À cause de (ou grâce à) Michel Desgranges, je me suis mis à relire Barbey d'Aurevilly : en alternance Les Diaboliques
et ses articles de journaux. Pour ce qui est du premier recueil cité,
c'est effectivement très bien (et je tâcherai d'y revenir). Mais de là à trouver ça supérieur à
Flaubert, je persiste à ne pas être d'accord.
Quant à
ses articles de critique littéraire, il y a en effet une certaine
flamboyance, une acuité certaine, y compris dans la mauvaise foi, laquelle est évidemment réjouissante
quand elle rejoint la mienne (par rapport aux Misérables de Hugo,
par exemple). Néanmoins, il me semble qu'il a une fâcheuse tendance à tourner
indéfiniment autour du pot avant d'entrer dans le vif de son sujet, quand il y entre pour de bon. Dans
les moins réussis de ses articles, on a presque l'impression d'une sorte
de Juan Asensio, mais qui, évidemment, écrirait dans un français
étincelant au lieu de produire le magma bourbeux de l'autre zouave. Il y
a aussi de gênant chez lui que, à cette époque, il convenait de réduire Zola en miettes
selon les mêmes arguments convenus et ressassés à base de scatologie, comme le
faisaient les Goncourt, Daudet et quelques autres, et comme on en
retrouve la trace jusque chez Kléber Haedens qui, ce jour-là, aurait
mieux fait de reprendre un verre et de se taire. On reconnaît le
critique à courte vue de la fin du XIXe siècle à ceci qu'il ne comprend
rien à Zola ; lequel reste, en dépit de ses faiblesses, l'un des quatre
ou cinq grands romanciers de son siècle.
En général, je déteste lire les critiques. C'est un genre littéraire qui ne devrait même pas exister. C'est en tous les cas ce que je me suis dit quand j'ai lu : "il convenait de réduire Zola en miettes".
RépondreSupprimerCombien a-t-il existé, et existe-t-il encore d'écrivains qui n'auront pas trouvé leurs lecteurs parce qu'un jour, quelqu'un aura décidé de les "réduire en miettes" ?
Mais Zola avait de très nombreux lecteurs ! C'est peut-être, d'ailleurs, ce qui contribuait à agacer les dents d'un certain nombre de ses "confrères"…
SupprimerIl semblerait qu'Emile Zola lui rendait bien :
RépondreSupprimerVoici l'introduction d'une critique d'Un prêtre marié écrite par Zola en 1893 dans Mes haines, causeries littéraires et artistiques, et ayant pour titre Le Catholique hystérique :
Il y a des maladies intellectuelles, de même qu’il y a des maladies physiques. On a dit que le génie était une névrose aiguë. Je puis affirmer que M. Barbey d’Aurevilly, le catholique hystérique dont je veux parler, n’a rien qui ressemble à du génie, et je dois déclarer cependant que l’esprit de cet écrivain est en proie à une fièvre nerveuse terrible.
Oui, mais c'est Barbey qui a attaqué le premier. Et pas qu'une seule fois !
SupprimerSi Zola avait été antidreyfusard, tous les gens que vous citez l'auraient peut-être admiré comme romancier.
RépondreSupprimerNon.
SupprimerVous croyez que c'est un hasard si les gens que vous citez (Barbey,les Goncourt, Daudet, Haendels)étaient tous ce qu'on qualifierait aujourd'hui d'extrême droite, et, pour certains d'entre eux, d'antisémites affichés ?
Supprimerles amitiés ou les inimitiés de ces écrivains dépend peut-être aussi de la façon dont chacun se positionne vis à vis de la religion, notamment catholique.
SupprimerTrès bon billet.
RépondreSupprimerCela dit, il me semble que pour bien comprendre Barbey il faut le lire avec l'œil de Bloy, c'est-à-dire pas comme un lecteur "d'aujourd'hui" mais comme quelqu'un qui l'a connu et vénéré. Ce qui est magnifique, chez lui, c'est l'admiration qu'il a suscitée. Et sur ce point, Flaubert est un minable (être admiré par Maupassant, quelle misère !)
Je ne dirai rien de Zola, ne voulant pas sombrer dans l'insulte.
