Nous sommes pris, depuis le début des chaleurs d'été, Catherine et moi, d'une sorte de fureur exterminatrice. Il faudrait nous voir pour y croire, chacun dans son fauteuil ou canapé, un livre dans une main et une tapette à mouche écarlate dans l'autre, la seconde prise d'agitations meurtrières incessantes. Le résultat – dérisoire : les fenêtres sont ouvertes, il en vient toujours d'autres – de nos fureurs méthodiques et maladroites est que le faux plancher du salon a pris en quelques jours des allures de champ d'Eylau ; les cadavres se multiplient, mais ils sont si insignifiants qu'on n'y prête que peu d'attention – et même pas du tout, dans un premier temps : plus les êtres sont petits, moins leur mort a d'importance ; il est facile de rameuter des consciences humaines à propos de la disparition des éléphants ou des baleines, mais la coccinelle qu'on écrase le nez au vent ne sera pleurée par personne, nous sommes bien d'accord.
Toujours est-il que j'ai baissé les yeux, entre deux gorgées et trois phrases ; juste assez de temps pour m'apercevoir que, sur ce plancher jonché, circulaient des mouches bien vivantes. Certaines, la plupart, semblaient ignorer les corps morts, sans doute atrocement mutilés si on les regarde avec des yeux de mouche. Mais quelques-unes circulaient entre les cadavres, s'arrêtaient un long moment sur celui-ci – on voyait bien, du fauteuil, les antennes vibrer –, avant de repartir sur son voisin où elles marquaient une nouvelle pause. Quel était leur manège ? Cherchaient-elle à secouer la léthargie de leur frère ou leur sœur ou leur mère inconnue ? Savaient-elles que la mort rouge et finement grillée, tombée du ciel – leur ciel de mouche – avait frappé ; et rendaient-elles les derniers hommages à la victime étendue sur le dos, peut-être secouée encore d'un dernier frémissement des élytres ? Les mouches, certaines mouches, savent-elles que la mort existe, et que c'est nous qui la leur donnons, pensant à autre chose ? Nous en veulent-elles ? Sommes-nous les ennemis mortels des mouches, ou bien adorent-elles à six genoux ces créatures monstrueusement immenses qui leur permettent de vivre par leurs restes, et les tuent par distraction ou agacement ? Et garderont-elles le souvenir de nous – lequel ? –, quand leurs bourdonnements sera redevenu le seul bruit sur terre, après la prochaine comète qui fondra ou la bombe que nous ferons exploser nous-mêmes ?
Un homme arrive à l'hôtel. Il est conduit dans la chambre par l'hôtelier. Sur le lit, ils découvrent une punaise. L'hôtelier, gêné, écrase la punaise. Le lendemain matin, le client descend. L'hôtelier lui demande comment s'est passée la nuit. Et le client répond : " mmmm... Vous vous rappelez, la punaise, elle était bien morte, mais c'est fou ce qu'il y avait comme monde à son enterrement !"
RépondreSupprimerJ'ai la même, mais interdite aux moins de seize ans, avec des scorpions.
SupprimerVous savez ce qu'elle vous dit la Comète qui fondra ?
RépondreSupprimerMille pardons, je reconnais que c'était très cruel de ma part.
SupprimerC'est au zénith de la canicule que vous approchez du but, Maître Didier !
RépondreSupprimerEn effet. tout intellectuel digne de ce nom se doit d'abandonner un jour ses prérogatives pour s'enfoncer seul et sans boussole dans cette jungle fantastique qu'est la philosophie...
Revenez-nous quand même avant l'hiver, nous avons besoin de vous !
Mais qu'est-ce que vous racontez ?
SupprimerLa mort n'est-elle pas la question philosophique par excellence ? On constate donc que vous êtes en pleins travaux pratiques...
SupprimerAh, oui ! En effet, la chaleur doit m'avoir un peu diminué.
SupprimerSeriez-vous dans une zone d'élevage pour avoir tant de mouches?
RépondreSupprimerIl y a une ferme pas loin, oui, avec des bestiaux de divers genres.
SupprimerVotre second paragraphe (en l'arrangeant un peu pour la circonstance) aurait été digne de figurer dans votre "Paludes". Pensez-y lorsque vous commencerez l'écriture de "Polders).
RépondreSupprimerJ'ai déjà zigouiller une mésange, dans Paludes : on va arrêter le carnage…
SupprimerA toutes fins utiles, je vous signale qu'il existe de petites raquettes miniatures, munies de deux piles dans le manche, avec lesquelles vous pouvez électrocuter tout insecte passant à votre portée, d'un smash vengeur. Cela demande une certaine habileté mais en cas de réussite vous êtes récompensé par le crépitement bref de l'insecte passant de vie à trépas.
SupprimerEspèce de nazie !
