Ce soir, l'apéritif fut incroyablement sobre (une bouteille de muscadet à deux : voyez l'orgie...). Du coup, on a moins parlé, forcément. Comme l'Irremplaçable venait juste de terminer le petit livre de René Girard, Anorexie et désir mimétique, que j'ai moi-même lu avant-hier, nous avons évoqué le cas de ces mannequins actuels, maigres jusqu'à la décarnation (le mot est offert), phénomène dont Girard, dans l'entretien qui suit son texte, remarque qu'il commence à toucher également les top models masculins : les cowboys bodybuildés et légèrement transpirants, qui faisaient mugir nos filles et nos compagnes il y a encore une petite dizaine d'années, ont cédé la place à de petites crevures pâlichonnes, dont l'indice de masse corporelle doit à peine excéder la longueur de mon appendice reproductif.
J'ai fait remarquer à Catherine que non contentes d'être décharnées, blêmes et le plus souvent laides, les filles que l'on voit désormais dans Elle ou ailleurs (mais Elle est un excellent thermomètre, de ce point de vue) arborent en outre un air buté, agressif et, finalement, malheureux. Reflet de l'époque très certainement, puisqu'on croise de plus en plus souvent leurs homologues dans la rue, le métro, les blogs. Mais tout cela, me dira-t-on, est le résultat de l'oppression multiséculaire de ce monstre absolu qu'est le mâle hétérosexuel blanc : je compte revenir sur ce sujet d'ici quelques jours, si j'arrive à écrire quelque chose de point trop stupide.
La discussion - parallèlement à l'assèchement du flacon - s'est déroulée sur fond de Charlie Parker, des enregistrements s'échelonnant de 1949 à 1953, dont le somptueux Lester leaps in, enregistré au Carnegie Hall le 18 septembre 1949, dans le cadre d'une session réunissant Roy Eldridge (trompette), Lester Young (saxophone ténor), Bird himself et quelques autres à peine moins intéressants. Dans cet exercice, où il s'agit toujours plus ou moins de prendre le meilleur sur ses partenaires-rivaux, c'est Charlie qui l'emporte assez nettement sur Lester. Ce dernier avouera plus tard que, "naviguant aux instruments", il ne s'était même pas aperçu qu'il jouait avec Charlie Parker...
Pour finir, et puisqu'on a commencé avec lui, je vous livre l'ultime paragraphe du livre de Girard dont il vient d'être question :
« Quoi qu'il en soit, nous ne sommes toujours pas arrivés à la dernière surenchère. Nous devrions donc nous préparer à des choses encore plus spectaculaires et dramatiques. Si nos ancêtres pouvaient voir les cadavres gesticulants qui ornent les pages de nos revues de mode, ils les interpréteraient vraisemblablement comme un memento mori, un rappel de la mort équivalant, peut-être, aux danses macabres sur les murs de certaines églises médiévales. Si nous leur expliquions que ces squelettes désarticulés symbolisent à nos yeux le plaisir, le bonheur, le luxe, le succès, ils se lanceraient dans une fuite panique, nous imaginant possédés par un diable particulièrement malfaisant. »
Bonne nuit tout de même.
J'ai fait remarquer à Catherine que non contentes d'être décharnées, blêmes et le plus souvent laides, les filles que l'on voit désormais dans Elle ou ailleurs (mais Elle est un excellent thermomètre, de ce point de vue) arborent en outre un air buté, agressif et, finalement, malheureux. Reflet de l'époque très certainement, puisqu'on croise de plus en plus souvent leurs homologues dans la rue, le métro, les blogs. Mais tout cela, me dira-t-on, est le résultat de l'oppression multiséculaire de ce monstre absolu qu'est le mâle hétérosexuel blanc : je compte revenir sur ce sujet d'ici quelques jours, si j'arrive à écrire quelque chose de point trop stupide.
La discussion - parallèlement à l'assèchement du flacon - s'est déroulée sur fond de Charlie Parker, des enregistrements s'échelonnant de 1949 à 1953, dont le somptueux Lester leaps in, enregistré au Carnegie Hall le 18 septembre 1949, dans le cadre d'une session réunissant Roy Eldridge (trompette), Lester Young (saxophone ténor), Bird himself et quelques autres à peine moins intéressants. Dans cet exercice, où il s'agit toujours plus ou moins de prendre le meilleur sur ses partenaires-rivaux, c'est Charlie qui l'emporte assez nettement sur Lester. Ce dernier avouera plus tard que, "naviguant aux instruments", il ne s'était même pas aperçu qu'il jouait avec Charlie Parker...
