samedi 30 avril 2011

Le tourisme à balles réelles a rattrapé Modernœud

« Nous ne sommes pas venus ici pour couvrir une guerre, nous voulions juste voir une révolution, comme celle en Tunisie »

Une révolution en trois D et en temps réel, voilà ce qui leur semblait fun, furieusement peuple-en-lutte, à nos jeunes modernœuds hexagonaux. Les sables de la Libye en direct live, c'était quand même autre chose que de jouer à insurrection-sur-blog tous les jours à heures fixes depuis sa petite piaule d'étudiant, non ? Là, on allait faire dans le tourisme de l'extrême, l'Ushuaïa à balles réelles. Et en plus, on ne risquerait rien, puisqu'on est les gentils. Et que, comme il a été pleurniché ensuite, “ on était juste là pour voir, M'sieur, c'est trop injuste à la fin, ces blockbusters qui massacrent même les spectateurs ! »

Ce n'est pas injuste, c'est bien fait. Je reconnais que pour apprendre que l'eau mouille, que la guerre tue et que la bonne conscience n'est pas un gilet en kevlar la leçon est cher payée – mais c'est bien fait tout de même. Je ne vois pas pourquoi la connerie satisfaite et ostentatoire devrait toujours rester impunie. L'avalanche du skieur hors-piste, l'arraisonnement pirate du caboteur en eaux somaliennes ou la balle perdue pour le warrio-touriste, c'est du pareil au même : bien fait.

Le seul bémol c'est la souffrance que l'on imagine chez les braves gens qui ont enfanté ce crétin et qui, eux, sont peut-être tout à fait normaux – et donc dans l'incapacité de comprendre ce qui a bien pu se produire pour que leur petit garçon, d'une belle gravité rieuse autrefois, se transforme un sale jour en ce cyborg progressiste, enragé de rédemption introuvable. Ils pourront toujours se dire qu'aux rescapés indemnes de ce war tour il reste encore un espoir collectif, ainsi que le signale L'Express.fr en guise de conclusion : « Après avoir financé leur voyage en Libye sur leurs propres deniers, ils espèrent pouvoir vendre leurs reportages à leur retour en France. »

Je crains que la consolation ne leur soit maigre, mais enfin : pendant le travail du deuil, les affaires continuent, le show goes on – et tournent, tournent les révolutions en dolby.


Et un petit bonus, qui dit ce qu'il faut dire :



TOMBEAU POUR UNE TOURISTE INNOCENTE ( Extraits )

MINNIMUM RESPECT / PHILIPPE MURAY




Rien n'est jamais plus beau qu'une touriste blonde
Qu'interviouwent des télés nipponnes ou bavaroises
Juste avant que sa tête dans la jungle ne tombe
Sous la hache d'un pirate aux manières très courtoises.

Elle était bête et triste et crédule et confiante
Elle n'avait du monde qu'une vision rassurante
Elle se figurait que dans toutes les régions
Règne le sacro-saint principe de précaution

[...]

Elle avait découvert le marketing éthique
La joie de proposer des cadeaux atypiques
Fabriqués dans les règles de l'art humanitaire
Et selon les valeurs les plus égalitaires

[...]

Sans vouloir devenir une vraie théoricienne
Elle savait maintenant qu'on peut acheter plus juste
Et que l'on doit avoir une approche citoyenne
De tout ce qui se vend et surtout se déguste

[...]

Dans le métro souvent elle lisait Coelho
Ou bien encore Pennac et puis Christine Angot
Elle les trouvait violents étranges et dérangeants
Brutalement provocants simplement émouvants

[...]

Elle se voyait déjà mère d'élèves impliqués
Dans tous les collectifs éducatifs possibles
Et harcelant les maîtres les plus irréductibles
Conservateurs pourris salement encroûtés

[...]

Elle disait qu'il fallait réinventer la vie
Que c'était le devoir du siècle commençant
Après toutes ces horreurs du siècle finissant
Là-dedans elle s'était déjà bien investie

[...]

Faute de posséder quelque part un lopin
Elle s'était sur le Web fait son cybergarden
Rempli de fleurs sauvages embaumé de pollen
Elle était cyberconne et elle votait Jospin

[...]

L'agence Operator de l'avenue du Maine
Proposait des circuits vraiment époustouflants
Elle en avait relevé près d'une quarantaine
Qui lui apparaissaient plus que galvanisants

[...]

Elle est morte un matin sur l'île de Tralâlâ
Des mains d'un islamiste anciennement franciscain
Prétendu insurgé et supposé mutin
Qui la viola deux fois puis la décapita

C'était une touriste qui se voulait rebelle
Lui était terroriste et se rêvait touriste
Et tous les deux étaient des altermondialistes
Leurs différences même n'étaient que virtuelles

Ouh ! ouh ! méfions-nous, le fascisme est partout !

Le ramollissement cérébral qui menace plus ou moins tous les vieux n'épargne pas les Hispano-Bretons – on se demande d'ailleurs bien au nom de quoi il nous épargnerait ces andouilles. Bref, ce matin, dans une belle envolée antiraciste parfaitement sans objet ni conséquence – l'une des plus savoureuses spécialités de l'extrême gauche en retraite –, entre autres imprécations vides, le camarade Lediazec écrit ceci (à propos de la palinodie grotesque qui agite le petite monde du football depuis deux jours) :

nous avons eu droit à tous les thèmes propres au fascisme : immigration, burqa, islamisme, identité nationale, laïcité,

Le fascisme, comme on s'en doutait un peu, est donc devenu ce grand cabas-de-la-ménagère-révolutionnaire, dans lequel il vous est loisible de fourrer tout ce qui vous encombre, sans vous soucier de la moindre vraisemblance historique. Que le fascisme ait pu être quelque chose de réel, de fâcheusement réel, d'historiquement déterminé n'a désormais plus la moindre importance pour nos gauchistes en phase terminale. Ce qui compte seul, c'est le mantra. Le mot creux que l'on répète jusqu'à s'en saouler, le cri de primate que l'on hurle avec tous les autres dès que l'adrénaline vient faire mumuse dans les artères durcies.

Le gauchiste, au fond, c'est devenu une sorte de supporter du PSG ou de l'OM moins les peintures sur la gueule et les jantes en alu à la bagnole.

vendredi 29 avril 2011

C'est l'histoire d'un écrivain en bâtiment, vieillissant et paisible…

À Mildred, qui s'impatiente…

Il n'était ni très doué ni bien vaillant, mais il était consciencieux. Comme il avait un méchant ouvrage de 240 pages à rendre le 15 mai, il avait prévu deux semaines à ne rien faire d'autre qu'à l'écrire, du 17 avril au 2 mai – et on notera qu'il se gardait encore une soupape de sécurité, constituée par le week-end du 8 mai, envisageant de travailler pendant que d'autres commémoreraient, qui la libération générale, qui celle d'Orléans.

Or, il advint qu'une lointaine princesse, encore appelée assistante de l'éditeur, appela un matin notre écrivain en bâtiment au secours et, tout en pleurs, souffrant mille morts, lui demanda s'il ne pourrait pas, des fois, comme ça, par hasard, terminer d'édifier son mur plutôt vers le 3 ou le 4 de ce joli mois de mai s'annonçant, le maçon littéraire dont l'arrivée était prévue le 15 avril ayant produit un mot de sa maman disant qu'il serait à la bourre grave – comme aurait dit Victor Hugo. N'écoutant que son vaillant cœur – et aussi parce qu'il est un peu con sur les bords – le vaillant scripteur promit tout ce qu'on voulut. Puis, le téléphone à peine raccroché, il s'aperçut que tenir ses engagements impliquait de ne rien faire d'autre durant les six jours à venir que de travailler sans relâche, telle la bête de somme qu'il avait au fond toujours été (on remarquera que, dans ce cas précis, bête de somme et animal de sieste s'excluent formellement l'un l'autre malgré leur trompeuse parenté syntactique).

