jeudi 16 mars 2017

Soyons portugais, au moins pour un moment

José Saramago, 1922 – 2010
De tous les écrivains dont le Portugal n'a pas manqué de faire offrande au monde et à notre appétit, je ne connaissais que Fernando Pessoa et José Saramago ; encore n'avais-je lu qu'un seul ouvrage de chacun : Le Livre de l'intranquillité pour le premier et L'Aveuglement pour le second. Depuis, je vivais paisiblement dans l'ignorance de tous les autres. Par quel chemin escarpé et ronceux, alors, suis-je arrivé il y a quelque temps jusqu'à Miguel Torga ? Pas moyen de m'en souvenir. Toujours est-il que j'ai fait venir à moi deux de ses livres : La Création du monde, que Wikimachin qualifie assez curieusement de “roman autobiographique”, et En franchise intérieure, extraits de son journal entre 1933 et 1977. Je n'ai pas encore ouvert La Création, mais le journal fait mes délices depuis deux ou trois après-midi (mes matinées sont prises par l'histoire des jésuites…) ; en principe je n'aime pas les journaux d'écrivains autrement que complets ; mais quand on lit “en VF”, il faut savoir se contenter de ce qui a été traduit, surtout si le travail a reçu l'imprimatur de l'auteur, ce qui est le cas. 

À partir de là, une certaine contagion a gagné, dont je pense avoir perdu le contrôle, puisque je viens de commander des livres de deux autres polygraphes lusitaniens (qu'est-ce qu'on n'irait pas écrire pour éviter une répétition !), dont c'est à peine si les patronymes s'étaient déjà frayés un chemin au travers du rideau de poils que j'ai dans les oreilles (ça, c'était pour conforter Nicolas dans ses préjugés à propos des réactionnaires authentiques) : La Capitale d'Eça de Queiròs (l'accent sur l'o est dans le mauvais sens, mais pas moyen de me rappeler la façon de faire ; et puis, ils n'ont qu'à écrire comme tout le monde, ces traîne-savates), Amour de perdition de Camilo Castelo Branco ; à quoi j'ai ajouté En chair vive, le second volume du journal de Torga, qui va de 1977 à sa mort, ou presque. Si, avec tout ça, il ne me vient pas des envies irrépressibles de gambas a la plancha généreusement arrosées de vinho verde, ce sera à désespérer de l'influence de la littérature sur les centres gustatifs.

35 commentaires:

  1. Vous pouvez utiliser plusieurs méthodes: par exemple "Alt 162" (ó)- frapper 162 avec la touche Alt appuyée...

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    1. Cela dit, on m'a déjà expliqué comment faire la même chose sur Mac, et je me suis empressé d'oublier.

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  2. Ne quittez pas votre période lusitanienne sans avoir lu quelques unes (car c'étaient des publications mensuelles, il y en a beaucoup) des "As Farpas " de Ramalho Ortigão, caricature très drôle de la société portugaise de la fin du XIX ème siècle.
    Attention : Eça de Queirós a aussi publiée les siennes, sous le même titre (moins drôles, à mon avis).
    (oui, ça s'écrit bien "Queirós"; par contre, " a la plancha", c'est de l'espagnol !)

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    1. Je sais que c'est de l'espagnol, mais j'ai eu la flemme de chercher comment on pouvait dire en portugais. Du reste, pendant que vous étiez là, vous auriez pu nous rendre moins bêtes en nous l'apprenant…

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    2. Quant à Ortigão, apparemment, rien de lui ne se trouve en français.

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    3. Pas la moindre idée sur la façon de dire "a la plancha " en portugais; peut-être tout simplement "grelhadas " (grillées).

      Effectivement, je constate qu'il n'y a pas de traduction de "As Farpas "; le seul ouvrage en français est "Les mystères de la route de Sintra ", en collaboration avec : Eça de Queirós (toujours lui !) ; pas lu, mais ça pourrait être drôle :


      https://www.amazon.fr/Myst%C3%A8re-route-Sintra-Eca-Queiroz-ebook/dp/B01DOKTZXU/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1489674072&sr=1-1&keywords=%22ramalho+ortigao%22

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    4. Pour l'instant, je vais me contenter des quatre que j'ai sous le coude (dont le journal de Torga qui me plaît énormément): davantage, j'aurais peur de tomber dans l'indigestion de bacalhau

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    5. D'après des amis portugais gastronomes, mais pas linguistes, on dit tout simplement "a la plancha", comme en espagnol, car c'est un plat espagnol et que les portugais n'ont visiblement pas estimé nécessaire de traduire cette appellation dans leur langue.

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  3. J'espère qu'à la lecture de ces ouvrages, vous aurez un peu de saudade en vous.

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    1. Du moment que je ne me mets pas à écouter du fado du matin au soir…

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    2. Saudade que vous pourrez opportunément noyer dans le vinho verde bien frais, tout en écoutant Amalia Rodrigues chanter le fado...

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    3. Et manger du Bacalhau a brás toute la journée 😊.
      Par contre les Pastéis de nata, là ça se mange sans fin, ces petits gâteaux sont criminellement bons.

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    4. Barbara : je vous laisse Amalia…

      Grandpas : Même pas besoin d'aller camper sur les bords du Douro : Catherine fait de très bons pasteis ici, au Plessis-Hébert !

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    5. Les boîtes de fado sont devenues des boîtes à touristes à partir des années 1960, et ont pratiquement disparu aujourd'hui au Portugal.

      Mais j'ai connu l'époque où seuls les Portugais y allaient, et c'était tout de même assez étonnant, de voir des messieurs très chics, sans doute avocats ou médecins ou ingénieurs, pleurer en les écoutant, ou, pris d'une inspiration, couper les chanteurs en improvisant un couplet ("desgarrada")

      Tout ça, c'est fini...Comme quoi, ce qu'on appelle "l'âme d'un pays " peut changer en un petit demi-siècle.

