La factrice (facteure, en français modernœud) a déposé il y a un peu plus d'une heure deux livres dans la boîte idoine : L'Avenir radieux, d'Alexandre Zinoviev, que j'ai remisé pour plus tard – ce qui est bien le moins pour un avenir, surtout radieux – et La Carte et le Territoire, le nouveau roman de Michel Houellebecq. J'ai commencé par pester contre l'éditeur, Flammarion, pas même foutu de composer un titre en respectant les règles typographiques, puisqu'il a choisi d'écrire : La carte et le territoire – ou alors c'est pour “faire genre”. Puis, je me suis avisé de ce que ce titre avait d'étrangement camusien, impression renforcée dès la première page où l'on découvre le personnage principal aux prises avec une chaudière récalcitrante, et pestant contre les plombiers incapables de respecter leur propre parole en honorant les rendez-vous qu'ils ont eux-mêmes fixés. Puis, j'ai commencé à lire.
Je ne vous dirai bien entendu rien de ce roman, n'en ayant pas dépassé les quinze premières pages. Mais en voici tout de même un court extrait, d'un houellebecquisme toujours revigorant, surtout lorsqu'on a passé cinquante ans :
« Une demi-heure plus tard, sans même qu'une pensée ait traversé son esprit, Jed raccompagna son père jusqu'à la station de taxis. Il n'était que dix heures du soir, mais Jed savait que les autres pensionnaires de la maison de retraite considéraient déjà son père comme un privilégié ; d'avoir eu quelqu'un, quelques heures, pour Noël. « Vous avez un bon fils... », lui avait-on déjà fait, à plusieurs reprises, remarquer. Après son entrée en maison de retraite médicalisée, l'ancien senior – devenu, de manière enfin irréfutable, un vieux – se retrouve un peu dans la position de l'enfant pensionnaire. Parfois, il a des visites : c'est alors le bonheur, il peut découvrir le monde, manger des Pépito et rencontrer le clown Ronald McDonald. Mais, le plus souvent, il n'en a pas : il erre alors tristement, entre les poteaux de handball, sur le sol bitumeux du pensionnat déserté. Il attend la libération, l'envol. » (P. 25.)
Bon, j'y retourne.
Je ne vous dirai bien entendu rien de ce roman, n'en ayant pas dépassé les quinze premières pages. Mais en voici tout de même un court extrait, d'un houellebecquisme toujours revigorant, surtout lorsqu'on a passé cinquante ans :
« Une demi-heure plus tard, sans même qu'une pensée ait traversé son esprit, Jed raccompagna son père jusqu'à la station de taxis. Il n'était que dix heures du soir, mais Jed savait que les autres pensionnaires de la maison de retraite considéraient déjà son père comme un privilégié ; d'avoir eu quelqu'un, quelques heures, pour Noël. « Vous avez un bon fils... », lui avait-on déjà fait, à plusieurs reprises, remarquer. Après son entrée en maison de retraite médicalisée, l'ancien senior – devenu, de manière enfin irréfutable, un vieux – se retrouve un peu dans la position de l'enfant pensionnaire. Parfois, il a des visites : c'est alors le bonheur, il peut découvrir le monde, manger des Pépito et rencontrer le clown Ronald McDonald. Mais, le plus souvent, il n'en a pas : il erre alors tristement, entre les poteaux de handball, sur le sol bitumeux du pensionnat déserté. Il attend la libération, l'envol. » (P. 25.)
Bon, j'y retourne.
Ça c'est une bonne nouvelle !
RépondreSupprimerFaut lui dire de rentrer chez lui, au petit vieux.
RépondreSupprimer"Son logement est petit bourgeois, presque austère. Les peintures n'ont pas été refaites depuis l'assassinat de Sadi Carnot, les meubles cirés sentent le vieux. C'est plein de tentures qu'on n'a pas battues depuis leur majorité, de cache-pots, de plantes vertes pas vertes, de lustres à franges, de perlouzes et d'objets marocains.
