À Dominique L.
Je ne sais si le professeur Étienne Klein est déjà allé à Nohant, mais c'est là-bas que m'a été offert le petit livre qu'il a consacré à Ettore Majorana, personnage étrange et pénétrant, que lui-même, son biographe, ou plutôt son évocateur, qualifie de “physicien absolu” ou encore de “théoricien fulgurant”. C'est d'une quête qu'il s'agit, un “sur les traces de”, tant le génie sicilien, né en 1906, semble n'avoir pas eu de vie, ou si peu, si ténuement, en dehors du noyau atomique où s'ébattait son cerveau : peu d'amis, aucune femme, presque pas de publications scientifiques mais toutes majeures et si en avance sur leur temps que certains de ses neufs articles – pas un de plus – ne seront pleinement compris et utilisables que plusieurs décennies après leur parution.
Voici ce que son “patron”, Enrico Fermi, prix Nobel de physique en 1938, a dit de lui : « Dans le monde il y a plusieurs catégories de scientifiques : ceux qui font de leur mieux et ne vont jamais bien loin, et ceux, de premier plan, qui font de grandes découvertes, fondamentales pour le développement de la science [Fermi, sans fausse modestie, se rangeait lui-même dans cette seconde catégorie…]. Et puis il y a les génies, comme Galilée et Newton. Ettore était de ceux-là. »
Le 25 mars 1938, Ettore Majorana embarque sur le navire postal qui fait la navette entre Naples et Palerme ; le bateau lève l'ancre à dix heures et demie du soir et accoste en Sicile le lendemain matin à cinq heures et demie. Quelques lettres et un télégramme laisseront clairement entendre que Majorana a pris la décision de disparaître ; de fait, plus personne ne le reverra, ni vivant ni mort, sans que l'on puisse jamais avoir la certitude qu'il est encore l'un ou déjà l'autre. Le mystère de sa disparition ne sera pas élucidé. Mais les fulgurances de son génie restent une source vive pour les physiciens d'aujourd'hui.
On lira avec grand intérêt le livre du Pr Klein, dont la langue plutôt fluide gagnerait tout de même à être purgée de quelques scories. Ainsi, tel un vulgaire journaliste, le professeur semble croire que les mots éponyme et homonyme sont synonymes. Et, parfois, pris d'on ne sait quel esprit rond-de-cuir, il se met à renseigner les questionnaires au lieu de simplement les remplir. Ces petites embardées sont par chance peu nombreuses ; elles ne suffisent pas, en tout cas, à ternir la fascination qu'il nous communique envers son insaisissable modèle.
Cher Didier Goux
RépondreSupprimerAussitôt repéré... aussitôt commandé !
Je vous sais de recommandation sûre.
J'ai mis dans la même commande d'ailleurs, "le chef d'oeuvre de Michel Houelbecq" de vous.
Et aussi "Houelbecq, la vie Absente" de Jean Noël Dumont, mon prof de Philo de terminale, dont la pensée cinglante devrait vous plaire !
Merci de votre écriture, de vos découvertes dont vous savez nous faire part avec tant de passion, et pour votre amour pudique et sincère pour leurs auteurs, que vous exprimez si bien...
Eh bien, pour ne pas être en reste, je viens de commander le livre de M. Dumont…
SupprimerJe crois que Kant a raison quand il explique qu'un savant ne saurait être un "génie", au sens où il n'invente jamais rien qu'un autre n'aurait pu inventer, certes un peu plus tard. Si Newton n'avait pas existé, nous aurions tout de même fini par découvrir la gravitation universelle, tandis que si Mozart était mort-né, l'histoire de la musique aurait été radicalement différente.
RépondreSupprimerNe vous laissez pas séduire par cette mode toute moderne qui consiste à faire des scientifiques les êtres les plus séduisants, les plus extraordinaires, les plus fascinants qui puissent exister.
Si ça se trouve, c'est conscient de sa petitesse que votre nouveau héros a décidé de mettre fin à ses jours, malheureux de ne pas avoir écrit le Bateau Ivre ou composé Don Juan !
Vous ne croyez pas que l'âge vous a passé, des provocations adolescentes ?
Supprimer@ Marco Polo
SupprimerVous avez raison, toute découverte importante finit par être faite un jour ou l'autre; la preuve :
http://video.lefigaro.fr/figaro/video/on-sait-enfin-pourquoi-les-noeuds-de-nos-lacets-se-defont-tout-seuls/5395507297001/
Bonne citation, Marco, finalement Kant n'était peut-être pas si con que ça.
