lundi 31 octobre 2011

Conversation au Petit Château


Tel est le titre du journal de septembre, en écho à sa partie ardennaise.

samedi 29 octobre 2011

Valsez, mon chou ! cotillonnez, saucisses !


M'en allant, service commandé, faire quelques achats au Super U de Saint-Aquilin (cinq packs de Quézac, un filet de pommes de terre “à purée”, trois poivrons rouges et des croquettes pour les chats), j'avise au moment d'arriver trois panonceaux sur le bord herbu de la route, de ceux que l'on y plante pour annoncer à la plèbe quelque réjouissance de ventre. De fait, il s'agissait aujourd'hui d'allécher le passant avec une… mais avais-je rêvé ou était-ce bien cela ? Non, non, la festivité promise était bel et bien une

CHOUCROUTE DANSANTE

Durant les deux ou trois cents mètres qu'il me restait à parcourir, j'ai tenté de visualiser la chose : une choucroute dansante. Peine perdue : autant essayer de s'imaginer un cassoulet twistant, une potée sur pointes ou un couscous en tutu – voire une ballerine garnie. 

Le problème était que, saisi par ces visions, je n'avais pas eu le temps de lire, sur les deux affichettes suivantes, où et quand devait avoir lieu ce spectacle rare ; et je me désespérais déjà de ne pouvoir vous fournir qu'une information tronquée, donc inutilisable, lorsque mon ange gardien, toujours su' l'piton, m'a tiré de l'ornière, en s'arrangeant pour que je me retrouve à la caisse du Super U sans chéquier, sans carte de crédit et sans numéraire, tout enguirlandé des sourires goguenards de trois vieilles dames portées sur la moquerie et la grande distribution. Il m'a donc fallu abandonner là mon chariot et remonter au Plessis chercher de quoi m'acquitter de ma dette. Ce qui m'a permis, second passage, de bien m'enfoncer dans le crâne les informations manquantes. 

J''ai donc le plaisir et la fierté de vous annoncer que les vrais amateurs de chorégraphie culinaire pourront admirer une choucroute dansante à Saint-Aquilin-de-Pacy, le 5 novembre prochain à partir de 20 h 30. En revanche, je n'ai pas réussi à retenir le numéro de téléphone pour les réservations obligatoires.

Mais je peux y retourner, si vous voulez.

(Certains vont grogner que ce billet est indigne de son auteur et encore davantage de ses lecteurs. À ceux-là, je ferai observer que le titre choisi leur permet de savourer un véritable décasyllabe, impeccablement coupé à 4/6 dans la plus noble tradition françoise – ce qui n'est tout de même pas rien.)

jeudi 27 octobre 2011

Verrà la morte e avrà i tuoi occhi

Je l'ai  déjà dit, peu de choses m'agacent comme cette manie moderne consistant à éviter par tous les moyens de prononcer ou d'écrire les mots “mourir” ou “mort” – comme si la mort avait la peste. On part comme un vulgaire touriste en fin de location, on passe comme le café du matin, on décède bien administrativement, on disparaît tel un fantôme farceur à la pointe du jour nouveau – mais on ne meurt plus. Bien sûr, cela permet au moins quelques petites plaisanteries d'un cynisme bon enfant :

« Voilà déjà un an que ma chère Huguette a disparu… – Oh, vous tracassez pas, elle finira bien par sortir de sa cachette ! »

« Notre voisin a passé très vite. – Ah, ça, quand on regarde au prix il ne faut pas s'étonner si les couleurs ne tiennent pas! »

« Notre petite voisine est partie un soir sans dire un mot. – J'espère au moins qu'elle n'a rien emporté ? »

Etc.

Cependant, si la plupart de ces vocables sont à pleurer non de chagrin mais de pitié, le cas de disparition me semble un peu différent, introduire une nuance supplémentaire, parler soudain d'un peu autre chose que de la mort elle-même. Si un veuf dit : « Ça fait déjà presque un an mais je n'arrive toujours pas à me remettre de la disparition de ma pauvre femme… », il paraît qu'il parle sans doute moins de la mort de son épouse, de son passage de vie à trépas, que de ses conséquences, savoir le fait qu'elle n'est plus là, à son côté, dans toutes les petites circonstances de leur existence : lorsqu'il s'agit  de choisir le programme télé du soir, d'aller pousser le chariot chez Carrefour, décider de ce qu'on fera “pour” les vacances, ainsi de suite. C'est-à-dire que, dans ces instants précis, ponctuels, il souffre moins de sa mort qu'en effet de sa disparition, du fait qu'elle ne soit plus là, à sa place habituelle. 

C'est d'ailleurs peut-être pour cette raison que l'on enterre les morts et que l'on va leur faire visite en leurs cimetières : si ce pèlerinage n'est pas capable de les rendre à la vie, il tente au moins d'annuler, pour un moment, leur disparition.

mercredi 26 octobre 2011

C'est ça l'Afrique, patron !

  Hier soir, au dîner, rougaille de saucisses. J'aime assez bien ce plat réunionnais, découvert il y a environ trente ans, avec Carlos, dans tel ou tel petit restaurant de la rue Daguerre, à l'époque où lui et moi avions des placements sexuels d'excellent rapport dans cette île exotique. Je continue à bien aimer cela, la rougaille ; mais enfin, comme me le faisait observer Catherine cependant que nous mandibulions de concert, « c'est jamais que des bouts de saucisses avec du riz et une sauce-qui-pique ». Et, en effet, il faut être bien jobard pour s'extasier sur la cuisine créole ou, pis, africaine, qui sont le plus souvent de l'arrache-gueule basique et rien d'autre. Mais, évidemment, on sait très bien pourquoi il convient de célébrer ces ragoûts comme des sommets de la gastronomie. 

