vendredi 8 mars 2013

Les chercheuses de poux et l'armée des morts

 
Chaque fois que quelqu'un lit Les Chercheuses de poux, ou l'écoute chanté par Ferré, simplement se le remémore, il ne réveille pas seulement Rimbaud, il ressuscite aussi Léautaud qui a dit tout le bien qu'il pensait de ce poème dans ses entretiens radiophoniques avec Robert Mallet, en 1950. Et encore, on ne sait pas : on tire peut-être du néant deux ou trois autres, davantage, dont on n'a pas connaissance, ni même l'idée. Et c'est heureux : il faut autant que possible faire sortir les morts de leur glaise oublieuse, c'est notre seule arme face aux décérébrés tintamarrins qui ont pris le contrôle du monde, notre forme de résistance ; comme elle fut celle des moines haut-médiévaux dans les salles en voûte qui résonnaient de leurs silences, de leur patience.

Il devient vital d'être élitiste et intransigeant. Au temps où l'on peut être docteur en ceci ou en autre chose tout en restant strictement inculte, il importe de relire, de relier, mais en prenant garde de n'être docteur en rien – tourner le dos. Bientôt, je le fais, écrire ce que j'écris en écoutant la sonate D 960 passera pour un acte de maquis – suspect. Nous resterons quelques abstraits, comme chantait Ferré. Ah ! ça, pour être abstraits…

D'un mot, nous n'avons plus rien à perdre, puisque tout est déjà perdu. Donc, élitiste et intransigeant. Prendre date, cette posture des vaincus. Ne rien céder puisqu'on ne nous demande rien, ignorer les rires et les bravos mécaniques. Laisser le monde couler comme un camembert épuisé, en sauvant à part soi quelques rebords de croûte. La résistance de la croûte : c'est nous.

Relire Les Chercheuses de poux, ou autre chose ; faire se lever l'armée des morts.

15 commentaires:

  1. "Relire Les Chercheuses de poux, ou autre chose ; faire se lever l'armée des morts". Non.

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  2. Je ne connais évidemment pas "Les chercheuses de poux", et malheureusement cela fait longtemps que je n'ai plus écouté les entretiens de Léautaud, dont j'ai pourtant l'intégrale dans ma bibliothèque.
    Pourtant je dois à la vérité de dire que votre billet m'a donné une pêche qu'on pourrait presque qualifier d'euphorique.
    Car si le but c'est précisément de devenir docteur ès-néant, je suis en très bonne voie de réalisation de ce seul programme qui serait d'ailleurs à ma portée.

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    1. Un grand merci ! C'est en effet un poème tout à fait extraordinaire.
      Décidément Léautaud a le chic, entre mille textes, de débusquer toujours le plus original, celui sur lequel on ne se serait pas arrêté sans lui.
      Je vous dirai même que "Les chercheuses de poux" m'ont rappelé certains souvenirs, mais je ne peux pas vous en dire plus, car je suis sous haute surveillance lorsque je viens chez vous.

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    2. Sous haute surveillance ? Fichtre !

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    3. Si vous voulez l'entendre chanté par Ferré, c'est par là (à partir de 2 mn).

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    4. Et si vous préférer Les Poètes de sept ans, prenez par ici

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    5. J'ai tout écouté.
      Votre sollicitude à mon égard va certainement me causer des remarques acerbes d'un certain Suisse errant sur les blogs, mais peu importe.
      Quant à Ferré, je suis désolée, mais pour ce qui me concerne, je trouve que la musique qu'il a choisie n'apporte rien aux poèmes.
      Ce n'est pas le Ferré que j'aime, pire, celui-ci me dérange.

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    6. Fuck pour les Suisses errants ! Sinon, je vous comprends très bien : je connais beaucoup de gens qui n'aiment pas que l'on musique les poètes ; et je trouve leurs raisons recevables.

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  3. Avec tout le respect qui vous est dû, et si l'on se réfère à nombre de vos écrits, le vers suivant :
    "Voilà que monte en lui le vin de la Paresse,"
    doit être celui qui vous résume de la façon la plus synthétique.

    Duga

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  4. préférer ?
    Monsieur Goux voyons...

    L'imprécateur

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  5. Rappelons au docteur ès néant que la préposition ès, ancienne forme contractée de en les (ou dans les), ne doit s'employer que devant un nom au pluriel.

    C'est rappelé notamment ici.

    Voilà ce que j'ai trouvé pour vous chercher des poux dans la tête.

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    1. Bien visé ! Le pis est que la formule ne figurait pas dans le billet original, écrit hier soir. Je l'ai ajoutée ce matin pour faire mon intéressant et m'en voilà puni.

      Ma petite vengeance a été de l'enlever, rendant ainsi votre observation sans objet…

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.