Hier soir, au cours de mon zapping-dodo…
Oui, alors, commençons par préciser certaines choses. Un zapping-dodo, ce n'est pas n'importe quoi. Bien sûr, le premier crétin aura compris qu'il s'agit, télécommande en main, de passer d'une chaîne à l'autre avant d'éteindre le téléviseur et d'aller se coucher. Mais ce n'est pas pour autant un simple balayage pré-dormition – il y a des règles. Notamment, le zapping-dodiste est requis de s'arrêter sur certaines chaînes, qui devront être prises au hasard parmi celles qu'il ne regarde jamais, qui sont a priori le plus éloigné possible de son petit univers mental habituel ; et il devra y rester plusieurs minutes – au minimum cinq – sans chercher à s'en évader. Un bon zapping-dodiste est ainsi capable, entre minuit et demie et une une heure, d'écouter sans l'interrompre un clampin lui délivrer le bulletin météorologique du lendemain pour le nord de l'Amérique latine, ou de compatir longuement aux difficultés pratiques que rencontre dans sa vie quotidienne un jeune Texan de 285 kilos. Cela posé, revenons à notre sujet.
Hier soir, au cours de mon zapping-dodo, je suis tombé sur une émission – j'ai oublié de noter le nom de la chaîne diffuseuse – consacré à l'historienne Mona Ozouf. On y parlait de sa jeunesse, de son métier de professeur, des livres qu'elle a pu écrire, seule ou avec son mari ou avec François Furet et d'autres – des choses comme cela. C'était intéressant.
Et, soudain, parce que son nom venait d'être prononcé, mais tout à fait en passant – Par Pierre Nora je crois bien –, j'ai senti fondre sur moi une profonde tristesse de la mort de Jacqueline de Romilly. Cela n'avait rien à voir avec un deuil personnel, bien entendu ; c'était tout de même quelque chose qui ressemblait à du chagrin, et intense ; le sentiment inopiné mais très dense d'une perte irréparable, de l'évanouissement dans le néant d'un esprit magnifiquement structuré et d'une richesse difficilement comparable. J'avais beau me dire qu'il restait ses nombreux livres sur la Grèce, que je n'en avais lu que deux ou trois, que je pouvais y puiser encore, rien n'y faisait. Parce que ce n'était pas tant des connaissances de Mme de Romilly que je portais le poids, à ce moment-là, mais plutôt de la manière unique, charnelle, dont elles étaient contenues et agencées entre elles, vivifiées dans ce cerveau-là, qui avait cessé d'être. Pendant plusieurs minutes cette mort m'a réellement scandalisé, et je ne ressentais rien d'absurde à cela. Même après que je fus me réfugier sur la chaîne météo, j'ai continué un assez long moment de porter ce deuil qui n'en était pas un. Et les vents de sept à huit beauforts qui soufflaient à cette heure de la soirée au large de Terre-Neuve ont eu beaucoup de mal à disperser les voiles de crêpe dont j'avais involontairement recouvert l'Athènes de Périclès et d'Anaxagore.
Ce n'est pas gentil de me foutre le cafard. Me rappeler que Jacqueline de Romilly est morte me file déjà le bourdon mais que ça me fasse penser à tous ceux qui ne sont pas encore morts -et qui le devraient s'il avaient un peu de pudeur- là, je trouve que c'est trop.
RépondreSupprimerJe suis très partageux, en matière de bourdon…
RépondreSupprimerJ'aime bien quand vous êtes ému monsieur Didier ça donne du baume au coeur.
RépondreSupprimerVous m'auriez dit Mona je vous aurai dit Lisa puisque Jacqueline, n'en déplaise à l'Entouré de gloire ou bien encore au chef de l'assemblée, je la découvre.
Je lis ..gore je pense Belphéghor, mon amour pour le Louvre, mon ivresse pour tout ce qui s'y trouve : la chair du temps.
Et comme dirait l'Autre : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme...