Bien sûr, comme on ne manquera pas de nous le faire sévèrement remarquer, dans les restaurants africains de Paris il y a aussi cette ambiance si chaleureuse, si loin de nos “chichis” d'Européens coincés. Une ambiance chaleureuse à l'africaine, dans les restaurant de Paris que j'ai pu fréquenter il y a longtemps, cela revenait à se faire entasser à une table plus ou moins commune dans une salle bondée et atrocement bruyante, à se faire entendre dire que la moitié de la carte "y en a plus", à attendre trois quart d'heure dans le meilleur des cas qu'on veuille bien vous servir une assiette de poulet mal cuit (ah ! la merveilleuse nonchalance de l'Afrique !) et à supporter les familiarités d'une “mama” de cent trente kilos, bariolée et sentant la sueur. Tout cela assommés par les décibels d'une musique que je ne me hasarderai pas à qualifier pour ne pas risquer de passer pour un gros raciste. Mais le pire était encore, sans aucun doute, l'obligation où le petit blanc transplanté dans ce bouge se sentait de s'extasier de tout. Obligation tellement bien assimilée qu'il lui arrivait, en effet, de s'extasier réellement, et de déclarer en ressortant de ce piège, congestionné et solidement bourré (à cause de l'attente nonchalante entre les plats), qu'il était ravi – non mais vraiment ravi, tu vois – de cette soirée si originale, si typique. – Restait ensuite à trouver un taxi pour tenter de rejoindre les arrondissements civilisés.
 

mardi 25 octobre 2011

Bien monté mais dangereusement débile


Célestin Ciboire descendit lentement l'escalier, dont le bois, comme d'habitude, geignit sous son poids. Tout en pensant à autre chose, ou peut-être à rien du tout, il évita machinalement la quatrième marche, complètement défoncée, à travers laquelle on pouvait voir jusqu'à la cave, où il n'allait plus jamais.

Il se sentait très content de lui, Célestin. Tout le monde le prenait pour un imbécile, il le savait très bien, mais ça lui était égal. Lui seul savait qui il était vraiment : un enfant d’accord, mais pas un imbécile.

Il traversa la cuisine plongée dans la pénombre et ouvrit la porte de la cour. Dehors, la nuit était tiède. Au travers des arbres, il pouvait apercevoir l’abbatiale en ruines éclairée par de gros projecteurs, comme tous les soirs. Il se dit qu’il irait peut-être tout-à-l'heure se promener dans le parc, comme il aime tant à le faire, en sautant par-dessus le mur, là où l’arbre l’a à moitié démoli. Du coup, il se mit à repenser à la religieuse sacrilège qu’il avait punie, et puis aussi à la petite blonde qu’il ne se consolait pas d’avoir laissée lui échapper. Mais peut-être qu’un soir, il en viendrait une autre ? Rien que pour lui ! C’est ça qui serait drôlement bien…

Il sortit dans la cour et se dirigea sans hésiter vers le landau de bébé qui était là depuis des années et achevait de pourrir et de rouiller entre un vieux baril éventré et une machine à laver privée de son hublot, sur le devant.  Il plongea les mains à l’intérieur pour en ressortir le carton contenant les revues et les petits disques brillants qui avaient un drôle de nom. Il revint à la maison et déposa son chargement sur la table luisante et grasse avec un sourire satisfait. Il avait été bien inspiré d’aller le cacher dans le landau, cet après-midi : dix minutes plus tard, la fille rousse très jolie qui était de la police était arrivée. Elle n’avait pas fouillé la maison mais elle aurait pu le faire, elle avait le droit : les policiers ont toujours le droit de tout faire. Et alors, adieu les revues pour le pauvre Célestin !

Il attrapa les trois qui se trouvaient sur le dessus du tas et les étala sur la table. Avant de s’asseoir il se servit un verre de vin qu’il avala cul sec. Il hésita un court instant à aller lire les revues dans sa chambre, en haut. En se disant qu’il serait beaucoup plus à l’aise sur son lit qu’ici, devant cette table sous laquelle il arrivait à peine à caser ses genoux. Mais non, rien à faire. Il ne pouvait pas “faire ça” dans sa chambre.

Il devait avoir quinze ans, quelque chose comme ça, le jour où Maman était entrée là-haut alors qu’il se masturbait. Sa colère avait été terrible et elle lui avait fait jurer sur sainte Cécile de ne jamais recommencer. Célestin avait juré, sans trop bien savoir ce qu’il avait fait de mal. Tout ce qu’il avait compris, c’était que Maman ne voulait pas qu’il touche à son gros machin. « C’est sale ! répétait-elle. C’est le diable qui habite là-dedans ! »

Pourtant, quand Célestin avait été obligé d’étrangler la petite Marie-Pierre, parce qu’elle criait trop fort, Maman ne s’était pas mise en colère ; non, pas du tout. C’est même elle qui avait pensé à aller l’enterrer dans la grosse fondrière, au bout du bois du Quesney, loin de la maison. « Creuse, creuse encore, disait-elle à Célestin. il ne faut pas qu’on la retrouve, cette petite salope, jamais ! Sinon, tu iras en prison… » Comme Célestin ne voulait pas aller en prison, en tout cas pas sans Maman, il avait creusé un trou très profond comme elle disait. Après, c’est lui qui avait eu l’idée du ciment.

La bétonnière n’avait plus servi depuis la mort de Papa, mais elle n’était pas cassée. Alors Célestin avait fait du ciment et il l’avait coulé sur Marie-Pierre, au fond du trou. C’était épais et lisse comme la mousse au chocolat que Maman faisait parfois. Il en avait mis beaucoup, pour que les bêtes ne sentent pas l’odeur de la fille. Parce que les filles ça pue, surtout quand c’est mort depuis longtemps. Après il avait remis tout bien la terre par-dessus. Et personne n’avait jamais découvert la cachette de Marie-Pierre, qui dormait toujours au fond de son trou, bien tranquille, pas dérangée jamais. Parfois, quand il pensait à elle, mais c’était pas souvent, Célestin se demandait si elle était au Paradis, avec Maman et sainte Cécile…

La vie par quarts d'heure

À Valérie et Évelyne…

On s'est très bien acclimatés l'un à l'autre, René et moi ; lui tic-tacant sur son mur et moi ronflotant dans mon fauteuil sous sa haute protection. Cessez de rire, charmante Elvire, le coup n'était pas joué d'avance. Il aurait pu en aller des carillons comme des grands-pères éponymes : on les aime à l'inconditionnel, on a de précieux souvenirs avec eux de vacances enfantines, mais quant à vivre ensemble, parvenus à l'âge adulte… l'affaire eût pu fort facilement se solder par une rupture qui, bien qu'unilatérale, aurait été un peu larmoyable.

Eh bien point. Les retrouvailles nous furent une joie, et l'acclimatation un jardin. C'est à ce point qu'il m'arrive de m'alarmer en sursaut, croyant à une mort soudaine, à une embolie horlogère, parce que René a cessé de carillonner.

Mais non, il a sonné bel et bien ; c'est moi, gamin oublieux, qui ai négligé de l'entendre, déjà trop habitué à sa présence cristalline. Je me rassérène, lui demande officiellement pardon, tout en le traitant en sous-pensée de vieil emmerdeur sonore.