Ne rien faire d'autre, se promit-il donc fermement, de toute façon un peu coincé. Et surtout pas de billet de blog, bon sang de bois : l'heure des écritures gratuites était passée, il s'agissait à présent de faire tomber la monnaie. C'est vrai, quoi.

mercredi 27 avril 2011

En deux coups les gros, XP règle la question de l'Éduc' Nat'


Comme il est venu nuitamment me piquer un commentaire jusqu'en ce blog – ce qui est une pratique honteuse, on en conviendra sans doute –, je lui rends la pareille en étalant aux yeux de tous sa profonde méchanceté à l'égard de nos malheureux professeurs enseignants profs gardiens de mômes. Voici ce que ce monstre ose écrire :

- Les enfants de 18 ans qui passent le bac ont fait sept ans d’anglais, et soit ils ne le parlent pas, soit il l’ont appris ailleurs, à une époque ou la moindre boîte rend bilingue en six mois un cadre qu’elle veut envoyer aux USA.

- La presque totalité des gens n’ont appris à l’école qu’à lire, écrire et compter…. Soit ils sont incultes malgré leurs très longs passages sur les bancs de l’école, soit ils ont tout appris dans les livres…

Si l’on estimait calmement ce que les enseignants enseignent vraiment, ce qui reste dans les têtes après leur passage, si l’on s’interrogeait sur le rapport qualité/prix et si on lançait des appels d’offres pour voir si l’on ne pourrait pas trouver mieux ailleurs, alors on s’apercevrait que, vraiment, les fonctionnaires de l’éducation nationale sont des parasites.

Le petit con de 18 ans qui passe le Bac, il faudrait lui faire passer un audit pour évaluer les connaissances acquises sur les bancs de l’école et demander à un institut privé pour combien il aurait pu faire ça, avec le petit-déjeuner et le repas du midi inclus dans le forfait.


Ça se passe là-bas ; et il est juste de dire que le camarade XP est ensuite contré assez efficacement par un autre jeune ami à moi, Prolo de la Lite, qui sait de quoi il parle. Bref, le billet et l'échange qui s'ensuit sont bien intéressants – même si je ferais mieux de me mettre au boulot plutôt que de suivre leurs élucubrations, à tous ces réactionnaires drogués.

mardi 26 avril 2011

Islam : religion d'amour, de tolérance, de paix et de natation contrainte

Si vous voulez pêcher de la Tunisienne, c'est le moment : nos braves clandestins carthaginois travaillent activement pour vous, entre leur côte et les nôtres. C'est Tarek qui le dit : « Nous étions entassés à 150 dans un bateau prévu pour 60, explique le garçon. Au cours du trajet pour Lampedusa, douze filles ont été jetées à la mer. (…) » (C'est moi qui souligne, évidemment.)

D'un autre côté, on s'émeut comme ça, bêtement (et sans doute avec des arrière-pensées nauséabondes : est-ce qu'on n'aurait pas plus ou moins dans l'idée de prendre prétexte de cette maladresse de gens peu habitués à naviguer pour se mettre tout de go à stigmatiser de l'étranger ?), mais l'affaire n'est pas si grave : des femmes ils en retrouveront sur place facilement, nos bons combattants de la liberté et de la démocratie-qui-fait-des-chatouilles. Au début, il faudra peut-être qu'ils se contentent des grands-mères gauchistes de RESF et de Loqueteux sans frontières (les trousses de premiers secours, si l'on veut), mais ils apprendront vite à repérer les viviers d'alevines frétillantes. Et ils iront s'ébattre sur les grandes plages désertes, face à ce tombeau mouvant et scintillant de lune qu'est en train de devenir la Méditerranée. C'est que le Tunisien, ça aime avoir ses aises. Notamment en croisière, c'est vrai, mais également dans le déduit.


lundi 25 avril 2011

Les vertiges extrémistes du camarade CSP


« C'est quoi, le paysage politique français, du point de vue de l'ouvrier ?
Une droite qui lui raconte des salades pour mieux l'enfiler.
Une pseudo-gauche de bourgeois qui ne savent même plus qu'il existe.
Une gauche de gauche paumée dans des discussions byzantines.
Et une extrême-droite qui est la seule, la seule, à lui dire des choses claires et compréhensibles. »

Le billet de CSP dont j'ai extrait ces lignes me semble très intéressant. À condition, comme toujours chez lui, de passer au large, très au large des commentaires. Car le commentateur, chez CSP, est plutôt un bas-du-front (national). En tout cas, pour l'instant et à ma connaissance, c'est le seul blogueur de gauche qui, à propos du vote massif des ouvriers en faveur de Marine Le Pen, ne se contente pas d'incantations et de pleurnicheries.

C'est qu'ils commenceraient à s'y croire, nos camarades blogueurs !


Ah ! l'irrésistible odeur de la petite monnaie ! Elle a fini par venir chatouiller les narines du blogueur, c'était inévitable ; et depuis quelques jours il n'est plus question que de cela chez les blogobabillards, comme si ce temps pascal était de tout le plus approprié pour parler d'argent. Nos amis clavioteurs se sont émus de ce que certaines officines reprenaient à leur compte leurs petits billets sans leur verser le moindre sou en échange de leur travail. Vous avez bien lu : de leur travail. Car pour un certain nombre de blogomanes, donner son avis – le même que celui de son voisin de blog, le plus souvent –à propos d'une information que l'on n'a rien fait pour trouver et mettre en forme, c'est effectuer un travail. Ils réclament donc de pouvoir se blogoberger tout à leur aise, en encaissant de grasses piges à chaque fois qu'un lieu commun leur gouttera au bout des doigts. (On notera en passant que cette exigence de rémunération, cette soif de fric, c'est dans la blogosphère de gauche qu'elle se donne essentiellement à entendre – mais foin de vile polémique…)

Cela me fait penser à des enfants qui, parce qu'ils ont joué à la guerre durant une heure au pied de leur immeuble, iraient ensuite exiger leurs pensions d'anciens combattants.

vendredi 22 avril 2011

Ballade des menus propos


Je me souviens d'un dimanche matin de Pâques, où l'on cherchait les petits œufs dans les bordures de lierre de la Chambre de commerce de Sedan, vers le milieu des années soixante d'un siècle devenu énigmatique. Il en reste une photographie noir et blanc de mon père, passant derrière la troupe des cousins pour débusquer les chocolats trop bien cachés – Mata, la chienne épagneule de mon grand-père, était sur ses talons.

Deux livres de Benoît XVI sont arrivés hier dans cette maison, le premier tome de son Jésus de Nazareth et une mince plaquette consacrée à Saint Augustin – docteur de la grâce. Tournerions-nous “culs-bénits” en ces journées pascales ? Cela vaudrait toujours mieux que de se décomposer en ruminants.

La voix de Boulat Okoudjava est d'une telle douceur que j'ai toujours la crainte vague qu'elle n'ait pas le courage d'aller jusqu'au bout du disque. Elle a fait suite au luth arabe d'Alla, qui est une bien belle et paradoxale invitation au silence.

La tourterelle nicheuse est toujours posée sur son grabat de brindilles, et aucune éclosion ne semble vouloir s'ensuivre de cette couvaison de deux semaines. D'après mes calculs, les deux oisillons devraient être nés d'hier, mais que valent mes calculs ?

Golo, le petit chat roux, va arriver de Saint-Malo dans quinze jours, et je commence à m'en sentir des impatiences. Je le voudrais là déjà, pour voir Elstir lui fourrager le ventre de la truffe et se laisser agripper les babines entre les pattes minuscules et vives.

Pendant ce temps, il se trouve de pauvres décervelés pour se demander avec sérieux si Jésus-Christ était plutôt de droite ou plutôt de gauche. J'ai d'abord cru qu'ils plaisantaient, tant est restée grande ma candeur un peu niaise.

Mais le temps se maintient d'été, et radieux, comme si personne ne lui avait rien dit des événements de ce vendredi où se dispensent les leçons de ténèbres.


