dimanche 24 mars 2013

Sur le bord d'un étang bleu il y avait un âne…


Sans doute titillée par un démon farceur dominical, Suzanne fait remarquer à la blogueuse-sans-nom qu'elle a eu tort d'écrire : « C'est là où le bats blesse un peu », dans la mesure où l'orthographe correcte du mot employé est bât. (Elle aurait pu, d'un même mouvement, lui signaler que “là où” est un pur pléonasme et que “là que” aurait été pleinement satisfaisant, mais passons.) Avec cette amusante particularité psychique qui la caractérise – et fait les délices de ses lecteurs, dont votre serviteur –, au lieu de corriger simplement son erreur somme toutes anodine, la donzelle entre en crise de tétanie mentale ; puis, les membres agités de violents et incontrôlables soubresauts, répond ainsi à ce qu'elle considère visiblement comme un outrage (à part la mise en italique, j'ai respecté scrupuleusement la forme de ce qui suit) :

On ne va pas recommencer la dialectique du fond/ forme. C'est fatiguant. Bien entendu que chacun fait des fautes, on le sait.
Il n'empêche que je m'étonne qu'une personne aussi cultivée que vous puisse ne pas connaître l'orthographe "bats", qui est l'orthographe originale de bât ( vous ne savez pas que l'on a utilisé l'accent circonflexe afin de remplacer des "s" qui devenaient inutile, pas glissement linguistique de l'évolution de la langue?)
Ayant été très tôt en contact avec des textes dont on n'avait pas encore épuré la langue en la modernisant (du moyen-âge au XVIIIème siècle), j'ai donc dû employé cet orthographe sans m'en rendre compte.
Bast est devenu bats puis bât, définitivement.
Cela valait-il un commentaire de votre part?
Pardon d'avoir été un peu trop conservatrice dans mon emploi de ce mot, mais on va le conserver tel quel, histoire d'enrichir un peu tous les réacs qui viennent ici le nez bouché, un peu d'histoire du Français ne fait pas de mal, non?

Chaque ligne de ce commentaire est à savourer lentement et plusieurs fois, la dame s'y peint en pied et, ce faisant, atteint dans la cocasserie à l'irrésistible. 

Que bât vienne de l'ancien bast, c'est en effet avéré. Sauf que, bien entendu, comme le veut le très banal “glissement linguistique de l'évolution de la langue”, on est passé directement de celui-ci à celui-là, sans passer par l'épisode du “s” sauteur auquel, dans sa rage d'auto-justification, la malheureuse nous demande de croire sur parole. Il va tout autant de soi que jamais un accent circonflexe n'est venu se substituer à un “s” qui ne suivait pas immédiatement la voyelle qu'il chapeaute (hospital ---> hôpital, maistre ---> maître, etc.)

On atteint presque au comique de Molière dans le paragraphe suivant, lorsque la femme savante se fait précieuse ridicule pour tenter de nous persuader qu'il lui arrive couramment, dans ses moments de moindre concentration et du fait d'une trop grande intimité avec elle, d'employer la langue du XVIIIe siècle : ce que c'est que d'être distraite et cultivée, tout de même…

Mais enfin, elle a raison : un peu d'histoire du français (sans majuscule initiale…) ne fait jamais de mal.

27 commentaires:

  1. On pourrait aussi lui dire que "c'est fatiguant" s'écrit sans le "u" (à moins que l'étymologie, l'ancien français, toussa...)
    Geneviève

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    1. Ah, désolé, mais je m'étonnes qu'une femme aussi cultiver que vous ne saches pas qu'on l'écrivais ainsi au XIIIe Siècle sur la Région de Poitou !

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    2. Ah, si c'est "sur la Région de Poitou", ça change tout...
      Geneviève

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  2. Mouf.

    Il m'est arrivé de faire des coquilles sur mon blog, parfois terrifiantes je l'admets, et qu'on me les signale aimablement; dès lors, je m'en vais corriger, humblement, au lieu d'aller puiser des arguments dans "le français tel qu'il ne s'écrit plus".

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    1. Je réagis en général comme vous, mais on ne doit pas être tout à fait normaux (ou normal…).

