mardi 22 février 2011

Et voilà, j'ai replongé…

Je n'ai pas senti venir la crise. Mais il ne m'aura pas fallu vingt-quatre heures pour replonger jusqu'aux oreilles, et tel que c'est parti ça risque de durer plusieurs mois, comme la dernière fois, il y a sept ou huit ans. Et je ne connais pas d'antidote.

Bref, ne tournons pas cent sept ans autour du Ring : depuis dix jours, j'ai repiqué à Wagner et ne suis plus capable d'écouter quoi que ce soit d'autre. Les cent dernières pages du Brigade mondaine terminé hier soir ont été écrites aux accents de Parsifal, Lohengrin et Tristan, ce qui ne les a en rien améliorées, hélas. Et mes trajets en voiture ont bénéficié du même environnement sonore. Si bien qu'avant-hier, tel un sniffeur en état de manque, j'ai commandé chez Amazon une biographie de Wagner ainsi que deux coffrets de CD : le Parsifal dirigé par Clemens Krauss et le Tristan d'Eugen Jochum. Achats très déraisonnables dans la mesure où je possède déjà deux versions du premier (Karajan et Knappertsbusch) et trois du second (Leinsdorf, Furtwängler et Karajan). Du reste, hier en m'éveillant, ma première décision a été d'annuler cette commande : trop tard, elle était déjà plus ou moins en route et donc inannulable, si je puis dire. C'est tant pis… dit la raison ; c'est tant mieux ! rétorque le cerveau reptilien, complètement tourneboulé par les enchantements du vendredi saint, les walhallas embrasés, les anneaux d'or, les philtres d'amour et les filles du Rhin.

Au moins, cela m'a permis de vérifier une nouvelle fois la profonde stupidité du trait d'esprit de Woody Allen : aucune musique ne donne moins envie d'envahir la Pologne que celle-là, toute de délicatesses, raffinements, diaprures, joyaux enchâssés. Aucun orchestre n'est moins brutal ni bruyant que celui-ci. Si vous voulez vous sentir des envies d'envahissements polonais, allez plutôt traîner du côté de chez Meyerbeer et de ses grosses caisses rougeaudes : là, vous aurez du bruit tout votre saoul. Meyerbeer, c'est de la musique scro-gneu-gneu.

À qui ne connaîtrait pas encore Wagner, ou s'imaginerait ne l'aimer pas, je vais conseiller un disque : le premier acte de La Walkyrie, dirigé en 1935 par Bruno Walter, avec Lotte Lehmann et Lauritz Melchior dans le rôle des jumeaux incestueux et tragiques. Ces trois-là, avec d'autres, devaient ensuite mettre en boîte le deuxième puis le troisième actes : les pourceaux nazis les en ont empêchés. Rien que pour cette raison, ce manque difficilement supportable, j'interdis à quiconque d'associer Hitler à Wagner, même s'ils riment bien malencontreusement. Écoutez tout de même ce premier acte miraculeux. Vous n'aurez nulle envie d'envahir la Pologne, mais je vous mets au défi de ne pas frissonner d'héroïsme lorsque Melchior vous lancera son double Wälse ! à la face.

J'y retourne.

29 commentaires:

  1. je vais conseiller un disque : le premier acte de La Walkyrie, dirigé en 1935 par Bruno Walter

    Qu'en pense Georges ?

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  2. Et dans le champ d'à côté , vous voyez des vaches qui rient ?

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  3. Et les Préludes de Franz LISZT?
    http://www.youtube.com/watch?v=6BZgte0ObLw

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  4. Ah c'est malin, vous avez le bordel que ca provoque dans le monde arabe !

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  5. http://www.legrandsoir.info/Le-plan-de-l-OTAN-est-d-occuper-la-Libye.html
    Des nouvelles de Fidel le caraïbéen, toujours aussi vert et d'autres pépés au pouvoir qui faisaient des projets d'avenir... http://www.camnews24.net/fr/politique/afrique/10999-abdoulaye-wade-et-mouammar-kadhafi-reclament-une-seule-armee-africaine

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  6. Marcel baîllonné23 février 2011 à 09:31

    Qu'en pense Georges ?

