L'idée m'est venue en lisant le dernier billet de Manou. Qui se trouvait toute perdue parce qu'elle a mis une petite heure à retrouver sa voiture rue du Louvre, pur cause de deux ou trois verres en trop (en trop par rapport à quoi d'ailleurs ? Bref...).
Cela m'a rappelé une extrême fin de nuit que, je le crains, les provinciaux comprendront moins bien que les Delanoländer actuels et mêmes anciens. Pour les aider, voixi un petit vade mecum.
Donc, ce jour-là (surtout, ne me demandez ni le mois ni même l'année...), je suis sorti de mon dernier établissement à hôtesses ("bar à putes", en français de l'époque) entre sept heures et demie et huit heures (du matin), totalement épongé (épongé financièrement, je pense qu'on l'aura compris). Je me trouvais dans le quartier de l'Étoile et n'allez surtout pas me demander comment j'avais échoué là. Il s'agissait juste de rentrer chez moi puisque, par chance, nous étions un jour où je ne travaillais pas.
J'habitais alors (il serait plus juste de dire : "je cuvais alors") rue de Sully, numéro 11 - immeuble en pierres de taille début de siècle, fort respectable hormis ma présence, à Charenton-le-Pont - métro Charenton-Écoles.
Il va de soi, les Vélibristes d'aujourd'hui me comprendront, qu'espérer affrêter un bahut à huit heures du matin relevait de la pure utopie. Je me décidai donc, malgré mon état nauséeux, ma démarche flottante, mon teint verdâtre et mon haleine de trappeur, pour le métro. L'affaire était simple, sur le papier, comme disent les cons d'aujourd'hui : je prenais la direction "Château de Vincennes", je descendais à "Reuilly-Diderot", je prenais la correspondance pour "Créteil-Université" et je descendais à Charenton--Écoles (c'est là que les bouseux me lisant sont priés de se rerporter au vade-mecum obligeamment fourni plus haut...). Trajet d'autant plus simple que je le prenais tous les jours pour aller gagner ma pitoyable existence, laquelle se gagnait au métro "Sablons", trois stations plus à l'ouest que "Charles-de-Gaulle-Étoile". (ça va, on suit ?)
Donc, je grimpe dans la rame de la ligne numéro 1, trouve par miracle une place assise parmi des tas d'abrutis au teint clair et à l'haleine fraîche partant gagner le-pain-de-chaque-jour... et m'endors du sommeil dupochtron juste.
Mon réveil est curieux, comme dans un rêve. Le métro est arrêté dans un endroit sombre, une sorte de boyau vaguement effrayant, je suis seul dans le wagon. Et, en sens inverse de la marche, un homme marche tranquillement, à l'extérieur de la rame.
Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de penser avec la gueule aussi pâteuse que je l'avais ce matin-là, mais, franchement, il faut y mettre du sien. Je finis par comprendre que j'ai raté la correspondance "Reuilly-Diderot", que j'ai même dépassé le terminus "Château de Vincennes", et que le zombi que je viens d'entr'apercevoir est juste le conducteur de la rame qui remonte le courant pour repartir dans l'autre sens, direction "Pont de Neuilly". Well...
Un sourire s'épanouit sur ma trogne aux couleurs incertaines et changeantes : j'ai juste à attendre que la même rame me ramène à "Reuilly-Diderot" : on ne va pas me destabiliser aussi facilement, tout de même ! J'ai passé l'essentiel de la nuit à résister (du moins le supposé-je : on verra sur le relevé CB...) aux avances diaboliques de succubes appointés, ce n'est pas un agent mâle de la RATP qui va me coller les flubes ! Donc, le métro repart en sens inverse, et je me rendors illico.
Lorsque j'ouvre un oeil, la rame est arrêté à la station "Sablons", celle où je descends lorsque je suis censé allé travailler, la dernière avant le terminus de l'époque : "Pont de Neuilly". Là, une vague angoisse point. L'impression un peu destabilisante d'être devenu le pitoyable héros d'une nouvelle de Julio Cortàzar, celui qui ne ressortira jamais du métro où il s'est bien imprudemment engagé.
Néanmoins, tentant de faire bonne figure au milieu des costard-cravate et des pouffes-patchouli, je grimpe vaillamment les escaliers, les redescends de l'autre côté, attends la rame suivante, repars, me rendors. (Je sais : ça devient lassant pour le lecteur. Mais, pour l'acteur, ça devenait franchement terrifiant...)
Preuve possible de l'existence de Dieu, j'ouvre un oeil : la rame est arrêtée, portes ouvertes, à la sation "Reuilly-Diderot", pile ma correspondance. Jebondis titube hors du wagon. Un intense sentiment de triomphe m'envahit alors : j'ai (presque) vaincu les éléments adverses. Ne me reste qu'à prendre ma correspondance - ce que je.
Lorsque le métro s'arrête, j'ai la surprise de me découvrir en plein ciel, plutôt que dans un boyau bétonneux, comme il est de règle dans le métropolitain. Je constate rapidement que je me suis ren-ren-ren-rendormi et que me voilà au terminus de la ligne, à savoir "Créteil Université", où je n'ai strictement rien à branler.
Cete fois, mon côté Grégoire Samsa me saute un peu à la gueule et j'envisage les solutions les plus extrêmes. Finalement, je choisis la moins extrême : je repars en sens inverse, mais sans m'asseoir. Je vais parcourir quatre ou cinq stations (vous compterez vous-mêmes), accroché à la barre, tel un marin à son mât de misaine au centre du triangle des Bermudes. Et finirai, enfin, par descendre à la station "Charenton-Écoles". Il était dix heures et demie, j'étais parti des Champs-Élysées aux environs de sept heures et demie.
