À Son Excellence bbl
Deux sujets de conversation seulement, ce soir, l'un comme mise en bouche, l'autre faisant plat de résistance (à la folie ordinaire).
Je ne sais plus comment c'est arrivé, mais je me suis trouvé dire à l'Irremplaçable que je considérais comme anormal, durant les deux maigres mois que dure l'été, que de braves invétérés fumeurs se fassent refuser une table en terrasse, pour cause de non vacuité, et se retrouvent relégués en salle où ils ne pourront s'adonner à leur noble vice. J'ai donc émis l'hypothèse de faire voter une loi stipulant que, la température extérieure atteignant 20° c, les tablées de non-fumeurs se verraient systématiquement refouler à l'intérieur, à seule fin de nous laisser la place dehors. Avec de solides arguments, du type : « Vous vous êtes battus pour avoir de l'atmosphère non cancérigène ? Entrez, Messieurs-Dames, l'air pur est à l'intérieur ! » Catherine m'a fait remarquer que cela pourrait être l'occasion de créer un nouveau « petit métier de Paris » : l'accompagnateur-fumeur. Se tenant à proximité des restaurants à terrasse, il proposerait ses services rétribués aux tablées de non-fumeurs désireux de dîner dehors. Son seul travail, en dehors d'avaler un repas gratuit, consisterait à en griller une dès que le patron de la taule pointerait un oeil soupçonneux.
Puis, nous sommes passés aux luttes LGBTI. Je me préoccupe beaucoup, depuis 48 heures, des luttes LGBTI (qui me rappellent un peu le douloureux vaccin TABDT de mon enfance). Ce n'est d'ailleurs pas par rouerie que j'ai, hier, posé la question de la signification du sigle : je l'ignorais réellement, bien que me doutant, vu l'endroit où je l'avais ramassé, qu'il s'agissait des fonds de poubelle de la sexualité festive.
Festive, il faut voir. S'il est un adjectif qui, justement, ne correspond pas du tout aux commentateurs des 12 sexes (je fais un prix de gros) qui gargouillent dans les boyaux d'une certaine Mademoiselle, c'est bien festif. En revanche, ils sont très forts sur l'imaginaire et sur la création de mots et de concepts amusants. Par exemple, voilà une tribu - clairsemée, par chance - qui se sacandalise fort, apparemment, que notre monde soit hétérocentré. J'ai assez rapidement compris que ce vocable tout hérissé était aussi répugnant que "raciste", "xénophobe", "fasciste", "riche", sarkozyste" et d'autres de moindre gravité morale. Et je ne peux que partager leur indignation : dans un monde où à peine plus de 95 % des mâles et des femelles croient encore que la perpétuation de l'espèce passera par une union hétérosexuelle indéfiniment répétée, il est inique d'accorder la moindre audience à ces pratiques d'un autre âge.
Festive, néanmoins, non. Je suis tombé d'accord avec la précieuse Bbl qui, après être allée s'ébattre un court instant dans ce cloaque intestinal, a déclaré qu'elle jetait l'éponge (je ne veux même rien savoir de l'état de l'éponge) : il ressort de ces amas viscéraux une impression d'infinie tristesse et une certitude de camp de rééducation - rééducation est d'ailleurs un mot qu'on y emploie fréquemment, en se demandant gravement comment rendre la chose aussi efficace que possible. Dans le même temps, chaque intervenant a au coeur l'ardent désir de prouver qu'il vit dans le pire des enfers concentrationnaires ; qui en tant que femme, qui en tant que travailleur, ou que pédé, que gouine, que pauvre, que nègre, que... je vous laisse compléter la liste, nullement limitative, on le sent bien : le principal est de vitupérer contre les barbelés et les miradors.
Les miradors, justement. Là, se trouve l'ambivalence (apparente) la plus intéressante. Le mot "rééducation", fort prisé en ces lieux, donc, nous aide à la comprendre. Tous ces pauvres gens ne tiennent nullement à sortir du camp qu'ils ont édifiés autour d'eux-mêmes, par peur, je suppose, ou par incompréhension définitive du monde extérieur ; ils ne veulent pas abattre les barbelés par eux déroulés. Ils veulent s'en évader, d'une certaine manière, mais par le haut. Ils aspirent aux miradors. Et, pour peu qu'on les persuade que c'est bien la racaille fascisto-hétérocentrée qui a pris leur place dans les baraquements, ils se bousculeront à l'échelle, s'écraseront les orteils sur les premiers barreaux. La seule libération possible de la petite geôle sans fenêtre (sauf fenêtre de tir) qu'ils se sont bâtie, elle est là, au-dessus du dernier degré, sur cette plateforme carrée où la vue est si dégagée et le coup d'oeil idéologique tellement sûr.
