Dans Juliette ou les prospérités du vice,
l'ogre Minski, pour son repas, se fait servir “huit ou dix boudins
faits avec du sang de pucelle et deux pâtés aux couilles”. Afin de n'en
être point trop encombré, il s'accorde quelques glaces à l'odeur
vomitive. Lorsqu'il prie la belle Juliette d'y bien vouloir goûter,
celle-ci a une réponse fort diplomatique (ce qui est sagesse, vu la
férocité du personnage) : « Il faut beaucoup d'habitude pour ces
mets-là. »
En effet. Pour sa part, lorsqu'il n'avait
pas la plume en main, le marquis de Sade faisait montre de goûts plus
conventionnels, si l'on ose dire. Embastillé, il fait parvenir à son
épouse la liste de ses exigences culinaires : un pain de pâte de
guimauve, un pâté d'anguilles, les premières fraises, un pâté de thon et
un gâteau au chocolat (“qu'il soit noir en dedans à force de chocolat,
comme le cul du diable l'est à force de fumée”). L'ordinaire des
prisons n'est plus ce qu'il a été, dirait-on.
Autre
grand queutard devant l'Éternel, Casanova ne crache pas non plus sur les
plaisirs de bouche, toujours si l'on peut dire : « J'ai aimé les mets
au haut goût, écrit-il en préambule de son Histoire de ma vie : le pâté de macaroni fait par un bon cuisinier napolitain, l'ogliapotrida,
la morue de Terre-Neuve bien gluante, le gibier au fumet qui confine,
et les fromages dont la perfection se manifeste quand les petits êtres
qui les habitent commencent à se rendre visibles. Pour ce qui regarde
les femmes, j'ai toujours trouvé que celle que j'aimais sentait bon, et
plus sa transpiration était forte plus elle me semblait suave. »
Comme écrivait l'autre au panache blanc : « Ma mie, cessez de vous laver : j'arrive ! » Quant à ce bon Marcel Jouhandeau, il faisait dans ses Chroniques maritales cette observation d'une logique sans faille (c'est l'esprit et non la lettre) : « Lorsqu'on a pris le parti de ne plus se laver, il arrive un moment où l'on ne se salit plus. » Il est à noter que si l'homme de Chaminadour avait, un temps, pris cette décision curieuse, c'était à seule fin d'importuner et d'incommoder par ses odeurs sui generis sa femme, Élise.
J'aime bien : "l'autre au panache blanc". Si je ne me trompe, il s'agit bien de celui qui croyait que le sexe masculin contenait un os ? ou encore celui qui voulait que tous mangent de la poule au pot le dimanche sans jamais préciser de quelle genre de poule il s'agit.
RépondreSupprimerC'est lui-même.
SupprimerVous êtes sûr que ce n'est pas Bonaparte qui avait ces exigences?
SupprimerDe toutes façons Henry IV puait lui-même tellement qu'il ne devait pas faire la différence.
Non, non, apparemment c'est bien Henri le quatrième. Enfin, d'après les maigres vérifications que j'ai effectuées sur Goux Gueule…
SupprimerFaites-vous offrir ça pour noël.
RépondreSupprimerJe me suis laissé dire qu'il n'était pas pertinent de mettre Casanova dans le même sac que le marquis de Sade.
RépondreSupprimerOh, mais j'ai bien pris soin de leur prévoir deux sacs différents, soyez sans inquiétude !
SupprimerPlus sérieusement, il va de soi qu'ils ne sont nullement semblables. Ce qui n'empêche pas, et au contraire, de les comparer, et même de noter certains points communs.
Une jeune personne bien faite, élevée comme je les aime, dont la connaissance se révéla fort fructueuse en tous points, m'offrit élégamment enveloppé ce coffret conséquent hautement recommandable, modeste pierre à l'édifice du libertinage :
RépondreSupprimerRomans Libertins du XVIIIe siècle
Crébillon Fils . Duclos . Godard d'Aucour . La Morlière . Voisenon . Boyer d'Argens . Fougeret de Monbron . Chevrier . Dorat . Nercia . Vivant Denon
chez Bouquins, auquel vient s'ajouter un précieux Dictionnaire des oeuvres érotiques préfacé par Pascal Pia.