Si j'oserai, abuser, je vous relaterai bien une conversation mail que j'ai eu hier par mail dans l'Anonymat le plus courtois : tel était le propos " Pourquoi Attali..quand Marine ? " ...
Ce serait si long.
Moi, quand Didier Goux est ému, ça me donne soif.
RépondreSupprimerBourdon ou pas, le titre du billet est sublime.
RépondreSupprimerah ! C'est quand même autre chose que de pleurer sur la mort d'un toutou !
RépondreSupprimerVous êtes un émotif DG. Ou bien vous nous préparez une petite dépression.
RépondreSupprimerMoi, allez savoir pourquoi, ce sont certaines lumières qui me boulversent incompréhensiblement.
Ah ça, c'est du billet! Cela dit, méfiez vous, du zapping-dodiste on passe très vite au zappeur-dodu...
RépondreSupprimerJe pense à elle à chaque fois que j'entends une discussion à propos de "culture"; à elle, à Dumézil, à des gens comme eux...
RépondreSupprimerVous pouvez l'écouter à cette @
RépondreSupprimerhttp://www.forumuniversitaire.com/confecoutecat.php?cat=Histoire
Il y a pas mal de conférences à podcaster sur Canal académie, l'Ens, la Bnf, le Collège de france, France Culture...
Ensuite, vous les transférez sur un petit appareil MP3 et vous écoutez ça en marchant par exemple.
Duga
Il y a pas mal de conférences à podcaster sur ...
RépondreSupprimerPetite précision : ça concerne d'autres conférenciers que J de Romilly
Duga
Très beau billet, et bel hommage à une très grande dame.
RépondreSupprimerJ'en profite pour faire, une fois de plus, la "mijaurée" qui agace Suzanne, en vous remerciant de m'avoir fait connaître Fante dont j'ai commencé "Ask the dust" : il est impossible à mon avis de ne pas beaucoup perdre à la traduction....
(Pour ce qui concerne votre auteur hongrois, je pense tout de même me contenter de la VF^^)
C'est très beau ! Moi aussi, je pense souvent à elle, sur les chemins de la Sainte-Victoire...
RépondreSupprimerC'était intéressant.
RépondreSupprimerIl faut croire que ça manquait de souffle pour qu'une furtive évocation vous mette dans des états pareils.
Moi ça me fait ça avec Sarkozy: quand je l'entends je pense à Mitterrand.
Dxdiag: j'aurais du expliquer ce que j'entendais par "mijaurée", je le fais en deux mots: Jacques E et vous disiez avoir eu du plaisir à lire "Les Années", d'Annie Ernaux, tout en ajoutant quelque chose comme "bien qu'elle soit de gauche". C'est ça que je trouve mijaurée, d'ajouter en parlant d'un auteur qu'on ne partage pas ses opinions politiques ou qu'on ne cautionne pas pour autant le fait qu'il tabasse sa femme et ait mis à la Dass leurs neuf enfants. Finkielkraut avait fait ça, dans une émission consacrée à Toulet (qui a écrit des affreusetés sur l'homosexualité), et je trouvais que ça avait plombé inutilement l'émission. On n'a pas besoin de ce genre de précision, de justification ; enfin, on devrait n'en avoir jamais besoin.
RépondreSupprimerRien de plus.
Suzanne,
RépondreSupprimerVous avez bu ? Tenter d'expliquer quelque chose à cette pauvre fille...
Nicolas: mais puisqu'on parle de livres ! Tout de même !
RépondreSupprimerDe quoi ?
RépondreSupprimerDites, le vieux, vous pouvez pas activer la version iPhone de votre blog. Allez dans le menu "modèle".
RépondreSupprimerSuzanne : Vous semblez avoir une définition toute particulière du mot mijaurée...
RépondreSupprimerNico : couché ! (putain, les clebs qui marquent leur territoire ça fait chier.)
