Qui est Serafín Fanjul ? Un historien arabisant et islamologue espagnol, qui semble faire autorité dans son domaine : je vous laisse aller consulter sa courte fiche sur le Wikipédia français. Ce qui nous importe, c'est que vient de paraître en français, réunis en un seul gros volume, les deux livres qu'il a consacrés à ce mythe en grande partie inventé à l'époque romantique, celui d'une Espagne arabisée qui aurait été, avant la lettre, un vrai petit paradis de vivre-ensemble, un parangon de tolérance religieuse, un précipité de bénévolence ; autant d'images d'Épinal que l'on peut encore se faire servir, presque quotidiennement, de nos jours, et avec d'autant plus de force qu'il importe davantage de persuader aux populations autochtones de l'Europe occidentale que des injections toujours augmentées d'islam leur seraient profitables et douces.
Fanjul n'a pas écrit un pamphlet, ni un manifeste, encore moins un tract : toutes choses qui seraient à peu près sans intérêt. Se servant d'une érudition vertigineuse, appuyé sur des sources encyclopédiques, imprégné par une longue et intime connaissance du monde musulman et de la culture arabe, il démonte un par un les arguments – qui confinent assez souvent au délire pur – des historiens et écrivains arabophiles, principalement espagnols (car le politiquement correct fait tout autant rage outre-Pyrénées qu'ici) mais pas seulement. Étudiant aussi bien la toponymie que la musique “folklorique”, l'architecture populaire que les us culinaires, les techniques de céramique que le vêtement, et d'autres champs encore, il met en évidence le peu de traces qu'a laissées l'invasion maure dans le substrat ibérique, goth et romain. Un chapitre entier est consacré au flamenco, dont Fanjul montre qu'il n'a jamais rien eu à voir avec la musique dite “arabo-andalouse”, ne serait-ce que chronologiquement puisqu'il est né plusieurs siècles après que les derniers conquérants eurent repassé le détroit de Gibraltar. Il met surtout en pièces cette fiction bisounoursonne d'une domination toute paternelle, qui n'aurait été que bienveillance envers les chrétiens et les juifs, et cela sans occulter les violences de la Reconquista. Si l'on suit Fanjul sur son terrain, la situation de l'Espagne musulmane faisait nettement moins penser à on ne sait quelle Arcadie qu'à l'apartheid sud-africain.
Dans la brève introduction rédigée pour cette édition francophone, Fanjul note que ses adversaires, ne voulant pas se risquer, ou ne le pouvant pas, à le contrer sur le fond, sur la masse de ses sources et références, sur les enseignements qu'il en tire, a choisi les attaques ad hominem, se contentant de lui coller sur le front toutes ces étiquettes, déjà bien délavées et supposées flétrissantes, qui se terminent généralement en “phobe”. Ce qui n'étonnera personne, de ce côté-ci de la Bidassoa.
L'intention de l'auteur est louable et sa science est certainement grande mais le livre est abominablement écrit ou traduit - sachant que je n'ai pas accès à la version originale pour trancher -. Et si je peux me permettre, dans la même ligne historique mais dans une très bonne langue, voir le livre de Dominique Urvoy, Averroès, les ambitions d'un intellectuel musulman, Flammarion, coll. Champs,1998
RépondreSupprimerJe vous trouve bien sévère ! Certes, la version française n'est pas un modèle, l'édition aurait de même méritée plus de soin. Mais enfin, je n'irais certainement pas jusqu'à "abominable" !
SupprimerMérité sans "e", gros abruti !
SupprimerBonjour Monsieur Goux :
SupprimerSans même attendre votre très estimable billet j'avais lu ce livre, et directement en espagnol. Longtemps, en élève obéissante et disciplinée, j'ai cru au mythe du "paradis" d'Al Andalus que nous assénaient les professeurs.
Mais le livre de Serafin Fanjul est une lecture absolument indispensable pour ouvrir les yeux sur toutes les illusions et stupidités que des hordes de profs d'histoire nous ont imposées à propos du "paradis" qu'aurait été "al Andalus". Surtout Fanjul va directement aux sources espagnoles et arabes d'époque alors que bien des laudateurs du pseudo paradis d'Al Andalus sont incapables de lire les textes d'époque et se contentent de rabâcher des textes de seconde main.
