L'un des parents nourriciers |
Titi aventurier |
Depuis quelques semaines, nous
hébergeons deux nichées de mésanges charbonnières, l'une dans la cabane
accrochée au tronc du cerisier, l'autre dans celle que Catherine, malgré
mes avis, a fixée au haut du volet de la porte de la Case (preuve
qu'elle a bien fait de ne pas m'écouter). Depuis deux semaines,
donc, nous nous divertissons, chaque fois que nous prenons un
café-cigarette sur la terrasse, de voir les parents aller et venir sans
cesse, le bec garni d'un ver ou d'une petite chenille en arrivant et bec vide en repartant. Comme
tout manège avait brusquement cessé avant-hier matin dans la cabane du
cerisier, et que le silence y régnait, nous en avons déduit que les
oisillons étaient devenus oiseaux et s'étaient envolés (ma mère prétend
que les petits quittent toujours le nid au lever du jour, ce qui est un
peu frustrant pour les observateurs négligents et dormeurs que nous sommes). En
revanche, le raffut continuait dans la cabane du volet et les piaillements
frôlaient l'hystérie dès que l'un des deux parents arrivait, porteur de
victuailles. J'espérais tout de même qu'ils ne tarderaient plus car, depuis trois jours, je trouve que Golo tourne au pied du volet avec une
insistance inquiétante. Il ne peut pas attraper les petits à
l'intérieur, tant qu'ils restent au nid ; mais il serait préférable
qu'il ne soit pas là au moment de l'envol, moment toujours un peu
périlleux, pour des volatiles mal assurés d'eux-mêmes et ignorant
probablement que, dans la nature, les chats existent.
Ce soir, les titis sont toujours dans leur boîte, accrochée au volet, mais ils
s'enhardissent. Depuis ce matin, les parents nourriciers ne pénètrent
même plus dans la petite cabane ; ils se contentent de s'accrocher au
rebord de l'entrée circulaire, et ce sont les jeunes qui montent
chercher la chenille ou le ver qu'on veut bien leur apporter. Cet
après-midi, j'ai passé une bonne heure dans la chaise longue, avec
Morand et Chardonne – mais moi seul avait le privilège d'être
confortablement installé – à ne lire pratiquement rien, trop occupé à
observer le manège. Trois fois j'ai cru que l'un ou l'autre des
oisillons allait se décider à sortir, il avait déjà toute sa petite tête
ébouriffée en dehors… et puis non, ils m'ont refusé ce plaisir de les
voir s'envoler, ou plutôt tanguer jusqu'à la gouttière ou la corde à
linge toutes proches. Et je tentais de me représenter quel choc
formidable, quelle révolution copernicienne ce devait être, de passer
d'un coup d'un espace confiné, étroit, sombre, uniquement éclairé par
cet œil-de-bœuf d'où arrivent et repartent les auteurs de vos jours, à
cet univers immense, insoupçonné ; j'essayais d'imaginer la
stupéfaction ressentie à la découverte simultanée des couleurs, des
volumes, des odeurs, et surtout de ces invisibles courants porteurs ne
demandant qu'à vous emmener où vous prend la fantaisie d'aller. Je ne
suis pas sûr d'y être tout à fait parvenu.
La journée se termine, ils ne partiront pas aujourd'hui. Peut-être que, demain matin, au moment du premier café, le nichoir sera retombé dans le silence ; tout le monde aura fui.
J'ignore le temps qu'il fait au bled, mais cela vaudrait le coup de mettre le réveil à 6h30, demain. Prendre le café à la fraiche, voir le soleil se lever, écouter les piafs s'ébattre : la suite est d'ores et déjà alléchante.
RépondreSupprimerEh bien, à part le réveil, c'est exactement ce qui s'est passé ! (Voir plus bas.)
SupprimerDidier Goux est parfois magnifique.
RépondreSupprimerAssez souvent, même.
SupprimerJ'ai le même spectacle chez moi. Un émerveillement qui se renouvelle tous les ans. Je surveille aussi un couple d'hirondelles qui semble avoir envie de remettre en état un nid accroché à l'intérieur de la porte de l'atelier.
RépondreSupprimerPas d'hirondelles, chez nous. Enfin, si, au-dessus de nos têtes, mais pas de nids à portée d'œil.
SupprimerC'est à cela qu'on peut approcher votre véritable essence, monsieur Goux.
RépondreSupprimerEn réalité, vous êtes un maître zen ...
Tâzchez quand même de ne pas vous approcher de mon essence avec une allumette…
SupprimerEspèce d'écologiste !