    Mon Dieu, fredi ! Mon Dieu ! J'en frissonne encore. Cet appel à "Georges"... "Georges" est bien plus déchirant que les "Wälse" de Siegmund !

    Siehe, der Lenz
    Lacht in den Saal

    Regarde autour de toi, fredi ! Ce ne sont pas les épées qui manquent ici.

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  7. Ah, l'ouverture de "Lohengrin", délice et subtilité... En même temps, n'écouter que Wagner pendant huit mois, fichtre ! :0)
    (Sinon, le trait d'esprit de Woody Allen, qui m'avait bien fait rire, a plus à voir avec une vision du monde à la Gotlib qu'avec la réalité, je suis certaine que vous en conviendrez, espèce de provocateur.)

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  8. (Pardon, mal lu : "quelques" mois, donc. Bon, alors ça va.)

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  9. ça nous fera un sujet de conversation (sourire niais) j'ai beaucoup fréquenté Richard W. dans ma jeunesse.
    Qui l'eût cru ?

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  10. Fredi : ben… on ne sait pas, en fait.

    Mash : c'est curieux, à chaque fois qu'il est question de Wagner, il y a toujours au moins une personne pour débarquer avec Liszt. Ça ne rate à peu près jamais.

    PRR : vous croyez que les Walkyries leur donneraient envie d'envahir Israël ?

    Sophie K : je pense que la précédente crise n'avait pas duré loin de six mois.

    Mère Castor : m'étonne pas, je t'ai toujours trouvé un air faux jeton d'envahisseuse de Pologne.

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  11. Bon d'accord, le trait d'esprit (hum-hum) de Woody Allen n'était pas terrible. Je vous en propose un autre, de Mark Twain (désolé, traduction impossible) : "I've heard that Wagner's music is better than it sounds".
    J'avoue que ca me fait beaucoup rire, même si je reconnais que c'est gratuit.

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  12. Ah tiens, je vais fla-fla-la-lagorner, bien cher Didier : merci pour nous avoir permis d'écouter du Wagner !

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  13. Walter est un chef très surfait, la moindre écoute en aveugle vous le confirmera. Melchior est évidemment grandiose mais la voix de Lehmann est bien ingrate (ou en tout cas peu phonogénique, comme celle de Rysanek). Dans le premier acte de la Walkyrie, je vous recommande plutôt Resnik/Vinay (titanesques) avec Krauss en 53, Lorenz/Mödl avec Keilberth en 54 je crois (la voix de Lorenz est en lambeaux mais dramatiquement, c'est saisissant) et surtout Janowitz/Vickers avec Karajan en studio. Le son manque évidemment de réalisme mais c'est ahurissant de beauté et de dynamisme (le crescendo final...)et comme vous aimez Janowitz, je crois...

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  14. Et s'agissant des rapports entre Wagner et Hitler, je pense qu'il va falloir vivre avec. Et vivre avec, c'est accepter que d'une part, Wagner est probablement le plus grand artiste de tous les temps ,tous pays et tous arts confondus, (je sais, cela ne veut rien dire, mais zut) et qu'en même temps son antisémitisme, (si on peut appeler cela comme cela car les askhénazes ne sont sans doute pas des sémites) qui dépassait de très loin l'antisémitisme ambiant en Allemagne au XIXème siècle (le journal de Cosima décrit au quotidien un antisémite fanatique et obsessionnel) est manifestement à l'origine de l'extermination des juifs d'Europe à travers l'influence directe des écrits et de la personnalité de Wagner sur les fantasmes propres d'Hitler.

    On ne comprend rien au nazisme tant qu'on l'interprète comme une politique. Le nazisme est une esthétique. Hitler a fait ce qu'il a fait parce qu'il voulait rendre le monde plus beau. Et rendre le monde plus beau, pour lui, c'était le rendre wagnérien.


    Tout cela pour dire que la contradiction est insoluble. Séparer Wagner l'artiste du Wagner antisémite est impossible (le texte et la musique même des opéras sont bourrés de références racistes ou antisémites). Et refuser de reconnaitre le génie de Wagner à cause de son antisémitisme est idiot. Et comme je suis plus ou moins juif, je ne propose pas d'aimer Wagner parce qu'il est antisémite... Maintenant, il faut se débrouiller avec tout ça...