Dans ce cas, vous allez pouvoir nous dire, à M. Pellet et à moi-même, si ce livre est bien ou mal écrit en espagnol, et si on doit imputer les quelques errements de la version française au traducteur (version Pellet) ou à l'éditeur (version moi).
SupprimerJe n'ai qu'un avis de lecteur de "base" mais, avant la lecture, j'avais un peu peur de m'y mettre, un peu comme avant de commencer un roman russe, l'épaisseur du pavé impliquant de prendre une large inspiration avant de se lancer dans la lecture. Je craignais aussi, parce que l'auteur à une réputation de sérieux et de rigueur, bardé de diplômes et de titres universitaires prestigieux, que la lecture allait être compliquée, voire carrément incompréhensible.
SupprimerEn fait l'auteur fait vraiment oeuvre de pédagogie : il ne veut pas s'adresser à une élite mais veut vraiment que son propos soit clair, compris par tous, même d'une buse dans mon genre. Il avance des arguments qui sont solides et c'est vrai que dans le texte en espagnol il y a parfois des redites. Mais je ne pense pas que ce soit un défaut de style dans ce cas, c'est plutôt voulu par l'auteur, comme pour insister sur ce qui lui semble vraiment important. Comment dire ? L'auteur veut mettre fin à l'idéalisation d'al-Andalus et c'est comme une sorte de Don Quichotte (désolée mais je ne vois pas de meilleure image)armé de paroles et d'arguments parfois un peu lourds qu'il se lance contre ce mythe épais comme une citadelle de Vauban.
Pour conclure c'est une lecture qui est, même avec ses défauts, pleine de souffle.
(mais je ne suis pas critique littéraire alors je ne sais pas si ça vaut grand chose ce que je vous écris.)
Mais si, c'est intéressant : cela prouve que certains des défauts que M. Pellet et moi avons repérés peuvent être imputés à l'auteur, et non tous à son traducteur ou à son éditeur français.
SupprimerVoilà qui est fort rafraichissant, une bon conseil de lecture en cette fin d'année, période de cadeaux.
RépondreSupprimerJe prends note; merci Didier.
Quand on peut rendre service, n'est-ce pas…
SupprimerDu reste, Fanjul fait, dans son introduction, explicitement référence à Gougenheim.
RépondreSupprimerListe (non exhaustive) des lieux et places où le vivre-ensemble avec l'islam est une réussite:
RépondreSupprimerBeau trvail ! Je ne vois rien à y ajouter…
SupprimerJe vais vous envoyer Ramirez.
RépondreSupprimerIl est toujours le bienvenu, vous le savez.
Supprimer"Quand Emmanuel Macron dit que ceux qui expliquent que l’islam a voulu éradiquer les autres religions sont des menteurs, il déconne complètement !"
RépondreSupprimerLuc Ferry
La vidéo est là :
https://t.co/VtQ4LAjpmM
Mais a-t-on vraiment besoin de Luc Ferry ?
SupprimerSi Luc Ferry a vraiment dit ça,vous remarquerez le relâchement de la langue qui n'est pas accidentel;Juppé,Macron s'expriment,de temps à autre,comme des charretiers,en public: Ils pensent que le peuple s'exprime de la même manière et qu'on passe pour cool et populaire quand on croit parler comme lui.
SupprimerFabius descendait acheter ses croissants en chaussons et mal rasé;ces messieurs n'en ont "rien à foutre" ou "emmerdent les cons"...
Vendémiaire.
Même propagande avec l'Islam d'Al Andalous aujourd'hui,où le sceptique est ramené au terme infamant d'islamophobe que pour le communisme de naguère,lorsque le critique qui émettait quelques doutes sur les paradis socialistes de l'URSS ou de la Chine maoïste, était traité par Sartre de chien et de fasciste...
RépondreSupprimerVendémiaire.
D'ailleurs, vous noterez que ce sont les mêmes. (Je veux dire : la même famille idéologique.)