En attendant, ils souffrent. Je crois qu'ils souffrent pour de vrai. Surtout les hommes, car il y en a ; deux ou trois : ils sont les malheureuses arpettes de ces tristes harpies. En un sens, ils me rajeunissent considérablement. Combien en ai-je connu, de leurs pâles grands-frères, dans les années soixante-xix, en ces temps premiers de féminisme virulent, qui hantaient les réunions de "groupes femmes", arpentaient les manifs en criant "Mon corps est à nous ! mon corps est à nous !" d'une voix vibrante d'espoir, non de lendemains qui chantent mais plus humblement de nuits qui ronronnent ?
Ils étaient systématiquement détruits par les mantes, soumis à l'écrasement d'un insoluble double bind. Qu'exigeaient d'eux ces agnelles au sein libre et au cheveu gras ? Ceci, schématiquement : « Si tu veux devenir un homme selon mes goûts, il te faut cesser d'être un homme. » Ils s'y employaient, persuadés que le Nirvanâ était juste derrière les fourches caudines. Jusqu'au jour où ils croisaient leur Vénus modern style, coiffée et de nouveau busto-cuirassée, au bras d'un hétérocentré qui ne savait même pas que le mot existait, ni la chose. D'ailleurs, ils n'existaient pas encore.
Aujourd'hui, trente ans après, les fils de ces malheureux - dont il n'est pas déraisonnable de supposer qu'ils ont fini impuissants, ou fous, ou mariés et pères de famille - les fils reprennent la même danse. Sauf qu'ils ne défilent plus dans la rue avec ces dames, ils se sont installés directement, bien au chaud, dans leurs entrailles.
Carburant : une 1/2 bouteille de chablis (décevant) et une bouteille de Muscadet "sur lie".
Environnement sonore : Anita O'Day, puis Marilyn Monroe.
River of no return...
Puis, nous sommes passés aux luttes LGBTI. Je me préoccupe beaucoup, depuis 48 heures, des luttes LGBTI (qui me rappellent un peu le douloureux vaccin TABDT de mon enfance). Ce n'est d'ailleurs pas par rouerie que j'ai, hier, posé la question de la signification du sigle : je l'ignorais réellement, bien que me doutant, vu l'endroit où je l'avais ramassé, qu'il s'agissait des fonds de poubelle de la sexualité festive.
Festive, il faut voir. S'il est un adjectif qui, justement, ne correspond pas du tout aux commentateurs des 12 sexes (je fais un prix de gros) qui gargouillent dans les boyaux d'une certaine Mademoiselle, c'est bien festif. En revanche, ils sont très forts sur l'imaginaire et sur la création de mots et de concepts amusants. Par exemple, voilà une tribu - clairsemée, par chance - qui se sacandalise fort, apparemment, que notre monde soit hétérocentré. J'ai assez rapidement compris que ce vocable tout hérissé était aussi répugnant que "raciste", "xénophobe", "fasciste", "riche", sarkozyste" et d'autres de moindre gravité morale. Et je ne peux que partager leur indignation : dans un monde où à peine plus de 95 % des mâles et des femelles croient encore que la perpétuation de l'espèce passera par une union hétérosexuelle indéfiniment répétée, il est inique d'accorder la moindre audience à ces pratiques d'un autre âge.
Festive, néanmoins, non. Je suis tombé d'accord avec la précieuse Bbl qui, après être allée s'ébattre un court instant dans ce cloaque intestinal, a déclaré qu'elle jetait l'éponge (je ne veux même rien savoir de l'état de l'éponge) : il ressort de ces amas viscéraux une impression d'infinie tristesse et une certitude de camp de rééducation - rééducation est d'ailleurs un mot qu'on y emploie fréquemment, en se demandant gravement comment rendre la chose aussi efficace que possible. Dans le même temps, chaque intervenant a au coeur l'ardent désir de prouver qu'il vit dans le pire des enfers concentrationnaires ; qui en tant que femme, qui en tant que travailleur, ou que pédé, que gouine, que pauvre, que nègre, que... je vous laisse compléter la liste, nullement limitative, on le sent bien : le principal est de vitupérer contre les barbelés et les miradors.