Dxdiag:
RépondreSupprimer"Vous n'êtes point de ces mijaurées qui ne savent seulement point entendre une plaisanterie (MIRBEAU, Journal d'une femme de chambre)"
Vous n'êtes point de ces mijaurées qui ne savent seulement parler d'un auteur de gauche sans vous excuser par avance de faillir à vos convictions, que cet auteur ne saurait entamer.
C'était le sens de mon commentaire, j'aurais pu dire "assumez vos lectures sans vous excuser, bon sang, ce sont juste des lectures".
(et si je m'explique mal, retenez juste que je n'avais pas l'intention d'être désagréable).
RépondreSupprimerSuzanne est très chouette.
RépondreSupprimerNon mais c'est vrai quoi ce n'est pas parce qu'on apprècie un individu, qu'on se lie même d'amitié ou encore d'amour qui sait.. qu'il faille adhérer à tout ce qu'il est.
Liberté !
Suzanne : vous n'êtes point de ces chichiteuses qui ne savent pas reconnaitre quand on plaisante sur le blog de Jacques Etienne ?
RépondreSupprimerLaissez moi faire de petites remarques sans importances avec des termes comme " extrêmement gauchiste "pour insister sur la caricature et de petits signes(^^) pour marquer qu'on plaisante, bon sang, ce sont juste des remarques au second degré.
"J'adore Ernaux... oh merde, elle est de gauche ! bon, tant pis, j'l'aime quand même LOL PDR"
Nicolas : vous m'expliquerez ça tout à l'heure, "en vrai"…
RépondreSupprimerPour l'instant, on va laisser les filles à leur dialogue de sourdes. (« Je les entendais ne pas s'entendre », Roland Barthes.)
Didier: mais non, c'est fini, et pardon; j'aurais mieux fait de m'expliquer sur le blog ad hoc, mais ce n'était pas grand-chose.
RépondreSupprimerAh mais ça ne me dérange pas du tout !
RépondreSupprimerla rencontre Mélanchon-Bayrou-Dupont-Aignan
RépondreSupprimer...en exclusivité bien sûr.
RépondreSupprimerZ'etes mort, le vieux ? Deux jours sans billet...
RépondreSupprimerPas d'idées…
RépondreSupprimerTiens, hier soir, à Bordeaux, j'ai assisté à une conf de Michel Onfray concernant son Bouquin sur Camus "L'ordre libertaire"
RépondreSupprimerIl a quasiment passé plus de temps à dire du mal de Sartre et de Notre Dame qu' à dire du bien de Camus
Vous qui lisez beaucoup, ça ne vous inspire pas, Camus, Sartre, l'oxymore du titre, la conformité entre la pensée et le comportement et toussa ?
Enfin, moi je dis ça...
Duga
Trois jours...
RépondreSupprimerToujours pas d'idée…
RépondreSupprimerEt en plus, y en a des qui voudraient me voir blablater sur Sartrécamu. Pfff…
RépondreSupprimerVous faites zérreur.
RépondreSupprimerJe vous suggèrais de blablater sur Jean-Albert Camusartre.
Ce qui est fondamentalement différent.
Je vous cite quelques titres que vous avez surement lus :
Le mur et l'état de siège
Les séquestrés d'Altona en huis clos
La Peste et les mains sales
La chute des mouches
Le diable, le bon dieu et la putain respectueuse
Les Noces de Caligula
Les justes Troyennes
et son chef d'oeuvre : La Nausée de l'étranger.
En, moi je dis ça, c'est pour aider.
Duga
ça ne plane pas fort ici..
RépondreSupprimerJ'ai vu un reportage sur ce poisson cartilagineux au corps aplati et aux nageoires triangulaires très développées et soudées à la tête, et je me suis dite :
Si ms'ieur Didier il avait quelque chose à dire au président de la raie publique, il lui dirait quoi ?
Le deuil de Goux et la tristesse de Marchenoir
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