Il y a tout de même une chose qui nous conduirait très vite aux rives du divorce : la musique ; celle que je commande du bout du doigt, sans baguette, pour accompagner le verre d'alcool et la descente du soir. Là, René devient intempestif ; froissé peut-être de se voir ravalé au rang de métronome et de sablier ; jaloux certainement de ce qui s'éploie à trois mètres de lui, un peu en contrebas.

On n'a pas d'autre choix, sinon souffrir mille morts miniatures et disharmoniques, que de stopper de l'index son balancier. Il se tait aussitôt ; se tait et se drape, sachant que son heure reviendra – même pas “tôt ou tard” puisque, lui muet, il n'est plus de tôt ni de tard qui vaille. Lorsqu'on lui rendra son empire sur nos vies, il exercera sa petite vengeance triste en sonnant, les trois ou quatre quarts d'heure suivant sa résurrection, absolument n'importe quoi.

lundi 24 octobre 2011

Les Français, c'est rien que des masochisses

« Je lis là actuellement tous nos “quotidiens” pleurer sur le sort des pauvres Hongrois… si on nous avait reçus comme eux ! tant larmoyé sur nos détresses, on l'aurait eu belle, je vous le dis ! dansé des drôles de claquettes ! s'ils avaient eu au prose l'article 75 ces pathétiques fuyards hongrois Coty les garderait pas souper !… merde !… s'ils étaient simples Français de France il les ferait vite couper en deux !… en dix s'ils étaient mutilos ! surtout médaillés militaires ! la sensibilité française s'émeut que pour tout ce qu'est bien anti-elle ! ennemis avérés : tout son cœur ! masochisse à mort ! »

Louis-Ferdinand Céline, D'un château l'autre, Folio, p. 157.


Trois jours de suite des textes qui ne sont pas de moi, que je me contente de recopier, voire de copicoller comme un trou : on va dire que j'attige, que je me fous du chaland. Alors qu'au contraire il me semble faire preuve d'un grand savoir-vivre et d'une certaine délicatesse, d'un vrai souci de mes hôtes, en chargeant les buffets et les huches de nourritures fraîches et relevées, quand je suis trop occupé ailleurs pour rester victuailler avec eux.

dimanche 23 octobre 2011

La beauté nous est une insulte permanente


Comme pour faire écho à ce que j'écrivais il y a quelques jours à propos du Mont Saint-Michel, je viens de retrouver cette chronique de Simon Leys, parue voilà déjà plusieurs années dans Le Magazine littéraire. Il est possible que je l'aie déjà donnée à lire ici, je ne sais plus. De toute façon, une petite révision ne peut pas faire de tort…

Les Indiens de la côte du Pacifique étaient de hardis navigateurs. Ils taillaient leurs grande pirogues de guerre dans le tronc d'un de ces cèdres géants dont les forêts couvraient tout le nord-ouest de l'Amérique. La construction commençait par une cérémonie rituelle au pied de l'arbre choisi, pour lui expliquer le besoin urgent qu'on avait de l'abattre, et lui en demander pardon. Chose remarquable, à l'autre extrémité du Pacifique, les Maoris de Nouvelle-Zélande creusaient des pirogues semblables dans le tronc des kauri ; et là aussi, l'abattage était précédé d'une cérémonie propitiatoire pour obtenir le pardon de l'arbre.

Des mœurs aussi exquisément civilisées devraient nous faire honte. Tel fut mon sentiment l'autre matin ; j'avais été réveillé par les hurlements d'une scie mécanique à l'oeuvre dans le jardin de mon voisin, et, de ma fenêtre, je pus apercevoir ce dernier qui - apparemment sans avoir procédé à aucune cérémonie préalable -  présidait à l'abattage d'un magnifique arbre qui ombrageait notre coin depuis un demi-siècle. Les grands oiseaux qui nichaient dans ses branches (une variété de corbeaux inconnue dans l'hémisphère Nord, et qui, loin de croasser, a un chant surnaturellement mélodieux), épouvantés par la destruction de leur habitat, tournoyaient en vols frénétiques, lançant de déchirants cris d'alarme. Mon voisin n'est pas mauvais bougre, et nos relations sont parfaitement courtoises, mais j'aurais quand même bien voulu savoir la raison de son ahurissant vandalisme. Devinant sans doute ma curiosité, il m'annonça joyeusement que ses plates-bandes auraient désormais plus de soleil. Dans son Journal, Claudel rapporte une explication semblable fournie par un voisin de campagne qui venait d'abattre un orme séculaire auquel le poète était attaché : « Cet arbre donnait de l'ombre et il était infesté de rossignols. »

La beauté appelle la catastrophe aussi sûrement que les clochers attirent la foudre. Les services publics qui font passer une autoroute au milieu de Stonehenge, ou un chemin de fer à travers les ruines de Villiers-la-Ville, le moine qui met le feu au Kinkakuji, la municipalité qui transforme l'abbatiale de Cluny en une carrière de pierres, l'énergumène qui lance un pot d'acrylique sur le dernier autoportrait de Rembrandt, ou celui qui attaque au marteau la madone de Michel-Ange, obéissent tous, sans le savoir, à une même pulsion.

Un jour, il y a longtemps, un minuscule incident m'en a donné l'intuition. J'étais en train d'écrire dans un café ; comme beaucoup de paresseux, j'aime sentir de l'animation autour de moi quand je suis censé travailler - ça me donne une illusion d'activité. Aussi la rumeur des conversations ne me dérangeait pas, ni même la radio qui beuglait dans un coin - toute une matinée, elle avait déversé sans interruption des chansonnettes à la mode, les cours de la Bourse, de la "musak", des résultats sportifs, une causerie sur la fièvre aphteuse des bovins, encore des chansonnettes, et toute cette panade auditive coulait comme une eau tiédasse fuyant d'un robinet mal fermé.  Et d'ailleurs, personne n'écoutait. Tout à coup - miracle ! - pour une raison inexplicable, cette vulgaire routine radiophonique fit place sans transition à une musique sublime : les premières mesures du quintette avec clarinette de Mozart prirent possession de notre petit espace avec une sereine autorité, transformant cette salle de café en une antichambre du Paradis. Mais les autres consommateurs, occupés jusqu'alors à bavarder, à jouer aux cartes ou à lire les journaux, n'étaient pas sourds après tout :  en entendant ces accents célestes, ils s'entre-regardèrent, interloqués. Leur désarroi ne dura que quelques secondes - au soulagement de tous, l'un d'entre eux se leva résolument, vint tourner le bouton de la radio et changea de station, rétablissant ainsi un flot de bruit plus familier et rassurant, qu'il fut à nouveau loisible à chacun de tranquillement ignorer.

