Mais oui, je sais bien que j'arrive après la bagarre... Évidemment, ce n'est pas pour ses qualités artistiques que l'on peut apprécier ce film. Et pas davantage pour la toujours crispante Adjani, laquelle, à force de “retouches” esthétiques, finit par ressembler à tout ce qu'on veut sauf à Isabelle Adjani. Mais qu'une telle chose ait pu être tournée et diffusée indique – et c'est tant mieux, louons le Seigneur – que la farandole de nos chers idéologues n'est pas encore tout à fait bouclée : il reste des accrocs dans la trame de la bien-pensance. Ce qui m'a surtout frappé, c'est à quel point ce film vespéral entrait en résonance avec ce texte que l'Irremplaçable m'avait rappelé, l'après-midi même :
« Voici quelque temps j'ai lu dans le journal que des enseignants sont tombés sur un questionnaire qui avait été envoyé dans les années trente à un certain nombre d'établissements scolaires de tout le pays. Donc ils ont eu entre les mains ce questionnaire sur les problèmes rencontrés par les enseignants dans leur travail. Et ils ont retrouvé les formulaires qui avaient été remplis et renvoyés par des établissements de tout le pays en réponse au questionnaire. Et les plus gros problèmes signalés c'étaient des trucs comme parler en classe et courir dans les couloirs. Mâcher du chewing-gum. Copier en classe. Des trucs du même tabac. Alors les enseignants en question ont pris un formulaire vierge et en ont imprimé un paquet et ont envoyé les mêmes formulaires aux mêmes établissements. Quarante ans plus tard. Voici quelques-unes des réponses. Les viols, les incendies volontaires, les meurtres. La drogue. Les suicides. Alors ça m'a fait réfléchir. Parce que la plupart du temps chaque fois que je dis quelque chose sur le monde qui part à vau-l'eau on me regarde avec un sourire en coin et on me dit que je vieillis. Que c'est un des symptômes. Mais ce que je pense à ce sujet c'est que quelqu'un qui ne peut pas voir la différence entre violer et assassiner des gens et mâcher du chewing-gum a un problème autrement plus grave que le problème que j'ai moi. C'est pas tellement long non plus quarante ans. Peut-être que les quarante prochaines années sortiront certains de leur anesthésie. Si c'est pas trop tard. »
Cormac McCarthy, No Country for old men, Points, p. 185-186.
Heureusement, ça se passe chez ces sauvages d'Américains ! Et puis, il est bien connu que les romanciers parlent souvent sans savoir...
« Voici quelque temps j'ai lu dans le journal que des enseignants sont tombés sur un questionnaire qui avait été envoyé dans les années trente à un certain nombre d'établissements scolaires de tout le pays. Donc ils ont eu entre les mains ce questionnaire sur les problèmes rencontrés par les enseignants dans leur travail. Et ils ont retrouvé les formulaires qui avaient été remplis et renvoyés par des établissements de tout le pays en réponse au questionnaire. Et les plus gros problèmes signalés c'étaient des trucs comme parler en classe et courir dans les couloirs. Mâcher du chewing-gum. Copier en classe. Des trucs du même tabac. Alors les enseignants en question ont pris un formulaire vierge et en ont imprimé un paquet et ont envoyé les mêmes formulaires aux mêmes établissements. Quarante ans plus tard. Voici quelques-unes des réponses. Les viols, les incendies volontaires, les meurtres. La drogue. Les suicides. Alors ça m'a fait réfléchir. Parce que la plupart du temps chaque fois que je dis quelque chose sur le monde qui part à vau-l'eau on me regarde avec un sourire en coin et on me dit que je vieillis. Que c'est un des symptômes. Mais ce que je pense à ce sujet c'est que quelqu'un qui ne peut pas voir la différence entre violer et assassiner des gens et mâcher du chewing-gum a un problème autrement plus grave que le problème que j'ai moi. C'est pas tellement long non plus quarante ans. Peut-être que les quarante prochaines années sortiront certains de leur anesthésie. Si c'est pas trop tard. »
Cormac McCarthy, No Country for old men, Points, p. 185-186.
