dimanche 21 août 2022

Bella ciao ou : Stendhal sous la dent


 En ayant, tout provisoirement, fini avec Léautaud, que je relis avec amour, délice et orgue depuis quelque temps, il m'a paru naturel, après lui, de reprendre les écrits autobiographiques (ou “égotistes”) de Stendhal, pour lesquels l'ermite de Fontenay (langage de journaliste) a toujours professé la plus grande admiration. 

Mais quel triste volume, que cette Pléiade-là ! 

C'était dans les années quatre-vingt, je ne saurais être plus précis. Je venais tout juste de l'acheter, probablement en la librairie de M. Pain, à Neuilly. Ce devait être l'été, et à coup sûr le week-end, car, sitôt arrivé chez mes parents, à La Ferté-Saint-Aubin, j'étais allé m'installer sur une chaise longue, au jardin ; avec Stendhal donc. 

Je l'ai abandonné durant quelques minutes, un peu plus tard, le temps d'une miction, d'un café, ou que sais-je. Quand je suis revenu, la chienne berger allemand avait eu tout le loisir de déchiqueter la couverture, recto, dos et verso, ainsi que les 144 premières pages du livre que j'avais eu la bêtise de poser dans l'herbe. 

Cette chienne s'appelait Bella. En trois coups de dents, elle était devenue beyliste.


11 commentaires:

  1. Bella a eu ce courage que nous n'avons jamais eu. Sans doute la faute à ces fâcheux nazis qui ont pratiqué l'autodafé. A la fois, quelle courage a-t-elle eu à manger tant d'insignifiance !

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  2. Bella ne serait-elle pas devenue anti-beyliste sinon elle aurait plutôt (ou Pluto, je ne sais plus) avalé le livre au lieu de le déchiqueter.

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    1. Le fait qu'elle ait commencé par bouffer les 144 PREMIÈRES pages m'induit à penser qu'elle comptait bien avaler le livre entier, mais que je l'ai fâcheusement interrompu en resurgissant de la maison…

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  3. Stendhal insignifiant ? Sans doute votre correspondnat préfère-t-il Virginie Despentes.

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  4. M. pain pour un libraire, ne pouvait pas être boulanger celui-là...je m'amuse souvent à remarquer les noms de famille avec certains métiers, caractéristiques des personnes qui mes portent... par exemple un Richard est-il riche, un Legrand grand...récemment j'ai trouvé que le gardien de but de l'AS Saint-Etienne s'appelait Étienne Green, existe-t-il une combinaison plus prédestinée pour jouer dans ce club?
    Pour revenir à nos moutons, amour, délices et orgues, auxquels j'ajouterai asthme dans cette série particulière.
    Pour M. Beyle, raccordant avec la finesse d'un panzer ma lubie du moment, qui a donc commis le Rouge et le Noir, la prêtrise et l'armée pour monter dans la société...aujourd'hui il y aurait un très rigolo petit texte à écrire avec le Vert et l'Arc-en-ciels, couleurs et idéologies qui vous promettent les carrières les plus rentables. Toujours d'humeur Devossienne, j'ajoute qu'on ne parle plus de Grosse Bertha mais bien de Grosse Vertha pour désigner la propagande verte...

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  5. Ce qui aurait été curieux c'est de savoir comment Léautaud aurait réagi si un de ses chiens avait bouffé ses ouvrages de Stendhal, s'il aurait trouvé ça bouffon* ?
    * C'est chez Léautaud que j'ai trouvé pour la première fois le mot bouffon dans le sens où on l'entend aujourdhui, débile, et ce ne sont donc pas nos jeunes des quartiers qui en sont les inventeurs.

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    1. Quelque part, Léautaud raconte qu'un soir, pour le distraire, il a donné à dévorer à l'un de ses chiens les œuvres poétiques complètes de Paul Fort…

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    2. Tout comme Malraux se vante ( à juste titre, semble-t-il ) d'avoir ressuscité dans ses " Lunes de papier" le mot " farfelu", tombé en désuétude depuis Rabelais.

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  6. Bientôt nous brulerons les livres pour nous chauffer, puis les enfants oublieront le sens de l'écriture, alors viendra le temps de la Planète des Signes.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.