C'est la nouvelle scie, et elle se répand comme le feu sur une traînée de poudre – car, oui, dans le langage, une scie a le pouvoir de se répandre, en plus de tronçonner le réel. Elle consiste en un tout petit mot : juste. Qui n'est pourtant pas le mot juste, allez comprendre.
L'autre soir, lors de sa poussive prestation sur France 2, Marine Le Pen l'a employé une grosse douzaine de fois, ce vocable intempestif : « C'est juste insupportable… », « C'est juste révoltant… », etc. En quoi la présidente du Front national n'a fait que se mettre à la remorque de la blogosphère, où le juste est partout et la vérité nulle part. On avait déjà le “c'est vrai que”, dûment pointé par d'autres et mieux que je ne saurais le faire, utilisé à tout commencement de phrase, surtout lorsqu'il s'agit de se lancer dans des affirmations hasardeuses dont la véracité est rien moins qu'établie. Nous voici donc englués dans le juste, dont on ne sait s'il a partie liée avec la justesse ou avec la justice – probablement avec aucune de ces deux notions. À moins qu'il ne renvoie à une insuffisance avouée, ou au précipice au bord duquel on se trouve, dos au vide ; mais alors il manque un tout à ce juste : Je sais tout juste écrire.
Il reste que lorsqu'on lit – et c'est désormais tous les jours – quelque chose comme : « La situation est juste intolérable », on se demande par quel facteur aggravant la dite situation pourrait passer au-delà de l'intolérable. Ou alors, il faut chercher la solution du côté des électeurs de gauche, eux qui s'apprêtent à voter pour François Hollande, parce que Nicolas Sarkozy est juste catastrophique.
Pour tous les autres, qu'ils prennent donc leur mal en patience : le dernier des juste finira bien par advenir. Ce sera juste interminable.
C'est marrant que vous ayez fait un billet dessus, nous autres, les jeunes ( :D ) l'utilisons depuis quelques années et je me demandais bien de quoi cela pouvait venir. Juste est donc devenu l'adverbe (si je ne me trompe pas) d'insistance. C'est juste beau.
RépondreSupprimerIl paraît que cette absurdité nous viendrait du just anglais, mais je ne sais trop par quels méandres.
RépondreSupprimerIl y a juste trop de répetitions ,sinon techniquement cela pourrait faire croire que cela sonne juste mais il y a juste un bémol il manque les autres prétendants pour que le texte soit juste. Ha ha juste en passant hein , car vous comme moi , avons une idée très arrêtée sur les juste.
RépondreSupprimerJe ne sais pas si ce n'est que justice,
RépondreSupprimerJe sais pas si c'est un peu trop ajusté,
Je ne sais pas si c'est "rikrak",
Je ne sais pas si "c'est limite"
C'est peut-être ça "l'ordre juste",
Mais c'est juste !
Aux justes d'y retrouver leurs petits.
Bon, je sors...
Il paraît que cette absurdité nous viendrait du just anglais
RépondreSupprimerOui.
Et je vous le faisais remarquer ici-même il y a quelques jours.
Tic de langage bobo par exellence, il faut, pour être parfaitement dans le coup, lui adjoindre l'adverbe "pas".
RépondreSupprimerex:
C'est juste pas possible.
C'est juste pas croyable.
Mais, n'ayons pas peur des mots (comme disait un bègue de mes connaissances), c'est just con comme tournure de phrase.
Pourtant c'est à la mode depuis le milieu des années 90.
Faut dire que nous aurions tellement aimé être américains.
RépondreSupprimerMais vraiment quoi !! Pas comme des citoyens d'une province reculée sous influence. Britanniques à la rigueur. Tout sauf des Français mal dégrossis. Quelle horreur ! Pouah !!
Alors, faute de mieux, nous nous bricolons nos petites formules pour initiés.
Et au Starbucks-Coffee nous regardons passer les ploucs.
Vous faites bien de le remarquer, sauf que moi ce n'est pas cette répétition qui m'a le plus agacée le tympan mais ce " En l'occurrence ", je me suis surprise à lui gueuler au travers du téléviseur, " mais arrête ça Marine, arrête bon sang de bonsoir, tu n'as pas d'oreillette, un petit conseiller pro qui pourrait te souffler autre chose que cette expression tout à fait parisienne EN L'OCCURRENCE ??? " ..