Photos : Irrempe, évidemment…

De la bergère Bouchard au berger Marchenoir…

Lorsque j'ai proposé à Marie-Thérèse Bouchard de répondre si elle le souhaitait au texte de Robert Marchenoir publié hier ici même elle a dit oui tout de suite. Et en plus elle l'a fait : Marie-Thèse Bouchard est une femme de parole. Donc, voilà :


« Ces jeunes qui
feraient mieux
de fermer leur gueule »

Robert Marchenoir qui a des yeux de lynx, une plume acide, mais pas de blog, a pensé nécessaire de venir remonter les bretelles de la petite Marion, qui décidément file un mauvais coton. La sentence de son jugement est implacable : la Bouchard fait fausse route. Rebroussons donc chemin pour éclaircir quelques points avec Bob, doué pour critiquer et lire de travers.

En venant au monde, un enfant n'a rien à réclamer des adultes, il a au contraire tout à prouver. Pour cela, il dispose de l'éducation de ses parents, la seule qui vaille et qui n'est pas un caprice d'ado mais une nécessité pour la bonne santé d'une civilisation. Il dispose ensuite de l'école, de bibliothèques, de musées, de monuments, de l'influence de ceux qui l'ont précédé pour grandir, se forger un univers, et pour que ses prédispositions prennent un sens. Mon billet constate simplement que tout cela ne peut aujourd'hui que difficilement avoir lieu, avec un système scolaire en pleine déliquescence, des bibliothèques qui ressemblent davantage à des lieux d'apprentissage du tri sélectif et de la formation sur Excel, des musées rarissimes aux collections ridicules et aux expositions partisanes (puisque l'on parle ici de la jeunesse de province, pas du Ve arrondissement) et des monuments qui tombent en ruine (comme la magnifique église Saint-André de Grenoble, dont les murs sont devenus d'admirables pissotières, ou le château de Loches, lieu historique qui s'écroule et dont les remparts accueillent les culs des pré-pubères tabagistes du coin). Je ne fais ici que ce que la réacosphère aime le plus : admirer mon passé et déplorer ce que devient mon pays. Marchenoir me reproche de faire ma petite fille quand je joue en réalité à la vieille conne.

Il s'agit donc d'un caprice que de vouloir avoir les mêmes chances que ses parents pour pouvoir comme eux, assurer à son pays un avenir qui ressemble à autre chose qu'une gigantesque confrérie de fonctionnaires idiots et d'employés de centres commerciaux, identiques de la Touraine à la Camargue. Demander à assurer une continuité est une lubie, non pas ce qui a permis à la civilisation de se perpétuer siècle après siècle. Pour Marchenoir, tout est à recommencer à chaque naissance, rien n'est à exiger, je penserai donc à bien remercier ma mère d'avoir eu l'extrême obligeance d'apposer du talc il y a vingt et un ans sur mon divin postérieur.

Bon. Une fois que Bob a critiqué le fait qu'une gamine constate l'effondrement du niveau scolaire alors que cela doit être un de ses hobbies favoris, il lui reste à asséner l'ultime coup de massue sur le crâne de l'impétueuse : les autres aussi en ont chié, ma cocotte. Certes. Je ne doute pas un instant, mon cher maître, qu'avoir 20 ans en 1929 devait être autrement plus presse-gonades qu'en 2010. Dans un cas il n'y a plus d'argent, dans l'autre on a retardé une crise inévitable en s'endettant et en donnant l'illusion que les caisses sont pleines tandis que la monnaie dont on dispose s'apparente à une masse de papier hygiénique et de pièces en plastique. Il y a aussi eu les martyrs de 1945 qui avaient tout à refaire, les gamins du bolchevisme, les trois-poils-au-menton envoyés à Verdun, les Titis de la Commune, et les victimes de Henri V en Normandie. Loin de dire que ma souffrance est supérieure à la leur, je note néanmoins qu'elle est différente. La génération de la Zone grise n'a pas à souffrir de frigos vides, mais elle a une autre définition de l'invasion d'armées étrangères, une autre vision du conflit armé, une autre angoisse. La génération de la Zone grise à qui est dédié le billet incriminé, en chie de manière imperceptible, elle bave de ne pouvoir rencontrer des personnes avec qui avoir une conversation sans jugement au bout de cinq minutes, elle déplore de n'avoir pas de chanteurs dignes de ce nom, elle écoute Brel en se demandant ce qui s'est passé pour qu'elle ait droit à Vitaa, et quand bien même elle voudrait apprendre la musique pour pallier le manque, qui peut prétendre avoir accès à une instruction classique sans devoir débourser des sommes folles ? Quel gamin de la banlieue grenobloise peut monter à Paris pour étudier au conservatoire ? Qui oserait le regarder dans les yeux en lui disant que l'UFR de musico' de Saint-Étienne est un équivalent ? Le gamin de la Zone grise est condamné à la médiocrité, à l'incompréhension, à l'ennui, à la mort intellectuelle, ce que ne peut comprendre Papie 68 qui, bien que né dans une famille de paysans, a pu devenir docteur en socio grâce à une fac de province.

Il ne suffit pas d'avoir un frigo plein pour faire une civilisation. Les rares qui constatent ce fait sont perçus au mieux comme des ados, au pire comme des bipolaires.

Il est évident, Monsieur Marchenoir, que de tous temps les jeunes ont critiqué leurs vieux, et réciproquement. Mais mon billet a pour but de parler d'UNE génération en particulier, et je ne peux donc comme vous, me plaire à publier chez l'ami Goux une encyclopédie des idées politiques du Big Bang à nos jours. J'attaque tout particulièrement la génération 68 parce qu'elle a brûlé le grenier.

Votre volonté à m'expliquer que je fais un caprice me fait rire. Puisqu'à travers toutes les époques les p'tits jeunes ont eu à traverser des crises, pourquoi aujourd'hui porter aux nues ceux qui ont toujours tenu à protester ? Loin de moi ensuite l'idée de critiquer tous les p'tits vieux de la place Maisonnat (l'avez-vous donc pris pour vous ?), il s'agissait là d'une description, la première du billet, c'est un exercice de style. Vous savez, le genre de choses qui arrive quand on tient un blog bien à soi.


Marion Messina

jeudi 21 avril 2011

Robert Marchenoir a lu Marie-Thérèse Bouchard… et il répond, l'insolent !


L'histoire ne dit pas si Marchenoir a lu tout Bouchard, mais son dernier billet paru lui a en tout cas inspiré quelques commentaires, que j'ai trouvés en me levant (ou plutôt juste après) dans ma boitamel. Et que je vous livre tels quels, tout chauds.


« Ce monde de merde que nous laissent nos parents »

Marion fait fausse route. Une route qui ne la mènera nulle part. C'est la névrose mille fois racontée, ces temps-ci, du “monde de merde que nous laissent nos parents”. Racontée aussi bien, d’ailleurs, par les enfants que par les parents. Que de lamentations démagogiques de “vieux”, se tordant les mains à l’évocation navrée du “monde que nous laissons à nos enfants” !

Mais, Marion, vous n'avez aucun droit à quoi que ce soit en venant au monde. Il n'y a pas de drouadlôm à recevoir, à sa majorité, un joli paquet-cadeau avec un monde tout propre à l'intérieur, en parfait état de fonctionnement, amoureusement mitonné par vos parents et leur génération, de sorte que vous n'auriez plus qu'à glisser vos mignons petits pieds dans les pantoufles de “l'ascenseur social” ; lequel vous amènerait, en quelques années et dans un merveilleux chuintement d'efficacité technologico-étatique, au restaurant panoramique de la réussite du même nom.

D’ailleurs, cela n’a jamais existé. La génération de vos parents vous l’a raconté, et vous l’avez crue. Mais c’est là votre erreur, et celle de votre génération. Rien que l’expression est grotesque, quand on y pense : ascenseur social ! Il faut vraiment être français, pour inventer un concept aussi immoral et mensonger que celui-là !

Vous dites beaucoup de choses justes sur la laideur du monde, mais c’est votre ton et votre désespoir qui sonnent faux. C’est votre point de vue qui est aberrant. Vous avez vingt-et-un ans, et vous avez un point de vue de vieux. Vous usurpez un rôle qui n’est pas le vôtre. C’est aux vieux de se lamenter que c’était mieux avant, que de leur temps le monde était mieux fait, que désormais tout part à vau-l’eau, etc.

