mercredi 28 mai 2014

Le poil de barbe et le brin de gazon


Je ne suis pas certain que nous soyons bien nombreux à nous être penchés un jour sur l'existence, semblablement pénible, du poil de barbe et du brin de gazon. Je vois déjà les sourires et les haussements d'épaules de ceux qui prétendent ne se consacrer qu'aux sujets essentiels à l'homme : les énergies renouvelables, la féminisation des noms de métiers, les jeux paralympiques, l'égalité devant le mariage ou les élections européennes, pour ne citer que les fondamentaux. Mais qui a dit qu'être conscient de tous ces grands sujets devait empêcher d'accorder un peu d'attention aux humbles silencieux, aux martyrs infinitésimaux, à tous ces crucifiés dérisoires ? Or, c'est bien ce que sont le poil de barbe et le brin de gazon.

De l'aube au crépuscule, le brin pousse ; millimètre après l'autre, il s'efforce de monter vers la lumière, de dépasser de la tête ses congénères brins : ce n'est pas chez lui qu'il faudra chercher un quelconque amour de l'égalité ! Le brin veut être plus haut, plus gras, plus vert : telle est sa nature. Le poil est encore plus enragé d'accroissement, puisque même la nuit ne le trouve pas en repos ; de minute en minute, il tend de toutes ses forces vers la pilosité d'archimandrite. Tout comme le brin, sa vie a un but, et il pourrait même, si on le laissait en paix, accéder à une forme de bonheur, primitif mais précieux.

Mais voici que les tondeuses sortent, de la housse de toile imperméable ou de l'abri de jardin mangé de lierre. D'une main négligente, l'homme, cet égalitarien féroce, conduit le massacre et ramène chacun, poil et brin, à sa misérable condition première. Quand le ronflement des moteurs se tait, le jardin est devenu un champ triste, le menton une nécropole. Il reste au poil et au brin, insensibles au découragement comme à la dépression de croissance, à reprendre leur ascension vers leur zénith minuscule, sachant que le temps ne leur sera pas laissé de l'atteindre.

Une chose apparaît alors certaine, ou au moins probable : le mythe de Sisyphe n'a pas été élaboré pour l'homme, mais bien pour ces frères d'infortune, le poil et le brin. 

24 commentaires:

  1. Je me demande si à l'instar de son cousin corné l'ongle, le poil continue sa croissance après de trépas de son "hôte", si je puis dire -je ne me souviens pas l'avoir remarqué ni sur mémé, ni sur papa, mais mon attention n'était peut-être pas focalisée sur ces points.

    J'aimerais bien cependant pouvoir débiner l'émeri de Caron.

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    1. oui, ça continue à pousser les premiers jours... Mais, les "toilettes mortuaires" et les délais de mise en bière aidant, on n'y prête pas attention comme vous dites...

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    2. Quand on est mort, ce sont les premiers jours qui sont les plus durs.

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    3. Non, c'est faux, les ongles, les poils et les cheveux ne continuent pas à pousser après la mort: c'est la rétractation (sous l'effet de la déshydratation) de la peau qui les entoure qui donne cette illusion d'optique, en les découvrant davantage.

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    4. Robert Marchenoir28 mai 2014 à 20:22

      Voilà qui mériterait d'être dans Hoaxbuster. D'ailleurs ça y est peut-être.

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    5. @ Elie Arié - Exact ! Autant pour moi...

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    6. Si vous voulez des explications scientifiques plus précises:

      http://demythificationscientifique.uqam.ca/presentDemyth3.php?id_demyth=72

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    7. @Elie Arié : ah finalement c'est le maillot de bain : plus il se rétracte et plus on est à poil…

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  2. Vous caressez là de la pulpe du doigt, sur l’arête ramollie de mon maxillaire, la surface drue et parfois touffue qui me pose problème depuis 42 ans. Si je ne me suis jamais posé la question "Dors-t-on la barbe au-dessus ou en-dessous des couvertures ?", ce genre de caresse machinale me rappelle en revanche chaque fois que mon penchant anarchiste trouve régulièrement ses limites dans quelque chose qui, je le crains, relève d’un penchant socialiste : "Vouloir que rien ne dépasse"…

    En fin de compte, entre le bavoir d’un archimandrite orthodoxe et les poils de trois jours nicotinés d’un Gainsbourg, j’ai opté pour le sabot 7 ; mon seul côté centriste-mou-du-genou sans doute.

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    1. J'ignorais que vous fussiez barbu…

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    2. Eh oui ! Durant 42 ans et 17 jours sans solution de continuité... jusqu'à l'exigence loufoque d'un chirurgien il y a quinze jours... Un drame cosmique : Mais depuis huit jours ça repousse...

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  3. Je me demande ce que Conchita Saucisse pense de tout ça !

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    1. À propos de sa barbe ou à propos de son gazon ?

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    2. C'est malin ça Mildred, vous voulez faire rappliquer les justiciers des blogs.

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    3. Robert Marchenoir28 mai 2014 à 17:21

      Je soupçonne fortement Conchita Saucisse d'avoir une fausse barbe. Ca ressemble vraiment beaucoup à du maquillage.

      Je n'ai pas d'avis sur le reste, merci.

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    4. Pas idiot Robert. Elle serait ainsi à l'avant-garde du Rom transformiste, rejoindrait les femen, et obtiendrait ainsi le ticket d'entrée officiel pour le territoire France.

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  4. Moi les poils, c'est le bruit qu ils font quand ils poussent qui me dérangent.

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    1. Alors que le brin d'herbe, lui, reste parfaitement silencieux, même en plein taf.

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  5. Vous ne nous aviez pas habitués à des billets rasants.

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  6. Merci, en ces temps de grande futilité, de ramener le débat sur les sujets qui comptent !

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  7. Pauvre Clooney qui tente de cacher celui qu'il a dans la main.

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  8. Je rase tout poil présent sur mon visage .exprimant la douceur même.

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  9. GEORGE !!!!!!!!!!!!
    Je veux que mon homme soit pareil pour la barbe ! Je lui dit tous les jours d'aller au barbier bordeaux en bas de la rue pour se tailler la barbe correctement et être encore plus beau qu'il ne l'est déjà !

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  10. quelle idée de se raser la barbe entièrement, avec mon coiffeur barbier bordeaux mon mari a toujours une barbe impeccable

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.