Il nous drive jusqu'à la salle à manger. Les stores sont fermés et attachés à la barre d'appui avec du fil de fer, ce qui indique qu'on les remonte une fois bar millénaire ; on se croirait dans un sanctuaire.
- Qu'est-ce que c'est, chéri ? demande une voix chevrotante.
- Des amis, maman, ne t'inquiète pas, répond le vieux crabe avec componction.
Il baisse le ton :
- Maman est rentrée de la campagne, dit-il à Berthy.
Je le découvre soudain sous un autre aspect. Ce n'est plus le vieux salingue qui fourrageait sous les jupes des dames quelques heures auparavant (et au paravent) mais un vieux, très vieux garçon vivant avec sa maman. San Antonio avec trente ans de plus, quoi !"
San-Antonio Chez les "Gones"
Commissaire San-Antonio
Editions "Fleuve Noir"
Ca donne envie ! si, si !
RépondreSupprimerL'ayant lu, il conviendrait de se renseigner pour savoir si l'absence de majuscule à carte et à territoire ne relève pas tout simplement d'une volonté de l'auteur.
RépondreSupprimerCorto : en ayant lu les deux tiers (au lieu de travailler...), je puis dire que celui-ci est nettement meilleur que le précédent. Mais ce n'est pas encore le grand roman que je m'obstine à attendre de Houellebecq.
RépondreSupprimerChristophe : possible en effet. Mais pourquoi ?
Ça me fait penser que j'ai (presque) débuté ma vie en pensionnaire. J'espère que ça finira trop court pour recommencer. Pas encore lu…
RépondreSupprimerah non R Camus n'y est pour rien, l'expression la carte et le territoire vient de la PNL (Programmation neuro linguistique) c'est l'idée que la carte, c'est à dire notre pensée n'est qu'une transcription forcément infidèle de la réalité le territoire.
RépondreSupprimerJe suis aussi en train de lire ce livre.
RépondreSupprimerCe message juste pour vous dire que Houellebecq sera l'invité de Finkielkraut samedi prochain, à 9h10 sur France culture : http://www.franceculture.com/emission-repliques-la-carte-et-le-territoire-2010-09-11.html.
Pascale G.
Le Coucou : j'espère aussi, pour ce qui me concerne.
RépondreSupprimerOlympe : c'est que Camus est fasciné par cette idée d'une carte qui serait tellement détaillée qu'elle en arriverait à faire la même taille que le territoire, à le recouvrir entièrement.
Pascale : merci ! je vais tâcher de ne pas oublier, le moment venu.
Bonjour Olympe, bonjour Didier,
RépondreSupprimerje proteste, ce ne sont ni l'un ni l'autre. La PNL est dérivée de la sémantique générale d'Alfred Korzybski, auteur de la phrase par qui cette discussion arrive : "La carte n'est pas le territoire". Il parlait bien sûr et avant tout du mot et des choses.
Vous remarquerez que ce qui fascine Camus est donc la possibilité, justement, que cette phrase puisse être fausse, au moins en certaines occasions. On reconnaît bien là son "cratylisme" : l'idée que les mots et les choses devraient se rapprocher tant que faire se pourrait (ou au moins, cesser de dériver loin l'un de l'autre).
"Mais ce n'est pas encore le grand roman que je m'obstine à attendre de Houellebecq."
RépondreSupprimerJe crains malheureusement qu'il ne soit écrit depuis 1994 : Extension du domaine de la lutte. Indépassable, à mon avis.
Ah bon ! Parce que vous vous permettez d'attendre quelque chose d'un auteur ?
RépondreSupprimerC'est tout à fait scandaleux, vous avez raison de le signaler anonymement.
RépondreSupprimerJ'ai été déçu par ce roman, que j'ai trouvé longuet et creux. Dommage.
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