Charles Péguy a été tué avant-hier. Mais, en réalité, il est mort depuis beaucoup plus longtemps que cela ; et c'est nous qui l'avons mis à mort, comme le montre superbement Alain Finkielkraut, dans l'hommage qu'il lui rend entre les pages du dernier Causeur. Le hasard a fait qu'hier, dans le livre d'Alain Peyrefitte dont je vous entretiens depuis deux jours, je suis tombé sur un passage où il est question de Péguy, de Gaulle ayant décidé d'envoyer son ministre de l'Information prononcer un discours à Orléans pour le cinquantenaire de la mort de l'écrivain. Nous sommes le 1er juillet 1964, dans le désormais familier Salon doré. Peyrefitte profite de l'occasion pour tenter de faire parler de lui le Général :
« Si c'est vous qui aviez fait le discours, qu'auriez-vous souhaité dire ? Qu'était Péguy pour vous ? »
Il garde un instant le silence.
GdG : « Ce que j'ai apprécié en lui, c'est un style. Une pensée. Une culture. Des jugements. Des réactions. Une pensée, à la fois, d'une extraordinaire continuité, où l'on retrouve sans cesse les mêmes principes, les mêmes idées-forces ; et d'une grande mobilité, puisqu'il l'exerce sur des situations changeantes, et qu'il aime aussi changer d'optique.
AP. – Y a-t-il un mot, une sentence de lui, qui vous ait frappé plus que les autres ?
GdG (sans hésiter). – Une pensée de Péguy ? “L'ordre et l'ordre seul fait en définitive la liberté. Le désordre fait la servitude.”
Les deux hommes, au même endroit, reviennent sur le sujet le 9 septembre, Peyrefitte retour des cérémonies orléanaises :
AP : « Me permettez-vous de vous demander si Péguy a effectivement exercé une influence sur vous ? Plus que Pascal, que Chateaubriand, que Bergson ?
GdG. – Aucun écrivain ne m'a autant marqué. Dans les années qui ont précédé la guerre, je lisais tout ce qu'il écrivait, pendant mon adolescence et quand j'étais à Saint-Cyr, puis jeune officier. Je me sentais très proche de lui. Ce qui m'intéressait surtout chez lui, c'était son instinct.
AP. – Son instinct national ?
GdG. – Pas seulement. Je dis bien : son instinct. il sentait les choses exactement comme je lers sentais, et j'avais l'impression, la conviction, qu'il ne se trompait pas, alors que beaucoup autour de nous se trompaient. […] Et puis, j'étais attiré par son style, son goût des formules, ses répétitions. Bien sûr, il y avait dans tout cela de la confusion et des termes abscons. Alors là, je ne l'en approuvais pas. Mais, tout à coup, après un long piétinement et quelques expressions peu réussies, il a des formules fulgurantes. Ça aussi m'attirait beaucoup, et je pense qu'il a dû, à cet égard, m'influencer. »
Péguy ne m'a pas fait oublier Brasillach : il arrivera demain, comme annoncé…
Pas mal, ces aperçus. Merci.
RépondreSupprimerPuisque vous ne donnez pas de lien pour Causeur, je google et je trouve :
RépondreSupprimerEn cette année du centenaire Péguy, Alain Finkielkraut rend hommage au dreyfusard de la première heure...
Je me disais que j'allais essayer de lire du Finky sans a priori. C'est fini avant d'avoir commencé.
C'est marrant ça ! Ça me fait la même chose à chaque fois que je tombe sur un de vos commentaires.
SupprimerPéguy comme Peggy la cochonne ?
RépondreSupprimerAh... Brasillach... vivement demain!
RépondreSupprimerNous sommes demain…
SupprimerLe refus de grâce de Brasillach fut pire qu'un crime, une faute!
RépondreSupprimerVoyez la position de De Gaulle dans le billet d'aujourd'hui.
SupprimerQuand on dit "Péguy", l'écho répond "pétainiste".
RépondreSupprimerAlors que Péguy, socialiste, dreyfusard, apôtre de la décroissance avant l'heure...
Est-ce qu'on est français si l'on est indifférent au bel alexandrin de Péguy ?
Proust n'aimait pas Péguy. Mais Jazzman nous dirait sûrement que c'est à cause de son côté juif…
SupprimerJean Bastaire (1927-2013), dont le nom a été à tout le moins prononcé lors du dernier Répliques d'Alain Finkielkraut, avait d'ailleurs rappelé que Charles Péguy avait non seulement été, vingt-six ans après sa propre mort, un combattant anti-pétainiste, mais avait encore été avant cela un primo-obamien grand teint.
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