mardi 13 juin 2017

Encore un qui a manqué la dernière marche

Ernesto Sabato, 24 juin 1911 – 30 avril 2011.

On finirait par croire qu'ils le font exprès, tous ces candidats au centenariat qui se précipitent dans leur tombe alors que la ligne d'arrivée est à deux pas, avec l'air affolé d'un candidat qui, après avoir bûché ses matières durant des mois, finit par s'enfuir à toutes jambes au moment de franchir le seuil de la salle des examens.

À part ça, Ernesto Sabato est un écrivain argentin, l'un de ceux qui, pour d'obscures raisons, m'avaient totalement échappé lors de mon immersion sud-américaine du milieu des années soixante-dix. Il est notamment l'auteur d'une trilogie romanesque, dite “de Buenos Aires” : Le Tunnel, puis Héros et Tombes, et enfin L'Ange des ténèbres. À la suite d'une probable mais peu explicable panne de cerveau, je viens, ce matin, d'entrer dans ce triptyque par son panneau central : n'en ayant lu qu'une quarantaine de pages, je n'en dirai rien aujourd'hui, sinon que j'ai envie de poursuivre.

Je me posais une question : alors que l'on connaît plusieurs écrivains chimistes (Primo Levi, Italo Svevo…), y eut-il des écrivains physiciens, en dehors de notre Portègne ? Car physicien, Sabato le fut pleinement : dans l'immédiat avant-guerre, à Paris (il faudrait aussi se demander s'il existe un seul écrivain sud-américain qui n'ait pas vécu à Paris), il partageait son temps entre ses travaux à l'Institut Curie (le jour) et les facéties montparnassiennes des surréalistes canal historique (la nuit). Il a ensuite poursuivi ses travaux sur la relativité à l'université de La Plata, où il était professeur, avant d'opter définitivement pour la littérature, en 1945 – excellente date pour tout remettre à plat. Bien des années plus tard, atteint d'une grave maladie oculaire, il cessera d'écrire pour se consacrer désormais à la peinture, car chacun sait qu'un aveugle est beaucoup plus à l'aise face à une toile que devant un clavier, ainsi que l'a illustré, de ce côté-ci de l'océan, notre irremplaçable Jean-Edern. Il n'empêche que, ces yeux devenus inutiles, il aurait pu les fermer deux mois plus tard et entrer ainsi dans notre petit panthéon, déjà si peu fréquenté.

15 commentaires:

  1. Il y a eu plein d'écrivains physiciens. Si je peux rendre service (avec Google...).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah, non ! Ceux-là (à part Pascal et Descartes, que j'avais honteusement oubliés…) sont des physiciens qui ont écrit des livres de physique : ce ne sont pas des écrivains physiciens, au sens ou Levi et Svevo sont des écrivains chimistes.

      Supprimer
  2. Comme c'est intéressant ! Et quel manque de bol pour votre "petit panthéon" !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il faut reconnaître qu'on ne s'y bouscule guère…

      Supprimer
  3. Il y a D'Alembert, qui était aussi mathématicien et philosophe. Et Aristote mais sa contribution à la physique n'était pas indispensable. Démocrite a eu l'intuition de l'existence des atomes mais n'était pas physicien. J'ai appris récemment que Voltaire se piquait de physique à ses moments perdus.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En fait, je pensais exclusivement à l'époque moderne, et même contemporaine, c'est-à-dire celle de la spécialisation des savoirs, et notamment des sciences.

      Supprimer
  4. Etes-vous certain qu'Italo Svevo était chimiste ? Je le croyais petit négociant.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Vous avez tout à fait raison ! Mais alors, avec quel écrivain l'ai-je confondu ? Qui est donc mon mystérieux chimiste ? C'est agaçant…

      Supprimer
    2. Vassili Grossman ?

      Supprimer
    3. Le cas de Grossman (grand écrivain par ailleurs) est douteux puisque, après avoir en effet suivi des études de chimie, il est finalement devenu ingénieur ; et encore, pas très longtemps.

      Supprimer
  5. Goethe, l'auteur du Traité des couleurs. L'optique est un domaine qui appartient à la physique. On peut citer aussi Schelling ou Novalis. Il semble que le romantisme allemand se soit intéressé à la science.

    RépondreSupprimer
  6. Le syndrome de la droite parlementaire française…

    RépondreSupprimer
  7. Toujours rien en vue sur Jorge-Luis Borges ? Il a pourtant brossé pas mal de papier en tant que bibliothécaire, aveugle de surcroît...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C’est bizarre, ce besoin qu’ont les écrivains argentins de finir aveugles...

      Supprimer

La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.