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  3. Geneviève, je viens de penser à vous, en ouvrant mon dictionnaire historique du français (Robert). C'est vous qui m'aviez conseillé cet ouvrage, et je le feuillette souvent !

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    1. Oui, j'aime beaucoup cet ouvrage. Et c'est amusant, je l'ai justement consulté cet après-midi pour trouver l'étymologie du mot "Pontife" !
      Geneviève

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  4. Oui Didier, vous avez raison pour le "la où", que j'emploie aussi.
    J'aime beaucoup les leçons d'orthographe, de linguistique et d'étymologie de Rosaëlle. Elle a un petit côté Jean-Pierre Brisset qui me plait bien.

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    1. Il est des cas où le “là où” est difficile à éviter. Mais pas dans ce cas de figure, en l'occurrence.

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  5. « Diable soit de l’âne et de qui me le bâta »

    http://delprat.wordpress.com/2013/03/16/suite-de-lane/
    http://delprat.wordpress.com/2013/03/14/lorigine-de-lane/

    Bon anniversaire, monsieur Goux,

    (et la bizette, bien sûr).

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  6. "j'ai donc dû employé cet orthographe" n'est pas mal non plus.

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    1. Il fallait bien que je laisse quelques découvertes aux autres…

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    2. Mais non, c'est de l'ancien françois, décidément vous n'y connaissoyez rien.
      SebVer

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  7. Je lui ai expliqué grosso-modo que les mots français venant du cas-régime dérivé de l'accusatif et non du cas-sujet venant du nominatif, ce "s" ne pouvait se concevoir. Bien entendu, elle n'a pas publié mon commentaire. Je suppose même que le passage "J'aimerais donc bien qu'on arrête avec ça, surtout les pseudos-scientifiques de la langue, qui seraient incapable de lire Rabelais dans le texte original sans se précipiter sur un dictionnaire." m'est plus ou moins destiné.

    Sans espoir d'être publié, je lui ai expliqué en quoi écrire que "Google n'est pas un puits de science infuse" était particulièrement grotesque.
    Quand à son "Il existe aussi la forme bats, qui vient de dos, et qui rejoint le sens" (le célèbre ba(t)s du dos, je suppose !),je n'ai pu me retenir de lui dire à quel point il me fit pouffer.

    Lire de pareilles âneries philologiques alors qu'on a 4 ans durant étudié cette matière à la fac, est agaçant. Je suppose qu'elle eût également traité mes maîtres, les professeurs Batany et Grisward d'incultes prétentieux...

    Je me console en me trouvant chanceux par rapport à son entourage qui risque d'être contraint de supporter ses âneries plusieurs heures par jour, ce qui demande une patience de saint ou une imbécilité profonde.

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    1. En somme, nous faisons œuvre utile et charitable en l'entretenant dans l'illusion que son blog est lu et en la poussant à continuer de l'alimenter : ça permet à ces malheureux de souffler un peu.

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  8. Mais saviez-vous que c'est le fait de désigner les enfants illégitime comme fils de bast, bât sur lequel ils étaient supposés être conçus par opposition au lit conjugal, qui nous a donné le mot "bâtard", resté "bastard" en anglais ?

    Oui, je peux être pédant aussi. Mais il ne faut pas m'en vouloir : c'est que je trouve si rarement quelque chose d'intelligent à dire sous vos billets ! J'ai sauté sur l'occasion.

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    1. Comme quoi, on peut s'instruire grâce à notre Rosa ! (Mais en faisant un crochet par vous, tout de même…)

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    2. Ah, mais j'y songe, la touche "z" étant au-dessus du "s" sur le clavier, peut-être notre amie a-t-elle été troublée par une réminiscence due à sa vaste culture. En tapant son message, elle a inconsciemment pensé à Charles de Batz-Castelmore, comte d'Artagnan, qui, étant le bretteur que l'on sait, était très susceptible de blesser de sa rapière les gardes du cardinal. C'est là que le Batz blesse, bien sûr ! Et nous qui nous moquions ! Nous fûmes bien peu charitables.

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    3. "bât sur lequel ils étaient supposés être conçus". Donc à l'époque ils ne faisaient pas ça sur une grande échelle!