SupprimerJ'ai déjà zigouiller ... Pauvre de nous, ça me tue ...
RépondreSupprimerC. Monge
Shame !
SupprimerBeaucoup de questions pour les 100 000 neurones de la mouche...
RépondreSupprimerCe n'est pas beaucoup moins que le blogueur de base…
SupprimerLe pire est à venir: les mouches molles.
RépondreSupprimerà la fin de l'été, il y a ces mouches qui volent silencieusement et vous piquent. On écrase facilement celle qui se pose sur votre avant-bras, mais berk... si son cadavre écrabouillé tombe dans le fauteuil, il y a maintenant sur votre peau la trace humide, avec une patte ou une aile dessus. Qu'est-ce que j'ai fait du mouchoir ou du chiffon qui traînait par là ? Zut, on se lève. à peine assis, une autre mouche recommence, atterrit aussi lourdement qu'une mouche peut atterrir sur votre main qui tient la page. Elle se soulève quand vous tournez la page, retombe aussitôt, et là vous sentez la fine piqûre. Ratée, cette fois ! Elle est à présent sur votre genou...
À ce stade, j'hésite encore un peu, entre la corde et le gaz.
SupprimerDes cordes pour mouches ? Mais il faudra de tout petits gibets !
SupprimerGéniale cette expression, la mouche molle.
SupprimerBonjour Monsieur Goux
RépondreSupprimerOubliez la tapette à mouches (inutile sauf si on a l'adresse d'un champion d'escrime), la bombe insecticide (qui ne ravage que les poumons de celui qui l'utilise) et passez à l'arme ultime, "génocidaire" anti-mouches : le ruban anti-mouches. C'est simple, pas cher, pas esthétique ( je m'en fous), mais impitoyable.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Attrape-mouche#/media/File:Fliegenfaenger.jpg
Mais, bien sûr, l'utilisation par vos soins du ruban anti-mouches nous aurait privé de votre méditation et de sa fin apocalyptique...
Il y a moins inélégant que le ruban (que nous avons déjà pratiqué) : les autocollants toxiques que l'on appose aux vitres des fenêtres. Le problème est que, une fois intoxiquées, les mouches finissent toujours par tomber sur le plancher.
SupprimerLe ruban, c'est l'horreur. La mouche s'y colle, bourdonne furieusement, et parfois se détache subitement pour tomber droit dans votre bol de thé.(ou de ouiki glacé, c'est selon).
RépondreSupprimervous prenez un carré de viande avancé que vous posez sur la table, vous êtes tout prêt avec le canard enchainé plié en quatre et vous tapez à chaque fois qu'une mouche vient se poser là, de haut en bas, sinon vous risquez faire un vent latéral qui fera tomber la mouche par terre
RépondreSupprimermême chose pour les guèpes
1° pas d'éparpillement et de geste inutile, quand il fait chaud c'est appréciable
2° les mouches claquent sur la table, il ne reste plus qu'à les balayer tranquillement vers la poubelle sans avoir à se baisser..
quand on peut rendre service...
Stanislas
Je n'aime pas tuer les insectes, mais j'ai du poser un papier tue mouche, car nous en étions envahis aussi.
RépondreSupprimerEh bien de retour de la montagne, nous avons trouvé une cuisine où des fourmis se délectaient de sucre et autres autres mignardises.
J'ai aspergé la pièce d'huile essentielle de menthe poivrée, le lendemain, il n'y avait plus personne, (mais moi j'ai développé un asthme carabiné) ...
hélène dici
Menthe poivrée, tiens tiens... Je vais essayer. Merci Hélène. (finalement, on apprend des choses utiles, ici, entre deux billets sur des livres oubliés)
SupprimerDidier va devoir changer le titre de son blog. Je suggère: "Entre ici, mouche, fourmi, avec ton terrible cortège..."
"Didier va devoir changer le titre de son blog... "Entre ici, mouche, fourmi, avec ton terrible cortège..."
Supprimerou bien celui-ci :
"Il dépend de celui qui passe - Que je sois tombe ou trésor ..."
Suzanne, attention aux huiles essentielles, c'est super, mais il faut faire attention aux allergiques.
hélène dici
on oublie de parler des guepes autres calamités estivales Que de repas en plein air gachés par les va et viens de ces bestioles a rayures J'en ai encore tué une ce soir au diner Je l'ai écrasée alors qu'elle se posait sur le beurre Au revoir et bon appétit bien sur AZ
RépondreSupprimerLa déambulation morbide des diptères que vous relatez n'est rien d'autre qu'une banale recherche alimentaire.
RépondreSupprimerSans vous en rendre compte, votre plancher était devenu le netto des affreuses survivantes !
Sinon, le ruban anti-mouche bien qu'inesthétique est des plus efficaces sauf en cas de subite invasion.
Bien à vous.