Supprimerle communisme et le socialisme ayant échoué, le gauchiste a trouvé leur remplaçant idéal (d'autant que la plupart des adeptes de cette religions ressemblent a des damnés de la terre) l'islamisme qu'il soit "modéré" ou pas
SupprimerMerdum ! Ne l'ayant pas enregistré aussitôt, je ne puis mettre ici le lien (Causeur, je crois) de l'article sur le prêtre argentin, et jésuite, dont vient de paraître une réédition, et qui siégerait en bonne place entre Fanjul et Davila. Vos sources sauront sûrement vous renseigner.
RépondreSupprimerJ'ai vu cet article oui (je crois aussi que c'était dans Causeur) ; j'ai même failli le commander, mais finalement j'ai trouvé que 26 € pour un livre d'à peine plus de deux cents pages, c'était un peu cher payé : je vais attendre qu'on le trouve d'occasion. (Je deviens raisonnable, l'âge venant…)
SupprimerL'âge (d'être raisonnable, bien sûr) n'étant toujours pas venu, pour moi, je me ferai un plaisir de vous le faire suivre si 1) je l'acquiers, et 2) le lis. Calant depuis peut-être plus de dix ans sur deux volumes de Girard, je ne puis cependant rien promettre quant à l'exécution des deux conditions.
SupprimerDe quels Girard s'agit-il ?
SupprimerMensonge romantique et vérité romanesque et le bouc émissaire, si votre question porte sur les titres. (Si elle porte sur l'auteur, ou les auteurs, je ne connais -de nom- que l'universitaire, et l'entraineur du FCNA, dont j'ignore s'il a été publié.)
SupprimerCelui-ci ?
SupprimerMensonge romantique est son premier livre, et c'est celui par lequel il faut à mon sens commencer : c'est sans doute l'un des plus pénétrants et brillants essais de critique littéraire de la seconde moitié du siècle passé. Cela dit, Le Bouc émissaire est aussi l'un de ses quatre ou cinq ouvrages fondamentaux ; et rien n'empêche de commencer par lui.
SupprimerTout cela m'évoque le magnifique ouvrage d'Aragon, "Le Fou d'Elsa" qui se déroule à Grenade, dans l'Andalousie de la conquête des Maures, vers 1492. Plus jeune, cela m'avait paru un pur joyau...
RépondreSupprimerJe pense que l'Espagne d'Aragon doit faire partie de cette vision "folklorique" et totalement fausse que dénonce Fanjul. Déjà, ce que vous en dites est très bizarre : la conquête des Maures, en 1492 ? À cette date, l'Andalousie – moins le royaume de Grenade qui d'ailleurs n'en faisait pas partie – avait été "reconquise" depuis plus de deux siècles.
SupprimerJ'avoue que je vous admire un peu : vous farcir un pavé pour apprendre ce que vous savez déjà, à savoir que le vivre-ensemble avec l'islam est un mythe et l'a toujours été. Je ne doute pas un instant de la qualité de l'ouvrage mais je n'ai pas le courage de m'y coller. D'autre part, il est absolument certain que les imbéciles vivrensemblistes n'en tiendront aucun compte et continueront de chanter leurs niaiseries en les présentant comme des vérités. A la rigueur, ils en deviendront moins "pédagogues" et, devant la valeur de la réfutation qu'on leur adresse (à supposer qu'ils aient connaissance de celle-ci), ils passeront à la vitesse supérieure et feront une loi interdisant de contester l'âge d'or islamique. Ce qui fait de votre Fanjul un dangereux personnage !
RépondreSupprimerJe le savais déjà, sans doute. Mais il n'est pas mauvais de voir une pluie de faits dûment documentés venir au secours de la vérité. Pour le reste, je crains que vous n'ayez raison…
SupprimerAl-Andalus, ce n'est pas cette opération de propagande islamique de l'Education nationale ?
RépondreSupprimerPetit problème tout de même. Si l'on en croit les origines des structures familiales de Todd, ces cultures sont, dans l'ordre de l'évolution, devant nous. Évidemment, on peut difficilement l'entendre. Pourtant, le raisonnement de Todd se tient. J'y souscris.
RépondreSupprimerAlors, grosse involution ?