jeudi 9 juillet 2015

Heureusement que Simone n'a pas vu ça…


Ça s'appelle Zombeavers ; on comprendra que, sans être exagérément anglophone, le titre m'ait attiré comme un ruban de glu la mouche. L'œuvre elle-même est d'un classicisme rassurant : une cabane au fond des bois, mais garnie d'un lac, pour expliquer les castors, trois pétasses, trois semi-mongos et en route. La première scène est curieuse. On y découvre deux bas du front, très “Amérique profonde”, dans un pick-up transportant des bidons de déchets toxiques (le spectateur ne voit évidemment rien venir). Pour occuper le temps de caméra qui leur est imparti, ils se mettent à parler de leurs expériences homosexuelles réciproques, ce qui, malgré les apparences, est tout à fait sans fondement. Puis, parce qu'il est plongé dans l'étude de son téléphone portable, le chauffeur explose une biche qui stationnait au milieu de la route.  Le co-pilote descend, constate qu'il y a des boyaux plein la calandre et les pare-chocs, remonte, regarde son pote d'un air triste et lui dit : « Je ne crois pas qu'elle s'en sortira. » C'est la minute humoristique du film. Comme le pick-up, au moment de l'impact, a fait un méchant écart, l'un des bidons de déchets toxiques a sauté hors de la benne pour rouler jusqu'à la rivière ; le spectateur se demande bien pourquoi.

Ensuite arrivent les trois filles : une blonde en pleine déception amoureuse, une brune à lunettes, meilleure amie de la blonde, une chaudasse rigolote qui, dans trois minutes, ôtera son haut de bikini pour aller se baigner et justifier l'interdiction aux moins de douze ans. Elle a également avec elle une sorte de chien de poche à poil ras. Elles entrent dans la cabane en rondins et s'installent ; il s'agit d'un week-end “no boys”,  du coup elles ne parlent que de bites. La blonde a vu, sur Facebook, une photo de son mec en train d'embrasser une fille, dont le visage est caché par ses cheveux. Le spectateur se demande s'il ne s'agirait pas de la meilleure amie à lunettes, assise juste à côté d'elle sur le canapé ; évidemment, c'est elle.

Le trio part se baigner dans le lac, voit un barrage de castors maculé de traces vert fluo et passe cinq minutes à se demander si les castors pissent vert fluo. Elle croisent un ours énorme et un chasseur qui leur demande de s'habiller un peu plus décemment, parce qu'il y a des familles avec enfants dans la région. On n'a toujours pas vu le moindre castor, mais on devine qu'ils ne doivent pas être bien loin.  Les filles rentrent au chalet et tombent d'abord sur le couple de vieux voisins, puis sur leurs trois petits copains respectifs, qui ont enfreint la consigne et ont décidé de venir. La chaudasse et la à lunettes montent dans les chambres tirer un coup, mais pas la blonde parce qu'elle est fâchée. D'ailleurs, elle file s'enfermer dans la salle de bain, et tombe sur un zombeaver dans la baignoire ; elle crie. Son petit ami a beau cisailler la bête en deux avec le tisonnier, la bestiole aux yeux luminescents refuse catégoriquement de crever. Ensuite c'est la nuit, puis le matin.

Comme il fait beau, on retourne au lac se baigner (le script tiendrait facilement au verso de votre carte de crédit). C'est là que le grand niais de la chaudasse disparaît soudain dans l'eau (bizarrement, il se baigne avec un bonnet de laine sur la tête) pour réapparaître avec son pied à la main, non par l'effet d'une quelconque souplesse, mais parce qu'un zombeaver vient de le lui cisailler à ras la cheville. Tout le monde se réfugie sur la barge au milieu du lac, laquelle est rapidement cernée par les castors, qui font très très peur. Et qui mordent, en plus. Le petit ami disgracié de la blonde a l'idée qui sauve : il attrape le chien de la chaudasse et le balance à la baille le plus loin possible ; bien vu : les zombeavers se précipitent pour le boulotter et les autre peuvent regagner la rive, puis la cabane en rondins. Là, la chaudasse crache le morceau et annonce à la blonde que c'est sa meilleure copine à lunettes qui a roulé la galoche facebookienne. Mais tout le monde s'en fout un peu, car les castors attaquent méchamment, en fonçant dans les carreaux des fenêtres. On voit les filles leur donner des coups de couteaux en caoutchouc, pas trop fort pour ne pas risquer de blesser la main du machiniste qui est à l'intérieur du beaver