Le rôle des jeunes est de le changer, ce monde. Et cela a toujours été comme ça. Le rôle des jeunes a toujours été de ne pas tenir compte de “ce monde que leur ont laissé leurs parents”, de tirer un trait dessus par principe, et d’en faire… ce qu’ils arriveront à en faire, avant de se lamenter, à leur tour, que tout se barre en couille, etc.

Vous, vous mettez en cause la génération de 1968. XP met en cause celle d’avant. Peut-être. Si on veut. Je n’ai aucune estime particulière, ni pour les valeurs de 1968, ni pour les valeurs stato-gauchistes de 1945.

Mais si vous vous plaignez de “l’héritage” que vous recevez en 2011, qu’auraient pu dire ceux qui avaient vingt ans en 1940 ? Ou ceux qui avaient vingt ans en 1929 ?

Avez-vous entendu, à la Libération, une génération entière se plaindre « du monde de merde que nous ont laissé nos parents, en nous entraînant dans le communisme, le nazisme et la Seconde guerre mondiale » ? Avez-vous entendu, en 1929, une génération entière se plaindre « du monde de merde que nous ont laissé nos parents, en ruinant l’économie après nous avoir entraînés dans l’innommable boucherie de la Première guerre mondiale, et en semant les graines de la Seconde avec le traité de Versailles » ?

Il me semble pourtant que l’une et l’autre génération auraient eu bien davantage de motifs à se plaindre que la vôtre ! C’est quoi, votre problème ? Vous n’arrivez pas à trouver un logement correct à un prix décent ? Sans blague ? Parce que vous croyez qu’en 1945, les jeunes de votre âge, en France, se voyaient remettre, en paquet-cadeau, par le Conseil national de la Résistance, un deux-pièces cuisine en centre-ville à prix modique, avec tout le confort ?

En 1945, une bonne partie des villes françaises étaient à moitié détruites, et les logements qui tenaient debout n’avaient ni salle de bains ni WC. La crise du logement était autrement plus vive qu’aujourd’hui. Elle n’avait d’ailleurs pas cessé depuis 1918 – et n’a, en fait, jamais cessé jusqu’à ce jour, à l’exception d’une brève parenthèse qui doit se situer aux alentours des années 1960-1970, âge d’or de la construction de ces fameux “grands ensembles”, voués aux gémonies aujourd’hui.

C’est quoi, votre problème ? Le matérialisme de la société contemporaine ? Vous avez raison. Mais, attendez… Les mêmes qui déplorent « le monde de merde que nous a laissé la génération d’avant », au nom du chômage de masse et de l’avenir incertain qui est le leur, sont les premiers à exprimer leur nostalgie des Trente glorieuses, où, nous rappellent-ils, les ouvriers accédaient au réfrigérateur, à la télévision et à la voiture… Je me trompe ou c’est furieusement matérialiste, comme mètre-étalon de la société heureuse ?

Et d’ailleurs, qu’est-ce qui vous oblige, vous, à être matérialiste, si vous n’aimez pas ça ? Qu’est-ce qui vous empêche de rechercher la beauté, et de la créer ?

Vous vous plaignez de l’accueil renfrogné et bas du front que vous reçûtes, un soir de réveillon, dans une ville de province française ? Vous avez raison. C’est bovin et insupportable.

Vous croyez vraiment que c’est la faute de vos parents ? Ou celle de leur génération ? Vous êtes-vous jamais penchée sur les campagnes de propagande officielles, destinées à améliorer l’accueil des touristes en France ? Elles n’ont jamais cessé. Elles disent exactement la même chose en 2011 qu’en 1990, en 1970 ou en 1950 : soyez aimables avec les clients ; dites bonjour à la dame ; évitez de cracher à la gueule de ceux qui vous font vivre.

Un film en noir et blanc sur la Seconde Guerre mondiale, dont j’ai oublié le titre, met en scène un groupe de soldats américains prenant pension chez une aubergiste de la France profonde. Celle-ci applique les mêmes principes de la relation-client qui vous ont hérissée soixante ans plus tard. Un scénariste de Hollywood, ça se documente…

Au nom de quoi vous sentez-vous le droit d’attribuer un passé honteux à des vieillards que vous croisez dans l’autobus ? Que connaissez-vous d’eux ? Qu’avez-vous accompli, vous, qui vous rende moralement supérieure à ce point ? Qu’est-ce qui vous rend si sûre d’avoir la moindre légitimité pour les mépriser ? Ce sont des postures adolescentes.

Et puis, tant qu’à tenir une comptabilité de l’héritage parental, vous devriez remplir aussi bien la colonne actif que la colonne passif ; cela vous aiderait à voir les choses de façon plus optimiste. Tenez, au hasard, dans “le monde de merde que vos parents vous ont laissé”, il y a quand même deux énormes paquets-cadeaux, si l’on tient à raisonner comme vous le faites : Internet, et la faculté de se rendre n’importe où en Europe pour 50 euros.

Cela, ni la génération de 1968, ni celle de 1945, ni celle de 1929 ne l’avaient. Ne me dites pas que ce n’est rien. Ne me dites pas que cela ne vous donne pas des possibilités infinies que personne n’a jamais eues avant vous.

Les récriminations des jeunes envers la génération de 1968 sont faussées à la base, car elles s’appuient sur les principes mêmes de mai 68 qu’ils prétendent récuser : j’y ai droit, c’est mon droit, je le prends, donnez-le moi. Le jeunes qui se révoltent ainsi contre les valeurs de mai 68 se font couillonner tout seuls : ils s’enferment de leur propre chef dans la mentalité – effectivement délétère – qu’ils croient attaquer.

Votre rancœur déplacée envers les vieux que vous croisez dans la rue, c’est en réalité un hommage aux soixante-huitards, qui ont été les premiers à revendiquer le droit de cracher sur la tradition et sur leurs prédécesseurs.

La voie que vous avez choisie est une impasse. Vous plaindre que l’auberge n’est pas assez accueillante, le papier peint pas frais, les coussins trop râpeux, ne vous conduira nulle part. Il n’y a pas d’auberge, elle ne prend pas de clients, c’est un décor en carton-pâte sur le bord du chemin. Vous feriez mieux de fixer vos yeux sur la route.

Donc, soyez gentille, laissez les vieux se lamenter que c’était mieux avant, et faites, vous, votre boulot de jeune, qui consiste à bâtir le monde nouveau, et non à vous plaindre de celui que vous auriez reçu ; à bâtir votre propre avenir, et non à déplorer que vous ne l’ayez pas reçu par la poste.

Personne ne vous a rien donné. Personne ne vous doit rien.

Robert Marchenoir


mercredi 20 avril 2011

Enfin Lediazec vint, enfant béni des Muses et chéri des vaches laitières


La rumeur folle est partie de chez Suzanne et se répand depuis comme feu sur traînée de poudre : Celui Dont On Ne Saurait Prononcer Le Nom Sans Blasphème (Lediazec, en bas-breton collectiviste) aurait laissé tomber de son calame quelques fines gouttelettes d'or liquide – autrement dit nous aurait, pauvres esprits secs que nous sommes, gratifiés d'un billet.

À peine eut-il déposé l'enfançon dans l'étable qui là-bas sert de crèche, qu'aussitôt l'âne et le bœuf, se parant de la défroque des Mages, se mirent à chanter ses louanges, aussitôt reprises sur toute la surface de la terre par les moutons en troupeaux et en allégresse.


