Il me semble que je viens de lire un livre remarquable. Si je dis qu'il m'en semble, c'est que, toute forfanterie mise à part, j'ai dû en comprendre à peu près trente pour cent et assimiler environ le quart de ces pour-cent ; c'est dire à quel point je suis l'homme pour en parler, d'ailleurs je serai bref et prudent. Certaines parties m'ont d'avantage retenu que d'autres : cela vient de la quantité d'intelligence qui m'a été impartie et de la conformation particulière de celle-ci. Par exemple, tout ce que dit Michel Leter de l'usage fait par Marx des métaphores pour cacher la merde au chat (il ne le dit pas exactement comme cela) m'a évidemment passionné ; de même son démêlage lumineux des liens entre socialisme et antisémitisme. J'ai été aussi très content, fort accessoirement, d'apprendre que l'ancêtre du grand économiste français Destutt de Tracy (le père de l'idéologie, nous dit Leter) était arrivé d'Écosse en France pour s'y mettre au service de Charles VII, que sa descendance fit allégeance à Louis XI, turbulent fils du précédent, et que, pour remerciement de leurs états dans la garde écossaise, les quatre frères du clan Stutt reçurent, en Berry, la seigneurie d'Assay : c'est à l'ombre de ce château, au bord du canal de Briare, que nous vécûmes quatre ans, Catherine et moi, de 1992 à 1996 ; mais Leter – preuve que son travail est incomplet – n'en fait nulle mention.
J'ai évoqué l'existence de liens entre socialisme et antisémitisme : Leter, sur ce sujet comme sur les autres, ne se contente pas d'affirmer. Sa lecture du Sur la question juive de Marx est ravageuse. Encore plus terrible peut-être, la démonstration qu'il donne de l'appétence au plagiat, pour ne pas dire au pillage, de Karl Marx, dans l'œuvre des économistes français du XIXe siècle, de ce Destutt-de-mon-village jusqu'à Frédéric Bastiat en passant par foule d'autres. Plagiat “économique”, là ; mais aussi pompage politique des théoriciens socialistes français, dont j'ai un peu la flemme de vous recopier les noms (Considerant, Dunoyer, Quesnay…).
J'ai oublié de dire que Leter est, au départ (mais au départ de quoi ?), professeur de lettres ; ce qui fait, sans doute, qu'il a lu Philippe Muray et qu'il le convoque d'une manière que celui-ci (mais allez donc faire parler les morts…) aurait probablement acceptée ; et Stendhal aussi ; et quelques autres, dont Balzac.
Je m'arrête là. Dans dix minutes, je vais me traiter d'imbécile, pour avoir oublié telle chose que je voulais absolument dire, parce qu'elle m'avait emporté, la lisant : tant pis. Je vais conclure là-dessus : j'ai commencé ce livre en me disant que je n'en dépasserais pas le tiers (et, de fait, j'ai transpiré durant ce premier tiers) ; à présent, je me demande quand va paraître le volume deuxième de ce Capital, dont il doit y en avoir quatre, et je m'en impatiente déjà.
C'est vous dire.
Pour une fois que vous comprenez 30% d'un truc. A part ça, je ne porterai pas comme une croix l'antisémitisme de gauche et n'oubliez pas celui de droite.
RépondreSupprimerJe ne l'oublie pas, mais en l'occurrence il n'a rien à voir avec le sujet de M. Leter.
SupprimerVoilà ! Pareil ! A ceci près que j'en ai compris probablement moins.
RépondreSupprimerJe voudrais rajouter que le monétarisme de Monsieur Milton Friedman ( à qui peu de gens de gauche allument un cierge ) y est qualifié de néosocialisme.
Ca laisse rêveur...
Voilà !
RépondreSupprimerJ'ajouterai que le monétarisme de Milton Friedman (à qui peu de gens de gauche allument un cierge ) y est qualifié de "néosocialisme"...
Ca laisse songeur.
Raoul
Je me suis peut-être vanté, en disant 30 %…
SupprimerIls ont tort (les degôches) de ne pas allumer de cierge à Friedman...
SupprimerC'est un bon début. Maintenant il ne vous reste plus qu'à lire Descartes, Hobbes, Locke, Hume, Kant, Hegel, Schelling, Comte, Bergson, et puis Platon, Aristote, Thomas d'Aquin, les sceptiques, les stoïciens, les épicuriens et toute la clique.
RépondreSupprimerLa vraie vie commence maintenant. Les conteurs du genre Proust et Tolstoï, c'est périmé. Place à la littérature qui pense.
Depuis le temps que je vous le dis.
Je sais que ma culture philosophique frôle l'indigence, voire le dénuement, mais tout de même, j'en ai feuilleté quelques-uns, parmi ceux que vous citez.
SupprimerEt plutôt crever que d'y revenir !
Finalement, je retiendrai de ce billet que votre Leter s'est intéressé à la famille Stutt, sans mentionner que vous et l'irremplaçable aviez vécu à l'ombre du château d'Assay, octroyé à cette famille écossaise par Louis XI.
RépondreSupprimerCar qu'est-ce que "les liens entre le socialisme et l'antisémitisme" ou les "plagiats" de Marx, à côté de cette bévue impardonnable dont seule votre modestie vous empêche de lui tenir rigueur ?
