Le film est norvégien, ce que n'indique pas son titre : Dead snow. Chez nous, il est sorti directement en vidéo, on se demande bien pourquoi. Le pitch est d'un classicisme de bon aloi : un groupe de huit étudiants en médecine norvégiens – quatre garçons et quatre filles, comme le veut le genre – décide de passer quelques jours dans un chalet construit au milieu de nulle part, avec de la neige tout autour. Sur place, ils vont être pourchassés (oui, ils seront pourchassés sur place : ne commencez pas…) et massacrés par des zombis nazis, qui ont été victimes d'une malédiction et sont là à se faire chier depuis 1942. De plus, ils ont paumé leur butin – car les Allemands, et plus spécialement les Allemands nazis, ont presque toujours un butin, il faut le savoir.
Je ne vous dirai pas grand-chose de la malédiction en question, car j'ai pris l'œuvre un gros quart d'heure après son début. Quand je suis arrivé, c'était le soir (dans le film). Les jeunes citadins – dont personne ne songerait sérieusement une seconde qu'ils puissent faire des études de médecine, ni aucune autre d'ailleurs – étaient donc dans le chalet, en compagnie d'un vieux bonhomme qui leur racontait ce qui s'était passé en 42 et comment les villageois avaient poursuivi les nazis, perdu leur trace dans la montagne et jamais retrouvé les corps. Si bien qu'ils considéraient le coin comme maudit, ce qui est profondément logique : quand des types se paument dans la montagne par moins trente et qu'on ne retrouve pas leurs corps, la montagne devient automatiquement maudite. Un peu plus tard, on reverra le vieux bonhomme seul sous une petite tente (qu'est-ce qu'il fout là, tout seul, dans cette région maudite ? Mystère.), où il ne tardera pas à se faire éviscérer par un monstre qui restera hors champ (le réalisateur ne brûle pas toutes ses cartouches dans la première demi-heure).
Ensuite, on passe au lendemain matin. L'un des étudiants, le beau gosse, décide de partir à scooter des neiges à la recherche de Sara, qui aurait dû être là mais qu'est pas là. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi elle n'est pas là : on a dû le dire au moment où je suis allé pisser et ouvrir la porte au chat. Bref, il s'en va, et après c'est directement le soir ; les journées sont courtes, en Norvège profonde. Dans le chalet, les étudiants s'amusent bien. Le blagueur fait des blagues, les filles ricanent, la plus sage des trois (n'oubliez pas que Sara, la quatrième, n'est pas là) proteste vaguement quand le blagueur dit “bite” ou “caca”. Les autres lui disent qu'elle est hyper coincée.
Et, justement, le gros lard de la bande déclare qu'il doit aller faire caca. Il met son anorak fourré (il fait vachement froid, c'est la Norvège) et sort pour se rendre à la cabane au fond du jardin, où sont les chiottes. Il coule son bronze, suppose-t-on, puisqu'on le voit s'essuyer le fondement avec deux feuilles du rouleau qui se trouvait là. Là-dessus arrive Chris, qui malgré son prénom est une fille et même une blonde. Elle a envie de se taper le gros lard et elle l'enfourche. L'autre a l'air un peu surpris (nous itou) mais il laisse faire. Le comble de l'érotisme est atteint lorsque Chris s'empare de la main avec laquelle le gros vient de se torcher consciencieusement et lui lèche amoureusement les doigts. Je sais bien que des petits plaisirs de chacun on ne doit pas discuter, du moment qu'ils se déroulent entre adultes consentants, mais tout de même.
Lorsqu'il a virgulé son bonheur, le gros lard abandonne sa petite camarade – qui en profite pour se soulager à son tour – et revient au chalet en arborant une mine faraude. Là-dessus, il décide qu'il a soif et passe dans la pièce voisine se chercher une bière sous le plancher. (Oui, dans les chalets norvégiens, on range les bières sous le plancher.) Et là, il découvre quoi ? Le butin. Celui-ci consiste en une petite boîte en bois où une gamine de huit ans ne parviendrait même pas à loger sa paire de sandales de plage. Elle contient deux poignées de pièces d'or à tout péter. Même le président Hollande n'arriverait pas à embaucher une demi-douzaine de fonctionnaires supplémentaires avec ça. En fait, on comprendra trois quarts d'heure plus tard que c'est sûrement la boîte le vrai trésor car elle est magique : le dernier survivant la retrouvera parfaitement intacte au milieu des restes fumants et calcinés du chalet. En plus des V1 et des fours géants, les nazis avaient donc inventé le bois ignifugé pour leurs boîtes-à-butin.