À ce moment, je fus frappé d'une évidence qui ne m'a plus quitté depuis : les vrais Philistins ne sont pas des gens incapables de reconnaître la beauté - ils ne la reconnaissent que trop bien, ils la détectent instantanément, et avec un flair aussi infaillible que celui de l'esthète le plus subtil, mais c'est pour pouvoir fondre immédiatement dessus de façon à l'étouffer avant qu'elle ait pu prendre pied dans leur universel empire de la laideur. Car l'ignorance, l'obscurantisme, le mauvais goût, ou la stupidité ne résultent pas de simples carences, ce sont autant de forces actives, qui s'affirment furieusement à chaque occasion, et ne tolèrent aucune dérogation à leur tyrannie. Le talent inspiré est toujours une insulte à la médiocrité. Et si cela est vrai dans l'ordre esthétique, ce l'est bien plus encore dans l'ordre moral. Plus que la beauté artistique, la beauté morale semble avoir le don d'exaspérer notre triste espèce. Le besoin de tout rabaisser à notre misérable niveau, de souiller, moquer, et dégrader tout ce qui nous domine de sa splendeur est probablement l'un des traits les plus désolants de la nature humaine.

samedi 22 octobre 2011

17 octobre 1961 : l'imposture de la “mémoire”


C'est d'enthousiasme que je me contente, sur ce sujet à la fois douloureux (par les faits historiques) et scandaleux (par l'utilisation falsificatrice qui en est faite depuis quelques jours), de reproduire ici le communiqué n° 1294 du parti de l'In-nocence :


Le parti de l’In-nocence est indigné par la récente commémoration du prétendu massacre du 17 octobre 61. La thèse du massacre, ce jour-là, de plusieurs centaines d'Algériens, avancée par l'historien amateur et militant communiste Einaudi — lequel s'est contenté de croire sur paroles les témoignages d'Algériens affiliés au FLN ou sous son influence —, a été clairement et parfaitement réfutée par une enquête menée à l'initiative du premier ministre Lionel Jospin et confiée par le ministre de l'intérieur Jean-Pierre Chevènement à des historiens de métier au dessus de tout soupçon partisan et qui avaient conclu à une vingtaine de morts, ce qui est suffisamment dramatique pour n'avoir pas à être exagéré.

Le parti de l'In-nocence rappelle que la mémoire non seulement ne saurait être mensongère mais qu'elle ne doit pas être sélective. Il rappelle que de janvier 1955 à juillet 1962, les tueurs du FLN assassinèrent en France métropolitaine 6000 Algériens et en blessèrent 9000, par l'entremise de l'"organisation spéciale" du FLN — parce qu'ils appartenaient au MNA ; qu'ils refusaient de payer l'impôt révolutionnaire ; qu'ils soutenaient la France ; qu'ils buvaient de l'alcool ou vivaient avec des Françaises. Que, le 26 mars 1962, devant la Grande Poste de la rue d’Isly à Alger, les forces de l’ordre ne firent pas preuve de la même retenue que le 17 octobre à Paris quand elles ouvrirent directement le feu sur une foule de civils français non armés, faisant entre 70 et 80 morts et 150 blessés. Ces victimes, bien réelles celles-là, n'ont droit qu'au mépris et à l'oubli. Qu'à cette époque des dizaines de gardiens de la paix tombaient sous les balles du FLN à Paris. Que dans la Seine ce sont des dizaines de cadavres poignardés, égorgés, torturés, qu'on a retrouvés tout au long de l'année 1961 et jetés au fil du courant par les hommes de main de la Wilaya.

Le parti de l'In-nocence n'oublie pas, lui, les méthodes du FLN pour obliger une partie des Algériens à manifester, tout comme les méthodes atroces et gratuitement inhumaines dont il s'est rendu seul coupable sur le territoire de l'Algérie même tant à l'encontre de Français que de "compatriotes" récalcitrants.

Le parti de l'In-nocence voit dans un tel déni de la réalité, une telle malversation, un tel parti pris idéologique, poindre la mise à l'écart pure et simple des Français fidèles à la France et à son histoire. Il voit dans cette commémoration, à laquelle s'est précipité sans vergogne Monsieur Hollande, et qui n'a pas suscité la moindre critique du pouvoir en place ou de la majorité au pouvoir, la preuve supplémentaire de la collusion de la gauche et de la droite dans l'imposture idéologique qui œuvre à une "France d'Après" rendue possible à force d'oubli organisé, de matraquage idéologique, de falsifications, d'embrigadement de la jeunesse, et de calomnies chaque jour plus éhontées sur la France d'Avant.

jeudi 20 octobre 2011

Mais qu'est-ce que c'est que ce métèque qui cause à peine la langue ?

Sous le billet quotidien du Rrum-service, consacré à la libération de Gilad Shalit, ce soldat franco-israélien tombé aux mains d'un groupe terroriste palestinien il y a plus de cinq ans, on trouve ce commentaire de Lou Ravi :

« On notera que Shalit ne fut français que par hasard, sa grand-mère étant née à Marseille avant de revenir au berceau de sa famille. On dit même (pas de preuve) que ce soldat-là ne parle même pas français correctement.

Pour Hamouri, Sarkozy pousse la duplicité jusqu'à espérer qu'il soit libéré en décembre avec la seconde fournée, alors que selon le jugement du tribunal c'est dès le 9 novembre que sa peine est terminée. Il risque, en plus, d'être expulsé en France, alors qu'il a l'intention de rester vivre avec sa mère à Jérusalem. Un petit détail : si Shalit a des difficultés avec la langue de Molière, Hamouri la connaît très bien, et même le patois local de la région de Bourg-en Bresse.  »

Comme on le voit, quand on possède son brevet de gauchisme et son CAP de rebelle de clavier, on a parfaitement le droit de noter qu'un jeune homme n'est français que “par hasard”, voire de souligner que ce métèque ne parle même pas correctement la langue – bref, qu'il s'agit d'une sorte d'usurpateur ou, si l'on préfère, de Français “de papier”.