Heureusement, ça se passe chez ces sauvages d'Américains ! Et puis, il est bien connu que les romanciers parlent souvent sans savoir...
C'était pas un "chewing-gum" mais un préservatif utilisé pour un viol qu'il tentait de faire disparaitre en le mastiquant.
RépondreSupprimerOh la la, vous y avez mis le temps.
RépondreSupprimerVous vous rappelez les débats sur le Net ? Les professeurs qui disaient "moi j'ai des problèmes aussi avec des élèves musulmans", ils se faisaient canarder. Et puis, il y a eu la bande vidéo de l'agression du jeune homme à l'écharpe écossaise, dans le bus. On prétendait que c'était un fake. Et puis comme ce n'en était pas un, on a dit que c'était un scandale que ça puisse être montré, qu'allaient penser les gens, après, s'ils se faisaient des idées ?
Et je ne sais pas si je me trompe, mais j'ai l'impression que ceux qui disent juste "j'ai pris le bus et j'étais le seul type apparemment français dedans" en ont un peu marre qu'on les traite de racistes primaires, de pollueurs du vivre ensemble, et que le catéchisme béat passe de moins en moins. (il y a un article du Monde en ce sens, une journaliste s'étonne que les lecteurs commentateurs "décomplexés" soient de plus en plus nombreux.)
Je suis en train de discuter des "collèges difficiles" avec le privilégié, nous ne sommes pas tellement d'accord.
Suzanne : le jour où vous serez d'accord avec Mathieu, je commencerai à sérieusement m'inquiéter pour vous !
RépondreSupprimerAh, je viens de cliquer chez Mathieu. Ce garçon (et ses deux acolytes aussi) me sidérera toujours ! Les charmes de la diversité ethnique induite de la diversité des paysages : ça, il fallait oser !
RépondreSupprimerDidier : tsst, j'aime bien discuter avec lui, et lui aime bien discuter avec tout le monde.
RépondreSupprimer@ Didier : quoi, vous ne lisez plus automatiquement mon blog. Il faut que Suzanne vienne vous chercher maintenant ?
RépondreSupprimerVous êtes moins masochiste que je ne le pensais...
Suzanne : mais oui, moi aussi, j'aime bien !
RépondreSupprimerMathieu : si, si, je viens systématiquement. Mais je m'efforce de ne plus intervenir. Vous êtes mon exercice de volonté, mon défi d'abnégation.
Mathieu L : remerciez-moi au moins de vous lier et vous propulser ainsi au wikio !
RépondreSupprimer@ Didier : vous êtes un modèle de maîtrise de soi...
RépondreSupprimer@ Suzanne : c'est vrai que je suis en haut du Wikio grâce à la réacosphère. Je vous remercie de me permettre d'émerger parmi tous ces blogs de gauchistes.
Par contre, n'essayez pas "entre les murs", vous n'y survivrez pas !
RépondreSupprimerOuah ! l'autre : chuis pas maso, non plus !
RépondreSupprimerMathieu : Et vous devez votre haute position dans le Wikio grâce à tous ces pots de liens... Honte ! Si les rouges savaient ça !
RépondreSupprimerPierre R.R
RépondreSupprimerEntre les murs (prix France Culture rappelons-le), est lisible. J'ai cru que c'était un pamphlet contre les enseignants, tant les profs qu'on voit évoluer en salle des profs sont bêtes, infantiles, incultes. On lit ça, on se dit "tiens, c'est normal qu'ils aient des élèves comme ça". Le film ne rend pas du tout cet aspect des choses.
Si les rouges savaient ça, Isabelle
RépondreSupprimerIsabelle, si les rouges savaient ça
A ta place dans le wikio, tu n'aurais plus jamais droit
Isabelle si les rouges savaient ça...
@ Suzanne : ils le savent, très chère. Tout le monde sait que je suis bien classé au Wikio grâce à Nicolas, aux libéraux et aux réactionnaires.
