La Mort d'Ivan Illitch m'a réconcilié avec Tolstoï ; en revanche, Crime et châtiment
est en train de me fâcher avec Dostoïevski, d'une manière que je crois
irrémédiable. J'ai lu les “grands romans” très jeune : entre 18 et 20 ans,
si je me souviens correctement ; ils m'avaient soulevé d'enthousiasme,
au point que je ne parvenais jamais à m'arrêter lorsque j'entrais dans
un : je me rappelle avoir lu Les Frères Karamazov en deux nuits, à
Rennes (la journée je dormais, si bien que, venu là pour trois jours,
je n'ai absolument rien vu de la ville, n'ayant pas une seule fois mis
le pied dehors, sauf pour venir de la gare et y retourner). J'ai relu ces mêmes grands romans il y a une quinzaine d'années, lorsque sont sorties
les nouvelles traductions d'André Markowicz, achetées à mesure de leurs
parutions ; là encore, peut-être avec un enthousiasme moins
juvénile, j'ai subi l'emprise dostoïevskienne. Mais, cette fois, non. Je
ne supporte plus ces monologues chaotiques, ces embardées incessantes dans les
interminables dialogues, ni surtout ce climat de folie clinique qui
envahit tout et tous. « De la littérature de cabanon ! », aurait
grommelé Léautaud. J'irai au bout du roman parce que je m'y suis plus ou
moins contraint, mais le moins que je puisse dire est que je le lis très
en diagonale. Et je me demande si la jeunesse ne serait pas un état
nécessaire à la lecture de Dostoïevski, parce que cet âge n'est jamais
très éloigné de la folie.
Il s'agit d'un roman de chute et de rédemption, donc de tout un cheminement intérieur qui amène à cet état de rédimation, avec l'aide de la charité consolante de Sonia, de l'amitié de Razoumikhine, mais aussi de la bienveillance ferme, juste de porphyre Pétrovitch, le juge.
RépondreSupprimerNormal qu'il y ait quelques monologues intérieurs. En fait le roman, sous des allures policières, traite d'un thème bien plus spirituel, profond, universel qui est l'Homme qui pèche, chute et finit par se relever, mais pas tout seul et pas tout de suite. Il ne parvint pas seul à se repentir et passe par des phases de déni, d'autojustifications.
En fait c'est le meilleur roman du père Dostoïevski avec les Frères Karamazov et Les Démons.
"L'Idiot" avec son Muichkine qui confond bonté, douceur et naiveté serait à la rigueur bien plus chiant à lire.
Mon cher, je sais très bien de quoi parlent les romans de Dostoïevski. Je suis devenu incapable de les relire, c'est tout.
Supprimer(Ça me fait repenser à Mauriac, disant à propos de Kafka : « Je l'ai beaucoup aimé dans ma jeunesse, mais plutôt crever que de le relire ! »)
C'est très exactement le constat que faisait Michel Polac il y a une quinzaine ( ?) d'années dans un hebdo satyrique que vous ne deviez pas lire à l'époque.
RépondreSupprimerQue cela ne vous empêche pas, la prochaine fois, de prendre au moins un vague pseudonyme…
SupprimerJe ne savais pas quoi lire ce soir, j'ai bien fait de venir donner un œil par ici.
RépondreSupprimerCela doit bien faire trente ans que je n'ai pas relu Crime et châtiment. Pour vérifier votre théorie, le problème va être de remettre la main sur ce fichu bouquin....
Bon courage…
SupprimerRelu comme: " Mais relisez donc machin (ou chose)" ???
SupprimerJe suis très admiratif de ces gens qui vous relisent un pavé, comme ça, d'instinct, juste avant d'aller au lit.
J'espère pour eux que cela leur arrive de lire au moins une première fois.
Et pourquoi selon vous ne pourrait-on pas relire ceux que l'on a déjà lus ?
SupprimerY verriez une tare quelconque ?
Je vais vous confier un "secret", cela doit faire un peu plus de vingt ans que je lis La Recherche, parfois par tome entier, parfois des passages au hasard, quelquefois une phrase ou deux.
Il y a une chose que je ferai pour la première fois un jour : lire le dernier chapitre que je me suis toujours refusé d'aborder.
Vous voyez bien qu'il m'arrivera de lire au moins une première fois....
C'est exactement ce que je vous disais hier à 14h20. Mais moi, personne ne m'écoute et chacun n'en fait qu'à sa tête...
RépondreSupprimerMais si, je m'en souviens fort bien !
SupprimerComment peut-on encore lire (et même relire) des romans, à votre âge ? Passez aux choses sérieuses : Descartes, Hume, Hegel et Sempé, entre autres, vous tendent les bras.
RépondreSupprimerUn commentaire entier sans la moindre pique à l'adresse de Marchenoir ? Vous baissez, Marco, vous baissez…
SupprimerDostoïevski, Tolstoï, Balzac, Proust, Saint-Simon, tous ces bouquins au long cours qui ont enthousiasmé mes vingt ans me tombent des mains quand je les reprends. L'essai de ces derniers jours loin de chez moi, à me fournir en lecture sur les étagères de quelqu'un d'autre m'en ont apporté une nouvelle preuve. Relirai-je "Les mémoires d'outre-tombe" ou "Les hommes de bonne volonté"? Et si je casse ma pipe avant la dernière page?
RépondreSupprimerNon, non et non ! On ne peut pas mettre tout le monde dans le même grand sac ! Les Mémoires d'outre-tombe (au moins la première moitié) se lisent et se relisent, mais pas Jules Romains. Proust, Balzac et Saint-Simon aussi. Mais…
SupprimerMais rien : je ne sais pas pourquoi, après l'avoir dévoré plusieurs fois, Dostoïevski m'est soudain impossible à relire. C'est comme ça…
Relisez "Les Démons" ( ou "Les Possédés"), vous changerez d'avis .
RépondreSupprimerNon. J'ai relu Les Démons il y a une douzaine d'années, j'ai adoré cette relecture (traduction de Markowicz, toujours), mais c'est terminé : je suis en train de dire adieu à Dostoïevski (et ça ne m'est pas si facile…).
SupprimerVotre manie de ne pas faire ce qu'on vous dit de faire, et sans discuter, est franchement agaçante .
SupprimerLa lecture, Didier, est un voyage où, à la fin, on est chagrin, surtout quand on relit. Parce que relire c'est éprouver un peu de honte devant ce que nous étions, ce que nous ne sommes plus et ce que nous ne serons peut-être jamais, mais que nous gardons comme un trésor par nous seuls découvert. C'est pour ça que j'aime tes tours et détours de lecture que je lis sans fatigue. Quoi de neuf Dosto ?!
RépondreSupprimerJe ne comprends pas ta question finale…
SupprimerQue c'est triste de vieillir...
RépondreSupprimerQuand on voit ce que fut sa vie, on comprend un peu qu'il n'ait pas eu envie d'écrire A la recherche du temps perdu...
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