À partir de là, ça devient un peu plus confus et précipité. La blonde entre dans la chambre de la copine à lunettes et grimpe langoureusement sur le lit où elle est étendue, comme pour un plan gouines, ce qui manque un peu de cohérence. Au lieu de ça, elle se met à perdre toutes ses dents, tandis que lui poussent deux énormes incisives de beaver et des yeux fluo. Dans la scène suivante, on découvrira qu'elle possède également, désormais, accrochée au coccyx, une superbe queue plate dont elle bat furieusement le plancher disjoint. Le réalisateur semble maintenant pressé d'en finir, tout le monde devient rapidement zombeaver par morsures réciproques, y compris les vieux voisins, le chasseur et l'ours. Mais pas la chaudasse qui parvient à rejoindre la route en claudiquant, appuyée sur une hache qui lui sert de béquille (un peu plus tôt, elle s'est jetée du premier étage à travers une vitre et s'est pété la cheville). Elle voit arriver un pick-up, et son petit visage s'éclaire enfin d'un sourire de gratitude. Mais comme le bas du front du début est de nouveau occupé de son téléphone plutôt que de la route, il emplafonne la chaudasse de belle manière.

Noir, générique.

46 commentaires:

  1. Non mais, ça va pas ?

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  2. 'tain, vous auriez pu annoncer que votre critique contenait des spoilers.

    C'est malin, ça ! Maintenant, je n'ai plus du tout envie de le voir. Ah oui vraiment, merci, M. Goux.

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    1. Un spoualé ? C'est quoi c'te bête ? Une variété de castor passée entre les mains de Monsanto ?

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  3. Merci Didier ! Grâce à vous je peux être amusé par des films d'horreur dont je ne saurais m'imposer la corvée du visionnage.

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    1. Vous auriez pu faire un effort…

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    2. J'ai fait un effort. J'ai tout lu. Y compris la faute à "elle croisent".

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    3. Vous voulez vraiment qu'on joue à : « Je relève toutes les fautes que je trouve dans tes billets » ?

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    4. Surtout pas ! D'ailleurs vous le savez. Je voulais seulement (pardon : juste) prouver que j'avais tout lu.

      Sinon, pour relever toutes mes fautes, il faudrait que je vous salarie à plein temps (les jours où je fais des billets). C'est parce que vous en faites très rarement que je signale mais je refuse de vous sucer.

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  5. Il l'était ; et il l'était volontairement, ce qui n'est pas toujours le cas.

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  6. Hallucinant !
    A se garder au frais et à relire en boucle pendant la nouvelle canicule annoncée pour la semaine prochaine. Il s'agit de la technique dite homéopathique : guérir le cauchemar par le cauchemar...

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    1. C'est tellement plus luxueux d'avoir accès au résumé enjolivé par un magicien du verbe !
      Et franchement, entre nous, je ne tiendrais pas dix minutes devant pareil navet.

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  7. Essayez "Tucker et Dale fightent le mal". Vous apprécierez sans aucun doute.
    Hypemc

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  8. " ils se mettent à parler de leurs expériences homosexuelles réciproques, ce qui, malgré les apparences, est tout à fait sans fondement"

    Jeu de mots volontaire ?

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  9. Bonjour,
    c'était sur quelle chaîne ?
    (j'aime beaucoup ce genre de film)
    Merci.

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    1. C'était sur "OCS Choc", chaîne Orange accessible par le "bouquet" CanalSat.

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  10. Dites moi, sur quelle chaîne regardez vous ça ?

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    1. Je ne connaissais même pas l'existence de cette chaîne... C'est légal au moins ?

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  11. Vu la signification de beaver en argot US, j'espérais mieux.
    Dommage.
    Mais vous êtes à point pour déguster un zombie-culte délicieusement misogyne.

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    1. Je l'ai vu trois fois celui-là : c'est en effet un chef-d'œuvre.

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  12. Tiens, je vais le mater. J'aime bien les films avec des chaudasses, mais là, en plus, une chaudasse qui perd ses dents, c'est le must.
    Et merci d'avoir raconté la fin, comme je m'endors souvent devant les films, là, au moins, je connaitrais la conclusion et je n'aurais pas l'air con si je dois en parler.