Illustration : Roumi Bédouin et Simplet Nebelwest lisant avidement l'épître tombée de la plume dionysiaque de Maître Lediazec (vers 1 255 pendant J.C.)

mardi 19 avril 2011

La condition de la conquête, par Renaud Camus



« Le flux actuel des immigrés clandestins — au demeurant fort peu clandestins : on ne voit qu'eux — aurait tous les caractères de la farce s'il n'était si lourd de menaces pour notre civilisation, ou ce qu'il en reste. Nous avons eu pendant trente ans les réfugiés de la dictature (nous disait-on), voici les réfugiés de la liberté (la plupart viennent de Tunisie, ces temps-ci). Toute référence au droit d'asile est à peu près abandonnée, comme un vieux prétexte devenu inutile. Les nouveaux arrivants quittent leur pays à la faveur des progrès démocratiques qui y ont cours, ils profitent du désordre entraîné par l'effondrement des anciens pouvoirs pour gagner des terres plus rémunératrices, et voilà tout. Leur patrie n'est pourtant pas misérable et il semble que ce serait le moment où jamais, pour eux, de contribuer à son développement historique, économique, institutionnel. Non, ils préfèrent venir jouir ici de notre développement à nous, quitte à le compromettre et à le paralyser par leur afflux et par leur mécompréhension des exigences de son bon fonctionnement (au premier rang desquelles le fameux moins pour le plus du pacte d'in-nocence : eux rêvent plutôt d'un plus pour le plus qui ne s'est jamais traduit, où qu'il ait sévi, que par un plus pour le moins). »

La suite est ici.

Les trancheurs de cols semblent au taquet : serions-nous en 1788 ?

C'est la question que nous sommes allés poser à M. de Chateaubriand, qui, après avoir farfouillé dans ses manuscrits avec une lenteur horripilante, nous a pour finir tendu le treizième chapitre du quatrième livre de ses célèbres Mémoires : « Lisez le début, nous a-t-il enjoint, la lippe un peu dédaigneuse. À partir de la sept ou huitième ligne… » C'est ce que nous avons fait. Était consigné, de cette écriture hachée, nerveuse comme un sismographe japonais, que nous connaissons si bien, le passage suivant :

« À cette époque, tout était dérangé dans les esprits et dans les mœurs, symptôme d'une révolution prochaine. Les magistrats rougissaient de porter la robe et tournaient en moquerie la gravité de leurs pères. Les Lamoignon, les Molé, les Séguier, les d'Aguesseau voulaient combattre et ne voulaient plus juger. Les présidentes, cessant d'être de vénérables mères de famille, sortaient de leurs sombres hôtels pour devenir femmes à brillantes aventures. Le prêtre en chaire, évitait le nom de Jésus-Christ et ne parlait plus que du législateur des chrétiens ; les ministres tombaient les uns sur les autres ; le pouvoir glissait de toutes les mains. Le suprême bon ton était d'être Américain à la ville, Anglais à la cour, Prussien à l'armée ; d'être tout, excepté Français. Ce que l'on faisait, ce que l'on disait, n'était qu'une suite d'inconséquences. On prétendait garder des abbés commanditaires, et l'on ne voulait point de religion ; nul ne pouvait être officier s'il n'était gentilhomme, et l'on déblatérait contre la noblesse ; on introduisait l'égalité dans les salons et les coups de bâton dans les camps. »

Une page plus loin, après avoir évoqué M. de Malesherbes et son emportement révolutionnaire, Chateaubriand écrit encore ceci :

« La Révolution m'aurait entraîné, si elle n'eût débuté par des crimes : je vis la première tête portée au bout d'une pique, et je reculai. Jamais le meurtre ne sera à mes yeux un objet d'admiration et un argument de liberté ; je ne connais rien de plus servile, de plus méprisable, de plus lâche, de plus borné qu'un terroriste. »

Et je m'étonne de rencontrer chez le vicomte ce mot de “terroriste”, que je pensais beaucoup plus récent, au moins dans cette acception-là. En revanche, aucune surprise lorsqu'il conclut le court paragraphe qui précède en évoquant les « niveleurs, régénérateurs, égorgeurs, […] transformés en valets, espions, sycophantes, et moins naturellement encore en ducs, comtes et barons ».

Relisons, transposons, méditons : les années qui viennent risquent d'être mouvementées et cruelles.

lundi 18 avril 2011

Double compte rond au 36 quai des Orfèvres


Tout à l'heure, en tapant les mots-qui-dépriment, à savoir “chapitre premier”, en tête du prochain Brigade mondaine, 325e du nom, je me suis brusquement avisé qu'il correspondait à un anniversaire. Il y a en effet tout juste un quart de siècle (sans doute à quelques semaines près, mais on ne va pas ergoter), je sortais du siège des Presses de la Cité, rue Garancière, derrière la place Saint-Sulpice, avec des paillettes dans les yeux et un chèque de quarante mille francs (un peu plus de six mille euros, pour mes lecteurs au biberon) dans la poche, lequel correspondait à mon tout premier roman de cette mirifique série. Il portait le dossard 77 et s'intitulait Le Rodéo du plaisir – une histoire qui n'était pas de mon fait et se déroulait dans le milieu des passionnés de voitures de collection.

Ma toute première entrevue avec Jean-Paul Bertrand, qui n'était pas encore le patron des éditions du Rocher qu'il n'est plus, mais déjà le vrai créateur de la série (et accessoirement quelque chose comme directeur financier des Presses), mon entrevue avec lui avait été brève et rentable. Il savait que Gérard de Villiers m'avait demandé d'écrire un roman et c'était tout. Après que nous eûmes échangé quelques phrases dont l'histoire n'a pas cru bon de conserver la teneur, il a pris mon manuscrit – tapé sur ma petite Olivetti portative – et, sans y jeter le moindre coup d'œil, l'a remisé dans un tiroir de son bureau. D'un autre tiroir, il a sorti un chéquier, l'a ouvert et a dévissé le capuchon d'un stylo à plume – triple opération qui augurait assez bien de la suite.

– Gérard vous a dit combien vous alliez être payé ?

Ah, la saloperie de question piège ! Allez, réponds donc, jeune et gros abruti !

– Eh bien… il m'a dit que c'était entre trente et cinquante mille francs, selon le…

– C'est quarante mille ! m'a interrompu JPB, qui ne semblait pas du genre à vouloir perdre trop de temps avec des apprentis écrivains en bâtiment – des gâcheurs de plâtre – dans mon genre.

J'ai opiné avec une certaine allégresse : réfugié en Sologne, chez mes parents, dans ma chambre d'adolescent, j'avais mis huit jours à écrire ce truc ; et voilà qu'on me l'échangeait sans barguigner contre environ cinq mois de mon salaire net de rewriter. J'allais pouvoir creuser allègrement mon découvert bancaire chronique – ce que je n'ai pas manqué de faire dans les années suivantes.

C'était donc il y a a tout juste 25 ans : un compte rond qui méritait d'être célébré ici, m'a-t-il semblé. Pour que ce billet soit complet, j'ai eu l'idée, avant de commencer à l'écrire, de recenser combien j'avais écrit de Brigade, un quart de siècle plus tard. Je me suis aperçu que, sans compter la trentaine de romans “hors collection”, j'en étais à 99 parus.

Ce qui signifie que je viens de commencer mon 100e “opus”, comme se plaisent à dire les plumitifs de presse, ce qui constitue un deuxième nombre rond. Et ce sera le dernier, car je n'irai ni au demi-siècle, ni à deux cents titres.

dimanche 17 avril 2011

Billet pour ne rien dire, mais avec entrain et conviction

Je me demande encore pourquoi, lisant cette phrase – même pas : ce tronçon – dans le septième chapitre du deuxième livre des Mémoires d'outre-tombe, une irrésistible envie de la noter m'a fait jaillir de mon fauteuil, enjamber deux chiens, sortir de la maison, en dévaler les sept marches, me hâter vers la Case, ralentir à son approche pour ne pas dénicher la tourterelle couveuse et remettre cet ordinateur sous tension. Donc, la voici :

Les babouins bretons sont d'une humeur hargneuse ;

Évidemment, on me fera observer à juste titre qu'elle n'a pas grand-chose pour elle, cette proposition ; en dehors de ce qu'elle se transforme volontiers en alexandrin, pour peu qu'on veuille bien lui étirer le babouin.

