Je l'ai déjà dit, peu de choses m'agacent comme cette manie moderne consistant à éviter par tous les moyens de prononcer ou d'écrire les mots “mourir” ou “mort” – comme si la mort avait la peste. On part comme un vulgaire touriste en fin de location, on passe comme le café du matin, on décède bien administrativement, on disparaît tel un fantôme farceur à la pointe du jour nouveau – mais on ne meurt plus. Bien sûr, cela permet au moins quelques petites plaisanteries d'un cynisme bon enfant :
« Voilà déjà un an que ma chère Huguette a disparu… – Oh, vous tracassez pas, elle finira bien par sortir de sa cachette ! »
« Notre voisin a passé très vite. – Ah, ça, quand on regarde au prix il ne faut pas s'étonner si les couleurs ne tiennent pas! »
« Notre petite voisine est partie un soir sans dire un mot. – J'espère au moins qu'elle n'a rien emporté ? »
Etc.
Cependant, si la plupart de ces vocables sont à pleurer non de chagrin mais de pitié, le cas de disparition me semble un peu différent, introduire une nuance supplémentaire, parler soudain d'un peu autre chose que de la mort elle-même. Si un veuf dit : « Ça fait déjà presque un an mais je n'arrive toujours pas à me remettre de la disparition de ma pauvre femme… », il paraît qu'il parle sans doute moins de la mort de son épouse, de son passage de vie à trépas, que de ses conséquences, savoir le fait qu'elle n'est plus là, à son côté, dans toutes les petites circonstances de leur existence : lorsqu'il s'agit de choisir le programme télé du soir, d'aller pousser le chariot chez Carrefour, décider de ce qu'on fera “pour” les vacances, ainsi de suite. C'est-à-dire que, dans ces instants précis, ponctuels, il souffre moins de sa mort qu'en effet de sa disparition, du fait qu'elle ne soit plus là, à sa place habituelle.
C'est d'ailleurs peut-être pour cette raison que l'on enterre les morts et que l'on va leur faire visite en leurs cimetières : si ce pèlerinage n'est pas capable de les rendre à la vie, il tente au moins d'annuler, pour un moment, leur disparition.
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RépondreSupprimerLa mort... Avoir vu, une fois dans sa vie, comment l'on fait la fête aux Antilles à Toussaint dans les cimetières et la chose vous semble nettement moins sinistre; d'un coup, le mort et le mourir vous apparaissent nettement plus joyeux ( oups, j allais écrire festifs ). On va diner, danser et chanter sur la tombe des disparus que l'on se plait , une fois l an, à visiter.
RépondreSupprimerC'est à cela que m a fait penser votre billet, etrange, non?
Très juste. En réalité, la mort
RépondreSupprimerça nous emmerde à titre personnel.
En revanche c'est essentielement
la disparition des autres qui nous touche. Parfois elle nous plonge
dans une peine affreuse, parfois
elle nous propulse au comble de la joie (mais ça faut pas le dire,
jamais).
"Quand l'un de nous deux sera mort, j'irai fleurir ta tombe"
RépondreSupprimerDuga
Sans compter les fats qui vous toisent avec condescendance si d'aventure vous utilisez devant eux le verbe "mourir" pour des êtres humains : pour ces prétentieux, le seul verbe approprié est "décéder". "Mourir" serait réservé aux animaux.
RépondreSupprimerUn Passant
Alors que, pour les animaux, il y a déjà crever…
RépondreSupprimermourir, c'est partir un peu.
RépondreSupprimerDans "disparition" il y a la notion d'absence, quelque chose qui nie l'irreversabilité.
RépondreSupprimerIrréversibilité...
RépondreSupprimer« "Mourir" serait réservé aux animaux... Alors que, pour les animaux, il y a déjà "crever" » (échange entre l'Anonyme et Didier Goux, 27 octobre 2011 en soirée)
RépondreSupprimerOn peut faire une constatation inverse pour pour le verbe tuer, que les gens qui causent dans le poste remplacent désormais fréquemment, avec le plus grand sérieux et sans sembler vouloir mettre là-dedans la moindre connotation crapuleuse ou argotique, par le verbe abattre (« Une plaque sera dévoilée à l'endroit même où le préfet Érignac fut abattu de trois balles en 1998 »), alors que ce dernier était autrefois réservé, dans le langage commun, aux animaux et, par analogie seulement, à des êtres humains (« Ils l'ont abattu comme un chien »).
Sinon, pour les circonlocutions autour du verbe mourir, je vous conseille cette séquence, au début du film Qui a tué Bambi ?, de Gilles Marchand, dans laquelle des élèves infirmières reçoivent un cours sur la façon d'annoncer à des parents la mort d'un enfant. Alors que les élèves, interrogées, proposent toutes sortes de tournures du genre « Il a disparu » ou « Il s'est éteint », l'infirmière qui leur donne le cours leur indique finalement qu'il n'y a en l'occurrence qu'une formule à employer si elles veulent être comprises par des parents qui feront tout , sinon, pour refuser l'évidence : « Madame, Monsieur, votre fils est mort. »
Elle a trop fait l'andouille,
RépondreSupprimerElle est morte Adèle.
Tuée par un sale ami ;
Y a pas que des gens bons.
Chieuvrou : excellente et fort juste observation ! (À propos de tuer et d'abattre.)
RépondreSupprimercrever, clamser, claboter, canner, claquer, conir mais aussi cronir, clapeter, caler, callancher, bezarder, baiser la camarde, aléser son cylindre, plus simplement succomber, expirer, trépasser, sourber, s'habiller de quatre planches, embrasser la carline, remercier son boucher, raidir, quimper, pêcher à la ligne dans le styx, rendre l'âme ou cracher son âme au choix, oublier de respirer, enfin mourir, mourir comme un con, mourir con, mourir bêtement, mourir de sa belle mort...
RépondreSupprimerComme en terre...,
RépondreSupprimerVous pratiquez la langue morte monsieur Goux, ça me réjouit figurez-vous ..
Comment aurai-je pu me taire devant une telle commémoration qui de grâce n'en faites pas usage outre mesure..., car l'on pourrait vous comprendre.
Je vous prie d'agréer mes bons sentiments.
Je m'en vais écouter Carmen.. me détendre.
Banalité confondante.
RépondreSupprimerEn complément à Farr
RépondreSupprimercasser sa pipe,
avaler son passeport,
passer l'arme à gauche,
Duga
"Mourir" serait réservé aux animaux.
RépondreSupprimerHohoho, mais plus du tout... On lit couramment "décéder", maintenant, dans la presse, pour des animaux...
C'est les droits de l'homme des animaux.
Quelle bête ce Robert Marchenoir !
RépondreSupprimerJe ne cèderai pas...
RépondreSupprimer(bises)
La Mort est comme un vêtement que tout le monde doit porter.
RépondreSupprimerProverbe Mandingue.
Crie de guerre de la Légion espagnole: "Viva la Muerté"; ils se nomment : "Les fiancés de la Mort". C'est pour cela que la chemise de leur uniforme est ouverte sur leur torse.
C'est souvent pour ce qui restent que la mort est plus difficile à supporter.
Comme le chantait Brel: " " Mourir cela n'est rien Mourir la belle affaire Mais vieillir... ô vieillir !", comment vieillir sans déranger les jeunes.