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    1. Meeeerde ! lisez moins distraitement, bordel : ce n'est pas la chaudasse qui perd ses dents mais la blonde-qui-est-triste !

      Cela dit, connaître la fin n'ôtera rien à votre plaisir.

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  13. Ce qu'il y a de réjouissant avec les nanars, c'est que les années peuvent s'écouler, le miracle de la rencontre entre un réalisateur minable et des producteurs du même métal continue de se réaliser.

    Après Sharnado 3, et on espère que c'est le dernier, j'envisage de visionner "Sharktopus vs. Pteracuda", une production Roger Corman qui si j'en crois l'affiche est fondée sur des faits réels. Le scénario est aussi dense que ceux de la trilogie Sharknado, je vous laisse juge : "Après la découverte de l’ADN d’un ptérodactyle, le Dr Rico Symes combine ce dernier à celui d’un barracuda, créant ainsi un monstre capable de terroriser terre, mer et air. Il perd le contrôle de sa créature et ne trouve qu’une solution ultime : lui opposer le nouveau Sharktopus (bestiau mi-requin, mi-pieuvre). Un combat titanesque s’engage." Les dialogues sont très travaillés, par exemple, le chef de la sécurité s'adressant au scientifique : "En tant que chef de la sécurité, il est de mon devoir de vous informer que vous êtes taré." Un bien beau moment de cinoche, avec force effusions de sang, effets spécieux, jeunes femmes en bikini, sans oublier des acteurs qui se demandent ce qu'ils sont venus foutre dans un tel nanar, avant de se rappeler qu'il faut bien manger.

    Mon prochain visionnage, qui va certainement donner lieu à un billet, narrer l'histoire de nazis qui ont patiemment attendu leur heure, loin de la terre, pour se jeter sur le monde. Manque de pot, ils sont repérés par une expédition américaine qui comprend un astronaute noir, ce qui ne manque pas de les interpeller. Un untermensch serait donc capable de voler dans l'espace, ach za ne ze beut bas !

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    1. J'ai vu hier soir l'annonce du Sharktopus vs Machin : je l'attends avec impatience.

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    2. Je doute fortement que ces films soient réalisés et produits avec sérieux. Ce qui en fait de bien meilleurs divertissements qu'un grand nombres "d’œuvres" cinématographiques sérieuses...

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    3. "Sharktopus vs. Pteracuda" fait clairement partie de la catégorie dite des nanars, amusantes productions de série Z, à regarder au millième degré, effectivement très drôles. Un des must étant l’inénarrable "Surf nazis must die". En revanche mon prochain visionnage est une production européenne qui reprend les codes du nanar, notamment le jeu des acteurs, mais qui propose des effets spéciaux de belle facture qui n'ont rien à envier aux grosses productions hollywoodiennes. En plus, il y a plein de nazis qui veulent prendre leur revanche, mais finalement c'est un petit film futé et iconoclaste qui écorche avec jubilation notre époque et ses soi-disant puissants. Le réalisateur en profite pour faire de nombreux clins d'oeil, on reconnaîtra telle scène tirée de "La chute", de "Dr Folamour", etc., sans pour autant faire oeuvre de pillage et de plagiat comme Tarentino.

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    4. Vous pourriez au moins nous en dire le titre !

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    5. Vous le saurez en lisant mon billet de demain.

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    6. Voilà : https://chroniquesdesabusees.wordpress.com/2015/07/11/les-nazis-sont-de-retour-et-ils-viennent-de-loin/

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    7. Comme la maison Goux ne recule devant rien pour la satisfaction de la pratique, voici un lien correct.

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  14. Oui, le film est un nanard assumé. Par contre, il n'a absolument aucune originalité, rien dedans qui n'ait déjà été filmé. (pas avec des castors, certes)

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    1. Nous sommes d'accord. Mais, dans le domaine du film d'horreur, j'apprécie beaucoup le manque d'originalité, le respect pieux des canons du genre, etc.

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  15. J'ai pissé vert fluo de rire !

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  16. Je viens seulement de comprendre le titre du billet...

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  17. Une histoire de queues plates et d'invertis... un peu dégueu, non ?
    Par contre, la photo sur la droite (comme par hasard !) vaut le détour !!
    Je m'empresse d'aller chercher le nom de l'actrice...

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