Ce que j'aime, dans cette musique, que j'écoute en ce moment même, celle de Jérôme Vallet, c'est à la fois sa violence et sa bouffonnerie, les deux se mêlant dans une sorte de contrepoint, parfois doux (très), parfois violent (très aussi). Tout artiste est bouffon, et c'est même sans doute à cela qu'on peut le reconnaître. Un musicien sérieux (ou un écrivain, ou un peintre) sera toujours une grosse merde, surtout s'il se vend comme "provocateur", ou encore comme "rebelle", voire comme "iconoclaste". Un artiste est un bouffon. Pur. Il fait rire, y compris et surtout avec son malheur propre. Il se fout du lien social, de votre solidarité, de la tolérance obligatoire – il cherche juste à s'élever au-dessus de vous, de moi. Un artiste est forcément un type désagréable, de ce point de vue : il sait que certains humains sont supérieurs à d'autres, et c'est bien ce qu'il veut être : supérieur à vous, et à moi. Et, en général, il y parvient.
Je parle des véritables artistes : de ceux qui pratiquent un art. Pas des chanteurs, des bidouilleurs de BD, des rockers, des auteurs de polars, etc. Non, non : des artistes. De ces gens qui nous dépassent, de ces gens supérieurs que, pour cette raison même, vous ne supportez pas, à cause de cette brûlure qu'ils vous occasionnent par leur existence même.
Mais j'ai dévié. Je voulais au départ parler d'une science du contrepoint, dans cette musique que j'écoute. Mais naturellement, personne n'est moins qualifié que moi pour parler de contrepoint.
Il reste que la porte est ouverte, et qu'il pleut, et que cette pluie qui tombe se marie parfaitement avec la musique que j'écoute.
Je ne trouve pas, que vous soyez le moins qualifié pour parler de contrepoint. Je me retrouve absolument dans la description que vous faites de ma musique. Le contrepoint est une passion, en effet, une passion exigeante, qui parle en toutes les langues et à toutes les heures du jour et de la nuit. C'est la raison (une des raisons), je crois, qui m'a fait tellement aimer Glenn Gould. (Connaissez-vous, à propos, ses émissions de radio ?)
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RépondreSupprimerAh, non, je ne connais pas. Mais je suppose que ce doit être en anglais ?
RépondreSupprimerOui, mais ça n'a aucune importance, en l'occurrence. Je ne sais pas si ça se trouve dans le commerce : il y avait The Idea of North et The Latecomers, peut-être d'autres choses encore que je connaîtrais pas. Il s'agit d'un art radiophonique (Hörspiel) tout à fait unique et fascinant, il compose les dialogues qu'il a enregistrés comme des contrepoints, justement. Je les avais, dans le temps, je ne sais pas ce que j'en ai fait. On en trouve quelques traces ici.
RépondreSupprimerMr Goux vous frisez l'idolatrie.
RépondreSupprimerCe Jérôme Vallet ne vaut pas une compile de Joe Dassin.
Joe Dassin… Et il fondit en larmes.
RépondreSupprimerCe que vous dites ne me semble pas faux, mais pour moi le bouffon ne peut pas être supérieur. A la rigueur égal, ce qui lui permet de traiter chacun selon sa vérité, ou bien inférieur à tous, ce qui lui permet de se rire de tout et de tous.
RépondreSupprimerVous devriez ouvrir un bistrofilo, ou un truc du genre. Je viendrais avec ma paire de Schoeps.
RépondreSupprimer"Dans L’année du tigre, vous écrivez : « les musiciens et les musiciennes sont pour moi des dieux et des déesses. » Qu’est-ce qui vous fascine tant chez les musiciens qu’il n’y a pas chez les écrivains et les philosophes ?
RépondreSupprimerL’impossibilité de tricher, d’abord. De faire semblant. On peut faire semblant d’être écrivain (regardez autour de vous), d’être peintre, on peut organiser une exposition de peinture, c’est déjà plus difficile d’être architecte… mais musicien, interprète en tout cas, il faut déjà savoir jouer. Certains jouent sans connaître la musique : Django Reinhardt, par exemple. Mais ce n’est pas le problème. Avec la musique, on ne peut pas simuler. Il y a un rapport à la vérité, tout simplement.
Philippe Sollers dans la revue Classica (n° 37, novembre 2001)
ah ce Sollers toujours la blague à la bouche!! Django.. qui " joue sans connaitre la musique"!!! à moins bien sur que la citaztion soit fausse.. !!!
RépondreSupprimerIl voulait dire le solfège Geargies, mais vous l'aviez deviné.
RépondreSupprimerSinon, la citation est exacte. Autrement formulée, on la retrouve aussi dans La Guerre du goût et Discours parfait. Enfin bref.
Il me semble que le comédien, sur une scène, ne peut pas tricher non plus. On le sent tout de suite - je crois qu'on dit alors qu'il joue sur le métier, sauf qu'il en faut là comme partout, comme la toile du peintre ; ce qui compte, c'est ce qu'il y a dessus.
RépondreSupprimerLe rapport à la vérité : non, je penserais plutôt à la vérité elle-même, sans intermédiaire, toute crue et pourtant maîtrisée.
Ouais, ben, justement... le solfège c'est pas la musique..du tout.. ;-)
RépondreSupprimerGeargies, quand vous ne savez pas, taisez-vous.
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RépondreSupprimerSi si, Jimi Hendrix était un vrai artiste aussi, ne vous en déplaise. La preuve, 40 ans après il est encore là
RépondreSupprimerDidier, ça ne vous dirait pas de remplacer votre blogroll dont tout le monde se fout par une liste de choses à écouter (ouais une play list, mais je ne suis pas aussi fun que vous) ?
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RépondreSupprimerEt : "De ces gens qui nous dépassent, de ces gens supérieurs que, pour cette raison même, vous ne supportez pas, à cause de cette brûlure qu'ils vous occasionnent par leur existence même.
RépondreSupprimer" : pourquoi ce passage de "nous" à "vous" ?
Vous êtes tellement supérieur à moi ?
Franssoit : nullement. C'est juste que, moi, je supporte très bien les gens qui me sont supérieurs. J'aurais même tendance à rechercher leur compagnie.
RépondreSupprimerJoli billet !
RépondreSupprimerJe ne suis pas trop habituée à écouter ce style de musique, mais j'ai apprécié quelques morceaux sur son site, surtout "Richard travaille" (aussi pour le chien et le canapé Ikéa).
Mais ce que j'aime bcp chez lui ce sont ses images, je suis fan.
Aphrodite : je n'y étais pas habitué davantage que vous, c'est une vrai découverte. Et tout le disque où se trouve "Richard travaille" est remarquable, à mon sens : je ne peux que vous encourager à vous le procurer (chez le compositeur).
RépondreSupprimerAphrodite, si j'osais, je vous demanderais bien de quelles "images" vous parlez. De celles-ci ou de celles-là ?
RépondreSupprimerElle est malade, Aphrodite, ou bien elle a peur d'attraper quelque chose en me répondant ?
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