  10. Rires...

    Je suis quand même heureuse d'apprendre que Catherine apprécie désormais les zombis.

    Ce que j'aime chez le zombi, c'est sa façon de se déplacer... on dirait qu'un autre zombi le suit pour lui remonter la clé. C'est juste au moment où il fait du sur place et qu'il devient tout vert.

    J'ai adoré ce billet... autant le dire.

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  11. Didier Goux, l'homme de la synthèse entre Balzac et Frédéric Dard, Grandiose !
    Trêve de flatterie, un spécialiste tel que vous (ah ça me reprend) saura répondre à cette question qui me hante : quel est le titre de ce film de zombis nazis* (ça se corse), qui se déroule dans une île des Caraïbes avec un acteur allemand de premier ordre, bien qu'abonné aux seconds rôles ?


    * zombis affublés de lunettes de plongée d'un autre âge, sortant de l'océan telle la Vénus de Botticelli, scandaleusement plagiés dans un film publicitaire pour les biscuits "petit écolier" de LU.

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  12. Dom : comme film mettant en scène des zombis nazis, je ne vois que Dead snow. Mais je ne suis pas non plus un spécialiste mondial, hein...

    Sinon, sur le sujet, il y a ceci.

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  13. Merci, grâce à vos indications (et au blog que vous donnez en lien), j'ai trouvé : il s'agit de Shock waves (connais pas la traduction française, s'il y en eut une), avec Peter Cushing - qui n'est pas allemand !

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.