À la page 235 de La Carte et le Territoire, on tombe sur une
énorme bourde, due évidemment à Houellebecq lui-même, mais qui semblerait prouver en outre
que, chez les éditeurs en général et chez Flammarion en particulier, les
livres sont relus par des gougnafiers, voire pas relus du tout. Voici
ce qu'on trouve : « Il se souvenait également [Jed Martin] de “La
force tranquille”, ce slogan inventé par Jacques Séguéla qui avait
permis, contre toute attente, la réélection de François Mitterrand en
1988. Il revoyait les affiches représentant la vieille momie pétainiste
sur fond de clochers de villages. Il avait treize ans à l'époque, etc. »
Or, c'est évidemment en 1981 que ce slogan a permis non la réélection
mais l'élection de Mitterrand. Que Houellebecq se soit emmêlé les
crayons, c'est tout à fait plausible, et même compréhensible ; ce n'est
en tout cas pas moi qui lui jetterai la pierre : d'un bout à l'autre du Chef-d'œuvre,
à propos de Charlie et de son père, j'ai imperturbablement confondu les
Kabyles avec les Berbères sans jamais m'en apercevoir, à aucun moment
de l'écriture ni dans l'une ou l'autre de mes nombreuses relectures.
Mais au moins, là, c'était une bourde que le correcteur des Belles
Lettres n'avait aucun moyen de détecter (Charlie, après tout, aurait
très bien pu être réellement kabyle…). Tandis que la confusion entre les
deux élections de “la vieille momie pétainiste” aurait dû sauter aux
yeux de n'importe qui, à plus forte raison d'une personne dont c'est le
métier de traquer ce genre d'absences. Du boulot de Berbère, quoi.
(Depuis
une semaine, je fais l'expérience de relire les six romans de
Houellebecq, dans leur ordre chronologique et sans la moindre
interruption entre chaque : lecture massive qui permet de dégager
quelques lignes de force, pas forcément apparentes en mode “lecture
courante”, et de constater que ces six livres sont fortement liés les
uns aux autres, chacun agissant comme une rampe de lancement pour le
suivant. Je parle de tout cela de manière plus développée dans le journal – parution prévue le 27
février – depuis quelques jours, mais ne pense pas que j'aurai la
patience de tout reprendre pour en faire un billet…)
Si je vous comprends bien, vous avez décidé de consacrer le reste de vos jours à Houellebecq, en allant traquer partout, jusqu'aux plus petits manquements dont il aurait pu, un jour ou l'autre, être la victime ?
RépondreSupprimerNe me dites pas qu'avec un tel programme il pourrait décemment continuer à faire semblant de vous ignorer ?
Comme il n'a écrit que six romans, vous m'accordez bien peu de jours, dans mon reste…
SupprimerVous voulez dire que je suis plus fort qu'un relecteur des Belles Lettres ?
RépondreSupprimerIl faut croire…
SupprimerLa bourde sur la "force tranquille", je l'avais détectée, sans mérite puisque j'avais déjà 27 ans quand je commis l'erreur de voter Mitterrand. Vous croyez que j'aurais mes chances chez Flammarion ?
RépondreSupprimerC'est une erreur que je partage avec vous, hélas.
SupprimerA notre décharge, nous baignions encore dans l’immonde jus gauchiste des années 70 auquel il était quasiment impossible d’échapper. Et surtout nous avions le choix entre Mitterrand et ça …
Supprimer@ Alain
SupprimerJ'ai connu pas mal de "décideurs" qui, en 1981, avaient voté Mitterrand. Soyez assuré que leurs enfants - pour peu qu'ils aient pu conserver le statut social de leurs parents - s'apprêtent aujourd'hui à voter Macron.
Car, comme dit l'autre, pour que tout change, il faut que rien ne change !
Eh oui, les décideurs aussi baignaient dans le jus gauchiste. Ça leur allait même très bien, comme le montre l’irrésistible ascension de bon nombre d’entre eux. Le gauchisme soixante-huitard fut une stratégie de conquête, d’une efficacité redoutable : comment résister à celui qui parle au nom du bien ?
Supprimer"ne pense pas que j'aurai la patience de tout reprendre pour en faire un billet"
RépondreSupprimerVous ne savez pas faire un copié-collé ?
Un extrait de journal transposé dans un blog ne devient pas, comme par miracle, un billet de blog.
Supprimerje me demande même s'il existe encore des correcteurs...comment avoir oublié cette phrase de Seguéla qui envahissait tous les murs en 1981.
RépondreSupprimerEt même s'ils n'étaient pas nés, je pense quand même que le directeur de collection lui l'était !
Sinon, tout comme Mildred je reste un peu perplexe de votre engouement pour Houellebecq au point de nous en parler aussi souvent.