Je ne connais guère que Crébillon et Denon, dans cette liste. Inculture, quand tu nous tient…
SupprimerCrébillon et Denon sont du reste les deux seuls à valoir quelque chose.
SupprimerDe toute façon, à part Robespierre, qui n'a pas écrit de roman pornographique au XVIIIe siècle ? Tous les éditeurs publient leur volume parce que ça se vend bien à Noël (oh, je vais faire rigoler les cousins et rougir Tata Jacqueline, chic alors), mais la quasi-totalité de la production est assez mauvaise.
J'ai le volume de la Pléïade, et l'ennui qui m'en vint, malgré les illustrations, fut abyssal.
Ah, je crois que j'ai mis un tréma de trop à Pléiade. Toutes mes confuses.
SupprimerEn revanche, le volume de la Pléiade consacré aux libertins du XVIIe est, lui, intéressant. Mais il est vrai qu'il ne s'agit pas du même libertinage…
SupprimerOui effectivement, ce n'est plus le même calibre - un peu comme le rapport entre Spinoza et le journal de Mickey, en fait.
SupprimerComme plat royal, il en existe un, aussi léger que ceux évoqués dans votre billet: les roupettes de coq!
RépondreSupprimerJe ne suis plus quel roi les appréciait, mais pour un plat il faut environ 10 coqs, afin d'avoir une assiette bien garnie.
10 coqs, c'est 20 roupettes.
Vous en avez déjà goûté?
Ca ressemble à des petits beignets, même les enfants en raffolent!
J'avoue que ce plat ne fait pas (encore) partie de mes connaissances gastronomiques !
SupprimerMoi non plus, mais ça m'a fait penser à des Chicken Mac Roupettes.
SupprimerCe serait drôle d'avoir un resto rapide qui ferait que de la cuisine du terroir.
Un bel endroit franchouillard, dans lequel on mettrait notre culture au service de la Masse.
Après tout, pourquoi pas?
"Lorsqu'on a pris le parti de ne plus se laver, il arrive un moment où l'on ne se salit plus."
RépondreSupprimerMais arrive le moment où la crasse atteint plusieurs millimètres d'épaisseur, dans laquelle il n'est pas rare de voir grouiller des asticots !
Vous avez tenté l'expérience vous-même ? Si la réponse est non, je continuerai à faire confiance à Jouhandeau sur le sujet…
SupprimerC'était, en tous les cas, l'état dans lequel arrivaient quelques "clochards", du temps où il n'avaient pas encore été transformés en SDF, au service de garde de l'Hôtel-Dieu de Lyon où les infirmiers tuaient les vers à l'alcool déversé larga manu sur leur corps, avant de les décrasser à la brosse dans une baignoire.
SupprimerFichtre ! C'est du brutal…
Supprimer@Fil,
RépondreSupprimerAvez-vous déjà gouté ce que chez nous,dans notre midi, nous appelons les aliboffis.
Les plus timides appelent ça des rognons blancs mais passons, ce sont des roubignolles de mouton.
Poelées avec une persillade, un vrai bonheur.
Ah non, je n'ai pas goûté.
SupprimerMais si l'occasion se présente, peut-être que j'essaierai.
Ca doit être gros comme une balle de golf?
Je vais aller voir ça..
@Fil,
SupprimerNon. Ces délicieux mets sont coupés en morceaux et une fois cuits,ont une texture fondante, un peu comme de la cervelle. (Il ne faut peut-être pas en déduire que certains ont déplacé la leur).
Il faut goûter.
Alors ça fera partie d'une future aventure lorsque j'irai dans le sud.
SupprimerJe veux bien essayer, mais il faut des produits frais.