Dans Maîtres et complices, paru en 1994, Gabriel Matzneff parle de ses écrivains de chevet ; ce sont ses Exercices d'admiration à lui – du reste Cioran en fait partie, c'est même lui qui clôt le volume. Dans le chapitre qu'il consacre à Baudelaire, Matzneff écrit ceci :
« Si Baudelaire a été inculpé, jugé et condamné, c'est en effet à la suite d'une campagne de presse haineuse, calomniatrice, qui voulait le faire passer aux yeux du public pour un pervers et un débauché, donner de lui une image odieuse. À Paris comme à Bruxelles, des journalistes se sont conduits envers lui comme d'abjects sycophantes, principalement un certain Bourdin dans le Figaro et, huit jours plus tard, toujours au Figaro, un nomme Habans. (...)
« Il y avait aussi une Belge surexcitée qui, au nom de l'ordre moral, s'indignait de ce que cet ogre, ce mangeur de petits enfants, ne fût ni censuré ni jeté en prison :
“Dans un poème particulièrement insoutenable, Delphine et Hippolyte, on voit une femme débaucher, pervertir, une innocente collégienne de treize ou quatorze ans. De telles pages ne relèvent pas de la critique littéraire mais de la brigade des mœurs. Que fait la Justice ? L'impunité dont, sous prétexte de littérature, semble jouir M. Charles Baudelaire scandalise tous les Français honnêtes.” »
Que fait la Justice ? Ce cri, cette plainte pleurnicheuse, on n'entend désormais plus que cela, en particulier dans la blogosphère qui menace de se transformer en le greffe des tribunaux à venir, toujours plus nombreux, drainant un public toujours plus enthousiaste, puisque, selon la prédiction de Bernanos, notre soif de justice a déjà commencé de ravager le monde. Quant à la “Belge surexcitée”, on voit très bien se dessiner sa silhouette. On arrive même sans peine, à travers ses propos, à lui restituer les différents pseudonymes qui sont désormais les siens dans notre virtuelle Inquisition.
Je sais bien ce qu'on va me dire : Mais Polanski n'est pas Flaubert ! Et encore moins Frédéric Mitterrand Baudelaire ! Sans doute. Mais je ferai observer qu'en 1857 Baudelaire lui-même n'était Baudelaire que pour une à peine poignée de gens. Pour les autres, les innombrables autres, il n'était qu'une sorte de monstre crachant à la face du Bien communément admis comme tel.
Encore une fois, je ne prends pas la défense du cinéaste ni du ministre, pour la bonne raison que je m'en fous. Je me borne à constater, en rapprochant les envolées, en comparant les indignations, que les âmes des bigots du XIXe peuvent reposer en paix et satisfaction : leurs rejetons semblent être à la hauteur de l'héritage reçu.
« Si Baudelaire a été inculpé, jugé et condamné, c'est en effet à la suite d'une campagne de presse haineuse, calomniatrice, qui voulait le faire passer aux yeux du public pour un pervers et un débauché, donner de lui une image odieuse. À Paris comme à Bruxelles, des journalistes se sont conduits envers lui comme d'abjects sycophantes, principalement un certain Bourdin dans le Figaro et, huit jours plus tard, toujours au Figaro, un nomme Habans. (...)
« Il y avait aussi une Belge surexcitée qui, au nom de l'ordre moral, s'indignait de ce que cet ogre, ce mangeur de petits enfants, ne fût ni censuré ni jeté en prison :
“Dans un poème particulièrement insoutenable, Delphine et Hippolyte, on voit une femme débaucher, pervertir, une innocente collégienne de treize ou quatorze ans. De telles pages ne relèvent pas de la critique littéraire mais de la brigade des mœurs. Que fait la Justice ? L'impunité dont, sous prétexte de littérature, semble jouir M. Charles Baudelaire scandalise tous les Français honnêtes.” »
Que fait la Justice ? Ce cri, cette plainte pleurnicheuse, on n'entend désormais plus que cela, en particulier dans la blogosphère qui menace de se transformer en le greffe des tribunaux à venir, toujours plus nombreux, drainant un public toujours plus enthousiaste, puisque, selon la prédiction de Bernanos, notre soif de justice a déjà commencé de ravager le monde. Quant à la “Belge surexcitée”, on voit très bien se dessiner sa silhouette. On arrive même sans peine, à travers ses propos, à lui restituer les différents pseudonymes qui sont désormais les siens dans notre virtuelle Inquisition.