Mais pourquoi à toute force vouloir mettre à l'honneur, et particulièrement chez le vicomte qui s'y prête avec une complaisance toujours un peu suspecte de fatuité, malgré ses protestations de modestie ou peut-être bien à cause d'elles, pourquoi mettre à l'honneur, disais-je, ces majestueuses périodes tout empesées dans leur drapé Empire, et qui sont à Chateaubriand ce que Rossini est à la pièce de bœuf tranchée épaisse ? Est-ce qu'au contraire il ne conviendrait pas de réhabiliter les phrases de l'ombre, combattantes secrètes de la prosodie, au verbe couleur de muraille et à l'épithète furtive ?

C'est une idée, cela ! Une tâche à ma mesure. Je pourrais parfaitement m'y employer, dans le temps que vont durer mes lectures chateaubriannes (car à peine commencés les Mémoires, il me vient déjà des envies de voyage à Jérusalem et des curiosités de la Vie de Rancé), vous offrir chaque jour une phrase toute anodine, toute modeste ; la proposer, toute rougissante, à votre admiration. Seulement, pour ne pas encombrer celui-ci, il faudrait ouvrir un nouveau blog, encore un : serait-ce raisonnable ? Sans doute non.

L'autre solution consisterait à glisser sans la signaler, dans chaque billet de mon cru, l'une de ces phrases qui, ne se poussant pas du col, ne se laisserait que difficilement reconnaître. On peut faire ça. On va le faire. À compter de demain.


Pour trouver une illustration, j'ai tapé “babouin breton”, ce qui m'a amené ici…

samedi 16 avril 2011

Chateaubriand : les têtes couronnées attendront


Philippe le Bel avait déjà les pieds dans les starting blocks alors que le cadavre de Philippe Auguste était encore chaud. De leur côté, 260 papes se tenaient en embuscade afin de passer devant les rois de France dans l'ordre de mes lectures à venir. Et, finalement, toutes ces têtes couronnées ou tiarées (Nicolas, merci de garder pour vous le jeu de mots consternant qui vous monte aux lèvres en ce moment même…) se retrouvent condamnées à une longue patience, car une fringale de Chateaubriand (Nicolas ! on a dit silence…) m'a soudainement empoigné, et j'ai ressorti de leurs petits cartons individuels les deux volumes de la Pléiade contenant les Mémoires d'outre-tombe. Que je vais une fois de plus, une fois encore, reprendre depuis leur début, en sachant très bien que je calerai avant le haut de la côte. C'est ma petite malédiction personnelle : je n'ai jamais été capable de lire jusqu'à leur terme ces fichus Mémoires.

Du coup, Philippe le Bel et les papes se foutent copieusement de ma gueule, sur leur petite table d'attente.

Cormac McCarthy, génie très précoce


« Cormac Mc Carthy est américain, né dans le Tennessee en 1953, il a été marié a trois femmes et a eu deux garçons. »

C'est en tout cas ce qu'on peut lire au fond de l'étable. Or, ce McCarthy-là a publié son premier roman en 1965, soit à l'âge de 12 ans si l'on en croit nos chers Ruminants. C'est curieux, d'ailleurs, ce problème qu'ont ces vénérables vieillards avec les dates anciennes. Souvenez-vous du Begouen qui nous faisait ressortir Baudelaire de la tombe où il dormait depuis quatre ans, à seule fin de fustiger les communards. En principe, pourtant, on dit bien que la séniilité se signale d'abord par la perte de la mémoire récente, alors que l'ancienne perdure quasiment jusqu'au bout. Eh bien chez eux non, apparemment.

Bien entendu, charitable comme on me connaît, j'ai immédiatement laissé un petit commentaire signalant la bévue – au moins pour que Dame Pecnaude n'ait pas l'air trop ridicule avec son recopiage bâclé de Wikipedia. Mais comme tous mes commentaires sont là-bas censurés (grand mot pour une si petite chose, je vous l'accorde) aussitôt qu'apparus, sans doute même sans être lus, eh bien cela fait que la bourde chronologique s'étale toujours au fronton du billet – qui n'est de toute façon qu'un résumé hâtif, même pas du livre lui-même mais de son synopsis.

En tout cas, ça doit lui faire drôle, à Cormac, de s'être éveillé ce matin avec vingt ans de moins. Mais peut-être dort-il encore, le décalage horaire étant ce qu'il est.

vendredi 15 avril 2011

Qu'importe la tambouille tant que la sauce est citoyenne !

Connaissez-vous Marc Vasseur ? C'est un homme très bien. Qui ne s'aviserait jamais de penser en dehors des clous. Même lorsqu'il s'agira de ses clous de cercueil, on s'imagine qu'il restera bien sage et tranquille dans l'espace ainsi balisé. Je crois n'avoir encore jamais parlé de lui, mais je le lis très régulièrement. Donc, aujourd'hui, on va lui faire un peu grimper les stats (il n'y a pas de raison d'avantager toujours le petit GdC), en lui accordant un lien citoyen.

Mais qu'est-ce donc, ô Réaquissime Didier Goux, qu'un lien citoyen ? vous demandez-vous. Je ne sais pas. Vraiment pas. Il faut aller demander à Marc Vasseur, justement : l'homme qui met du citoyen partout, un peu comme les cuistots allemands nappent toutes leurs viandes de la même sauce brune sans goût définissable. Par exemple, savez-vous ce qu'est un déclassement citoyen ? Ou, mieux : une désespérance citoyenne ? Non, n'est-ce pas ? Eh bien, Marc Vasseur, lui, il sait. Il a l'air de savoir en tout cas. C'est sa brune sauce teutonne à lui, le citoyen ; c'est avec ça qu'il accommode les rutabagas bouillis qu'il sert dans sa cantine. Aujourd'hui, son plat du jour ressemble à une tambouille plusieurs fois mâchée : les pauvres divers des quartiers sensibles qui gagnent moins d'argent que les salauds de souche. Mais grâce au nappage citoyen auquel se livre notre Lucullus, on avale sans discuter – il y a même des goinfres qui lorgnent sur le rabiot.

Ah, tout de même : dans l'éventualité d'une gerbe citoyenne, les sacs en papier sont juste là, à main droite…


Rajout de deux heures et quart : puisqu'on en est aux billets qui font rire, je viens de me payer une pinte de bon sang avec celui du camarade CSP, consacré à la prostitution : je crois que même Mme Boutin n'aurait pas osé l'écrire, celui-là. On en arrive à se dire que pendant qu'il écrivait en tremblotant d'appréhension, “Mamour” devait lire par-dessus son épaule, les sourcils froncés, implacable gardienne de l'orthodoxie conjugale. C'est beau et c'est grand.

jeudi 14 avril 2011

L'homme est un animal politique


Si un pareil malheur arrivait à notre pauvre pays,
le Journal officiel prendrait-il cette allure-là ?

mercredi 13 avril 2011

Une insupportable atteinte aux doigts de l'homme

Chez l'ami Plouc, je tombe sur ceci :

« Le parlement français examine en ce moment le texte visant à adapter nos lois aux directives européennes relatives au commerce des armes. Ces directives stipulent notamment que les pays vendeurs doivent s’assurer que le matériel militaire ne risque pas de nuire aux Droits de l’Homme. »

Je suis comme vous : mon premier réflexe a été d'éclater de rire (à la relative surprise de mes compagnons de chaîne levalloisiens). Mais en y réfléchissant, je trouve que tout cela part d'une excellente intention et devrait être étendu à d'autres ustensiles, voire généralisé. Les quincailliers notamment, mais aussi les mercières (elles vendent des ciseaux), les marchands de bonbons – on peut étouffer quelqu'un avec le sac en plastique –, les vendeurs d'encyclopédies très lourdes et bien d'autres encore vont désormais avoir intérêt à se pencher sérieusement sur l'attachement de leur pratique aux droits de l'homme. Sinon, leur licence, on la leur taillera en pointe et…

On peut même aller plus loin et, dès l'âge de raison, faire signer à tous les enfants de la terre un document solennel, que l'ONU nous concoctera, par lequel il s'engageront à ne jamais étrangler ni même gifler qui que ce soit au moyen des deux dangereuses armes préhensibles qu'ils portent aux poignets. Ceux qui refusent, tant pis, on leur coupera les mains (mais sans souffrance et proprement) : les droits de l'homme avant tout.

mardi 12 avril 2011

Et vous voudriez accueillir ça dans l'Europe ?