En revanche, et d'un même élan, on nous fait comprendre qu'il est scandaleux que Salah Hamouri, Franco-Palestinien accusé d'avoir projeté l'assassinat d'un rabbin en 2005, et légalement condamné pour cela, “croupisse” toujours dans une prison israélienne (dixit un autre Rrum en commentaire) et ne soit pas plus activement soutenu par le gouvernement français, puisque lui, au moins, parle très bien notre langue, et même le patois de Bourg-en-Bresse.

Que notre gouvernement se préoccupe un peu trop des Français “de hasard” jargonnant à peine le de-souche, au détriment de nos véritables compatriotes, tellement enracinés qu'ils patoisent comme des Bressans millénaires, voilà un argument dont on ne devrait plus hésiter à se resservir si l'occasion nous en est donnée – puisqu'il est désormais avalisé par l'extrême-gauche combative, généreuse et insurrectionnelle même dans les mois sans r. On se sent mieux, d'un coup, non ?

mercredi 19 octobre 2011

Juste pour prouver qu'on y est vraiment allé…

Écrivaillon et Irremplaçable de pré salé (couple au Gros Pâté)

lundi 17 octobre 2011

Le pèlerin, le touriste et le montreur d'ours


J'ai l'impression que mon billet d'hier n'a pas été tout à fait compris comme je pensais l'avoir écrit. Il est possible que la faute m'en revienne toute, même si le fait que l'incompréhension émane essentiellement de mes détracteurs institutionnels m'amène à soupçonner qu'elle ait pu naître d'une légère dose de mauvaise foi de leur part.

Mon sujet, à la fois de billet et de colère, était la visite “conférence”, et pratiquement elle seule. Il se trouve que j'en ai suivi quatre, réparties sur 33 ans. Il me semblait donc pouvoir témoigner que les trois premières (entre 1979 et 1999), quoique différentes, dépendantes entièrement de la personnalité des divers conférenciers, de leurs centres d'intérêt et d'étude plus ou moins marqués, etc., étaient d'un niveau comparable, alors que la toute dernière marquait un véritable effondrement culturel – et je ne dis pas décadence, laquelle supposerait un déclin plus ou moins lent mais régulier. Cet effondrement, rendu presque tangible par le “discours” de notre bonimenteuse, me semblait corroboré par l'obligation où l'on se sent désormais d'animer de diverses façons les monuments que l'on propose à notre curiosité. Ce qui revient à dire en fait que le monument n'a pas, ou n'a plus, en lui-même assez d'intérêt, de richesse, de beauté, aux yeux mêmes de ceux qui l'ont en charge, et qu'il convient donc de le barnumiser d'urgence. De même que, pour “retenir le chaland”, un conférencier se doit désormais d'alléger la partie sérieuse de son discours en la truffant de plaisanteries et de clins d'œil, comme un cake de ses fruits confits multicolores. L'un de mes commentateurs suggère que je me livre à une généralisation hâtive à partir d'une expérience unique. Il a raison. Mais c'est que je ne crois pas possible que l'on puisse tolérer ni même concevoir une telle disparate entre un conférencier et un autre, censés offrir le même type de “service”. Encore une fois, mes expériences réitérées et étalées sur un temps assez long – ainsi que divers témoignages de proches ayant eux aussi sacrifié par le passé au rite de cette visite – me montrent que le niveau est resté égal durant au moins un quart de siècle (et sans préjuger de ce qu'il pouvait être avant cela) avant de refluer à la vitesse d'un cheval au galop dans la baie du, etc.

Cela étant précisé, et ayant relu le billet d'hier, à aucun moment, comme on m'en fait le reproche, je n'ai protesté contre les foules de gens qui, à l'année longue, envahissent le Mont en colonnes montantes et descendantes. Pas un mot non plus à propos des boutiques hideuses et des restaurants médiocres qui se pressent dans l'unique rue. Non seulement, encore une fois, ce n'était pas mon sujet de préoccupation, mais il aurait en outre été bien stupide de m'indigner d'un état de fait qui a pratiquement toujours existé – en tout cas des siècles avant que l'idée même de tourisme ne germe dans le cerveau de l'homme en phase terminale. 

Au XIIIe siècle, des dizaines de milliers de pèlerins confluaient presque constamment vers le Mont depuis toutes les régions de France pour venir fourmiller sur ses grèves, bouchonner à sa porte, encombrer sa rue, emplir ses maisons et ses logis abbatiaux. Au XVIIe siècle encore, période de piété populaire pourtant moins ardente et de plus grande sagesse dans le pèlerinage, la translation des reliques de saint Gaud attire trente mille personnes en même temps. En 1663, durant la même semaine, se présentent au Mont deux compagnies dont la plus modeste comptait six cents personnes et quatre cents chevaux. – Voilà pour le tourisme de masse. Demeure l'aspect rentable.

Au Moyen Âge, les pèlerins, à l'instar de ceux de Compostelle, étaient chargés de coquilles, lesquelles furent remplacées à basse époque par leur imitation commerciale, en plomb d'abord et très simples, puis de plus en plus travaillées et sophistiquées. Tous ces objets, ces badges avant le temps, étaient fabriqués et vendus dans cette même rue où s'étalent aujourd'hui les boutiques que tout le monde connaît : ce petit commerce florissant et de circonstance s'appelait la “quiencaillerie”.

Il aurait été donc bien sot de ma part de déplorer l'affluence des touristes – ces pèlerins dégradés – ou le mercantilisme des Montois, puisque je savais qu'ils avaient toujours été là où ils sont. La seule chose que je crois avoir exprimée qui soit du domaine du regret et de la déploration, c'est que, désormais, les bateleurs, taverniers, vendeurs de colifichets et montreurs d'ours ont franchi la porte du Châtelet afin d'aller planter leurs chapiteaux au cœur même de l'abbatiale, pour faire épanouir la rate du vulgaire.

dimanche 16 octobre 2011

Et le Mont Saint-Michel se mua en Gogolgotha…

Irrempe, Saint Michel à la lune, vendredi 14 octobre 2011, vers huit heures et demie du soir.

« On ne doit pas craindre de se mêler à l'une de ces fournées qui s'engouffrent dans l'abbaye, même au pire moment des voyages, celui des vacances générales, où tant de licence se donne cours. Un horrible troupeau, dévêtu, braillard, impérieux, sûr de sa factice et précaire liberté, gravit et monte… Le Français, en partie de plaisir, ne fait point grand honneur à la France. Eh bien, le calme se rétablit quand la société accède, à la porte du Châtelet vomissant ses marches noires ;  le “rigolo” lui-même se sent moins en verve ; la plaisanterie s'étiole entre ces murs granitiques. Oui, j'ai interrogé les gardiens : ici, l'on respecte. »

Jean de La Varende, Le Mont Saint-Michel, Calmann-Lévy, 1941.

