Les Terres de sang de Timothy Snyder sont un livre extrêmement attirant – ce qui est une façon de parler, compte tenu des horreurs et
des abominations qui y sont décrites et expliquées. Ce que l'historien appelle ainsi,
les terres de sang (Bloodlands), c'est cette portion d'Europe
orientale comprise entre les États baltes et la mer Noire, englobant,
outre les trois États déjà cités, la Pologne dans sa moitié orientale,
la Biélorussie et l'Ukraine : terres où les communistes et les nazis ont
tués environ 14 millions de personnes entre 1933 et 1945. Le chapitre
consacré à la grande famine sciemment voulue, organisée, planifiée et
réalisée par Staline dans les campagne ukrainiennes en 1932-1933 est
absolument terrifiant, avec ses scènes d'anthropophagie, souvent
perpétrée au sein d'une même famille, les parents tuant et rôtissant
l'un de leurs enfants pour nourrir les autres, la mère agonisante
recommandant à ses enfants de la manger lorsqu'elle sera morte, etc. Et,
au milieu de cette horreur déshumanisée, pourtant, certains qui
refusent obstinément de se livrer au cannibalisme – et ce sont eux, bien
entendu, qui meurent les premiers. Il est malaisé, apparemment, de se
faire une idée précise du nombre de victimes de ce génocide ukrainien,
mais les historiens semblent tomber d'accord pour dire qu'elles furent
entre trois et quatre millions. Huit ans plus tard, après le
déclenchement de la guerre germano-soviétique, sur cette même terre
d'Ukraine, Hitler fera mourir de faim à peu près autant de prisonniers
russes. À quoi bien sûr, il faut rajouter les innombrables déportations
opérées par Staline dans les années trente, puis les massacres de juifs ordonnés par Hitler ; tout cela ayant eu lieu quasi exclusivement à
l'intérieur du périmètre de ces terres de sang, qui fournissent à Snyder
l'occasion de repenser totalement l'histoire européenne du XXe siècle,
en étudiant précisément les modalités et les conséquences du choc qui y
eut lieu entre les deux terreurs, nazie et communiste. De plus, ce gros
livre (650 p.) est écrit dans une langue fluide, plutôt élégante,
claire, ce qui ne gâte rien. Mais cela reste une lecture
particulièrement éprouvante, même lorsque l'on n'a pas encore, comme
c'est mon cas, atteint la 150ème page.
Lorsque l'on tape “famine Ukraine” dans Google images, on aboutit à des horreurs, que je n'ai pas voulu vous imposer un dimanche matin, de peur de vous bloquer la digestion du foie gras de midi. J'ai donc choisi pour illustration ce qu'il y avait à peu près de plus bisounours.
Rajout de deux heures et quart : On peut écouter avec beaucoup de profit l'émission Répliques que Finkielkraut a consacrée au livre de Timothy Snyder et à l'auteur lui-même, invité principal (et parlant français…) – Merci à Cherea de me l'avoir signalée.
Rajout de deux heures et quart : On peut écouter avec beaucoup de profit l'émission Répliques que Finkielkraut a consacrée au livre de Timothy Snyder et à l'auteur lui-même, invité principal (et parlant français…) – Merci à Cherea de me l'avoir signalée.
Allons bon ! Vous critiquez Hitler, maintenant...
RépondreSupprimerQui aime bien châtie bien…
SupprimerAvec toutes ces horreurs, mieux vaut manger liquide, ce sera plus facile de gerber après.
RépondreSupprimerPour les déportations, les allemands de la Volga payèrent un lourd tribu au camarade Staline.
Oui, et vous noterez que cela se passe également à l'intérieur du périmètre défini par Snyder.
SupprimerQuand on dit que le communisme est un désastre, ce livre en apporte la preuve..
RépondreSupprimerBloodlands semble un terme approprié. Tous ces gens sont des martyrs de l'histoire,
et à chaque fois qu'on encense le communisme, c'est une offense que l'on fait
à ces pauvres victimes.
La réalité fout part terre les idéaux.
En l'occurrence, le communisme et le nazisme se valent. D'après les chiffres donnés par Snyder, Hitler aurait même l'avantage sur Staline : sur les 14 millions de morts qu'il recense, 8 seraient imputables à l'Allemand.
SupprimerMais il est vrai que, à part une poignée d'excités semi-mongoliens, personne n'encense le nazisme…
Et est-ce qu'ils avaient de longues oreilles pointues pleines de poils, ceux qui rôtissaient leurs enfants ?
RépondreSupprimerLorsque vous écrivez que la lecture est éprouvante, est-ce rapport aux horreurs décrites ou au style d'historien de l'auteur (style lourd, beaucoup de chiffres, très factuel, notes de bas de pages...). Pour ceux qui veulent éviter la lecture; on recommande l'émission de Finkielkraut consacré à l'ouvrage en présence de l'auteur
RépondreSupprimerhttp://www.franceculture.fr/emission-repliques-l-europe-entre-hitler-et-staline-2012-11-03
Mon cher, si vous lisiez mes billets au lieu de les survoler, vous vous épargneriez des questions inutiles. Vous y auriez trouvé ceci : « De plus, ce gros livre (650 p.) est écrit dans une langue fluide, plutôt élégante, claire, ce qui ne gâte rien. »
SupprimerJe rétablis votre lien.
je crois bien l'avoir lue cette phrase...mais je dois dire que j'ai dû oublier aussi vite que je l'ai lue...je lirai désormais à haute voix vos billets pour être sûr de n'en rien rater.
SupprimerBon ! Je vois ce qu'il en est !
RépondreSupprimerMais là c'est dimanche, alors si cela ne vous ennuie pas, je reviendrai demain !
Rien à voir même si je compte acheter ce livre.
RépondreSupprimerDoit-on dire Les Terres de sang sont un livre ou Les Terres de sang est un livre ?
Ah, la question piège ! Je ne sais jamais, en fait. Ici, j'aurais tendance à écrire : Les Terres de sang sont un livre… Ou alors : Terres de sang est un livre…
SupprimerC'est-y pas une belle réponse de jésuite, ça ?
C'est pas très drôle en effet ; en plus se farcir deux "individus" de cette espèce au même moment… c'est vraiment pas de chance à moins que ce soit l'un qui suscite l'autre et réciproquement…
RépondreSupprimerOn a perdu le vrai sens du mot "abruti", qui est très bien défini ici (http://www.cnrtl.fr/definition/abruti),
RépondreSupprimeror il me semble que c'est le mot le plus juste pour qualifier ce que devient un homme soumis à la plus extrême brutalité, qui était la caractéristique en général du stalinisme.
L'hitlérisme fut plutôt caractérisé par la perversité dans son acception sadique.
Il existe des oeuvres tout aussi terribles mais plus faciles à lire que celle que vous évoquez, écrites par des femmes, et notamment "Le ciel de la Kolyma" d'Evguenia Ginsburg.
J'ai tapé Holodomor dans google,vous avez raison,la photo que vous avez choisi est plutôt soft.
RépondreSupprimerToutes ces photos nous montrent ce que j'appelle le socialisme à visage humain
Anonyme de 18h33 va t-il se faire sucrer son commentaire?
RépondreSupprimer