lundi 5 mai 2008

Ressuscitons les blogs morts !

jeudi 3 mai 2007

Vos âmes pareilles

Mon très jeune et très vieux Bergouze, une image étrange m'occupe l'esprit depuis quelques jours. Elle te concerne, tu es dedans - et vivant. Mais il va de soi que tu es toujours vivant dans mes images - il n'est pas impossible que les images servent à cela, d'ailleurs, je laisse à plus intelligent que toi et moi d'en statuer.

Tu es ici, au Plessis-Hébert, chez nous. Ce n'est pas la première fois que tu viens. Tu es presque chez toi. Tu es déjà ami avec l'Irremplaçable (et c'est très important, dans l'image).

C'est l'été, probablement, puisqu'on est installé dehors, sous le tilleul. Il me semble que c'est la fin du repas. Tu es confortablement carré dans ton fauteuil de plastique blanc, je suppose que tu as allumé un Café noir ou un Café crème, l'un ou l'autre de ces petits cigares que tu aimais (et dont je ne sais même pas s'ils existent encore).

Il doit rester un peu de vin dans la bouteille, sur la table (de toute façon, il y a de la réserve dans l'arrière-cuisine, ne t'inquiète pas, je veille, ton ivresse m'est chère).

Nous ne parlons pas. Catherine parle. Je ne sais pas ce qu'elle te raconte. Car c'est à toi qu'elle s'adresse. Ce doit être (ce doit, au sens de "il faut" - pour la beauté de l'image) une chose sans importance, un petit fait de la vie quotidienne, un fragment d'insignifiance, une poussière de temps - rien.

Et je vois ton regard, posé sur elle, comme je ne l'ai pas vu depuis plus de vingt ans, je te vois l'entendre et la comprendre - ce regard que tu avais, à la fois flottant et fixe, comme rendu lointain par l'épaisseur des verres.

Moi, je suis un peu décalé, par rapport à vous, de biais, peut-être un peu dans l'ombre, je ne sais pas. Je pense que Catherine est debout (elle débarrasse la table ? Elle vient d'apporter le dessert ? Oui, c'est possible.), toi assis, les yeux légèrement levés, donc.

Vous ne me voyez pas, mais, moi, à cet instant, je ne vis que par vous, par ces paroles sans importance qui passent d'elle à toi. C'est une sensation puissante, tellement que je ne veux pas sortir de la pénombre, du fugitif oubli où je suis. Et ce n'est pas tout.

Balbec est venu, et il a posé sa tête sur tes genoux, comme il le faisait avec nous. Tu le caresses distraitement, de la main droite, avec lenteur, presque sans t'en apercevoir. Il n'est pas impossible qu'une légère brise se soit mise à passer, mais je ne jurerais de rien. Le chien ne bouge pas. Ses yeux sont levés vers toi, qui ne le regardes pas, ce qui fait remonter les petites pastilles brunes qui lui servent de sourcils.

Il semble te connaître de toute éternité et posséder l'assurance que tu ne bougeras jamais de ce fauteuil de plastique blanc, et que Catherine ne cessera pas de parler.

C'est une innocence que je lui envie.



vendredi 4 mai 2007


Alors, elle t'a dit quoi ?



Le cerveau vide.

Je viens de relire ce que je t'écrivais hier, à peu près à cette même heure. (En réalité, ce n'est pas vrai : je l'ai relu au moins quatre ou cinq fois, depuis le matin de cette journée blanche, au cours de laquelle je n'ai absolument rien fait - sinon tondre la pelouse, ce qui était bien la seule chose à ma portée.)

Il est des images qu'on ne devrait pas faire naître, parce qu'elles prennent corps, ensuite. Et qu'en l'occurrence elles prennent le tien. Cette soirée d'été sous le tilleul, imaginée, rêvée, voulue, que j'évoquais, elle s'est constituée en réalité, elle a pris un poids, une épaisseur, elle est devenu un désir, une attente - et fatalement un manque. Même le goût du vin que nous avons bu ensemble, hier soir, il me reste dans la bouche - il me la fait pâteuse et amère. Non, non, pas amère... autre chose... Je ne sais pas... Mais pâteuse, en tout cas, ça oui.

Cette idée, cette envie de te réunir à l'Irremplaçable (me voilà donc affublé de deux irremplaçables : c'est beaucoup pour un seul homme, et si peu homme...), je l'avais déjà eue, bien sûr. Mais je l'abordais de loin, de biais, sur la pointe des pieds, pour éviter qu'ellle ne se retourne et me saute à la gorge.

Ce qu'elle a fait, dès ce matin, au réveil. Et sous l'oeil incompréhensif (interrogatif, plutôt) et doux de Balbec, que j'ai eu l'imprudence stupide, la vaniteuse témérité de convoquer dans le tableau.

On peut dire que j'ai réussi mon coup.

Même agencés aussi pauvrement que je le fais, les mots ont donc un pouvoir de nuisance - ce pourrait être une bonne nouvelle, au fond. Ce l'est sans doute, mais il faudra attendre quelques jours, je suppose, pour digérer ces nourritures trop riches que je me suis cru capable de soutenir.

Au moins, maintenant, je sais pourquoi, au fil des semaines, j'en suis venu à te réveiller de moins en moins souvent, à remplacer nos dialogues univoques par d'anodins babillages avec des vivants indubitables.

Il n'empêche que j'aimerais quand même bien savoir ce que Catherine te racontait, hier soir, cependant que je me fondais dans l'ombre.

7 commentaires:

  1. Me rappelle plus trop mais forcément, je parlais de toi.

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  2. Tu ne pouvais pas parler de moi, puisque j'étais là !

    (Où alors, si je ne comprends même plus les textes que j'écris, ça devient grave...)

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  3. Mais enfin, tu sais bien que je parle de toi même quand t'es là !

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  4. Didier a fait ceci, et Didier a dit cela et blablabla ..... et Didier a bien raison ......

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  5. Indiana Goux découvre le temple de l'arche perdue ...

    Docteur Didier je salue bien bas vos efforts archéologiques ...

    iPidiblue junior

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  6. C'est un maginifique texte. Non, vous n'agencez pas les mots de manière faible. L'oubli est fascinant, le mystère encore davantage, ces choses qui finissent au rebut.

    Il y a de quoi s'y oublier soi-même. Un instant.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.