Dans l'intervalle, Chris, la pisseuse de la cabane au fond du jardin, s'est fait à son tour éventrer par un zombi nazi, que l'on a cette fois aperçu entre les planches judicieusement disjointes – le réalisateur distille ses effets. Quant au beau gosse, après avoir crié “Sara ! Sara !” à tous les vents une bonne douzaine de fois, il s'est éloigné de son scooter de quelques pas, juste le temps de tomber dans une grotte qui était cachée sous la neige ; il se fait très mal au dos. Le temps qu'il récupère, on revient dans le chalet ; les zombis nazis donnent l'assaut, en passant leurs bras à travers les rondins des murs comme si c'était du papier japonais. C'est la panique chez les étudiants : les garçons coupent des mains avec ce qu'ils trouvent de plus aiguisé, les filles hurlent et se font attraper par les cheveux. Il y en a un ou deux qui meurent, démembrés, éviscérés, décapités, et toutes ces sortes de choses. Le gros lard notamment ne passe pas la nuit : il est alpagué par les verts-de-gris, qui le mettent en pièces et l'emportent. Le blagueur dit qu'ils auraient mieux fait de choisir une plage au soleil pour leurs vacances, mais personne ne rit.
Comme le film dure depuis déjà trois quarts d'heure et qu'il n'en peut plus de la profonde connerie des étudiants, le spectateur avachi commence à trouver les zombis nazis plutôt sympathiques (ceux qui me veulent du bien diront que c'est en raison de leur zombisme, les autres insinueront que c'est plutôt leur côté nazi qui a provoqué ma coupable faiblesse à leur endroit). Au moment où on se dit que les zombis nazis ne peuvent que terminer rapidement l'affaire, tant leur supériorité féroce est évidente, ils abandonnent et rentrent chez eux – le réalisateur s'est aperçu qu'il avait encore quarante minutes de bobine à tourner ; et il fait jour.
Il reste donc quatre étudiants dans le chalet, deux garçons et deux filles – normal. D'un côté le raisonneur de la bande et un petit gars pas très bien caractérisé, de l'autre une blonde et la seule brune du groupe. Cette dernière est d'ailleurs l'unique élément vraiment horrifique du film, dans la mesure où elle ressemble étrangement à Cécile Duflot : même regard vide, même sourire de démente light ; ce n'est sûrement pas un hasard si elle se fait massacrer en dernier.
Après une intense réflexion partagée, nos quatre survivants en arrivent à la puissante conclusion suivante : « Il faut qu'on fasse quelque chose. » C'est le raisonneur qui trouve l'idée : les filles vont partir en courant chercher du secours, pendant que l'indéfini et lui-même feront diversion. En effet, on voit Cécile Duflot et sa camarade partir en courant dans la neige. Puis, juste après, les deux garçons tapant sur des casseroles et traitant les zombis nazis de pédés dégonflés pour essayer d'attirer leur attention : c'est un grand moment. Plan de coupe sur les deux filles qui s'arrêtent de courir, très essoufflées. La blonde : « Tu sais où on est ? » Cécile : « Non… ». On se dit que les secours ne sont pas près d'arriver.
Entre temps le beau gosse a réussi à s'extraire de sa grotte (en grimaçant parce qu'il a mal). Mais, avant, il l'a un peu explorée. Il y a trouvé un drapeau nazi, une tête à demi momifiée posée dans un coin, et surtout des armes en parfait état de marche. Bref, il se retrouve à l'air libre et constate qu'il fait plutôt beau. Sauf que, là, plein de zombis nazis se mettent à sortir de la neige, comme des marmottes sentant le printemps. Le beau gosse décide que ça suffit les conneries et il se transforme en super Rambo, réduisant les zombis nazis en chair à saucisse comme s'il s'agissait de vulgaires vietcongs. On est toujours sans nouvelles de Sara, cela dit.