Que les oiseaux sont des cons, on le sait depuis Chaval, et peut-être même avant. Mais avouez (ou n'avouez pas, je m'en fous) que cette tourterelle bat des records en ce domaine. Qu'est-ce qui a bien pu pousser cette tête de linotte – si je puis dire – à venir faire son nid au sommet de l'un des deux volets flanquant la porte-fenêtre de la Case ? Elle n'a rien trouvé de plus malcommode encore ? De plus exposé ? De moins tranquille ? Le résultat est que, depuis cinq ou six jours, pour ne pas la faire s'envoler de frayeur, je me contrains à ne pénétrer dans la Case et à n'en sortir qu'avec des prudences de sioux et des délicatesses de jeune vierge : il ne s'agirait pas que les futurs héritiers aillent prendre un coup de froid par ma faute. C'est au point qu'avec la bonne foi qui me caractérise, j'envisage de repousser la rédaction du prochain roman d'une dizaine de jours, afin de ne point compromettre cette couvaison incongrue…

Et puis, dites : vous l'avez vu, ce nid ? Ces quelques brindilles hâtivement entremêlées, laissant passer l'air et l'eau ? Ce n'est pas une chambre nuptiale, c'est un gourbi, et disgracieux au possible ! Nés et grandis dans un tel environnement, il ne faudra pas s'étonner si les oisillons virent cailleras dès leur premier envol. Le nid des tourterelles turques vous voulez que je vous dise ? C'est vraiment du boulot d'Arabe.


lundi 11 avril 2011

Le roi d'Angleterre et la dévastation de Pacy-sur-Eure


À l'été 1188, comme il ne faisait pas assez beau pour partir en vacances dans le sud, le Capétien Philippe II – postnommé Auguste – et le Plantagenêt Henri II décidèrent de se ficher sur la margoulette, aiguillonnés par Richard futur Cœur de Lion qui, dès le mois de juin, avait planté sa zone en prenant le Quercy et en marchant sur Toulouse (et , on peut employer cette maudite préposition sur, que Modernœud colle désormais à toutes les sauces !), afin de niquer sa race à Raimond V. Pour se livrer à leurs sanglantes cochonneries, Henri et Philippe – que nous appellerons désormais les deux II – choisissent la Normandie, et une Normandie dangereusement proche de ma rue. Qu'on en juge ! Le 18 août, à l'issue de l'entrevue qu'ils ont eue à Gisors (chez Philippe Méoule, donc, l'adjoint au bailli local), les deux II se mettent à s'engueuler grave, alors qu'au départ ils étaient venu là pour essayer de se bricoler une manière de développement paix durable. Excédé à cause d'une histoire d'orme abattu par les soldats français, Henri se casse. Et voilà ce qu'écrit Gérard Sivéry à la page 93 de sa biographie de Philippe Auguste parue chez Perrin :

Le soir venu, Henri II, qui déplore la perte de l'arbre, rencontre à nouveau le roi de France à Chaumont-en-Vexin, puis le quitte, traverse Vernon où il n'ose passer la nuit et atteint Pacy-sur Eure où ses barons en fuite le rejoignent. Victorieux, Philippe n'a plus de motifs de retenir ses vassaux autour de lui. Les comtes de Flandre et de Champagne, le duc de Bourgogne et beaucoup de barons s'en retournent dans leurs fiefs. Le roi d'Angleterre en profite. De Pacy, il lance une chevauchée qui ravage toute la contrée jusqu'à Mantes. Il menace cette ville dès le 30 août.

Quand je pense que voilà plus de dix ans que je me demande, chaque fois que je descends chercher le pain, ce que foutent tous ces barons en fuite à errer comme des âmes en peine dans les rues et les bistrots pacéens…

Quoi qu'il en soit, il ne faudra pas que je m'étonne si c'est le bordel au péage de l'autoroute mercredi matin.

Je me sens prêt à bouffer le monde, moi !


Je tiens une forme, par ce beau temps, que c'en est à peine croyable !

Ça tombe bien puisque c'est en principe ce matin que j'attaque le nouveau BM.

En principe…

dimanche 10 avril 2011

Le résultat terrifiant d'une journée chez la Crevette

Ce petit éclat pétillant dans mon regard, il vient du fait que je n'ai pas bu une goutte de vin de la journée, malgré les tentations multiples : on peut avoir l'air plus ou moins avachi dans une chaise longue et être pourtant aux aguets quand il s'agit de défendre l'Europe à demi niquée par les bougnouls, les nègres, les niaquoués, les marsioles (ce dernier terme, péjoratif j'en conviens, servant à désigner les natifs de la planète Mars, vers les années 2045 - 2080).

Or, j'étais cerné par de gros fafs : j'ai eu beaucoup de mal à leur cacher (par mon silence vertueux) à quel point chaque phrase sortant de leur bouche me faisait vomir. Vous ne pouvez pas savoir ce qu'ils disaient, mes bons amis modernœuds, vous ne me croiriez pas si je vous le rapportais : il faudrait être Lovecraft pour vous hérisser comme il convient la touffe sub-crânienne.

J'étais mal, mais mal, mais très mal ! ce qui explique la manière dont je retourne mes petites mimines dans mes popoches, sur la photo prise par l'Irremplaçable. Et la manière dont XP, à mon côté, se déguise en chien à yeux jaunes pour tenter de faire croire qu'il est déjà ailleurs : n'est-ce pas délicieux ? Hmm ? Couché !!!

Au commencement était ce verbe ou la genèse des blogs


Je crois avoir trouvé le verbe idéal pour définir ce que font presque tous les blogueurs lorsqu'ils s'assoient face à leur écran pour livrer du bout des doigts au monde leurs dernières fulgurances, exprimer le jus de leur citron confit en dévotion d'avant-garde.

Ils claviotent.

samedi 9 avril 2011

Heureux qui comme ILYS…

Que l'art soit en train de mourir (ou d'entrer en profonde léthargie pour un temps indéterminé) fait de moins en moins de doute, en tout cas à mes yeux et à quelques autres. Mais il ne meurt pas uniformément. Par exemple, il me semble que la littérature n'est encore qu'agonisante alors que la musique est, elle, tout à fait froide déjà. J'en veux pour preuve (une toute petite preuve et parmi cent autres qu'on pourrait trouver et énoncer facilement) ce qui s'est passé sur ILYS il y a quelque jours. Dans un billet, le jeune Cherea écrivait au détour d'un paragraphe :

En effet, prenez le début des années 90, Gainsbourg est mort, rien de génial au niveau musical en France…

Un peu choqué tout de même par cette assertion tranquille, je lui ai alors répondu ceci, plus ou moins par provocation amicale bien entendu :

Je ne voudrais pas faire mon snob, mais enfin, de quoi parlez-vous ? Au niveau musical, comme vous dites, il s’est passé beaucoup de choses, dans les années 1990, en France. L’essentiel de l’œuvre d’Olivier Greif a été composée durant cette décennie-là, un certain nombre de pièces maîtresses de celle de Philippe Hersant également, les pièces pour violoncelle de Dusapin, et je pourrais vous citer une dizaine d’autres noms encore, dont ceux de Gérard Pesson ou de Michèle Reverdy. Sans compter que le vieux Boulez n’est pas non plus resté inactif, ni l’encore plus vieux Henri Dutilleux.

Et ensuite ? Ensuite, rien. À part une petite pirouette humoristique d'XP sur le nom d'Hersant, rigoureusement rien. Cherea s'est abstenu de me répondre, les autres aussi, chacun se comportant comme on le fait lorsque quelqu'un laisse échapper un vent à table ou que son esprit se met à battre la campagne : on n'a rien entendu ni senti. Et tout le monde a continué de débattre sérieusement des mérites comparés des raps américain et français.