Mais pourquoi pas après tout, et il faut bien que jeunesse se passe comme on dit ;) et en plus je le lis moi aussi, donc je ne vais pas m'en plaindre .
Houellebecq, qui a mon âge ou deux ans de moins, selon les versions, avait 23 ou 25 ans en 1981 !
SupprimerOui, mais lui ne bénéficiera pas de votre douillette retraite, à lire de bons livres tout en devisant agréablement avec votre fan club sur la Toile.
SupprimerCar ce que son public attend de lui, c'est bien sûr d'autres romans mais peut-être aussi, d'autres singeries médiatiques...
Ah mais cher Didier, Teresa Cremisi fait du business (aucune intonation péjorative dans ce mot) alors que les belles lettres fait (font?, si vous pouviez m'éclaircir sur ce point, pluriel compris comme un singulier par exemple, on écrit : les 7 samourai est un film japonais ou les 7 samourais sont une description du Japon médiéval, j'imagine que je vais me fier à l'oreille) de l'édition. Ça ne doit pas être le même métier. De plus, je lis Soumission en ce moment, pas mal, mais MH n'a pas trop la vista politique je trouve, écrire que FH serait réélu en 2017...et la droite atomisée. il y a 2-3 choses comme cela qui m'ont marqué, je le trouvais plus lucide sur l'avenir avant. Mais bon, j'ai l'impression que dans tous ces livres, il tue au moins 1 de ses parents voire les 2...
RépondreSupprimerJ'écrirais : « Les Belles Lettres (avec majuscules…) font… »
SupprimerPour le reste, vous avez raison : les parents font rarement de vieux os chez M.H. ! Cela dit, les femmes qui ont la malchance d'offrir une vraie histoire d'amour aux personnages principaux des romans ne sont pas mieux loties.
Quant à Soumission, je crois qu'il faut prendre la réélection de Hollande comme un présupposé sans importance, une façon d'envoyer le véritable récit dans un futur pas trop proche. Mais, ensuite, je trouve l'alliance avec le parti musulman pour barrer la route au FN, aussi bien à droite qu'à gauche, criant de vraisemblance.
mon personnage féminin préféré de MH, c'est la gonzesse de plate-forme qui offre tout à notre héros: sexe, argent, affection, amour?, puis qui se fait dégommer par des islamistes en Thaïlande. Elle ressemble un peu à celle de La possibilité d'une île, la redac chef de Elle, mais en plus sympathique, sans le côté magazine féminin, dans lesquels, je crois, il a officié.
SupprimerAffaire Pauline Fillon : 100'000 euros pour 2'500 signes, avouez que ni Houellebecq ni même vous ne font le poids...
RépondreSupprimerPardon 3'500 signes, j'avais oublié le pourboire dans l'addition...
RépondreSupprimerDans l'article de Marianne mis en lien par Jazzman, Marc Ladreit de Lacharrière, responsable de la holding propriétaire de la « Revue des deux Mondes » justifie être intervenu auprès du journal pour que ce dernier emploie Madame Fillon :
Supprimer"La revue voyait son chiffre d'affaires baisser chaque année. J'ai donc demandé à quelques amis et personnalités de réfléchir à son devenir, notamment en l'ouvrant vers l'étranger. Pénélope Fillon était de ceux-là. C'est une femme intelligente, elle a lu beaucoup de livres - dont deux résumés seulement ont été publiés."
C’est curieux d’expliquer avoir recours à des personnalités dans le but d’attirer de nouveaux lecteurs et faire ensuite en sorte que ceux-ci écrivent sous des pseudonymes complètement obscurs (Pauline Camille pour Pénélope Fillon).
jazzman, vous êtes indécrottable ! Quand vous mettrez-vous dans la tête, qu'ici, vous êtes sur un blog sérieux. Il s'agit de débattre des trahisons qu'a subies notre idole, quand ses éditeurs ont laissé passer des conneries sous sa signature !
SupprimerAlors ne venez pas nous troubler avec vos petites affaires de politique politicienne qui, selon l'expression con-sacrée, nous en touchent une sans faire bouger l'autre !
Ah ! non bien au contraire ! Toute une frange experte des fidèles de Maître Goux est avide des informations complémentaires apportées par Jazzman, avec le sérieux qu'on lui connaît. D'ailleurs certains paysages chez Houellebecq ne sont pas sans rappeler la surface lunaire...
SupprimerEh oh, on se calme au poulailler !
SupprimerParce que d'abord quand on ne comprend pas la référence codée au roman dont il est question, on met une sourdine à son pipeau.
Ensuite mes arguments sont adossés à la jurisprudence Barbara Schreyer amendement Lourde qui dit qu'en gros on peut écrire n'importe quoi pourvu qu'on y décèle une tendance outrageusement élogieuse.
Et finalement, je suis au coeur du sujet...
