lundi 6 juin 2022

Moi Léon, toi Jane…

Il arrive à chacun, je suppose, de se demander parfois, avec Villon et nostalgie : Mais où sont les neiges d'antan ?

On peut en rencontrer certaines dans les différents livres de souvenirs publiés par Léon Daudet entre 1914 et 1930 approximativement. 

Ainsi, dans Paris vécu, qui date de 1929, surgit soudain le fantôme de Jane Hading, toute ruisselante de sa beauté d'alors, ou du moins de celle que lui prête le déjà vieux Daudet lorsqu'il se souvient de ses émois d'étudiant des années 1880 touchant à leur terme.

Jane Hading (1859 – 1941) était cette comédienne qui créa la Sapho d'Alphonse Daudet. Saphique, elle ne l'était point, en tout cas pas à plein temps, puisqu'elle vivait avec Victor Koning – dit “le ver de noisette”… –, directeur de théâtres de son état.

Contrairement à ce que son nom de scène pourrait laisser croire, Jane Hading était marseillaise. On comprendra aisément le recours à ce pseudonyme lorsqu'on aura dit qu'elle s'appelait Alfredine Tréfouret, patronyme difficile à porter pour n'importe quelle femme, et encore plus pour une actrice, vu les forts soupçons qui pèsent, ou pesaient, généralement sur la rectitude de leurs mœurs. 

Mais enfin, Alfredine ou Jane, Hading ou Tréfouret, le sémillant Léon en était tombé amoureux, comme on tombe amoureux à dix-huit ans. Une passion dont les ondes se font encore sentir quarante ans plus tard, lorsqu'il écrit Paris vécu :

« Épris de Mme Hading, comme d'une madone inaccessible, comme Pétrarque pouvait l'être de Laure, j'allais guetter ses sorties en voiture tout au bout du boulevard Malesherbes, où elle vivait conjugalement avec le ver de noisette. C'était le temps des coupés à chevaux. Elle passait, camée fugitif, rieuse ou préoccupée (je la préférais encore préoccupée) et je la saluais sans qu'elle me reconnût. »

C'est à ce moment que le lecteur de 2022 a l'impression de quitter les boulevards pour sauter à pieds joints entre les pages de Proust. Car ce timide et embrasé jeune homme, qui vient tous les jours, sans lassitude, se poster au coin de la rue où doit surgir “Elle, la Seule, l'Incomparable, la Divine”, ce n'est plus Léon : c'est Marcel-le-narrateur, sortant chaque matin de l'appartement familial pour voir passer et saluer la duchesse de Guermantes en ses équipages…
 

15 commentaires:

  1. EmbraZé ! avec un z comme dans Daudet !

    RépondreSupprimer
  2. Jane Hading n'était pas Marseillaise mais Anglaise, au moins au moment où elle s'est mise en couple avec Gainsbourg.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Vous confondez avec Jane Briquine, qui était d'ailleurs native de Plouermel et s'appelait en réalité Mauricette Foulamoy.

      Supprimer
  3. On peut comparer les démarches de Léon et Marcel, mais peut-on comparer Jane Hading et la duchesse de Guermantes? Peut-être qu'aux yeux du jeune Léon Jane est "la seule, l'incomparable, la divine", mais aux nôtres?

    La Dive

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais qui vous dit que vous auriez été séduit par Oriane ?

      Supprimer
  4. Il peut d'ailleurs être des tas d'autres choses.

    RépondreSupprimer
  5. A la limite du harcèlement :
    Le camée fugitif était surveillé de près par un caméléon.
    Vlad l'Enfumeur.

    RépondreSupprimer
  6. Toujours cette impression de lire deux Didier Goux.
    Celui-ci est léger et aérien. Du coup je ne commenterai pas pour ne pas gâcher ce moment.
    Hélène

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Si chacun se met à écrire un commentaire pour dire que, comme vous, il ne compte pas commenter ce billet, ce blog sera difficile à gérer par son auteur.
      Pour ma part, je précise que je ne compte pas commenter ce billet.

      Supprimer
    2. elie ? Votre sens de l’humour est remarquable et ne parlons pas de second degré naturellement
      Pourtant je l’ai déjà faite cette mauvaise blague, et vous avez répondu la même chose.😀
      Hélène

      Supprimer
  7. De mon côté, je suis fermement décidé à ne plus commenter les commentaires…

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Des commentaires d'une telle richesse ? Vous ne pourrez pas résister longtemps !

      Supprimer
    2. Déjà, votre billet n'est pas en écriture inclusive ( pour faciliter l'apprentissage de l'orthographe aux " classes défavorisées") et parle d'un homme et d'une femme, et non de deux genres. Alors que d'autres avancent :" Une provocation de plus de la part des Verts ? Lors d'un récent tweet, l'un des vice-présidents de la métropole de Lyon, dirigé par les écologistes, se félicite de la mise en place de pistes cyclables «non genrées». " ( Le Figaro)
      Mais que penseront de nous nos descendants? Que nous sommes tous devenus fous ? Ça fait vraiment peur.

      Supprimer
  8. On voit bien que l'amour est une drogue.
    D'après Fréderic Beigbeder le sevrage dure trois ans.
    Pour des raisons qui me sont parfaitement obscures, toutes les anciennes maitresses de Beigbeder l'appellent le petit cornichon.
    Auriez vous des lumières sur le sujet ?

    Vlad l'Enfumeur

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce n'est pas le sevrage qui dure trois ans : c'est le servage…

      Supprimer

La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.