Je me suis alors dit que si on transposait cela à la littérature, les gens d'ILYS, plus cultivés que beaucoup, seraient les premiers à se moquer et à cribler de leurs sarcasmes les responsables d'une telle bouillie. Imaginons la transposition : l'un énonce que, depuis la mort de Guy des Cars, il ne s'est rien écrit d'intéressant en France. Un autre passe derrière et s'émeut un peu : « Oh, tout de même ! Pierre Michon, Michel Houellebecq, Eugène Nicole, Éric Chevillard, François Taillandier, Michel Chaillou, Emmanuel Carrère, Richard Machin, Jean-Paul Tartempion… » Le lendemain, il s'aperçoit que son intervention a chu dans un silence remarquable et que tout le monde s'est remis à discuter des mérites comparés de Jean Bruce et de Gérard de Villiers, la littérature n'étant plus désormais que polardeuse et exclusivement vendue 6,10 € dans les kiosques de gare. Le malheureux garçon, un peu déstabilisé tout de même, se rend compte alors que ce n'est pas tant que la littérature ait défunté, mais qu'elle se soit transformée en tout à fait autre chose qu'elle-même.

Un peu comme le peuple de France, au fond.

vendredi 8 avril 2011

La punition des vieilles gauchistes ? Leurs enfants


Depuis quelques jours, dans la section socio-angélique de la blogosphère, on s'étonne et s'indigne (Indignez-vous ! indignez-vous ! se met aussitôt à trépigner papy, réveillé en sursaut au milieu de la sieste obligatoire, et qu'il va maintenant falloir occuper jusqu'à l'heure du goûter…) de ce que Marine Le Pen rencontrerait un soutien franc et massif chez les jeunes gens de 18 à 24 ans. Qu'on s'en indigne, soit : on sait que Modernœud a l'épiderme sensible et la tripe délicate ; mais pourquoi s'en étonner ? N'est-ce point depuis toujours dans l'ordre des choses, que les enfants se rebellent contre l'avachissement moral – ou supposé tel – de leurs vieux parents et décident d'envoyer par-dessus leur épaule le monde perclus et sentant des aisselles qu'on prétendait leur léguer et leur voir assumer ? Or, qui sont-ils, les parents de ces jeunes de 18 à 24 ans ? (Soyons clairs : on parle de jeunes sans guillemets ni italique, c'est-à-dire des jeunes qui ne sont ni sensibles ni divers ni populaires : des jeunes au sens ancien du mot, des jeunes tout bêtes quoi.)

Dans le meilleur des cas, papa a 50 ans, il vote socialiste sans illusion et casse les couilles à tout le monde avec sa soirée du 10 mai 81 ; Maman a quatre ans de moins, sensibilité plus écolo, et, elle, c'est avec le bilan carbone qu'elle pourrit la vie de la famille. Pour le reste, c'est leçons intensives de tolérance et de vivre-ensemble du matin au soir, depuis le berceau jusqu'à l'entrée en fac.

Dans le pire des cas il n'y a pas de papa, maman l'ayant chopé au vol juste avant la quarantaine mais sans savoir comment le retenir après la nuit de conception. Le fiston unique a évidemment subi lui aussi les leçons intensives évoquées plus haut, mais toujours sur le mode geignard, au milieu d'un environnement crasseux et d'une extrême laideur, cerné par des voisins parlant très fort des langues imbitables, mais qu'il était pourtant tenu d'aimer aussi démonstrativement que possible s'il voulait avoir la paix avec son aigre génitrice. Dès qu'il a été en âge de marcher et de gazouiller des slogans stupides et agressifs, il s'est appuyé toutes les manifestations de rue que vous pouvez tout aussi bien imaginer sans moi – il en a conçu un violent dégoût des ballons multicolores et du taboulé. À 19 ans, il s'est aperçu qu'il n'avait que deux moyens pour tuer sa vieille ordure de mère : la défenestration ou le chagrin. Peu chaud pour une expérience carcérale – la peur de retrouver ses anciens voisins, avec leur culture si différente, si riche –, il a choisi le chagrin : il s'est inscrit au FN-Jeunesse et l'a ostensiblement fait savoir.

Évidemment, la redoutable carne a survécu à cette nazification filiale, elle hante toujours les églises à clandestins et les centres de transit où ses doucereux sourires font peur aux petits enfants noirs. Mais enfin, ça vous explique en partie le succès de Marine Le Pen auprès de notre belle jeunesse : il s'inscrit dans une opération plus vaste de matricide général.

jeudi 7 avril 2011

La route est un bouquet de Crevette

On a eu un moment de profond désarroi, l'Irremplaçable et mécolle, lorsqu'on a appris qu'il allait devenir à peu près impossible de lire leur département d'origine au cul des bagnoles, pour cause d'un microscopisme graphique décrété par ce gros malfaisant de Modernœud : qu'allions-nous faire durant nos longs trajets trans-franciens si nous ne pouvions plus jouer aux départements ? Comme la transhumance allait devenir triste ! Et puis, ainsi qu'il en va souvent, Catherine a trouvé la parade, quelque part entre Noyon et Beauvais.

Désormais, lorsque la conversation entre nous s'alanguit et que l'ennui pointe, nous nous récitons les prénoms des enfants Crevette en essayant de n'en oublier aucun. Je vous vois sourire, mais ce n'est pas à la portée de tout le monde. D'autant que l'on peut varier à plaisir et compliquer à l'envi : choisir l'ordre inverse de la chronologie, par exemple, ou en faire une liste alphabétique, ou bien encore panacher les âges et les sexes, etc. On ne voit plus passer les Sedan – Le Plessis.

Je dois cependant reconnaître que Catherine me bat pour l'instant à plate couture : je bloque encore pas mal sur le bouquet de Crevette, je dois dire. Oui, mais, hein : je conduis, moi, en même temps ! C'est vrai quoi…

mercredi 6 avril 2011

Vous allez nous concasser les burettes longtemps, avec votre laïcité ?


Personnellement, je n'aurais rien contre le fait de le bazarder dans les poubelles de l'histoire malencontreuse, ce hochet pour débiles qui semble exciter si fort les ténors de l'UMP et la piétaille du PS. Laïcité ? La-ï-ci-té ? Mais, que le saint Chrême me patafiole, réveillez-vous : non seulement le mot est horrible, mais en plus sur l'ensemble du globe vous ne trouverez pas une personne sur cent mille pour avoir une vague idée de ce qu'il signifie – et c'est normal puisqu'il ne signifie rien. Rien de palpable, de dessinable, de transmissible, de terreux, d'enivrant, de soyeux ou d'argentin. Un concept suspendu dans le vide, inopérant et vacarmeux. Entérinons sa mort, à ce déjà cadavre, puis rétablissons le catholicisime dans ses prérogatives et ses ors de culte d'État. Bien entendu, les autres religions “du Livre” seront tolérées : on n'est pas des brutes non plus. Mais leurs divers sectateurs auront intérêt à se faire discrets – discrets, souriants et tout dégoulinants de respect.

À chacun son tour, les joies et bonheurs de la dhimmitude.

mardi 5 avril 2011

Renaud Camus à l'Élysée ? C'est en bonne voie !


Bon, oui, certes : Renaud Camus n'est pas encore tout à fait installé dans les meubles du très méchant-pas-beau Nick Sark. Mais enfin, le candidat qu'il est a déjà son site officiel

Alors, si vous êtes maire de votre bled pourri charmante petite commune, pensez à lui réserver votre signature : je veux au moins une fois dans ma vie pouvoir dire que je connais le président de la République, bon sang de bois !

lundi 4 avril 2011

Quel âge avait Rimbaud ?


Nous voilà revenus indemnes de notre petit séjour ardennais, probablement lestés de quelques kilos de plus – mais c'est pas grave, c'est rien que du bon gras. Quant à la photo d'Irrempe servant à illustrer ce petit message d'amour, de tolérance et de paix, à vous de trouver ce qui s'y donne à voir : je ne vais pas tout faire non plus. Réponse demain matin, à l'heure où je jugerai bon de me lever.