J'avoue en avoir été fort peiné…
SupprimerMonsieur, Je ne connais rien de plus précieux qu'une lecture aussi sincère que la vôtre. Lorsqu'on s'attaque au capital, par la face nord, qui comprend quatre pics au lieu de trois, on est bien loin de s'imaginer qu'un tel lecteur existe. Quant à la "bévue", c'est l'indispensable défaut qui permet de mieux goûter l'éloge. Je vous promets de combler cette lacune dans une prochaine conférence sur Destutt de Tracy, en espérant retrouver le château d'Assay dans vos "territoires amis"... que je m'en vais parcourir dès que possible.
RépondreSupprimerMonsieur, tout ce que je puis vous souhaiter, ce sont des lecteurs mieux à même que moi d'apprécier votre travail ! Néanmoins, tout béotien que je sois, il me tarde de lire, sous votre plume, la suite des aventures du capital…
Supprimer"ce sont des lecteurs mieux à même que moi d'apprécier votre travail "
SupprimerJe me dévoue !!! ;)
Le cercle de famille s'agrandit et s'applaudit sous nos yeux écarquillés d'admiration !
SupprimerMonsieur Goux, qu'on me donne dix béotiens de votre espèce et je fonde une école d'économie ! Pour la suite des aventures, je presse le pas afin de vous livrer le second livre en 2016.
SupprimerAvec un peu de chance (et de talent…), j'aurai moi aussi un volume à livrer en 2016 : l'année menace d'être faste…
SupprimerMichel Leter, un homme selon mon cœur!
SupprimerUn frère en esprit. Un libéral de gauche, nous dit Wikipédia.
L'âme sœur que je recherche, après 11 ans d'une longue quête insatisfaite sur le Net.
Didier, venez que je vous embrasse (comment ça, beurk?). Grâce à vous, j'ai trouvé mon Graal. Je me satisfaisais jusqu'à présent d'un Michel Onfray mal dégrossi. Un zemourrien à lunettes. Un Communard désespéré mais épicurien. Et voilà que s'ouvre devant moi le jardin d'Eden, sans les chérubins. S'en est fini de cette vallée de larmes et de souffrances.
Oui, bon, bref. J'vais acheter le bouquin, le lire. Donc, au premier tiers je sue, mais après, ça glisse. Ok, je fais provision de serviettes éponges, de quelques packs de bière et ça devrait aller.
Rendez-vous dans 3 mois.
(c'est la bonne nouvelle de ce com)
Moi, j'ai transpiré, parce que je suis un ignardus economicus ! Apparemment ce n'est pas votre cas ; donc, bonne lecture.
SupprimerMarx, c'est bien le fils de grand bourgeois allemand qui n'a jamais travaillé de sas vie mais qui fut entretenu par ses amis millionnaires ?
RépondreSupprimerQue tous ceux qui ont entièrement lu "Le Capital" de Karl Marx, du début à la fin et sans sauter une page, lèvent la main...
RépondreSupprimerComment dire.... non, je ne lève pas la main.
SupprimerCela dit, le bouquin est commandé. Enfin, le bouquin de Michel Leter, pas celui de l'autre.
Moi, je n'ai même jamais essayé.
SupprimerJe me demande s'il n'y aura pas, au bout du compte, que M. Leter pour lever la main…
Difficile de l'avoir lu "jusqu'à la fin" puisque (wikipédia) " Marx n’en a achevé qu’une partie : le premier livre " (auquel il a consacré 20 ans.)
Supprimer"En 1992, le Tout-Paris intellectuel fut bouleversé d'apprendre par une autobiographie posthume intitulée L'avenir dure longtemps, que Louis Althusser le théoricien marxiste le plus réputé du monde, avait à peine lu les textes qu'il avait commentés pendant des décennies ; pas une ligne d'Aristote et de Kant sur lesquels il avait pourtant donné des cours universitaires et, pour Marx, seulement des oeuvres de jeunesse." (George Watson, la littérature oubliée du socialisme, 199, p. 35)
SupprimerAlain
J'en ai lu une bonne partie et pas mal travaillé dessus...
SupprimerC'est toujours intéressant de découvrir pourquoi et comment l'idéologue économique préféré d'une bonne partie de l'oligarchie française s'est planté.
Elie,
Supprimerje peux pas lever la main, parce que je le tiens encore à bout de bras. Si je le lâche, ça va casser quelque chose.
Faut dire que j'ai pris l'édition classique: gravée dans le marbre et reliée en bronze, pleine fleur.
C'est du lourd.
(en fait c'est l'édition française traduite par Roy, avec préface d'Althusser. Elle est réputée "Barbie grosse menteuse" par rapport à Hegel, d'après ce que j'ai capté)
(bon en gros ça signifie que je me fais virer d'une conférence-débat sur Marx organisée par les gardiens du temple à la première question)
C'est la deuxième fois qu'en apparaissant sur mon écran, le titre de votre billet m'apparaît comme Michel Leclerc.
RépondreSupprimerEt en fait non, pourquoi derait-ce écrit Michel Leclerc?