lundi 6 juillet 2015

Soigne ta clausule, Ursule !


La dernière phrase d'un livre est importante ; c'est celle qui donne au lecteur l'impression sur laquelle il va rester (à condition toutefois que les trois ou quatre cents pages la précédant n'aient pas été sabotées par l'auteur). L'idéal est bien sûr qu'elle soit dans la tonalité qui a ouvert le livre. Ce qui revient à dire qu'une clausule ne doit pas être insipide (et encore moins incipit, sous peine de mettre votre livre sens dessus dessous), sauf si, justement, vous avez voulu composer votre roman en insipide dièse mineur. L'exemple le plus rebattu est bien sûr celui de Proust, commençant sa Recherche sur le mot “Longtemps” et la finissant sur le mot “Temps” (les deux avec majuscule initiale). Quoi qu'il en soit, on tâchera que la dernière phrase ait le plus de résonance possible, afin de prolonger l'effet donné par le livre – si effet il y a bien eu (sinon, inutile de se fatiguer pour cette fucking clausule).

La dernière phrase d'une introduction ou d'un avant-propos répond à d'autres exigences : elle doit inciter fortement ll'hypothétique lecteur, toujours prompt à se défiler, à poursuivre sa lecture, à entrer dans le vif. Dans ce genre, celle qui clôt l'introduction à La Cabale des dévôts de Jean-François Revel me semble parfaite ; la voici :

Ce livre est entièrement négatif ; si vous aimez les pensées positives, ne l'ouvrez pas.

11 commentaires:

  1. Le problème avec une phrase pareille c'est que certains lecteurs peuvent la prendre au mot.

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    1. Pas grave : Revel n'a jamais manqué de lecteurs, je crois.

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  2. Quitte à faire un billet poétique, pour auriez pu faire rimer "clausule" avec un autre mot en "ule".

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  3. Poser de tels principes est nuisible (et néfaste) au romancier.

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    1. Sauf s'il s'amuse à poser le principe après avoir fini son roman, sans y avoir jamais pensé une seconde en cours d'écriture…

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  4. L'idée selon laquelle les pensés positives auraient plus de valeur ou d'intérêt que les pensés négatives me semble totalement farfelue.

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  5. Et finalement, elle a écrit quoi, Ursule ?

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  6. En v'la, d'la clausule !

    Et voilà, tralala
    Zut à celui qui le lira (Witold Gombrowicz, Ferdydurke)

    Le fait qu'avec son bercail Georges tourne à 145 km/h autour de Paris indique seulement que Georges est de son temps, et aussi de son espace. (Manchette, Le petit bleu de la côte ouest)

    Réfléchis, mon garçon (Yves Gibeau, ...et la fête continue)

    C'est un gorille. (Pierre Boulle, la planète des singes)


    Gardez-le dans votre mémoire, s'il vous plaît, avec ce sourire. (Kundera, Risibles amours)


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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.