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  15. Aristide :bon, je dois être réfractaire à l'humour anti-wagnérien, je ne vois pas autre chose…

    Emma : oh, mais il ne fallait pas attendre ma permission, voyons !

    K2R : Vous avez raison pour la version Krauss : c'est l'intégrale de la Tétralogie que je possède et écoute en ce moment. Mais vous n'allez pas vous faire une amie de Catherine si vous me poussez à d'autres achats wagnériens ! Mais, en effet, je vois mal comment je pourrais résister à l'appel de Gundula. Cette version de Karajan (années 60 je suppose) se trouve encore en CD ?

    Pour votre deuxième commentaire, je le laisse sans réponse, n'étant nullement armé pour répliquer quoi que ce soit. Mais enfin, ce que vous dites m'ennuie et devrait pouvoir être contré (par plus cultivé que moi).

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  16. « Walter est un chef très surfait »

    Mon Dieu…

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  17. Vague nerf : il a tout piqué à Monteverdi. Na !
    Bruno Walter : un maître, surtout avec Ludwig VB et notamment la sixième (mais je ne sais plus quel orchestre étasunien, Chicago ? Georges ?)
    Je sens que je vais encore me faire engueuler là.

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  18. Georges- J'hésite un peu à commencer une discussion avec vous, sachant comment cela se termine en général. Mais bon. Quand je dis que Walter est un chef très surfait, je ne dis pas que c'est un mauvais chef, mais qu'il n'est pas la "référence" absolue que nous décrivaient les critiques pamés des années soixante et soixante-dix. Il a peut-être travaillé avec Mahler, mais ses interprétations de Mahler me paraissent maintenant très datées voir mollassonnes (comparez le dans la première avec Solti ou Kondrachine, par exemple, ou dans la 4ème avec Reiner ou Ivan Fischer). Evidemment, dans le chant de la terre, il y a Kathleen Ferrier -et Patzak-( la Mireille Mathieu des intellectuels, nous rappelle RC, d'après Jacques Drillon) mais Walter n'y est pour rien. Ses Mozart sont très inégaux. Mais je vous accorde qu'il y a de très bons Beethoven (la 8ème est un délice et j'ai le souvenir d'une très belle Héroïque) et une surprenante et viennoise Fantastique de Berlioz.


    Didier- La tétralogie de Karajan est disponible en compact à des prix très raisonnables (attention, il faut prendre la version de studio et pas la version live enregistrée à Salzbourg, intéressante mais c'est pour les inconditionnels).

    Karajan priviliégie le beau son et la logique musicale. Dramatiquement, on n'est pas chez Krauss. C'est vraiment une version pour le micro. Ce qui permet des effets inouïs tant dans le grandiose que dans la précision et la texture sonore. Stewart(Wotan dans Walküre et le Wanderer) n'est pas Hotter mais il est très bien, Janowitz chante comme dans Mozart (c'est un compliment), Crespin est une des Brunnhilde(dans la Walkyrie ) les mieux chantantes de la discographie, mais il ne faut pas lui demander la projection dramatique de Varnay ou de Nilsson. Le Mime de Gerhard Stolze est pour l'éternité, comme on dit dans le milieu. Ceci dit, une réserve. Je trouve que si les trois premiers sont merveilleux (malgré ceux, dont je ne suis pas, qui détestent Fischer-Dieskau dans le Rheingold) de subtilité et de lyrisme, Götterdammerung est nettement en retrait. Les tempi sont lents et un peu ennuyeux. Ridderbusch est un Hagen qui fait moins peur que Gunther (Stewart). Le Siegfried de Brilioth(contrairement à Jess Thomas dans Siegfried) est sans intérêt. Et Dernesch, dans le 2ème acte, après avoir entendu Varnay... Evidemment, avec Karajan, vous ne pourrez plus jamais entendre une autre marche funèbre... Les vaches normandes ne s'en remettront pas.