Pour finir, et puisqu'on a commencé avec lui, je vous livre l'ultime paragraphe du livre de Girard dont il vient d'être question :
« Quoi qu'il en soit, nous ne sommes toujours pas arrivés à la dernière surenchère. Nous devrions donc nous préparer à des choses encore plus spectaculaires et dramatiques. Si nos ancêtres pouvaient voir les cadavres gesticulants qui ornent les pages de nos revues de mode, ils les interpréteraient vraisemblablement comme un memento mori, un rappel de la mort équivalant, peut-être, aux danses macabres sur les murs de certaines églises médiévales. Si nous leur expliquions que ces squelettes désarticulés symbolisent à nos yeux le plaisir, le bonheur, le luxe, le succès, ils se lanceraient dans une fuite panique, nous imaginant possédés par un diable particulièrement malfaisant. »
Bonne nuit tout de même.
C'est pas si mal, pour le peu qu'on a bu !
RépondreSupprimerEt encore, ça devait être de l'eau pendant trois jours non ?
RépondreSupprimerNathalie, vile traîtresse ! Ils avaient déjà oublié...
RépondreSupprimerNon je voulais en parler !
RépondreSupprimer(Vous avez déjà lu ce Girard là ?)
René Girard: 1 point/ LGBTI: zéro.. ;-)
RépondreSupprimerFoin des femelles décharnées
RépondreSupprimerVive les belles un tantinet
Rondelettes
(Brassens)
Le mâle dominant est un éculé ?
RépondreSupprimer:-)
Zoridae : vous avez lu trop vite : je précise d'entrée que nous avons lu le Girard tous les deux, Catherine et moi. S'il vous intéresse...
RépondreSupprimerSuzanne : je crois me souvenir que Brassens chante : "Fi des femelles décharnées"...
Monsieur Poireau : au minimum, oui...
Merci pour l'extrait. L'ouvrage en question était justement sur la liste de mes prochains livres de chevet...
RépondreSupprimerJe reviendrai sans doute faire un tour par chez vous, malgré la pause, rien que pour prendre connaissance du billet que vous envisagez de consacrer à un tel sujet.
Bien sûr, je ne doute pas que l'erreur vienne de moi !
RépondreSupprimer(Oui, pourquoi pas ?)
L'anorexie mentale : je me suis laissée dire qu'il s'agissait, dans le cas des jeunes filles d'un mauvais rapport à leur mère.
RépondreSupprimerEmma,
RépondreSupprimerN'avez-vous pas remarqué que la plupart des problèmes des jeunes (et moins jeunes) gens viendraient d'un rapport à leur mère ?
Je ne suis pas d'accord. Tout n'est pas toujours la faute de la mère !
RépondreSupprimerMoi non plus Catherine mais c'est néanmoins un message récurrent de la part des médias, psys etc.
RépondreSupprimerChères Catherine et Zoridae :
RépondreSupprimerje n'ai pas formulé avec suffisament de clarté et de nuance ce jugement, qui était l'explication donnée par un psy à ce que je racontais. En classe de seconde, période très heureuse pourtant, j'ai "fait" (dit-on vraiment : faire ? ) une période d'anorexie de trois ou six mois -je ne sais plus, c'est si ancien...-. D'autre part entre ma mère et moi, cela a été et l'est toujours... douloureux ; alors peut-être que cet homme de l'art a trouvé cette explication, mais elle ne vaut sans doute pas pour absolument tous les cas.
Anna R
C'est dans l'air du temps il me semble : il faut des responsables...
RépondreSupprimerLe coup du "diable particulièrement malfaisant", c'est quand-même beaucoup moins culpabilisant ...
C'est étrange, quand on compare les magazines masculins et féminin, les femmes n'ont pas tout à fait la même allure.
RépondreSupprimerLisant "Elle" ce matin même dans les toilettes, j'ai constaté l'alternance étrange de filles aux jambes d'allumettes avec des interviews d'actrices intitulées "Oui j'ai des formes et je l'assume !".
Pour les "masculins", il m'a semblé qu'elles avaient, passez moi l'expression, de sacrés gros nichons...
Voilà ! Au lieu de diaboliser la mère, revenons à ce bon vieux Lucifer !
RépondreSupprimerCatherine, je te rappelle que Lucifer était un ange (Satan avant la chute) !
RépondreSupprimerJe sais, mais la rime était plus jolie ! C'est comme les mères : anges et/ou démons.
RépondreSupprimerAh oui ? il est tombé lui aussi ? On comprend mieux que ça l'est rendu tellement aigri ! Comme quoi, avec un peu de psychologie, on s'explique tout de suite beaucoup mieux le monde !
RépondreSupprimerArg !...que ça l'ait rendu ?
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