Béranger, à son époque, suscitait une admiration quasi générale : est-ce que cela fait de lui un grand poète ?
SupprimerJe ne pense pas que Bloy ait admiré Béranger. Ce n'est pas le fait d'être admiré qui compte, mais celui d'être admiré par un Bloy.
SupprimerCe que je voulais dire est peut-être plus subtil : dans nos goûts pour les écrivains il finit par entrer des éléments adventices, des combinaisons liées à la personnalité du lecteur. Pour moi, Barbey est inséparable de Bloy, il en est presque un personnage, et cela, je crois, le grandit. Dis moi par qui tu es admiré, je te dirai ce que tu vaux. Cela rejoint le fameux dessin de Charlie Hebdo (excusez-moi de faire monter d'un coup le niveau du débat), où l'on voit un Mahomet en pleurs s'exclamant : "c'est dur d'être aimé par des cons".
Dans le genre des écrivains à "redécouvrir" il y a le plus maudit encore Villiers de l'Isle-Adam.
Fort bien, mais est-ce que ça devrait fonctionner dans le sens inverse, selon vous ? Je veux dire : moi qui ai beaucoup de mal à supporter Bloy, est-ce que je devrais me mettre à moins aimer Barbey par contrecoup ?
SupprimerBref et pour tout dire, je trouve votre théorie un peu spécieuse.
Vu sous cet angle, peut-être...
SupprimerBonjour, je passe ici par hasard et me permets de réagir rapidement à votre article: j'avais une certaine estime pour Zola jusqu'à ce que je doive lire plusieurs fois de suite La Fortune des Rougon. Eh bien croyez-moi, Zola ne résiste pas à l'exercice: prose lourde, tartines de socialisme à chaque page, mépris simplet voire grotesque envers ses personnages représentant "le camp du mal" (prêtres, petits et grands bourgeois, gens de la réaction), des personnages qui ne sont que la caricature d'eux-mêmes, bref une littérature qui se veut un combat (combien lassant) et finalement pas vraiment de la littérature. A la troisième lecture le livre devient carrément ridicule. Ah oui, j'ai déchanté. Et puis j'ai lu sa prose intitulée "mes haines" et j'ai compris le bonhomme: mauvais, vicieux, politique. Un Maupassant à l'inverse se bonifie à chaque lecture. Son cynisme est aussi vrai que son amour de la vie, il ne se drape pas de vertu dans ses écrits, aucun personnage n'est ni ridiculement pur ni ridiculement dépravé comme chez Zola, la prose signale la lourdeur et l'envahisseme des choses mais ne les imite pas. Flaubert aussi, que j'ai aussi dû lire une dizaine de fois de suite pour mes élève, se bonifie suite à cet exercice. Pas Zola. Désolée. Cordialement.
RépondreSupprimerNous sommes, sur ce point, en désaccord radical. Ce qui, par ailleurs, n'a strictement aucune importance.
SupprimerSur quel point êtes vous en désaccord avec Unknown ? Personnellement, je suis d'accord avec lui pour trouver que Maupassant se bonifie avec l'âge (le mien, pas le sien) et j'ai de plus en plus de mal à relire Zola. Mais comme vous le dites, tout cela n'a strictement aucune importance.
SupprimerSur l'ensemble de ce qu'il dit de Zola, en fait.
SupprimerSelon l'alphabet de Tripoli, Z = 8, O = 6, L = 3, A = 1. 8 + 6 + 3 + 1 = 18. 6 X 3 = 18 (666). On retrouve le chiffre de la Bête jusque dans le nom de Zola. Voilà un auteur qui sent le soufre. Je comprends que Barbey d'Aurevilly ne l'aimait pas, lui qui était si sensible à la présence du diable.
RépondreSupprimerAvec le Zouave et Goux, on note que la littérature féline soubresaute encore un tout petit peu. (Tant mieux, même si la haute époque des Goncourt est bel et bien au fond de la fosse).
RépondreSupprimerCoup de griffe de Gros-Minet contre coup de griffe de Maître Léopard !
Les lecteurs auront la perspicacité de procéder à l'identification des griffeurs.