    Je comprends que le lien séminal entre Wagner et le nazisme vous ennuie. Il ennuie tous les wagnériens sincères, dont je suis. Il est difficle de discuter de tout cela en France, car l'essentiel des ouvrages qui analysent la question sont en allemand, voire en anglais. Mais il y a dans le journal de Cosima un passage terrible. A l'étonnement général de la presse et des amis de Wagner, les juifs de Francfort se plaignent, après une représentation des Maîtres, du caractère antisémite de l'ouvrage. Et Wagner dit à sa femme : "Eux, au moins, ils ont compris de quoi il s'agit"...

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  19. désolé Martin-Lothar, je ne vous snobais pas, mais je n'avais vu que le "mon Dieu" de Georges. Nous nous retrouvons sur le Beethoven de Walter, après Furtwängler, quand même...

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  20. S'il y a une race que j'évite par-dessus tout, c'est bien celle des mélomanes. Encore plus quand ces mélomanes sont des-amateurs-d'opéra.

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  21. Voila une bonne nouvelle au moins...

    Avez vous remarqué que les artistes - je parle des exécutants mais également des créateurs- sont en général - à part quelques intellectuels du genre Mahler, Wagner (sous les réserves ci-dessus),Boulez ou Brendel- d'une crétinerie sans nom dès qu'ils ouvrent la bouche (autrement que pour chanter) ou prennent la plume (autrement que pour composer). Discuter avec Mozart ou Schubert devait être d'un ennui abyssal. Richard Strauss ne s'intéressait qu'à ses royalties et aux jeux de cartes. Les chanteurs d'opera les plus sublimes ne sont en général capables que d'aligner des trivialités dignes de coureurs cyclistes.

    Alors Georges...

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  22. K2R : je viens de commander La Walkyrie de Karajan, ainsi que le Rienzi dirigé par Sawallisch. Vous vous arrangerez avec l'Irremplaçable quand elle aura besoin de passer sa colère sur quelqu'un…

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  23. Naaan, je passe ma rage sur une commande. Y'a pas de raison, moi aussi, je veux dépenser !

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  24. Vous savez, Didier, ici, on passe son temps à se faire engueuler, alors...

    Rienzi c'est pas mal, mais ce n'était peut-être pas prioritaire en période de vaches maigres. Il y a beaucoup de remplissage et on comprend pourquoi on ne le joue pas à Bayreuth. La version Sawallisch est excellente, mais quand on entend Klemperer diriger kolossalement l'ouverture, on regrette qu'il n'ait pas enregistré l'intégrale. (j'en rajoute pour énerver Georges, qui va me répondre que je ne suis qu'un vermisseau tellement peu digne d'attirer son attention que... etc... etc...)...

    Faites gaffe quand même à écouter Rienzi la fenêtre ouverte. La fin de l'ouverture était utilisée pour les congrès du méchant moustachu (pas RC, l'autre).

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  25. En fait, Rienzi est le seul que je ne ne connaissais pas encore (je laisse de côté Les Fées et l'autre, là…). Mais je n'en attends pas de miracle. Et je vérifierai l'étanchéité sonore de mes fenêtres.

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  26. Ce qu'il y a de bien avec vous, l'homme au pseudo de détachant, c'est que vous n'omettez pas un seul poncif. Vous faites des listes, ou vous avez une très bonne mémoire ?

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  27. connard, cela doit être un poncif, aussi, vous concernant...

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  28. Mais vous avez raison, à vouloir expliquer quelque chose, on tombe inévitablement dans le poncif. Je me contenterai donc de vous injurier...

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  29. @ NV : Furtwängler ? Oui, certes, mais son "foutu tempo" n'aurait sans doute pas plu à LVB ou d'autres créateurs qui n'y pouvaient mais que de se retourner dans leur tombe. Belle époque que nous vivons, où nous pouvons "mettre" un maître-chef à chaque mouvement d'une symphonie, d'une cantate, d'un concerto, d'une messe ou d'un opéra selon notre guise où notre plus intime vibration.
    Quand on sait que le père Bach se prenait une colère tous les jours pour pourfendre la médiocrité de son choeur ou de son orchestre !
    Et que Ludwig, à ce que l'on raconte, dirigea, sourd comme un pot de lait, une ultime fois, sa première neuvième et qu'il a fallu enfin, après de longues minutes, que son premier violon lui signale d'un geste l'ovation tonitruante qui pétait derrière lui.
    Le génie n'a pas de sens.

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