Le pire, c'est que ça ne m'a même pas dégoûté des putes. Mais, du métro, un peu, oui.
Cela m'a rappelé une extrême fin de nuit que, je le crains, les provinciaux comprendront moins bien que les Delanoländer actuels et mêmes anciens. Pour les aider, voixi un petit vade mecum.
Donc, ce jour-là (surtout, ne me demandez ni le mois ni même l'année...), je suis sorti de mon dernier établissement à hôtesses ("bar à putes", en français de l'époque) entre sept heures et demie et huit heures (du matin), totalement épongé (épongé financièrement, je pense qu'on l'aura compris). Je me trouvais dans le quartier de l'Étoile et n'allez surtout pas me demander comment j'avais échoué là. Il s'agissait juste de rentrer chez moi puisque, par chance, nous étions un jour où je ne travaillais pas.
J'habitais alors (il serait plus juste de dire : "je cuvais alors") rue de Sully, numéro 11 - immeuble en pierres de taille début de siècle, fort respectable hormis ma présence, à Charenton-le-Pont - métro Charenton-Écoles.
Il va de soi, les Vélibristes d'aujourd'hui me comprendront, qu'espérer affrêter un bahut à huit heures du matin relevait de la pure utopie. Je me décidai donc, malgré mon état nauséeux, ma démarche flottante, mon teint verdâtre et mon haleine de trappeur, pour le métro. L'affaire était simple, sur le papier, comme disent les cons d'aujourd'hui : je prenais la direction "Château de Vincennes", je descendais à "Reuilly-Diderot", je prenais la correspondance pour "Créteil-Université" et je descendais à Charenton--Écoles (c'est là que les bouseux me lisant sont priés de se rerporter au vade-mecum obligeamment fourni plus haut...). Trajet d'autant plus simple que je le prenais tous les jours pour aller gagner ma pitoyable existence, laquelle se gagnait au métro "Sablons", trois stations plus à l'ouest que "Charles-de-Gaulle-Étoile". (ça va, on suit ?)
Donc, je grimpe dans la rame de la ligne numéro 1, trouve par miracle une place assise parmi des tas d'abrutis au teint clair et à l'haleine fraîche partant gagner le-pain-de-chaque-jour... et m'endors du sommeil du
Mon réveil est curieux, comme dans un rêve. Le métro est arrêté dans un endroit sombre, une sorte de boyau vaguement effrayant, je suis seul dans le wagon. Et, en sens inverse de la marche, un homme marche tranquillement, à l'extérieur de la rame.
Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de penser avec la gueule aussi pâteuse que je l'avais ce matin-là, mais, franchement, il faut y mettre du sien. Je finis par comprendre que j'ai raté la correspondance "Reuilly-Diderot", que j'ai même dépassé le terminus "Château de Vincennes", et que le zombi que je viens d'entr'apercevoir est juste le conducteur de la rame qui remonte le courant pour repartir dans l'autre sens, direction "Pont de Neuilly". Well...
Un sourire s'épanouit sur ma trogne aux couleurs incertaines et changeantes : j'ai juste à attendre que la même rame me ramène à "Reuilly-Diderot" : on ne va pas me destabiliser aussi facilement, tout de même ! J'ai passé l'essentiel de la nuit à résister (du moins le supposé-je : on verra sur le relevé CB...) aux avances diaboliques de succubes appointés, ce n'est pas un agent mâle de la RATP qui va me coller les flubes ! Donc, le métro repart en sens inverse, et je me rendors illico.
Lorsque j'ouvre un oeil, la rame est arrêté à la station "Sablons", celle où je descends lorsque je suis censé allé travailler, la dernière avant le terminus de l'époque : "Pont de Neuilly". Là, une vague angoisse point. L'impression un peu destabilisante d'être devenu le pitoyable héros d'une nouvelle de Julio Cortàzar, celui qui ne ressortira jamais du métro où il s'est bien imprudemment engagé.
Néanmoins, tentant de faire bonne figure au milieu des costard-cravate et des pouffes-patchouli, je grimpe vaillamment les escaliers, les redescends de l'autre côté, attends la rame suivante, repars, me rendors. (Je sais : ça devient lassant pour le lecteur. Mais, pour l'acteur, ça devenait franchement terrifiant...)
Preuve possible de l'existence de Dieu, j'ouvre un oeil : la rame est arrêtée, portes ouvertes, à la sation "Reuilly-Diderot", pile ma correspondance. Je
Lorsque le métro s'arrête, j'ai la surprise de me découvrir en plein ciel, plutôt que dans un boyau bétonneux, comme il est de règle dans le métropolitain. Je constate rapidement que je me suis ren-ren-ren-rendormi et que me voilà au terminus de la ligne, à savoir "Créteil Université", où je n'ai strictement rien à branler.
Cete fois, mon côté Grégoire Samsa me saute un peu à la gueule et j'envisage les solutions les plus extrêmes. Finalement, je choisis la moins extrême : je repars en sens inverse, mais sans m'asseoir. Je vais parcourir quatre ou cinq stations (vous compterez vous-mêmes), accroché à la barre, tel un marin à son mât de misaine au centre du triangle des Bermudes. Et finirai, enfin, par descendre à la station "Charenton-Écoles". Il était dix heures et demie, j'étais parti des Champs-Élysées aux environs de sept heures et demie.
Le pire, c'est que ça ne m'a même pas dégoûté des putes. Mais, du métro, un peu, oui.
Pourtant c'est pas si différent, à te lire, tu paies pour entrer et t'as fait des va et vient...
RépondreSupprimerEt c'est contagieux ton histoire, même ton vade-mecum ne trouve plus son chemin
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