De leur côté, le raisonneur et l'autre ont dû suivre la même évolution spirituelle que le beau gosse, car ils se mettent eux aussi à engager le combat avec les zombis nazis qui sortent de la neige, à coups de marteau, de pelle et surtout grâce à une tronçonneuse électrique qui se trouvait là à point nommé. Pendant ce temps, les filles se sont remises à courir. La blonde ne tarde pas à mourir, ses intestins entortillés autour du tronc d'un bouleau. C'est alors que Cécile a une idée de génie : pour que les zombis nazis ne la voient pas, elle grimpe dans un bouleau. Pas con, sauf que, là-haut, elle tombe nez à nez avec un nid de corbeau garni de trois œufs (les piafs norvégiens sont capables de pondre des œufs par moins trente, oui). Du coup, la corbote, pensant que Cécile envisage de bouloter sa progéniture en devenir, se met à faire un raffut de tous les diables ; et les zombis nazis lèvent la tête. Comme Cécile est vêtue d'une robe d'un rouge pétant, ils la repèrent facilement. Un peu pressé par le temps, le réalisateur ni le scénariste ne nous expliquent comment elle fait pour redescendre de son arbre et leur échapper. Toujours est-il qu'elle finit par rejoindre le raisonneur et l'autre (toujours occupés à massacrer du zombi nazi), mais c'est pour mourir juste à son arrivée, en crachant des litres de sang. Là-dessus déboule le beau gosse sur son scooter, auquel il a adjoint une mitrailleuse flambant neuve. Il massacre tous les zombis nazis, mais il en sort d'autres de la neige, toujours plus, c'est dingue. En outre, maintenant, il y a un standartenführer coiffé d'une casquette elle aussi flambant neuve (les nazis étaient très soigneux de leurs affaires), qui coordonne tout son petit monde et fait surgir des bataillons entiers de la neige. Si bien qu'à un moment, il ne reste plus que le raisonneur et cent cinquante zombis nazis bavant l'hémoglobine à qui mieux mieux.
C'est alors que le raisonneur a une idée (c'est son emploi) : il se précipite dans les décombres du chalet (auquel le blagueur, une demi-heure plus tôt, a foutu le feu par erreur), trouve la boîte-à-butin et la tend au standartenführer. Lequel a l'air tout content d'avoir récupéré son butin, mais avec son maquillage c'est difficile à savoir. Toujours est-il que le raisonneur, en courant vite, réussit à rejoindre les deux voitures dans lesquelles toute la bande est arrivée jusqu'ici, et qui sont garées à une petite centaine de mètres du chalet. J'ai oublié de dire que, depuis une dizaine de minutes, il lui manque la moitié du bras droit : il se l'est découpé lui-même avec la tronçonneuse – en grimaçant horrible tellement ça fait mal –, parce qu'il venait d'être mordu par un zombi nazi et qu'il ne voulait pas devenir un zombi nazi par contamination ; il connaît ses classiques. Quant au beau gosse, pas longtemps avant de mourir, il était parvenu à se recoudre lui-même la carotide avec un hameçon et du fil de pêcheur, sans même se regarder dans le rétroviseur de son scooter.
Donc, le raisonneur grimpe dans l'une des deux bagnoles, celle dont il a la clé. Son premier travail consiste, malgré son bras en moins, à attacher sa ceinture de sécurité ; ce serait tout de même dommage de mourir bêtement dans une collision routière, c'est vrai. Au moment où il va mettre le contact, qu'est-ce qu'il découvre à ses pieds ? Une pièce d'or. Celle que, une heure plus tôt, il a piquée dans la boîte-à-butin. Il s'exclame “shit !” en norvégien, parce qu'il comprend que le standartenführer va être fürieux quand il constatera qu'il manque une pièce dans son butin. Effectivement, le voilà qui s'encadre dans la vitre de la portière, et la fait exploser d'un coup de poing.
Fin du film.
Et toujours aucune nouvelle de Sara.