Je sais bien ce qu'on va me dire : Mais Polanski n'est pas Flaubert ! Et encore moins Frédéric Mitterrand Baudelaire ! Sans doute. Mais je ferai observer qu'en 1857 Baudelaire lui-même n'était Baudelaire que pour une à peine poignée de gens. Pour les autres, les innombrables autres, il n'était qu'une sorte de monstre crachant à la face du Bien communément admis comme tel.
Encore une fois, je ne prends pas la défense du cinéaste ni du ministre, pour la bonne raison que je m'en fous. Je me borne à constater, en rapprochant les envolées, en comparant les indignations, que les âmes des bigots du XIXe peuvent reposer en paix et satisfaction : leurs rejetons semblent être à la hauteur de l'héritage reçu.
La soif de justice, ou la colère des imbéciles ?
RépondreSupprimerde toute façon, une fois de plus, le mur du çon vient d'être franchi par BHL dans Libé. .......
RépondreSupprimerTachons de rendre au moins esthétique cette polémique crue mais bouillante.
L'esthétique c'est ce qui nous reste quand la raison est folle.
Bon je vais piocher du coté de Goebbels pour frapper fort....
À cette différence près (mais elle me semble de taille) que les Bourdin, Habans et autres Belges surexcitées d’aujourd’hui poussent le raffinement jusqu’à se faire les champions de la liberté de ton et prétendent vomir les Pinard et Marquis de Queensberry qu’ils imitent pourtant si impeccablement. Autrement dit : c’est beaucoup plus drôle !
RépondreSupprimerLa différence majeure étant que Baudelaire ne faisait qu'écrire - il n'était pas une femme adulte débauchant une adolescente. (Je crois.)
RépondreSupprimerPersonne n'incrimine Polanski pour le contenu de ses films, mais pour un procès qu'il a fuit. (Je crois.)
Quant à Mitterand, là encore il ne s'agit pas de censurer son livre, mais de se demander s'il a sa place au gouvernement après qu'il ait, non seulement révélé de telles choses sur lui même, mais surtout qu'il ait plusieurs fois uttilisé son statut pour défendre des violeurs-soupçonnés. (Je... Non rien.)
Enfin, je me suis interrompue trop vite, mais la conclusion est celle-ci: vouloir interdire des écrits sous prétexte d'immoralité est une chose ; souhaiter que des hommes n'échappent pas à la justice grâce à leur célébrité/talent/etc en est une autre.
RépondreSupprimerEt faire croire qu'il y a, dans ces deux affaires, "censure", "intrusion dans la vie privée", c'est de la mauvaise foi.
Vous vous en foutez de Mitterrand ? mais vous le comparez quand même à Beaudelaire;
RépondreSupprimerBeaudelaire ? mais même un boxeur thai de 40ans sait que Beaudelaire écrit mieux de Miterrand.
un boxeur thaï de 40 ans? jean claude van damme?? geargies
RépondreSupprimerClarissa : encore une fois, je ne parle ni vraiment de Baudelaire, ni vraiment de Polanski-Mitterrand : mon sujet est la profonde similitude entre les ordres moraux de deux époques, dont la deuxi!ème, pourtant, se pense aux antipodes de la première.
RépondreSupprimerBeam : les boxeurs thaïs de 40 ans savent également que l'on orthographie BAUdelaire...
Une note bien sous tous rapports.
RépondreSupprimerEt un drôle de titre...
Et merde, pour une fois, je suis presque d'accord avec les écrits de Dgoux, tout fout le camp !
RépondreSupprimerboha
RépondreSupprimerDidier Goux....petit malandrin du débat... en charentaises ( en poils de chameau de Bactriane ou en peau de fouine enragée ?)
je me méfierais de Gabriel Matzneff quand il prend la défense de certains hommes (poursuivis) à cause des femmes... car il n'est pas forcément très lucide (les femmes, la mère... ça l'aveugle quelque peu); pourtant, en ce qui concerne l'affaire Polanski je l'ai trouvé plus que pertinent, l'un des seuls à s'être exprimé intelligemment (ce qui, en l'occurrence, était plutôt risqué le concernant).
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