Les miradors, justement. Là, se trouve l'ambivalence (apparente) la plus intéressante. Le mot "rééducation", fort prisé en ces lieux, donc, nous aide à la comprendre. Tous ces pauvres gens ne tiennent nullement à sortir du camp qu'ils ont édifiés autour d'eux-mêmes, par peur, je suppose, ou par incompréhension définitive du monde extérieur ; ils ne veulent pas abattre les barbelés par eux déroulés. Ils veulent s'en évader, d'une certaine manière, mais par le haut. Ils aspirent aux miradors. Et, pour peu qu'on les persuade que c'est bien la racaille fascisto-hétérocentrée qui a pris leur place dans les baraquements, ils se bousculeront à l'échelle, s'écraseront les orteils sur les premiers barreaux. La seule libération possible de la petite geôle sans fenêtre (sauf fenêtre de tir) qu'ils se sont bâtie, elle est là, au-dessus du dernier degré, sur cette plateforme carrée où la vue est si dégagée et le coup d'oeil idéologique tellement sûr.
En attendant, ils souffrent. Je crois qu'ils souffrent pour de vrai. Surtout les hommes, car il y en a ; deux ou trois : ils sont les malheureuses arpettes de ces tristes harpies. En un sens, ils me rajeunissent considérablement. Combien en ai-je connu, de leurs pâles grands-frères, dans les années soixante-xix, en ces temps premiers de féminisme virulent, qui hantaient les réunions de "groupes femmes", arpentaient les manifs en criant "Mon corps est à nous ! mon corps est à nous !" d'une voix vibrante d'espoir, non de lendemains qui chantent mais plus humblement de nuits qui ronronnent ?
Ils étaient systématiquement détruits par les mantes, soumis à l'écrasement d'un insoluble double bind. Qu'exigeaient d'eux ces agnelles au sein libre et au cheveu gras ? Ceci, schématiquement : « Si tu veux devenir un homme selon mes goûts, il te faut cesser d'être un homme. » Ils s'y employaient, persuadés que le Nirvanâ était juste derrière les fourches caudines. Jusqu'au jour où ils croisaient leur Vénus modern style, coiffée et de nouveau busto-cuirassée, au bras d'un hétérocentré qui ne savait même pas que le mot existait, ni la chose. D'ailleurs, ils n'existaient pas encore.
Aujourd'hui, trente ans après, les fils de ces malheureux - dont il n'est pas déraisonnable de supposer qu'ils ont fini impuissants, ou fous, ou mariés et pères de famille - les fils reprennent la même danse. Sauf qu'ils ne défilent plus dans la rue avec ces dames, ils se sont installés directement, bien au chaud, dans leurs entrailles.
Carburant : une 1/2 bouteille de chablis (décevant) et une bouteille de Muscadet "sur lie".
Environnement sonore : Anita O'Day, puis Marilyn Monroe.
River of no return...
Et on a parlé de Marilyn, aussi ! Et de ses films.
RépondreSupprimerahh voilà ce que cachait le mot "rééducation, nous y voilà" jeté ailleurs... !! qu'est ce qu'on peut être d'accord sur tout!! je me demande si je ne vous lis pas trop vite??
RépondreSupprimer(McCoy Tiner présentement..)
Ah le plaisir de voir les terrasses débarrassées de ces pédants qui nous gènent tandis que nous fumons calmement en plein air !
RépondreSupprimerSans déconner, ça y est, maintenant aux terrasses et devant les bureaux et les magasins, on se fait râler dessus aussi !!!
Pour les TBMGTI, je suis plutôt d'accord avec la macération volontaire et leur facheuse tendance à tout recentrer sur ce qui parait un problème mais bien entendu, vous êtes bien plus excessif que moi !
:-)
excellente idée de l'excellente Catherine. Bien que non fumeur, la logique de votre proposition me paraît indépassable... Et donc m'agrée.
RépondreSupprimerQuant au site que vos citez, j'y ai passé une petite heure, hier, à lire les commentaires, et c'est vrai que la fraîcheur et la décontraction n'y sont pas vraiment de mise.
Ouah, le monde n'est que douleur !
Cher Didier Goux (oui, va y avoir un merci..) votre billet -- la nuit portant conseil sûrement-- m'a puissamment aidé à résoudre un problème épineux (pas de jeu de mots plz ) qui me pourrissait tangentiellement la vie depuis le mois de juillet... donc merci, merci merci (comme disait Zawinul.. bien sûr et place à la vérité..