SupprimerAlors là, si MM. Polo et Jazzman opèrent leur jonction, on est foutu…
SupprimerLa jonction, et je dirais même plus, la conjonction Marco et jazzman, moi, ça me convient tout à fait !
SupprimerJ'ai refait les calculs de Majorana: il a tout faux.
RépondreSupprimerD'où le suicide, probablement.
SupprimerLire également le livre de Leonardo Sciascia, La Disparition de Majorana (éditions Allia) :
RépondreSupprimerhttp://www.editions-allia.com/fr/livre/574/la-disparition-de-majorana
La fin est intéressante, quoique totalement fantaisiste (à mon avis).
Klein arrive à la même conclusion que vous (ou vous que lui).
SupprimerJe ne confonds pas "éponyme" et "homonyme" et je remplis les questionnaires, c'est déjà ça ! Après, si tous les savants qui n'ont écrit ni le Bateau ivre, ni composé Don Juan, devaient se suicider ce serait tout de même une sacrée hécatombe, non ?
RépondreSupprimerSi Jard passait par ici, je voudrais lui dire que j'ai vu son commentaire sur le Vel d'Hiv' avant qu'il ne disparaisse, et que je suis tout à fait d'accord avec lui.
RépondreSupprimerJe me suis inquiétée de cette disparition et il m'a été répondu que votre commentaire était " critique et insultant à la mémoire du père Pierret". Je me suis fendue d'un autre e-mail précisant que de mon point de vue, il n'était ni critique ni insultant, mais que c'était "la constatation de cette évidence qu'un peuple vaincu et sous occupation, n'est plus maître de son destin."
Je demande à Didier de me pardonner de squatter si honteusement un site qui fait tout pour nous faire oublier les tristes aléas de notre sinistre campagne électorale.
Vous êtes pardonnée : allez en paix, ma fille, et ne péchez plus.
SupprimerMildred - Ah, ému que la charmante Mildred s'adresse à moi (tu veux m'épouser?). J'aurai mis une heure entre la lecture de son message et le retour de mon cœur à l'état normal. Je ne comprends pas l'intérêt de certains Juifs à suivre les âneries de la gauche et vomir les Français au moment où ils se font assassiner par les joyeux musulmans.
SupprimerJe crois que certains Juifs, hélas, ne se conçoivent que dans le rôle de victimes, ce qui fait qu'ils sont toujours à la recherche d'un possible bourreau.
SupprimerPour le reste, sachez cher Jard, que quel que soit mon charme, que d'aucuns jugent encore indéniable, j'ai dépassé depuis longtemps la date de péremption !
C'est marrant, j'ai potassé pas mal d'ouvrages concernant la physique quantique à une certaine époque, mais il me semble ne jamais avoir croisé le nom de ce physicien !
RépondreSupprimerJe vais donc me diriger vers l'arbitre des vanités Google pour en savoir un peu plus sur ce mystérieux génie...
J'étais dans le même état d'ignorance que vous… et le serais resté, sans le secours du bon docteur Pluton !
SupprimerJamais entendu parler non plus, mais s'il n'a publié que neuf articles ce n'est guère étonnant. Puisque ce domaine vous intéresse Didier, "la partie et le tout" d'Heisenberg est très intéressant et je pense accessible
SupprimerJe me méfie un peu des livres de savants "accessibles". Un peu comme des opérations informatiques qui, en principes, s'effectuent "en deux clics" et qui, chez moi, n'aboutissent jamais à rien. Mais bon : je vais voir ça…
SupprimerVous m'en voyez ravi mon Cher! Je comble moi même grace à votre aide mes lacunes historiques...Très bel ouvrage que cette "chute de l'empire romain" !
RépondreSupprimerEn tout cas excellent billet à la gloire de cet étonnant bonhomme. Si le surnom de Fermi était "le Pape", celui de Majorana alias "le grand inquisiteur" n'était pas volé: tous les calculs de l'institut étaient vérifiés par lui et... de tête!
En vous lançant dans l'étude des solistes de concerts de pipeau vous diminuez vos chances, déjà minces, de ne pas mourir idiot. Ne venez pas dire que personne ne vous avait averti.
RépondreSupprimerBon, puisque vous avez lu le livre et histoire de nous faire gagner à tous un temps précieux, vous allez avoir, je l'espère, la bonté de répondre à la question que tout le monde se pose : Majorana s’est-il suicidé, ou a-t-il fini sa vie à danser le tango ?
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