vendredi 30 janvier 2015

Le blues du chanteur


C'est une vérité admise, intouchable, presque sacrée depuis la pauvre comédie de Berger et Plamondon : tous les hommes d'affaires sont des ratés, même lorsqu'ils ont réussi ; tous, si on les pousse un peu, n'ont que ce lamento à la bouche (obligatoirement goualé dans les aigus pour montrer qu'on a de la voix) : J'aurais voulu… être un artiiiiiiiiiiste ! 

Or, rien n'est plus faux, évidemment. Les hommes d'affaires rêvent probablement de tas de choses – accroître leur chiffre d'affaire, bouffer leur concurrent direct, se taper un top model international, divorcer de leur emmerdeuse de femme sans que ça leur coûte trop cher, enrayer les métastases de ce putain de cancer, etc. –, mais certainement pas de devenir un guignol à paillettes beuglant dans un micro devant un parterre d'abrutis des deux sexes.

En revanche, être un artiiiiiiiste, être reconnu comme artiiiiiiiiste, c'est typiquement un rêve de chanteur ; et la preuve qu'ils n'en sont pas, des artistes, c'est qu'il répète toute les cinq minutes qu'ils le sont. Revisionnez sur Youtoube toutes les interviews de Michel-Ange, Mozart, Racine, Goya, Beethoven, Proust, Picasso et les autres : jamais vous ne les entendrez se revendiquer artiiiiiiistes. Simplement parce que ça leur semble aller de soi : est-ce qu'un humain normal passerait son temps à faire remarquer qu'il a deux bras et deux jambes ? Qu'il est capable de s'exprimer dans un langage articulé ? Vous voyez…

Il y a aussi un autre rêve qui tenaille les batteurs de planches, encore plus prégnant peut-être, on en voit des exemples tous les jours ; et c'est celui de devenir hommes d'affaires. J'aurais voulu être un businessmaaaaaaan ! Le voilà, le vrai rêve du chanteur.

15 commentaires:

  1. D'accord avec votre conclusion que je signe si on me le demande gentiment mais pas sur le reste du billet. Je n'ai pas la même interprétation de la chanson ( pour la quelle j'ai une " double estime" : c'est un beau succès et une belle chanson mêle si elle est conne et mon pote le vieux Joel était la doublure du chanteur dans l'opéra en question).

    Tout d'abord et on s'en fout : il parle d'artiste au sens populaire du terme. Comme Johnny, quoi. Qui a une très belle voix mais ne fait pas de l'art. Mais gagne plus d'oseille qu'un homme d'affaire.

    Ensuite faire le con sur la scène en ayant plein de fan (et en gagnant du pognon) est plus bandant que parcourir le monde pour avoir des contrats. C'est presque "un fait".

    Depuis quand je fais des longs commentaires ici, moi ?

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    1. « Ensuite faire le con sur la scène en ayant plein de fan (et en gagnant du pognon) est plus bandant que parcourir le monde pour avoir des contrats. C'est presque "un fait". »

      D'abord, seule une minorité d'artiiiiistes a "plein de fans" : la grande majorité vient pousser la chansonnette à la fin de la foire au boudin de Mortagne ou font la tournée des plages-à-Mimile l'été.

      Ensuite, votre affirmation est parfaitement gratuite : que savez-vous de l'excitation qu'il peut y avoir à remporter des contrats ?

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    2. Hé ho ! J'ai dit "presque" et j'ai mis des guillemets pour souligner que ça parait être une évidence.

      Pour le reste : parce que je connais des hommes d'affaire... Pour mon travail, évidemment, surtout dans ma jeunesse (ils avaient probablement l'âge que j'ai maintenant) mais aussi dans ma vie privée. L'excitation, c'est vrai quand on débute, quand on commence à faire du chiffre d'affaire et qu'il continue à augmenter. Après, le job devient une corvée. Les contrats, vous en signez dix (ou cent, ou un) par an, vous travaillez à ça douze heures par jour et après vous faites du reporting pour la direction... Vous vous tapez des repas affreux avec des connards et vous vous faites engueuler en rentrant à la maison par bobonne qui a du se débrouiller avec les mômes. Le tout sans la moindre reconnaissance mais une paye confortable, que vous risquez de perdre du jour au lendemain.

      Mais je ne doute pas de l'excitation...

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    3. "Comme Johnny, quoi. Qui a une très belle voix mais ne fait pas de l'art. Mais gagne plus d'oseille qu'un homme d'affaire. "

      Et il en doit au fisc plus qu'un homme d'affaire aussi...

      Si Johnny ne fait pas de l'art, ce n'est pas un artiste.

      Ravi de voir que Nicolas connait parfaitement bien les "hommes d'affaire"

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  2. Réponses
    1. Oui, hein ? Je ne sais pourquoi, hier soir, je me sentais l'observation fine…

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  3. Alors là pas d'accord, l'homme d affaire peut avoir le blues, et quand il est à 6h00 du matin assis sur un banc, dans un aéroport sinistre à attendre son envol, il peut parfaitement rêver d'être un artiste, d'être tout sauf un homme d'affaire, il peut même se prendre à rêver d'arrêter tout ce cirque, d'arrêter de courir et lorsque le haut parleur appelle les passagers "en partance pour " décider que dès que possible, sous 6 mois, arrêter. Comment je sais cela? A votre avis ?

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    1. L'homme d'affaires peut avoir le blues, c'est évident. Un "coup de mou", comme on dit. Cela le pousse-t-il immanquablement à se rêver chanteur de variétés ? J'ai comme un doute…

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  4. C'est quoi ce billet ? Un règlement de comptes avec les chanteurs ? Qu'est-ce que ça peut vous foutre qu'ils soient "artistes", businessmen ou pas grand-chose comme plus ou moins chacun de nous ?

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  5. Et Bernard Tapie, il sent le pâté, Bernard Tapie ?

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    1. Tapie n'est pas un businessman qui se rêve artiiiiiste : c'est un chanteur raté qui est devenu businessman.

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  6. Ah ? vous en connaissez des hommes d'affaires qui se rêvent artistes ?

    Moi, j'en connais qui font plutôt la course pour l'acquisition d'oeuvres d'artistes.

    hélène

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  7. Ah oui. "J'aurais voulu être businessmaaan / Pour pouvoir bien tous vous niquer / Racheter ta boîte pour 100 yuans / et ensuite délocaliser (bis) / J'aurais voulu être un tradeeeer / Achetez Shanghai vendez Paris / J'aurais voulu être un bankster / Pour pouvoir négocier ta vie (bis)." C'est beau.

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    1. Pas mal du tout ! Vous êtes sans doute passé à côté d'une belle carrière.

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    2. Visiblement vous aussi vous connaissez parfaitement les "businessmen" et les "traders"...

      En même temps, les artistes français vivent grâce aux subventions de l'Etat et à leurs amitiés politico-médiatiques donc finalement ils ne nous volent pas plus que les "banksters"...

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.