RépondreSupprimerLes écologistes n'ont rien à foutre des mésanges : ils préfèrent soutenir des clodos chevelus et pouilleux autour des aéroports en construction.
Supprimerbelle histoire ,on dirait du Proust
RépondreSupprimerEn mieux, j'espère !
SupprimerPas certain que les mésanges aient un odorat...
RépondreSupprimerLes mésanges charbonnières (Parus major) utilisent l'odorat dans leur choix alimentaire et dans l'évaluation innée des risques de prédation. Des adultes nés et élevés en laboratoire éviteront des cavités imprégnées d'odeur de mustélidés (i.e. belette) dès leur première nidification alors qu'ils n'auront jamais été confrontés à ce type de prédateurs durant l'ontogenèse.
Supprimerhttp://www.oiseaux.net/oiseaux/mesange.charbonniere.html
SupprimerEt toc ! dans le bec de M. Arié !
SupprimerEn tous cas (et, là, je parle de ce que j'ai constaté à la campagne), la mésange est le seul oiseau assez con pour se cogner contre les fenêtres ( soit qu'il ne se rende pas compte qu'il a des vitres, soit qu'il soit attiré par son reflet, je ne sais pas.)
SupprimerNon, elles ne sont pas les seules à le faire, mais elles le font, en effet. Ici, nous avons mis des autocollants de couleurs sur les vitres, afin de les "matérialiser" ; depuis, elles viennent beaucoup moins s'y fracasser.
SupprimerAlors, quand il y a du soleil, vous avez un intérieur de toutes les couleurs ?
SupprimerLes mouches aussi se cognent dans les fenêtres.
Supprimercomment faîtes vous pour fixer un point aussi longtemps dans une chaise longue sans fermer les yeux ?
RépondreSupprimerStanislas
Ce fut une lutte de chaque instant.
SupprimerAttention à la maréchaussée, vous hébergez des sans papiers, c'est punissable
RépondreSupprimerEt le droit du sol, vous en faites quoi ? De toute façon, je suis vice-président du D.A.N. (Droit au nichoir).
Supprimersurtout pour des piafs qui n'ont que très peu mis les pieds par terre
Supprimerpour le DAN, j'en suis au noir et 4ème de surcroît, donc votre vice présidence, je m'en bat les cou....., je voulais dire les ailes
j'ai du omettre un T
Supprimeril est à noter que si vous accrochez une boule de graisse en hauteur, sous une cabane de distribution de graines, les mésanges sont les seuls oiseaux à se fixer à la boule pour la picorer, en même temps, elles font tomber des morceaux que les autres espèces viennent picorer au pied du piquet..
RépondreSupprimeril faut se méfier des pies, ces enfoirées viennent décrocher les boules entières, ça finit par coûter cher, il y a intérêt à bien les fixer, elles sont malignes les garces...
J'espère avoir fait avancé le sujet et vous avoir apporté une expérience personnelle concernant les mésanges si vous décidez de les nourrir grâce à des boules de graisse
Stanislas
Vous retardez, mon ami : voilà au moins douze ans que nous nourrisson les oiseaux chaque hiver. Une année, j'avais eu la curiosité de noter tout ce qu'on achetait pour eux entre novembre et mars. Résultat : environ 100 kg de graines de tournesol et une centaine de boules de graisse…
Supprimer"Moi seul avaiS..." cher auteur. Et merci pour ce petit morceau d'écriture.
RépondreSupprimerShame !
SupprimerAmis lecteurs de Didier Goux qui vivez en ville, ne vous laissez pas envahir par la nostalgie et encore moins par la jalousie, car vous aussi pouvez avoir des émotions ornithologiques au moment où vous vous y attendriez le moins.
RépondreSupprimerEn effet, m'étant un jour, très récemment, assise à la terrasse d'une place ombragée d'une des plus grandes villes de France, et ayant commandé une crêpe au sucre, n'ai-je pas eu la surprise d'avoir à la partager avec trois moineaux venus sur la table, picorer directement dans mon assiette ?
Ah! l'insolence des moineaux urbains n'a aucune limite.
SupprimerPetits, mais costauds et bruyants, c'est toujours eux qui contrôlent le pavé et la table du bistrot.
Des petits futés et psychologues avec ça ! De loin ils reconnaissent le profil du poète qui va sacrifier son sandwich de bon cœur.
Car quand un, il y en a deux, puis dix, puis une nuée ...
J'ai écrit un billet (repris dans En territoire ennemi) à propos d'un moineau goitreux, qui venait se restaurer en terrasse, à Levallois-Perret. Mais je suis incapable de le retrouver.