RépondreSupprimerD'un côté les filles aux "seins libres et aux cheveux gras", de l'autre Marilyn, y'a pas photo.
RépondreSupprimerPoo poo pi doo.
Vous m'avez fait sourire avec le "TBMGTI" cher monsieur Poireau, était-ce volontaire ou non, mais avec ces sigles ridicules, s'en moquer avec cette bonhomie me plaît beaucoup.
RépondreSupprimerAnna R
Didier : c'est vous le LGBTI ! Le Grand Blogger Très Intéressant. Et surtout, ne changez pas de carburant ! ;))
RépondreSupprimerVous allez voir, bientôt ce sera comme au Québec. Interdit de fumer à moins de 10 mètres d'un édifice public. Comme dit mon ami Jacquelin " kriss, ils veulent-tu qu'on aille fumer sur la ligne jaune au milieu de la rue ? "
RépondreSupprimerDidier, quand vous voyez au bout d'un quai SNCF - en plein air, très venté - une grande pancarte indiquant (je cite de mémoire) : "nous vous rappelons que cet espace public est non fumeur", vous vous dites qu'il y a quelque chose de complètement déglingué dans le "royaume" de France.
RépondreSupprimerGeargies : ravi d'avoir pu vous être utile !
RépondreSupprimerPoireau : c'était tout à fait prévisible, c'est le deuxième étage de la fusée. (Et j'adore votre TBMGTI !)
Yibus : malheureux ! m'allez pas là-bas : vous allez gâter votre style...
Mère Castor : et s'il y a photo, que ce soit celle de Marilyn...
Emma : pareil !
Pluton : si, si, il faut savoir varier les carburants. Sinon, après, on s'attache...
Geneviève : vous êtes trop nicotinocentrée, ça vous jouera des tours...
Emma : oui, c'est exprès, bien entendu !
RépondreSupprimerRavi de vous faire sourire...
La Loi française stipule qu'on peut interdire de fumer dans les lieux publics fermés. Il me semble donc qu'un quai de gare doit rester fumeur, malgré le zèle des dévoués préposés aux amendes...
:-))
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerMerci pour la dédicace Monsieur Goux, c'est votre billet qui est vraiment excellent. J'en partage tous les "points de vue", comme toutes les "humeurs". Hélàs, je ne partage pas vos facilités littéraires -ou c'est vous qui ne les partagez pas avec moi :-)- (ce pourquoi il me faudrait au moins 40 plombes et 10 hectolitres d'excellent chablis pour écrire un tel billet. Et encore, je suis sûre qu'il enverrait quand même tout le monde chez l'ophtalmo !)
RépondreSupprimerBBL déménage aussi ces jours... Je ne pourrai me reconnecter qu'en fin de semaine, mais je pars rassurée, sachant que vous n'irez plus traîner dans ces prisons insalubres, dont la surpopulation devient véritablement inquiétante !!
Cher Monsieur Goux,
RépondreSupprimerc'est une fumeuse hétérocentrée (je sais que je cumule les tares et de plus j'aime bien le muscadet, entre autres..)qui vous parle : vos billets sont toujours parfaits, surtout ne changez rien !
bbl : je vous laisse vous débrouiller avec vos quarante heures d'écriture ! Mais je veux bien vous aider pour les dix litres de chablis...
RépondreSupprimerFulmicoton : une fumeuse hétérocentrée ? Il en existe donc encore ?
Joie ! pleurs de joie !
Quel délire! Délirer le monde et se convaincre qu'il est ainsi; derrière un écran. Quelle noble cause! Quelle grande vie!
RépondreSupprimerPasser sa vie à l'écart des hommes qui souffrent, des conditions qui leur sont faites, et les toiser, les mépriser. Quel noble passe temps!
A vous lire on se demande qui va au monde et qui est en cage.
Profitez bien de votre arrogance quand la facheuse viendra vous narguer et qu'elle toisera avec le même mépris que vous affichez l'Irremplaçable, il se pourrait alors qu'à votre porte, des hommes et des femmes que jusqu'alors vous méprisiez, compatissent. Ou rient. Vous jouez avec le feu petit homme qui se croit grand parce que son ignorance commence là où s'arrête la Vie des autres. Un jour viendra où la vôtre s'arrêtera pour de bon. Ne comptez pas sur l'excellente bbl pour verser une larme. Elle sera contrarié de perdre son flatteur, sous la soutane duquel bat ce vibrant hommage à la femme distinguée par l'odeur de vos couilles.
C'est pathétique.