Ce qui suit aurait dû être une courte réponse au commentaire de Geneviève, dans le billet qui précède immédiatement celui-ci. Comme ma prose a pris des proportions, il me semble mieux avisé de la mettre ici.
La doxa actuelle ne peut que faire renaître un racisme qui, quoi qu'il soit de bon ton d'en dire, ne me paraît pas très virulent en France (ni d'ailleurs nulle part en Europe). Je vais sans doute en choquer un certain nombre, mais il me semble qu'il a toujours existé, en France (et probablement ailleurs), ce que j'appellerais un racisme "bon enfant". Celui qui pousse l'ouvrier, au comptoir, à dire à son éternel compagnon de pastis : "oh toi, le bougnoule, ta gueule, va rejoindre ta fatma et fais-nous pas chier !" (C'est un exemple.) Et le "bougnoule" en question est là, de nouveau, au même comptoir, le lendemain ; et si "Marcel" est absent, il s'inquiète ; il monte même chez lui, éventuellement, prendre de ses nouvelles ; et on l'accueille par un : "Ben, le bougnoule, qu'est-ce que tu fous là ?" ; et on lui paie un pastis à la maison.
S'il ne lit pas trop bien le français, comme il arrive, ou s'il n'ose pas trop (du fait de son "étrangèreté") la ramener face au chef de chantier, Marcel ira gueuler à la place de "son" bougnoule, pour les trois heures supplémentaires que l'on a "oublié" de lui compter sur sa feuille de paie. Et il en profitera, le soir même, pour se faire payer un pastis. (Je pense qu'un
Nicolas est à même de comprendre ce que j'essaie de dire. Mais je ne lui demande nullement de m'approuver.) Il va à peu près de soi que l'inverse se produira également, si l'occasion se présente : ce ne sont pas les exemples réels qui me manquent.
Geneviève parle de ces Français de souche (les "souchiens", comme "on" les appelle désormais, avec la connotation que chacun entend ou devrait entendre), qui, pauvres, ne peuvent aller vivre ailleurs, ou même ne le souhaitent pas parce que, simplement, leur vie est ici, dans ces cités où ils habitent depuis parfois vingt ou trente ans, où leurs enfants ont grandi, dont ils sont partis, ou leurs souvenirs sont ancrés, leur jeunesse également, etc. Que pensez-vous donc qu'il va se passer, dans leur esprit, à force de s'entendre dire que les bandes de "jeunes" noirs ou arabes qui leur pourrissent la vie chaque jour NE SONT PAS arabes ou noirs ? Que c'est "dans leur tête" qu'ils se trouvent être noirs ou arabes ? Que ce sont eux les coupables, justement parce qu'ils les VOIENT (à tort naturellement) noirs ou arabes ?
Que vont-ils se dire, ces gens ? Qui, rappelons-le tout de même, sont, au départ (oh ! seulement au départ, bien entendu...), dans LEUR pays ? Dans quels bras extrêmistes vont-ils se jeter, d'après vous tous, bonnes âmes que le Bien ravage jusqu'aux moelles ?
C'est ce lit que vous êtes en train de creuser, pourris d'innocence liliale que vous êtes. Votre angélisme aveugle prépare les bains de sang de demain, desquels ne sortira aucun vainqueur, soyez-en bien certains. Que des vaincus, à commencer par vous-mêmes, ou plus exactement vos enfants. Qui seront alors habilités à vous demander des comptes, et qui, je suppose, ne manqueront pas de le faire.
Qui gagnera ? Personne. Même pas vos élites actuelles (oubliées alors), qui prennent bien soin de faire pousser leurs rejetons dans les serres chaudes des institutions privées, françaises ou suisses, et des universités américaines, plutôt que dans nos garderies "multiculturelles" (c'est-à-dire interdites de quelque culture que ce soit - ni la nôtre, ni la leur) dont ils chantent les louanges à longueur de colonnes-papier ou de quarts d'heure audiovisuel, et que, par défaut de mots nouveaux, on persiste à appeler "écoles", "collèges", lycées".
Qui perdra ? Tout le monde. Vous, d'abord, qui vous retrouverez dépossédés d'un pays que vous avez reçu en héritage et qu'un minimum de fierté aurait dû pousser à transmettre, sinon amélioré du moins intact, à vos descendants ; perdront aussi ces immigrés que vous parez de toutes les vertus dont vous vous êtes vous-mêmes dépouillé, et qui s'apercevront - trop tard - qu'on leur a fait miroiter un eldorado qui n'a même plus la volonté d'être un pays.
Au jour de votre ("notre", devrais-je dire, car je ne vois aucun moyen de me désolidariser de vous, malgré que j'en aie) disparition, librement acceptée, vous ne leur laisserez qu'une dépouille, une peau morte. Il n'est pas du tout impossible, et même probable, qu'ils en fassent finalement quelque chose de bien, de beau, peut-être de grand. Mais nous n'y serons pour rien, et ce ne sera pas la France, et ce ne sera pas l'Europe.
Ce sera Bruxelles. Je persiste à penser que l'islam, cet ennemi héréditaire de tout ce que nous fûmes, n'est pas soluble dans l'Europe. Mais il l'est très probablement dans Bruxelles. Vous voulez barboter dans Bruxelles ?
Moi, non.