SupprimerPour une fois j'ai bossé pour vous http://didiergouxbis.blogspot.fr/2009/04/goitre-et-multiplier.html
SupprimerAh, bravo ! Et merci. C'est en effet celui-là que j'avais en tête.
SupprimerLES NOUVELLES DU FRONT :
RépondreSupprimerVoilà, ils sont partis ! Quand je suis sorti sur la terrasse, à sept heures, il y en avait déjà deux hors du nid, reconnaissables à leur tête encore tout ébouriffée et, plus grave pour eux, à leur absence totale de méfiance vis-à-vis de moi.
J'en ai vu sortir successivement six autres, et j'ai manqué le dernier (il fallait bien que quelqu'un aille chercher le pain…). Donc, neuf en tout. Hélas, il y a eu de la perte. LE premier que j'ai vu quitter le nichoir n'a pas survécu plus de trois minutes aux griffes de Golo, que j'avais stupidement laissé sortir (avant de le renfermer précipitamment). Parmi les autres, l'un est tombée dans l'herbe presque comme un caillou. Nous l'avons placé en hauteur pour lui laisser une chance. Mais, une heure après, il n'avait pas bougé d'un millimètre, ses yeux étaient aux trois quarts fermés et, quand nous l'avons incité à l'envol, il est retombé sur le flan, puis sur le dos, ne tenant même plus sur ses pattes. Me disant qu'il allait agoniser durant peut-être des heures, je me suis résolu à le noyer dans le bac des eaux de pluie. Cela prit environ trente secondes, qui me parurent très longues.
Un dernier, enfin, ne semblait pas non plus capable de voler, mais lui était beaucoup plus vivace. Nous l'avons placé sur la table de jardin, d'où il a sauté dans l'herbe avant de s'éloigner (mais en sautillant, pas en volant). Nous nous concentrons sur le fait qu'il y en a tout de même six qui ont de bonnes chances de profiter un peu de la vie.
le chat aura donc mangé son poulet du dimanche un lundi
SupprimerOui, mais un lundi férié, tout de même. De plus, ce salopard de petit nazi a tué par plaisir et n'a même pas consommé…
SupprimerLâcher le chat, et de surcroît, sûrement s'en battre les flans, c'est carrément horrible, à tout point de vue !
Supprimer"le noyer dans le bac des eaux de pluie", mon Dieu, cela me rappelle quelque chose, une guenon, une certaine résistance...
RépondreSupprimerMais taisez-vous donc, malheureuse ! Vous allez encore nous déprimer M. Desgranges pour la journée…
SupprimerIl faut quand même un certain "talent" pour faire ça.
Supprimerça m'a mis l'angoisse pour la journée votre histoire.
RépondreSupprimerLaisser un chat traîner alors que des petits oiseaux de rien se lancent dans la vie.....
c'est trop...
Stanislas
C'est de la faute à ma mère, d'abord : je l'ai toujours entendu dire que les oiseaux quittaient le nez au lever du jour. Sortant à sept heures du matin, et entendant les oiseaux piailler dans le nichoir, je me suis donc dit que ce ne serait pas encore pour aujourd'hui, et j'ai laissé sortir le chat, que l'on avait soigneusement enfermé cette nuit. Ce n'est qu'après, juste après, que j'ai mesuré l'étendue de ma bévue.
SupprimerCela dit, c'est la fatalité des mésanges : j'ai lu sur internet qu'on estimait à plusieurs dizaines de millions le nombre de tuées par des chats domestiques chaque année, en France.
vous auriez pu lancer des souris comme leurres à votre chat pendant que la petite mésange essayait de trouver la notice de l'utilisation de ses ailes non ?
Supprimeret cette statistique, affreux......
Stanislas
Quel plaisir de vous lire.
RépondreSupprimerDécidément, Catherine et vous, m'êtes de plus en plus sympathiques.
hélène dici
N'ébruitez pas trop cette sympathie (qui m'honore) : elle pourrait vous valoir une sale réputation en d'autres lieux…
Supprimer" elle pourrait vous valoir une sale réputation en d'autres lieux"
Supprimer-> m'en fouti :-D
hélène dici
Les chasseurs ont bien raison de zigouiller les chats quand ils le peuvent...
RépondreSupprimer" elle pourrait vous valoir une sale réputation en d'autres lieux"
RépondreSupprimerRien de plus vrai! Moi même suis régulièrement traité de pote à Göring depuis que je fréquente ce blog, c'est tout dire...