RépondreSupprimerJe me suis cependant posée la question rapidement, qu'aurai-je dit à la place de " juste " et il est sorti ceci sans tourner ma langue 7 fois : << Cette situation est tout simplement intolérable. >>
Pour ce qui est du Juste il me semble que c'est Juif, je crois.
En toute innocence, vous l'avez vu le film " un dîner de con " avec juste le blanc ?
RépondreSupprimerBien évidemment n'es-ce pas..vous n'êtes pas un enfant de coeur ! hihi
Fredi : je m'en souviens. D'où mon "il paraît que"…
RépondreSupprimerSand : je les vu. Cela fait même partie des nombreuses choses dont je ne me vante pas trop.
Fredi encore : milieu des années 90, je crois que vous exagérez beaucoup ! Ou alors serais-je sourd à ce point ?
RépondreSupprimerEt c'est vrai que le “juste pas” est encore meilleur !
RépondreSupprimerJe vais rétablir l'ordre juste.
RépondreSupprimerHé ! Pépère, vous avez juste écrit : "c'est désormais tout les jours ".
C'est mal.
Et dans le genre un poil pénible, il y a aussi cette manie de rétablir la langue dans ses droits, d'employer l'expression juste, de faire le malin avec les mots. Cela vous vient de Renaud Camus, sans doute. Vous avez réussi à caser le "rien moins", ici, par exemple (que l'on confond souvent avec le "rien de moins"). Mais vous ne vous apercevez pas que ces coquetteries nuisent considérablement au style. Elles font "genre", c'est tout.
RépondreSupprimer@ Gaston : ah ben oui, le militant Renaud Camus se voit gros comme un nez au milieu de la figure, un jeu d'enfant, mais tout à fait subtile je dois bien l'avouer, quelle tenue ! C'est stylé le concept ! C'est comme des messages subliminales ( on dit subliminaux peut-être ? )
RépondreSupprimer@Didier Goux : c'est fait exprès le je LES vu ? Une faute d'auxiliaire ou de conjugaison on dit ?
un "il est vrai que" est-il juste, enfin plus ou moins juste (ben voui) qu'un "c'est vrai que" ? C'est juste une question.
RépondreSupprimerC'est tout de même pointilleux, à moins que ce ne soit juste une façon d'être à cheval sur ses principes, va peut-être falloir que je me mette à l'équitation, j'ai dû mal à suivre ! Ou que je me serve de mon instinct animal, avec patience...
RépondreSupprimerNous utilisons tous en parlant de ces mots superfétatoires et redondants. Il semblerait qu'on ne puisse plus avoir soif sans avoir très soif ou vachement soif, là. Ou ne plus être fatigué sans être super ou salement fatigué.
RépondreSupprimer-- Tu as faim ?
-- Pas trop. (= un peu, ou non)
-- On va au cinéma ce soir ?
-- Ça me tente pas des masses, en fait. (= non, ou je n'ai pas envie)
On n'ose plus dire ni oui, ni non, et on s'excuse sans cesse de ne pas répondre précisément à une simple question, parce qu'une simple réponse parait brutale. On noie le poisson.
En quoi un con est-il moins con qu'un sale con ou plus maigre qu'un gros con ? En quoi "Je dis ce que je pense" est-il moins sincère que "Moi, je dis ce que je pense, voilà." ?
Des chevilles, des renforcements, des superlatifs qui ponctuent et rythment les phrases à l'oral. Pas de quoi fouetter un chat, pourvu qu'on agisse autrement par écrit, qu'on ait conscience de ce défaut et qu'on y remédie.
Marine Le Pen cache mal une certaine agressivité que sa voix éraillée de fumeuse renforce, plus je ne sais quoi de viril dans son allure (comparer avec Ségolène Royal). Et aussi son sourire, souvent factice, ses dents de requin. C'est cela, moi, qui me dérange, bien plus que deux ou trois tics de langage. D'ailleurs, si elle s'exprime en français moins bien que son père, un modèle, elle se défend et je la trouve meilleure à l'oral qu'un Sarkozy et quantité d'autres. Mauvais procès, donc.