Pauvre La Varende ! La porte du Châtelet, désormais, ne fait plus barrage à rien, sinon aux deux tiers de ce troupeau continu qui n'ont même pas l'idée de la franchir (« Pour quoi faire ? Y a plus d'boutiques ! ») ; la plaisanterie ne s'étiole pas entre les murs granitiques : elle s'y est au contraire institutionnalisée ; le rigolo n'a aucune raison de se sentir moins en verve, puisque cette verve est la queue par laquelle on l'attrape – et pour le respect dont parlaient les gardiens du monde d'hier, il est tout entier dévolu à l'appétit ludique de Festivus et aux béances de Modernœud, contemplant satisfait son être-là. Le Mont Saint-Michel n'est plus cette apothéose de pierre qui se dressait au milieu d'un espace miroitant et sans macule : c'est devenu un cadre tout juste un peu hors normes pour les habituelles et obligatoires activités de l'homme-en-tongs – un simple lieu, comme disent désormais les artistes autoproclamés, aux pitreries subventionnées. Dans telle salle, au lieu du silence minéral que vous aviez gardé dans l'oreille, un vacarme vous accueille, produit par une sorte d'atelier où l'on occupe les enfants en leur mettant des outils de tailleur de pierre entre les mains ; dans l'incomparable réfectoire, l'exposition d'une quelconque peintreuse contemporaine réussit à ruiner non seulement les proportions de la salle, mais aussi son acoustique particulière, qui fait que, parlant normalement vous êtes à peine compréhensible, tandis que vos paroles deviennent d'une limpidité d'eau pure dès lors que vous les psalmodiez ; dans une autre encore, une nouvelle “expo”, didactique celle-là, où, sous prétexte de prophylaxie imagine-t-on, vous sont proposées – masquant murs et piliers – de gigantesques photographies de puces, poux et autres parasites humains. Mais tout cela ne serait encore rien.

J'avais déjà fait trois visites dites “conférences” du Mont. La première en 1979, avec André et Philippe, la seconde avec les mêmes quelques années plus tard, et la troisième avec Catherine en 1998 ou 1999. Toutes trois remarquables, même si je conserve moins de souvenirs de la seconde. Le très précieux avantage de la visite-conférence est (était…) qu'elle dure deux heures au lieu d'une et coûte le double de la visite ordinaire. En outre, elle est (était…) faite par quelques personnes des Beaux-Arts, amoureux du Mont – si passionnés qu'ils n'étaient pas comptables de leur temps et pouvaient prolonger la visite d'une demi-heure ou plus pour peu qu'ils fussent tombés ce jour-là sur un petit groupe particulièrement questionneur. Nous nous faisions donc, depuis plusieurs jours, une joie véritable de celle de ce dimanche matin. 

Comme m'a dit l'Irremplaçable le lendemain de ce jour funeste, à propos de la femme qui était en charge de notre groupe : « Rien que la manière dont elle était habillée, on aurait dû se méfier… » On aurait dû, en effet. Mais c'était trop tard, on était là ; pris bel et bien. 

Dès que cette “féminine engeance” s'est mise à proférer des sons, j'ai compris que tout était fichu, que le monde d'hier, le monde vivable était définitivement mort. C'est une chose que de discourir doctement sur la décadence qui serait la nôtre ; c'en est une autre que de la voir en action, de toucher du doigt ses résultats, de devoir supporter la voix et les inflexions qui la réalisent. Pour cette femme, le principe même de la conférence semblait de toute évidence appartenir à un passé grisâtre et fort heureusement révolu : place à l'interactif, à l'humeur rigolarde, à la bonne franquette. D'entrée de supplice, ce fut un mitraillage de blagues à deux sous, de clins d'œil participatifs (« Y a des Bretons, parmi vous ? Oui ? Alors mettez-vous de ce côté, passque, là, vous êtes en Normandie ! » ; « Et vous, M'sieur, là : vous vous y voyez, à transporter des blocs de granit de trois tonnes dans les escaliers ? » ; « Et pourquoi que vous voudriez qu'ils aient été moins malins que nous, les gens de c't'époque, Madame ? »). Soudain j'ai compris ce qui clochait : nous n'étions nullement en train d'assister à une conférence, comme on nous l'avait fallacieusement annoncé ; nous tenions tous notre rôle dans un docu-fiction commandé et diffusé par TF1 – à moins qu'il ne s'agît d'une émission de télé-réalité, ma religion n'est pas entièrement faite à ce sujet.

On a tenu une vingtaine de minutes, avant de quitter ostensiblement le groupe. Dont la plupart des membres avaient d'ailleurs l'air de bien s'amuser. Notre guideuse a dû penser que nous nous étions rendu compte de ce que le niveau de sa conférence était trop élevé pour nous. En redescendant, triste et furieux, mais encore plus triste que furieux, je me suis demandé pourquoi l'Archange supporte ce qu'on lui fait subir désormais. Et j'aurais vu d'un assez bon œil qu'il appelât sur l'immense rêve vertical qui lui fut dédié, par des hommes à qui nous ne ressemblons plus en rien, le même sort que celui auquel Ronsard imaginait saint Paul vouer l'Église du XVIe siècle, “s'il revenait ici” :

                                     … et voyant tel méchef,
Prierait qu'un trait de feu lui accablât le chef.

Je pense que je ne remonterai plus jamais jusqu'au cloître de plein ciel, et ce sera sans regret. J'en ai assez de souvenirs, après tout. Il me restera notamment cette nuit de la fin mai 1979 où, durant près de deux heures, lestés de l'énorme trousseau de clés que le père de Senneville avait confié à André, nous avons, lui, Philippe et moi, déambulé dans le Mont désert, parcouru avec un respect intimidé, qui peu à peu se teintait d'une sorte de frayeur d'enfance, ces salles et ces cryptes emplies d'un silence étrangement bruissant – vivant, pour tout dire.

samedi 15 octobre 2011

Enocre plus tendre et savoureux que l'ancien : le Didier Goux de prés salés


Nous voilà de retour. Semaine riche en belles et bonnes découvertes, mais aussi en mauvais cholestérol – cependant ternie dès son entrée par une énorme déception mêlée de colère : ce sera sans doute le sujet que nous aborderons en priorité demain. Car, pour ce soir, il est, je crois, vaguement question d'un vigoureux apéritif de fin de vacances, suivi par une longue nuit de sommeil…

vendredi 7 octobre 2011

Priez pour nous, pauvre pêcheurs…


Durant une semaine, il va être inutile de vous déchaîner contre nous, placés que nous serons sous la protection formidable de l'Archange psychostase et psychopompe. Puisqu'il parvint, dit-on, à retenir la main immoleuse d'Abraham, je le supplie de bien vouloir faire de même, jusqu'au 15 octobre, avec vos commentaires impies et volontiers blasphématoires. Puisse-t-il aussi prendre sous son aile transcendante l'âme des deux pêcheurs de crevettes qui ont cru malin de se glisser dans le cadre alors que tout le monde sait bien qu'ils sont morts depuis lulure.