Bonus : Monsieur Goux s'intéresse beaucoup à la question de la rénumération/signe. Et toc.
rémunération
SupprimerC'est que c'est très important, la rémunération/signe ! Enfin, pour moi en tout cas…
SupprimerIl y a aussi L'échec de Michel Houellebecq.
RépondreSupprimerJe pense publier bientôt L'échec du Chef-d'oeuvre de Michel Houellebecq qui devrait cartonner sévère.
"L'Echec de Michel Houellebecq" a paru le 13 septembre 2016. Comment ne pas penser que son auteur a inévitablement choisi ce titre en référence à celui de M. Goux ?
SupprimerJ'ai dans l'idée que le livre de ce cuistre inopérant a eu autant de succès que le mien…
SupprimerJe proteste vigoureusement contre le fait d'être assimilée à un membre du poulailler. En effet, tous les commentaires succédant à celui de Mildred, 10:00, comprenant le mien et ceux de Jazzman, sont restés non publiés tout l'après-midi. Ainsi Jazzman en rédigeant les siens ne pouvait pas avoir connaissance du mien, ni de ce fait m'inclure dans le triste lot de la volaille. CQFD.
RépondreSupprimerJ'ai suivi le lien de jazzman qui m'a amenée jusqu'à la revue Charles censée publier les souvenirs du Palais Bourbon de Michel Houellebecq. Or dès la première phrase citée entre guillemets, donc présentée comme sortant de son auguste bouche, on lui fait commettre une faute. Comment a-t-on pu laisser passer ce : "MAIS ils se marient souvent entre eux", après lui avoir fait dire : "Les gens qui travaillent à l'Assemblée couchent souvent entre eux," ?
RépondreSupprimerIl ne peut y avoir aucun doute là-dessus : on lui en veut !
Heureusement qu'on croit comprendre que, comme Pénélope, il a eu quelques petites compensations.
Je ne suis pas certain d'être d'accord avec vous, à propos de cette "faute". Le "mais" peut très bien s'entendre comme une sorte d'ironie discrète : « Les gens qui, etc., couchent souvent entre eux, mais, par compensation morale, il se marient aussi souvent entre eux. »
SupprimerNe dit-on pas que le doute est le début de la sagesse ? En revanche, investir la tête de Houellebecq et raisonner à sa place, est-ce bien raisonnable ?
SupprimerQuand j'ai lu le texte d'origine, j'étais plutôt de l'avis de Mildred, mais j'ai seulement tiqué. L'interprétation gouxienne se défend, mais il manque le aussi pour qu'elle soit incontestable.
SupprimerReste la possibilité que les propos de Houellebecq n'ont pas été très bien retranscrits car il a peut-être fait une petite pose avant le mais. Ce qui expliquerait tout.
Là je crois avoir bien ménagé la chèvre et le Goux.
Elle bonne celle-là, non ?
Ce qui fait passer Mildred de gallinacée à caprin, c'est une promotion, car comme me l'a un jour expliqué un rude travailleur du sud tou attrapes lé pattes arriérés dé la chévre et tou les mé dans les poches de ta veste, et hop...
Je demande à tous les Suisses qui fréquentent ce blog de m'excuser si je vais être obligée de choquer leur pudeur calviniste, mais même jazzman ne me contredirait pas sur le fait qu'une procédure technique ne saurait être laissée dans le flou et l'aléatoire sans de grands dommages.
SupprimerOr, s'il avait expérimenté la méthode qu'il préconise, il se serait rendu compte que les pattes arrière dans les poches, ça ne marche pas !
Tout le monde, ce côté-ci des Alpes, sait que la bonne méthode pour arriver au bon résultat c'est : les pattes arrière de la chèvre DANS LES BOTTES, et hop !
J'aurais préféré éviter de prendre parti dans ce débat de f(i)ond, essentiel à mes yeux, mais je suis bien obligé de dire que la solution proposée par Mildred me paraît nettement plus réaliste, voire réalisable.
SupprimerLe journaliste et romancier Jérôme Leroy se livre, un peu, à la même expérience que vous. Lui, écrit : "...Cette époque qui a fait de Houellebecq un contemporain capital, on pourrait, pour l'instant, la borner avec deux romans de l'auteur : le premier, "Extension du domaine de la lutte), et le dernier en date, "Soumission"..."
RépondreSupprimerJe ne vais évidemment pas copier tout l'article de Valeurs Actuelles, mais sauter au dernier paragraphe : "Le régime islamique est, lui aussi, comme la partouze, la secte ou encore l'espèce d'utopie high-tech et décroissante à la fin de "La Carte et le Territoire", une voie comme une autre pour en finir avec la fatigue de soi qui forme sans doute l'unité à la fois secrète et aveuglante de l'œuvre de Michel Houellebecq. Une fatigue qui, on l'aura compris, n'a pas fini de scandaliser..."
Cela me semble particulièrement bien vu !