Nicolas : c'est corrigé ! (Honte sur moi…)
RépondreSupprimerGaston : vous avez raison, utiliser l'expression jute devrait être interdit, tellement ça pu son snobisme scolaire.
Sand : non, c'est une faute de plus à mon passif.
PRR : il est vrai que est en effet plus élégant, mais enfin ce qui compte c'est d'employer l'expression à bon escient, et non au début d'une phrase sur trois, sans la moindre justification.
Yanka : d'autant qu'il est impossible d'avoir très soif, puisqu'un adverbe ne peut servir à qualifier un nom commun. Donc : grand soif ou rien.
Pour le reste, Marine Le Pen n'était citée qu'à titre d'exemple récent, et qui m'a frappé ; pour “ancrer le billet dans l'actu”, ainsi que l'on dit dans mon corps de métier.
Sinon, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. Je vois une différence entre les “enjolivures” inutiles que vous donnez en exemple et la scie partagée par tout le monde, envahissante, presque obligatoire, celle que l'on finit par adopter soi-même à son esprit défendant.
Par exemple, les nuances entre les différentes sortes de cons (gros, petit, sale, etc.) m'ont toujours beaucoup plu.
Ne vous vexez pas, Didier : reconnaissez que le purisme n'a jamais fait le style ! Entre l'utilisation de formules correctes et l'usage pointilleux de formules spécialement choisies parce que les autres les utilisent mal, il y a toute la différence entre s'exprimer pour dire quelque chose, et s'exprimer pour montrer qu'on s'exprime bien.
RépondreSupprimerCeci dit sans vouloir vous vexer, encore une fois, car, hormis quelques tics, et la regrettable envie de pondre, de temps à autre, une demie page d'anthologie, vous parlez une fort belle langue.
Qu'est-ce que vous voudriez que je réponde à ça ? À part que me vexer ne me semble pas être dans vos moyens ? (Mais vous me diriez sans doute que, si je réponds ça, c'est justement parce que je suis vexé…)
RépondreSupprimerEn littérature, on peut se permettre des fantaisies, qui sont le contraire des renforcements automatiques de certains à l'oral. J'entends bien qu'un con sublime, un con patenté, un con tridimensionnel soient un peu plus ouvragés qu'un simple con. La connerie aussi a ses fonctionnaires et ses cadres. Une connerie sans éclat ni rien de remarquable est atrocement banale. Itou pour la laideur. La laideur machiavélique du diable, la laideur splendide de Mirabeau, c'est le piment d'une laideur sinon anonyme.
RépondreSupprimerCe sont les automatismes, les scies, qui dérangent. Tout ce qui n'est pas voulu, tout ce qui n'est pas un effet. Le psittacisme du néant, quoi !
Voilà ! (© Arnaud Montebourg)
@Didier Goux : c'est rassurant, je me sens moins seule dans ce cas.
RépondreSupprimerVous êtes jaloux parce que mon laïus est mieux tourné que le vôtre, snobisme de l'expression idoine en moins.
RépondreSupprimer(Je plaisante. Faites pas votre Guaino, quoi.)
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/02/25/97001-20120225FILWWW00365-guaino-s-emporte-sur-france-3-idf.php
Nicolas Jégou a dit...
RépondreSupprimerEntre camarades, on se tutoie. Je modère car l'autre connard de Fredi M est incapable de se modérer.
Il modère car il est absolument incapable d'entendre, sinon une vérité, du moins un autre avis que le sien.
Est ce bien intelligent de casser les burnes de Didier avec cette histoire ?
RépondreSupprimerTu es nuisible.
Nuisible à qui à quoi mon bon Nico ?
RépondreSupprimerÀ la bonne ambiance dans les blogs. La preuve : ton intervention ici. Bonne soirée. Je me désabonne des commentaires.
RépondreSupprimerLa bonne ambiance dans les blogs...
RépondreSupprimerChochotte va !
Va bouder ma biche.
"Partageons mon avis"...
RépondreSupprimerEt le mien alors ?
Et celui des autres ?
Tout est dit en en-tête de ton misérable blog que tu abreuve d'avis indigents.
abreuves
RépondreSupprimerPardon tonton, mais autoriser à nouveau les commentaires, c'était peut-être juste débile...
RépondreSupprimerQuelle familiarité ! On ne dit pas tonton, on dit monsieur mononcle.
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