Post sciptum à-bon-entendeur, à l'intention des blogueurs cambriolâtres : nous partons pour une semaine, mais Ludovic sera là, lui. Et il est pas manchot, Ludovic…

jeudi 6 octobre 2011

Ça fout la trouille, ce silence des grands espaces…


À XP


Sans me vanter, je crois bien être le seul à m'être fait volontairement radier du Wikio, comme on se fait interdire de casino : pour ne pas devenir aliéné quand j'en ai senti la menace ; et l'avoir fait alors que je ne cessais de monter dans le classement en question. – Bon. Un fil à la patte en moins – very well.

Un jour, Blogger a inventé la blogroll (déjà, le nom : j'aurais dû comprendre – mais l'âge, la fatigue et la bêtise jouent leur rôle…). Vachement pratique, la blogroll, à première vue : ça évitait de cliquer pour rien chez les gens qu'on aimait lire. En un mot : efficace, la blogroll, air du temps, moderne à n'en plus pouvoir – on aurait dû se méfier. J'ai souscrit comme tous les autres abrutis, abruti moi-même : pratique, on vous dit ! Ensuite, les résonances pas prévues ; vous jouez avec le truc ; supprimez Machin, rajoutez Trucmuche, l'inverse – vous jouez.

Là démarrent les chialages, ceux des ceux qui l'inspectent, votre roll. Tous les matins. J'y suis encore ? Quoi ? J'y suis plus ? Mais qu'est-ce ? Mais qu'est-ce ? Quoi j'ai fait ? Bon Dieu de Dieu, il était pourtant, pourtant, mon dernier billet, non ? Il est qui, le vireur de roll, là ? Ma place, bon sang ! J'ai droit à ma place ! Ah mais ! Il faudra bien qu'il me dise, tout de même ! Il me lit, il me lit pas, va te chier on s'en fout ! Mais la blogroll, merde ! Mes doigts sur le clavier et hop ! en tête ! automatique !  trois phrases ! Verbe, sujet, encore sujet, et compléments à n'en plus finir ! Merde ! La roll, quoi ! et tout en haut, je veux !

Et ça criasse tant que ça peut dès que tu les passes au blanc !  Ma blog ! ma blog !  veux z'en être ! On les remet parce qu'on veut pas d'histoire, forcément. On plie, on est lâche un peu, on a envie d'être aimé, c'est humain… se fâcher avec personne, sauf les qui réclament la brouille… Alors donc on compose, on aménage pour damnés. On les lit plus mais ils sont là, droits et raides et morts comme des soldats de plomb ou des meringues passées date. Contents comme à la parade. Et un jour…

La fatigue aidant, comme souvent. On s'épanche, on s'épanche, vous savez comme on est. Et l'Irremplaçable vous suggère, l'air de pas toucher à rien. Elle fait ça très bien, l'autre.  Mine de rien, elle t'écoute, vache ! Fous ta roll dans ta poche, vieux croumir ! Elle dit. Dans celle où personne va ! Nettoye ! Balaye ! Vire, andouille !  Garde à peine les lisibles ! Et même pas tous encore ! Dégage ! Qu'est-ce qui veulent ? Mais qu'est-ce qui veulent ? Hein ? La roll c'est de la blog, qu'est-ce qu'on se marre – mais y a des limites tout de même ! 

Alors tu transportes ton petit paquetage là que personne le voit. Tu te racrapoutis tranquille, plus personne t'emmerde – enfin, si, encore un peu, mais t'as des idées pour demain ; t'as des idées mon gars. en tout cas t'as plus de roll, et c'est déjà gros.

mardi 4 octobre 2011

Hessel-le-rodomont habillé pour l'hiver

C'est Pierre-André Taguieff qui endosse le rôle du tailleur, pour un costard superbement coupé et tombant d'impeccable façon. Et si son réquisitoire ne suffira sans doute pas pour en finir avec cette ridicule icône palestinolâtre, il aura au moins contribué à dégonfler la baudruche. Taguieff écrit notamment :
Le personnage Hessel est emblématique : il incarne parfaitement le type du grand légitimateur de telle ou telle cause, d’abord du fait qu’il est situé à gauche, ensuite en référence à son passé de résistant et de déporté (politique) dans trois camps nazis, enfin en raison de son prestige social qui provient pour l’essentiel d’une légende, celle selon laquelle il aurait été le « co-rédacteur » de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Son image de marque est en effet la suivante : « Coauteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ce grand témoin du XXe siècle, ardent militant de la paix et de la non-violence, a mis tout le poids de son autorité morale au service d’une cause : le droit des Palestiniens à disposer d’un État viable2. » Il n’est pas une seule des affirmations contenues dans cette publicité qui ne soit contestable : il n’a pas participé à la rédaction de la Déclaration universelle de 1948, et, loin de rechercher la paix par la voie de la non-violence, il incite à la haine, à la violence et à la discrimination par le boycottage contre un État, Israël, dont il met en question la légitimité et en conséquence le droit à l’existence, et qu’il propose sans vergogne d’exclure de l’ONU. Ce qui n’empêche pas les laudateurs de l’« icône » de se vouer à un encensement permanent de l’ancien diplomate. Ils paraissent se reconnaître dans les platitudes et les lieux communs, les paroles fleuries et les mièvreries moralisantes que lance en rafales leur idole. Ils paraissent même s’en délecter. Dans le bateleur avéré, ils imaginent apercevoir un sage ou un saint homme. (…)
Ensuite, Taguieff se livre à un démontage en règle de la fameuse participation hesselienne à la Déclaration des droits de l'homme de 1948, mettant en lumière au passage la duplicité et la fatuité du personnage. il écrit :