RépondreSupprimerEn fait, les gauchistes ne me lisent pas...
Ouais, mais c'est McCarthy. C'est la division au-dessus tout de même... (sans vous faire insulte, ni rien). Rien que la tournure de cette pensée, ça vous file le tournis, comme une digue qui cède...
RépondreSupprimerCette phrase en coup de poing : "Mais ce que je pense à ce sujet c'est que quelqu'un qui ne peut pas voir la différence entre violer et assassiner des gens et mâcher du chewing-gum a un problème autrement plus grave que le problème que j'ai moi." ; c'est quand même ébouriffant.
(simple remarque pour faire chier)
Vous confondriez pas l'auteur et le narrateur ?
Il faut être optimiste et penser aux questionnaires d'aujourd'hui, qu'on retrouvera dans les ruines de demain.
RépondreSupprimerLe Coucou : c'est triste ce que vous dites.
RépondreSupprimer@Suzanne: pas forcément, quand on fait dans la science-fiction, on se plante toujours. On peut voir ça avec humour —un peu noir, c'est tout.
RépondreSupprimerDorham : narrateur ou auteur ? C'est toute l'ambiguïté du roman, bien sûr. Il n'empêche que les choses sont dites.
RépondreSupprimerLe Coucou : les questionnaires de demain seront forcément plus brillants, puisque nos amis professeurs (ceux qu'on entend le plus en tout cas) ne cessent de nous affirmer que le niveau monte.
Didier: non, ne parlez pas des professeurs en bloc. Justement, le bloc se fissure. Il y a globalement de moins en moins de langue de bois, et c'est tant mieux.
RépondreSupprimer"Dorham : narrateur ou auteur ? C'est toute l'ambiguïté du roman, bien sûr. Il n'empêche que les choses sont dites."
RépondreSupprimerElles sont dites, certes, mais ces phrases précisément et toutes celles qui dans le roman sont du même genre, sorte de réflexions filées, désabusées d'un homme qui ne comprend plus le monde dans lequel il vit et a vêcu (parce qu'il évolue selon lui en dépit de la raison), sont là pour camper, définir, affiner, sculpter le personnage. Pas pour faire tribune. Parce que c'est aussi le dessein du roman, que de confronter un homme doux mais de jugement, pour qui les choses sont simples et lapidaires, à la violence effarante du monde.
D'ailleurs, il y a chez cet homme plus que du simple dépit, plus que de la simple angoisse. Plus qu'une charge contre la déliquescence du monde, il y a une mise en pièces de ce que l'on pourrait appeler le relativisme, et donc la réaffirmation ferme de l'existence du mal et donc du bien, le refus (en effet) de la demi-mesure et de l'aveuglement. Selon moi, cela va bien plus loin.
Il y a aussi chez lui une forme très belle et émouvante de mélancolie, les passages qui traitent de sa relation avec son épouse sont éblouissants de beauté et de bonté. Et ils laissent imaginer que le monde n'est pas si pourri.
Naguère, Dorham était dans la blogroll de Didier sous l'appellation "le Rital généreux".
RépondreSupprimerDorham : pourquoi faut-il toujours que vous abordiez un sujet intéressant quand je suis en plein Brigade (et à la bourre) ? Comment voulez-vous que, d'une main, je parle sérieusement avec vous quand, de l'autre, je suis en train de noyer une adolescente à poil dans un gâteau plein de chantilly ?
RépondreSupprimerSuzanne : il en a disparu quand il a annoncé la fermeture de son blog...
Didier, c'est de votre faute, vous aviez qu'à pas parler de McCarthy !
RépondreSupprimerPour le reste, bon courage, vous allez y arriver comme toujours, faites pas vot' chochotte !
Nous sommes, semble-t-il, dans un système où la commercialisation des produits vampirise les facultés d'attention, pompe la capacité cognitive et affective. Et il ne reste plus rien pour la relation avec l'autre. Phénomène d'harpagonisation de masse. Donc plus de pression sociale (d'injonction à posséder), plus de violence.
RépondreSupprimer