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    6. J'espère quand-même pour nos amis portugais que l'âme du Portugal ne se résume pas seulement aux boîtes de fado...

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    7. Vous avez bien de la chance Monsieur Goux, d'être marié à une dame sache faire les pasteis.
      J'achète les miennes chez Carrefour.

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    8. Non, bien sûr; il y a aussi les boîtes de sardines.

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  4. Dans la catégorie des Portugais à plume (on a tendance à les croire plutôt à poils), j'aime assez Antonio Lobo Antunes, sinon psychiatre (ça change des maçons). J'ai aimé de lui tout ce que j'ai lu, ce qui fait 6 ou 7 livres.

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    1. J'ai failli m'y risquer. Mais le côté psychiatre m'a un peu refroidi, je dois dire. Ainsi que ce que j'ai pu lire sur ses romans. Mais j'ai sans doute fait preuve d'une timidité excessive…

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    2. Il y a des goûts et des couleurs indiscutablement indiscutés, mais vous me connaissez aussi. J'ai tout de suite aimé Lobo Antunes, au point de lire de lui des livres en rafale. Il est pas mal ironique et à un œil redoutable, un grand sens du détail (à la Faulkner plus qu'à la Balzac). Écriture à la fois baroque et moderne, une façon de filer à travers le paysage en zigzaguant. Il a aussi écrit des chroniques et des lettres (à sa jeune femme), du temps qu'il faisait la guerre en Angola et n'était pas encore un écrivain, mais déjà un médecin. Rien de solennel, de guindé chez lui. Son art d'écrire fait plutôt penser aux meilleurs écrivains américains : du mouvement bien plus que de la réflexion (ou plutôt de la réflexion, de la psychologie en mouvement). Prose polyphonique. J'avais lu en premier, je crois, "Explication des oiseaux".

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    3. Voici ce qu'on dit de lui, entre autres, sur Wikipédia :

      il est réputé pour casser l'intrigue traditionnelle au profit des voix intérieures1. Ses romans ne sont jamais linéaires, il n'y a pas un, mais plusieurs narrateurs qui parfois décrivent les mêmes situations sous un autre point de vue. Parfois le narrateur change à l'intérieur d'un même chapitre, des pensées intimes se mélangent, le récit est mêlé aux dialogues présents et passés, comme si le narrateur était parfois distrait, une phrase entendue au présent renvoyant à une autre du passé, deux réalités se heurtent et en font naître une troisième. L'univers familier est mêlé indistinctement au fantasme, au rêve ou à l'hallucinatoire1. La syntaxe est souvent dénuée de points mais comporte plusieurs tirets et parenthèses1. Les dialogues surgissent au milieu d'une phrase dont le lecteur ne sait plus exactement où elle a commencé et si, entre-temps, elle n'a pas changé de locuteur ou d'unité de lieu et de temps […]

      Je suis trop vieux pour ce genre de choses…

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  5. Soyons donc portugais, au moins pour un moment !
    Partageons la carte que j'ai reçue, l'été dernier, d'un jeune homme qui passait ses vacances au Portugal :
    "Lisbonne et maintenant Porto sont des villes magnifiques mais, et cela concerne surtout Porto, désertées de leurs habitants !
    On ne compte pas les maisons abandonnées, parfois même de somptueux palais, éventrés, sans vitres, laissés aux vents. Quel dommage !
    Partout les rues sont bondées, les restaurants nombreux... il y a de la vie.
    Bises portugaises. Arthur"

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    1. Eh bien, la voilà, l'explication : les maisons sont désertées parce que tout le monde est dans la rue ou au restaurant.

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    2. Et pendant qu'ils mangent tout tranquillement, leurs maisons s'écroulent !
      Mais c'est bien sûr ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé ?

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    3. Quand vous ne savez pas, vous avez juste à me demander…

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    4. Lisbonne s'est "boboïsée" à une vitesse stupéfiante, comme le quartier du Marais à Paris; si, les maisons sont bien là, mais les gens ne sont plus les mêmes; il y a beaucoup d'étrangers qui y passent leur retraite (pas d'impôts pour les retraités étrangers pendant 10 ans), notamment des Français (plusieurs dizaines de milliers, c'est le Grand Remplacement), les restaus ne sont plus les mêmes; l'immeuble sympa où je vivais est devenu un hôtel de luxe, etc.
      J'ai décidé de ne plus y retourner; on ne devrait pas avoir le droit de toucher aux souvenirs des gens sans leur autorisation.

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    5. … La forme d'une ville
      Change plus vite, hélas, que le cœur d'un mortel…

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    6. Monsieur Arié, vous avez raison (pour une fois(ne le prenez pas mal, je blague)) c'est la raison pour laquelle je refuse de retourner à Copenhague.

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    7. Finalement, je suis un gauchiste conservateur...

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    8. Et dire que d'autres regretteront dans quarante ans Copenhague ou Lisbonne telles qu'elles sont aujourd'hui.

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  6. Au fait : bon anniversaire, Monsieur Goux; et pour rester dans le ton des derniers commentaires, je vous offre :

    https://www.youtube.com/watch?v=3vMI7xJQ7rQ

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  7. Bon anniversaire, cher Monsieur Goux !
    Tous mes vœux pour une entrée en douceur dans cette saison de la vie pleine de charmes inattendus...
    (et merci encore à Nicolas Jégou pour avoir mangé le morceau)

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  8. Bon anniversaire Didier Goux.
    Je vous ai posé une chanson de Trenet sur le blog de Juan (en m'excusaant), je ne sais pas créer de lien actif ici.
    Hélène dici

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