« Témoin » ou « co-rédacteur » ? A-t-il simplement « assisté » à l’élaboration de la Déclaration ou a-t-il activement « participé » à la « rédaction » de cette dernière ? Il ne peut dire la vérité dans les deux cas. Les déclarations de décembre 2008 ressemblent à un aveu, fait devant ses pairs, dans le cadre de l’ONU. Rien ne le poussait alors à mentir. Il avait au contraire de bonnes raisons de ne pas le faire dans un tel contexte, où d’autres « témoins » de l’époque pouvaient être présents. Mais s’il a dit alors la vérité, il s’ensuit qu’il mentait dans ses autres déclarations. Il va de soi que le statut de simple « témoin » dans le processus qui a abouti à la Déclaration de décembre 1948 ne saurait conférer à l’ancien diplomate l’aura dont il bénéficie aux yeux du grand public. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle Hessel s’est si longtemps laissé présenter, sans réagir, comme le « co-rédacteur » de la Déclaration de 1948, affirmation fausse et, pour ceux qui savaient la vérité, mensongère. Hessel a laissé dire ceux qui faisaient profession de le célébrer, même lorsque les faits allégués étaient faux, dès lors qu’ils relevaient de la geste héroïque de son personnage historique tel qu’il l’a construit. (…)

À l'issue de sa démonstration, dont on peut lire ici l'intégralité, Pierre-André Taguieff conclut :

Lors de la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Hessel avait donc été un témoin parmi d’autres, non un acteur. Le donneur de leçons est ainsi mis à nu. Voilà qui signe la fin d’une imposture. Et le commencement d’un crépuscule bien mérité.

Personnellement je suis loin de partager l'optimisme de l'auteur, au sujet de la fin d'une imposture : depuis quand les alter-pantins renoncent-ils à leurs croyances, au culte de leurs idoles, sous prétexte que l'image qu'ils s'en sont forgée ne ressemble en rien à l'original ?

lundi 3 octobre 2011

Hip ! hip ! hip !… Houria !

C'est Suzanne qui m'a donné l'idée de ce petit billet. Dans le sien, elle signale qu'une pétition vient d'être lancée pour soutenir Houria Bouteldja, la papesse des Allogènes de la République – rebaptisés par mes soins –, laquelle semble être poursuivie pour “injure raciale envers les Français”. Naturellement,  d'Alain Badiou à Christine Delphy en passant par Étienne Balibar ou Denis Sieffert, toute la lie collaborationniste de ce pays s'est déjà empressée de faire allégeance à la dame – sans parler des habituelles associations de nuisibles appointés et tout perfusionnés d'argent public –, en parlant de “dérive inquiétante”, sans pour autant se croire tenue de préciser en quoi ce serait une dérive ni en quoi elle serait inquiétante. Si j'ai bien compris le sens et le ton de son billet, Suzanne semble s'en offusquer quelque peu. Je crois qu'elle a tort : il est en effet important d'apporter le soutien le plus massif possible à Mlle Bouteldja, afin qu'elle puisse continuer d'exprimer librement et avec cette belle franchise naïve qui la caractérise le fond de sa pensée ; dans la mesure où elle pense et dit exactement la même chose que nous – nous les réactionnaires rancis, malodoriférants et naziformes –, à savoir que ce que Renaud Camus nomme désormais Le Grand Remplacement est bel et bien en marche, qu'il devient chaque matin plus illusoire de penser qu'il est encore résistible, et que l'on ferait mieux de remercier nos futurs maîtres de ce qu'ils se soucient des minorités, ou feignent encore un peu de le faire – car demain, les minorités, ce sera nous. Donc, pour que tous les Français véritables sachent bien ce qui les attend, ce qu'on leur concocte et mitonne, il est important, primordial, que Mlle Boutedja puisse continuer à donner de la voix ; puisqu'elle est celle de l'avenir.

Et puis, après tout, si la majorité des Françaises de demain doit ressembler à cette houri-ci, à cette houri-là, ce n'est pas moi qui viendrai m'en chagriner. À condition bien sûr d'avoir encore le droit de lever les yeux vers elles.

Lettre ouverte aux enfants qui naissent


Pour se mettre d'humeur joyeuse dès le matin, et pour que la joie perdure pendant tout ce week-end ensoleillé, voici un texte de Michel Geoffroy. Souriez, vous êtes en vie…

Vous avez échappé à l’avortement et vous êtes nés dans ce qui reste de la famille en Europe. Elle sera peut-être « monoparentale », c’est-à-dire réduite à une seule personne. Ou bien constituée de deux personnes aux noms différents, voire de même sexe. Vos grands-parents, vous les verrez de temps en temps, pour qu’ils vous fassent des cadeaux ou pour qu’ils vous « gardent » pendant que vos parents travaillent ou s’amusent ; avant qu’ils ne rejoignent l’hospice car ils finiront aussi par gêner. Vos parents divorceront un jour, sans doute, s’ils se sont mariés (un mariage sur deux finit en divorce selon les statistiques). Votre famille se réduira au droit de visite.
Vous n’aurez pas le réconfort d’avoir beaucoup de frères et de sœurs car la démographie occidentale s’effondre : vous n’aurez que des copains, des potes et des adresses Internet. Vous n’aurez que des amis en silicone. Cela vous suffira puisque de toute façon vous allez passer 4 heures par jour devant la télévision. Le reste du temps, vous écouterez de la musique déracinée avec vos copains en « boum », en « boîte » ou sur votre MP3 et vous tapoterez sur votre téléphone-ordinateur-appareil photo-GPS portable.
Vous lirez peu et rarement de vrais livres. L’accès à la culture ne vous sera pas accordé sauf si vos parents sont riches. On vous dressera ainsi à rester des éternels spectateurs du monde : des objets et non des sujets de l’histoire.
L’école publique ne vous apprendra rien de votre passé, de votre histoire, de votre culture, de vos racines ou de votre religion. Elle vous apprendra seulement à respecter les commandements de l’idéologie dominante et qu’il est normal de copuler avec vos petits copains et copines. Elle vous apprendra à vous repentir de votre civilisation, à mépriser vos ancêtres et à suspecter vos parents. A la cantine on vous fera manger halal car il ne faut pas discriminer vos petits camarades musulmans. On vous apprendra à consommer et à céder à ce que vous croirez être vos libres pulsions, alors que vous serez seulement victimes de la suggestion publicitaire omniprésente. (…)
La suite est là-bas.