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  9. Robert Marchenoir24 mars 2013 à 19:15

    "One of the many myths surrounding de Villiers is that he employs a team of assistants to help with his prodigious turnout. In fact, he does it all himself, sticking to a work routine that hasn’t changed in half a century."

    http://www.nytimes.com/2013/02/03/magazine/gerard-de-villiers-the-spy-novelist-who-knows-too-much.html?pagewanted=all&_r=0

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  10. Dites donc Didier, je vous trouve bien « bête » (beste ?) en ce moment (comme commenterait ce cher et savoureux « âne bâté » de Nicolas).
    Est-ce le printemps qui vous émoustille pour passer ainsi, tout de go, du loup coquin à l’ânesse battante ?
    Ça va Catherine ? Tiendrez-vous le coup sur un tel retour d’acné printanier, voire bestial du « lampedarus gouxus » ? Heureuse ?
    Cela étant Didier, je vous ai compris !
    Le titre de votre billet précédent fait en effet allusion au vers latin « Homo homini lupus est » d’une comédie de Plaute : qui fut intitulée « Asinaria » (la Comédie des Ânes) et qui date de (environ) 2195 avant J. C. (Jacques Chirac, pour les extimes).
    Vous êtes redoutable Didier !
    Bravo ! Je vous salue, mari.
    Bon sinon, sur le fond, j’estime (même si tout le monde s’en « bat » les choses de la vie ou pas) que si l’ânesse n’a pas tort et n’est pas tordue en affirmant que la langue, Française ou Barbare doit — peu ou prou — évoluer avec les gens et leur cirque qui l’utilisent, la parlent, sinon la vivent, elle (l’Ânesse), a tout faux pour ce qui concerne le signifié en cause (le bât) dans la mesure où cette chose n’est pratiquement plus utilisée de nos jours.
    En effet, sauf erreur, il n’y a plus beaucoup d’ânes dans nos belles banlieues fleuries (je parle de l’animal : equus asinus) et de moins en moins de bâts pour les bâter.
    Dès lors, je pense que nous devrions en rester à la dernière forme du signifiant (bât) dont l’accent circonflexe remplace de force et d’usure le « S » antique, comme Mat l’a fait judicieusement remarqué, sachant qu’il y a aussi de moins en moins de « bâtards » vu le bordel sans nom que d’aucuns s’ingénient à foutre dans notre admirable et encore admiré Code Civil.
    Désolé d’avoir été si long, sinon loup.
    Bien à vous.

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  11. Je me demande s'il ne s'agit pas d'un hommage subliminal à Joël Bats, qui fut un remarquable gardien de but au Paris Saint-Germain (et dans l'équipe de France)...

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  12. @ Didier
    Vous demandez beaucoup à une personne qui a décroché une maîtrise d'histoire pour pas cher en Albanie, je trouve.

    Au fait, bon anniversaire à retardement. Le mien tombait deux jours avant le vôtre, mais j'avais préféré l'oublier aussi...

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  13. Du coup, je suis allée lire l'article rose bonbonesque. Bât d'âneries à part dans son lot pluri-quotidien, ce que j'ai surtout relevé, ce sont ses dents rayant le plancher : "parlez-moi de moi, y a que ça qui m'intéresse".
    Je ne suis pas une lectrice de Birenbaum; il a une certaine visibilité et une certaine audience, paraît-il. Il s'est tout de même fendu d'un commentaire, correct à mon sens. Honnête et sans arrières-pensées, ce qui n'est jamais le cas de son interlocutrice, perpétuellement en recherche de visibilité et reconnaissance.

    La mention de son "ami" journaliste m'a particulièrement fait sourire: le médiaparteux qui vient s'informer chez elle pour ses "enquêtes", sans doutes. D'où la "crédibilité" des enquêtes de Médiapart...

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  14. C'est la baston !
    Veuillez bien excuser ce coq à l'âne

    Duga

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  15. M'dame Rosa censure systématiquement tout commentaire qui la contredit ou qui ne rend pas hommage à sa grande perspicacité, mais elle s'écrase lorsqu'il vient de quelqu'un qui pourrait donner de la visibilité à son blog (Birenbaum).

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.