En voici encore une, qui a manqué de souffle au moment de grimper la dernière marche menant au podium : Nathalie Sarraute, 18 juillet 1900 – 19 octobre 1999. C'est ballot, ces neuf mois manquants, juste le temps d'une petite gestation de modèle courant. Cela dit, l'équité m'oblige à reconnaître que, chez les écrivains, les hommes ne sont pas moins ridicules que ces dames, en ce qui concerne le centenariat. Prenez Bernard Le Bouyer de Fontenelle, par exemple, dont les dates fatidiques donnent envie de rougir de honte à sa place : 11 février 1657 – 9 janvier 1757. Un mois et deux jours à tenir, palsambleu ! Il existe par ailleurs une autre différence entre ces deux-là, et c'est que je n'ai jamais, je crois, lu une ligne de M. de Fontenelle, alors que je connais l'œuvre de Mme Sarraute comme ma poche et que je l'aime beaucoup (je ne précise ce point que pour fournir à Michel Desgranges une occasion de se foutre un peu de moi…). À ceux qui seraient tentés d'y aller risquer un œil, je conseillerais volontiers le roman intitulé Les Fruits d'or. Pour ceux que la lecture défrise, il reste la solution de télécharger Pour un oui ou pour un non, pièce assez courte, filmée par Jacques Doillon et splendidement interprétée par André Dussollier et Jean-Louis Trintignant. Pour terminer, on notera que, sous une apparence que l'on peut sans exagération qualifier d'austère, Mme Sarraute savait se montrer farceuse. Ainsi, alors que ses Œuvres complètes venaient de paraître dans la Pléiade, elle s'est empressée d'écrire et de publier l'année suivante, en 1997, un petit roman surnuméraire, de façon à faire mentir le titre de la prestigieuse bibliothèque. Si l'on veut mon avis, elle aurait mieux fait de conserver son énergie pour vivre neuf mois de plus.
Tout ce que je connais de Fontenelle, c'est un mot sur son lit de mort; à un ami qui lui demandait "Comment cela va-t-il?", il répondit " Cela ne va pas, cela s'en va ".
RépondreSupprimerAdolescente, je m'étais précipitée sur Fontenelle et son "Entretien sur la pluralité des mondes" avec gourmandise. Avec la grande collection de science-fiction américaine de mon père, ce fût un grand bénéfice pour mes futures orientations intellectuelles !
RépondreSupprimerPour ce qui est de Madame Sarraute, je n'avais pas accroché à son œuvre pour tout dire. Désolée.
N'est-ce pas Fontenelle qui a écrit, joliment "de mémoire de rose, on n' a jamais vu mourir de jardinier" ?
RépondreSupprimerPuisque vous semblez, en ce moment, fasciné par les centenaires, sachez que c'est bien avant ce chiffre rond que l'on se sent comme une vieille voiture, qu'à partir d'un certain âge il vaut mieux envoyer à la casse que de s'obstiner à en réparer toutes les pièces qui lâchent l'une après l'autre.
RépondreSupprimerCe qui m'énerve, dans notre époque d'exigence généralisée d'assistanat, c'est cette revendication de "suicide médicalement assisté" : en dehors des rares cas d'immobilisation totale pour raison médicale, les gens qui ont voulu se suicider ont toujours réussi à le faire tous seuls.Il faut toujours un peu de courage pour un acte qui est un signe de liberté suprême (sauf dans les cas de suicide pour trouble psychologique ou maladie psychiatrique) sans exiger l'assistance de la médecine. Comme l'a écrit Malraux dans " Les noyers de l' Altenbourg" : "Devant un homme qui s'est tué fermement, je n'ai jamais vu un autre sentiment que le respect"
Vous avez raison.
SupprimerC.Monge
L'âge ne veut pas dire grand-chose... Il y a des septuagénaires qui se traînent et des nonagénaires qui ont bon pied bon œil (95/97 ans dans ma famille).
RépondreSupprimerGeneviève
On est toujours admiratif devant tout ce que ces vieux "bon pied bon œil" sont encore capables de faire, mais on ne parle jamais de l'essentiel : ce qu'ils ne sont plus capables de faire.
SupprimerClaude Lévi-Strauss, mort en pleine forme intellectuelle à 100 ans, en parlait très lucidement à propos de lui-même.