Merveilleuse journée de cauchemar, hier. Parti de la maison à neuf heures
moins cinq, afin d'être à FD à dix heures, moment supposé de ce
que j'appelle la “conf' des grouillots”, à savoir la réunion
hebdomadaire de la piétaille dont je fais partie, durant laquelle chacun
est censé proposer les sujets qu'il a trouvés dans son coin pendant la
semaine écoulée.
Au péage de Mantes, sur l'A13, premier bouchon, dû à un accident,
annoncé par panneau lumineux. Résultat : environ vingt minutes de quasi
sur-place pour franchir les cinq kilomètres nous séparant du dit
accident, Lequel avait complètement disparu lorsque je suis arrivé à sa
hauteur supposée. La circulation se re-fluidifie plus ou moins…
Sur l'A14, deuxième alerte, plus inquiétante : un deuxième
accident, dont on ne nous précise pas où il se situe, fait que le temps
nous séparant du boulevard périphérique passe de 18 mn en temps normal à
1h15. Moyennant quoi, bien entendu, je décide de m'échapper avant le
souterrain de la Défense et d'emprunter l'A86 – sans illusion excessive.
Effectivement, comme nous sommes deux cent cinquante mille à avoir la
même idée au même moment, l'autoroute en question est totalement
engorgée. Roselyne me proposant d'emprunter la bretelle revenant vers
Nanterre, et celle-ci ayant, à vue d'œil humain, l'air dégagée,
j'obtempère.
Bien à tort : je me retrouve sur une bretelle d'accès au
boulevard circulaire de la Défense. Là, l'horreur devient absolue et,
comme toujours dans ce genre de configuration, je cesse d'un coup de
m'énerver. Je me fais semblable à un bloc de viande congelée, pure attente et renoncement. Même Schubert et sa sonate D 960 mettent les pouces.
Cependant, le bloc de viande regimbe assez vite. Au bout d'un quart d'heure quasi
immobile en plein cœur de ce quartier post-apocalyptique, je décide de
rentrer chez moi, reprogramme Roselyne qui, miraculeusement, m'incite à
m'évader par cette rue, là, à gauche, miraculeusement vide de voitures.
J'y vais. Je roule librement durant un petit kilomètre avant de
m'engluer de nouveau dans une non-circulation démentielle. À tant faire
que d'être entièrement bloqué, puisque je suis à moins de six kilomètres
de mon lieu de travail, je rechange mon re-fusil de re-épaule et
re-programme Roselyne en direction de Levallois. Elle me renvoie illico à
la mélasse dont j'ai mis vingt minutes à m'extraire, sur le boulevard
circulaire de la Défense.
À ce stade, le vernis de
civilisation s'écaille et l'homme devient prêt à tout. Lorsqu'il avise
une bretelle de sortie “Nanterre Université”, bien que n'ayant aucune
idée de l'endroit où se trouve l'usine à savoir en question, il sort.
Juste pour le plaisir de rouler tout seul et en seconde pendant au moins
trois cents mètres. Le hasard des circonvolutions routières le ramène
alors sur l'A86, à l'endroit exact où il l'a quittée une demi-heure plus
tôt. Il s'y engage : la sueur perle à ses tempe ; il n'est même plus en
état de se rendre compte à quel point il a envie de pisser, depuis près
de deux heures qu'il a quitté son doux foyer.
Naturellement, tout le monde s'en doute, l'autoroute qui semblait
dégagée se rebouche. Grave. Juste avant d'emboutir l'arrière d'une
camionnette contrainte de freiner en urgence, le désormais zombi avise
une bretelle de sortie : “Bois-Colombes”. Hourra ! Montjoie-Saint-Denis !
et toutes ces sortes de choses : comme il y a habité, dans les années
1992 – 1996, il connaît le quartier par cœur, et encore mieux le trajet
pour rejoindre Levallois. Il s'y engage d'un cœur que l'on qualifiera de
léger, ne reculant devant aucun cliché, à ce stade et après plus de
deux heures de route.
Bois-Colombes, désormais, en tout cas aujourd'hui, ressemble un
peu à l'Espagne telle qu'elle est depuis 40 ans : constamment en
travaux. Cette minuscule ville qui se traversait naguère en moins de
quatre minutes aux heures où nous y sommes, il y faudra encore plus d'un
quart d'heure, à cause des engins de chantier, des rues en circulation
alternée, etc. Ce qui laissera au conducteur hébété l'occasion de
constater les merveilleux et bénéfiques changements qui affectent les
lieux qu'il a connus, quinze ans auparavant : bloqué à un feu tricolore
et ayant tout le temps de détailler les douze à quinze personnes
attendant le bus de l'aut' côté d'la rue (comme chantait Piaf), il
pourra se livrer à des statistiques ethniques instantanées : deux
Asiatiques, trois noirs, tout le reste arabe ; Français ? Zéro. Bon,
merde, c'est vert…
Cerise sur le gâteau : enfin arrivé à Levallois, mon sésame refusera d'ouvrir la putain de saloperie de porte de parking.
Cerise sur la cerise sur le gâteau : aucun travail pour moi – j'ai fait le voyage pour rien.
Vous avez vu le film "Chute libre ? Si non, je vous le conseille.
RépondreSupprimerAh oui ?
RépondreSupprimerIls sont dans la brousse à FD ? N'ont pas internet ou le téléphone pour vous faire savoir que vous n'avez pas besoin de vous déplacer ?
Le rewriting, n'est-ce pas typiquement une activité qui peut se faire à domicile, à l'abri des bouchons ?
RépondreSupprimer[Ne le dites à personne, mais ceci est un article sponsorisé par Orange, Bouygues, SFR et Free. Le patron a besoin de pognon pour payer son pastis.]
RépondreSupprimerZ'êtes bien un faux cul Sarkozyste : il vaut quant même mieux aller au boulot pour ne rien glander que pour travailler.
RépondreSupprimerEt après on critiquera les fonctionnaires...
RépondreSupprimerSorpasso : Vu, revu et beaucoup aimé, contrairement à la critique téléramesque.
RépondreSupprimerFredi : c'est MOI qui n'ai pas de portable ! (Et qui parfois le regrette…) Et je ne suis plus rewriter mais rédacteur…
Marchenoir : pas du tout ! mon pastis, je m'arrange avec quelques postiers de ma connaissance pour qu'ils le volent et me le refourguent ensuite.
Nicolas, vous vous trompez, je vous assure : il n'y a rien de plus déprimant (enfin, si, sans doute…) que de se taper un trajet pareil pour rien.
Gaston : je dois dire que pour trouver un fonctionnaire travaillant moins que moi, il doit falloir se lever tôt.
Aux limites de l'humain...
RépondreSupprimerPourquoi passez-vous par Harlem?
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimer"Français ? Zéro"
RépondreSupprimerComment faites vous mon ami pour distinguer le phénotype du francais ?
il y a surement plus de francais que vous vous en laissez soupçonner...
Cordialement
Didier, Compte tenu des prix pratiqués à Bois-Colombes concernant l'immobilier, la diversité va rapidement disparaitre...
RépondreSupprimerDe plus, étant voisin de Bois-Colombes, je trouve que justement, la population y est nettement diverse que dans beaucoup d'autres villes des Haut-de-Seine...
Mais l'immobilier a toujours été cher à Bois-Colombes ! Seulement, vous oubliez les sacro-saints logements sociaux.
SupprimerDu reste, je ne suis pas certain que cet arrêt de bus ne fût pas plutôt à Colombes. Mais enfin, c'était à la limite des deux.